finding a place to call home ∞ Ally & Circé

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FINDING A PLACE TO CALL HOME
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@ally carmichael & @circé dewitt

Une grande maison était faite pour accueillir du monde, c’était ainsi que Nina voyait son domaine, de son vivant. Ma grand-mère, d’une générosité qui m’avait toujours pris au cœur à chaque fois que j’en avais été témoin, avait offert son toit à de nombreuses personnes, souvent écorchées par la vie, brisées. J’en avais moi-même fait partie. Neuf ans plus tôt, quand mon père m’avait chassée de notre maison à Londres, j’étais venue me réfugier à Bowen, chez Nina. Je m’étais relevée grâce à elle, j’étais devenue la femme que j’étais aujourd’hui. Sa maison était un cadeau, et j’espérais en être digne. Les plus grandes pièces de la maison étaient en rénovation, la bâtisse était ancienne et avait besoin d’un gros coup de neuf, mais l’arrière avait été complètement refait. L’accès se faisait à travers un petit bois au milieu duquel passait un petit cours d’eau. Clefs en main, je passai sur un petit pont. À ma suite, une jeune femme et son fils de trois ans. J’avais posté une annonce pour louer à bas prix cette partie de la maison, elle y avait répondu presque aussitôt. Nous débouchâmes finalement sur la maison et sa porte arrière que j’avais fait peindre en vert forêt.
— Et voilà, c’est ici ! déclarai-je en incérant la clef dans la serrure, c’est le seul accès, le reste de la maison est complètement séparée. Ce n’est pas grand, mais c’est très cosy, et comme vous l’avez remarqué, la route est assez loin, c’est plutôt calme ici. Cette partie du jardin vous est complètement réservé, il donne sur le pré de mes chevaux, autrement dit, vous n’avez pas à craindre le bruit du voisinage. On entre ? dis-je en désignant la porte derrière moi.

L’hôtel commençait à gruger pas mal de mes économies des dernières années. Je me retrouvais sans beaucoup de finances et il commençait à être temps de chercher autre chose que l’hôtel... Un appartement, une maison, je n’étais pas trop regardante à ce niveau. Le seul point non-négligeable était que j’avais Maxwell avec moi à temps plein. De recommencer à vivre à Bowen, ça n’allait pas être évident. Je devrais lui trouver une garderie, lui faire une chambre, monter certains meubles. Le dernier point ne me stressait pas plus que ça, Isaiah allait très certainement accepter de m’aider. Puis, il y avait moi. Oui, oui, moi. Ça ne me faisait pas un pli de dormir sur un matelas sans base de lit, j’espérais simplement que ça ne serait pas aussi long. Puis, je savais que la somme de l’héritage de ma mère me viendrait en poche éventuellement. Ce n’était qu’une question de temps.

Je suivais la jeune femme avec Maxwell sur les talons. Je tenais la main de ma progéniture en avançant toujours. Cela ne semblait pas perturber l’herboriste. La porte était vert forêt, ça me marquait, l’ambiance naturelle aussi. Je m’y sentais déjà presque chez moi ou du moins, je m’y sentais si zen. Je regardais autour de nous en hochant la tête et j’entrais alors que Max s’attardait sur un petit étang non loin en pointant les grenouilles. Je riais doucement et je le laissais s’amuser puisque je devrais parler de choses sérieuses avec la propriétaire. « Woah. » soufflais-je. C’était petit, mais suffisamment grand pour nous deux. Il y avait suffisamment de rangement. Après tout, il ne me restait plus grand chose si ce n’était que des loisirs de mon fils. « Ça serait parfait. » dis-je en imaginant tout prendre place. Je me retourne vers Circé. « La seule chose, c’est que j’attends une somme d’argent suite au décès de ma mère. Je ne pourrais pas vous payer avant de la recevoir. » Admis-je alors en la regardant semi-désolée de lui faire perdre son temps. « J’ai des références de New York et on me connaît bien dans la ville. » C’était vrai, on me connaissait. « Je peux signer un formulaire de légalité sans problème. » m’empressais-je d’apporter, limite angoissée.

La visite de l’appartement indépendant se déroulait parfaitement. La maman, aussi bien que le petit garçon, semblait apprécier le lieu, ce qui ne pouvait me faire plus plaisir. Cet endroit était chez moi, j’aimais le rendre agréable et s’il pouvait l’être pour d’autres personnes, alors c’était parfait pour moi. Je ne connaissais pas encore cette jeune femme, je ne savais pas quelle était sa vie, et si elle élevait seule un enfant si jeune, je devinais qu’elle n’avait pas forcément été un parterre de roses. Quand elle parla du décès de sa mère, j’eus une image un peu plus claire. Peut-être était-ce la raison pour laquelle elle cherchait un logement, elle avait sans doute du déménager pour gérer la paperasse. Ces choses là, je le savais par expérience, demandait du temps et beaucoup d’investissement. Elle me parlait d’argent, mais en réalité, ce n’était absolument pas ma priorité quand j’avais décidé de mettre en location cette partie de la maison. Je ne cherchai pas à m’enrichir et encore moins à appauvrir une autre personne. Un sourire bienveillant sur le visage, je tentais de l’apaiser.
— Il n’y a aucun problème, lui promis-je, je suis profondément désolée pour votre maman, j’espère que cet endroit saura vous apporter du réconfort. Pour le loyer…vous me paierez quand vous pourrez. Il n’y a rien qui presse.

Alors que je me confondais en excuses et en mille et une solutions, la jeune femme me confiait qu’il n’y avait aucun problème et d’un seul coup, des tas de roches lourdes venaient de tomber à mes côtés et non plus sur moi. Je soufflais librement, enfin un peu plus. « J’étais plus proche de mon père. » avouais-je donc en hochant la tête en guise de remerciements. « J’espère aussi. Ma priorité est mon fils, mais si le réconfort est présent, ça risque d’être beaucoup plus facile. » admis-je à cette inconnue avec qui je développerais un lien fort. « Quant aux invités, j’imagine qu’ils sont tolérés? » demandais-je donc en pensant notamment au père de Maxwell, mais aussi un peu à Henri. Isaiah sans doute aussi. La femme me rassurait en me disant qu’il n’y avait pas d’urgence et je soufflais. « Mille merci, et soyez sans craintes. Je suis une femme de paroles. » Je la regardais et je regardais autour de nous. « La décoration est magnifique. » dis-je avec douceur. Cette parcelle de maison serait parfaite, infiniment parfaite pour Max et moi. Il ne restait qu'un détail à valider... « Et les animaux? » En effet, je ne m'imaginais plus vivre sans Cinnamon, mon petit chien, mon deuxième enfant.

Je vis les épaules de ma nouvelle locataire s’affaisser, comme si un poids venait d’être delesté. Cette jeune femme, en effet, devait avoir de lourdes charges à porter, et seule sans nul doute. Son fils n’était pas vieux, et gérer un décès n’était jamais chose aisée, quand bien même elle prétendait se sentir plus proche de son père que de sa mère, la charge mentale n’en était pas moins importante. J’étais ravie de lui permettre de rayer une ligne de sa to-do list probablement bien remplie. Trouver un logement, c’est fait. Les questions de la jeune femme fusaient à toute allure, témoignant de son caractère anxieux. Elle avait besoin de calme, c’était évident. J’avais bon espoir que ma maison sache lui apporter cela.
— Bien sûr, amis, animaux…, c’est chez vous ici. Ou devrais-je dire, chez toi. Je pense qu’on peut se tutoyer, si tu n’y vois pas d’inconvénient ; Pour le loyer, je te fais entièrement confiance, tu commenceras à me payer dans six mois, considère cela comme un cadeau de bienvenue.

Je réalisais que je parlais beaucoup de moi et beaucoup de ce qui se passait actuellement. La femme poursuivait en m’autorisant mon chien et mes amis. J’esquissais un sourire, c’était tout simplement parfait. « Oui oui, absolument! Un énorme merci! » Dis-je les yeux remplis d’étoiles. « Et toi, tu fais quoi dans la vie? » que je lui demande un peu curieuse en sachant que Maxwell était à l’extérieur en train de s’amuser avec les grenouilles et que j’étais avec elle. « Tu n’as pas d’enfants? » demandais-je surtout pour confirmer plutôt que demander. Parce que j’aurais clairement vu des jouets ou un signe quelconque d’enfant dans le coin, ce qui n’avait pas été le cas jusqu’ici.

J’avais trente an passée, et il semblait naturel à ce qui ne connaissait pas mon mode de vie de me poser la question des enfants. Je ne m’en offusquai jamais, ce n’était pas méchant en général, c’était juste…la norme. Je ne vivais pas dans la norme, ce que peu de gens pouvais appréhender. Je souris à ma nouvelle locataire.
— Non, je n’ai pas d’enfants.
Je laissai ma phrase en suspens, le temps de trouver une formulation juste pour lui expliquer que couple, mariage, bébé, n’était pas dans mes projets, qu’ils ne le serait jamais.
— Je vis pour moi, expliquai-je simplement, je ne suis pas en couple et ne cherche pas à l’être. J’aime éperdument, beaucoup…mais disons que je n’envisage pas les relations humaines comme la plupart des gens. Comment s’appelle ton fils ? Si tu es ici, seule, avec lui, c’est qu’il n’y a pas de père j’imagine ? Ne réponds pas si ma question te gène. Sache que tu ne seras jamais jugée pour quoi que soit avec moi, j’accueille les gens comme ils sont.

Je posais surtout la question par curiosité. Peut-être que Maxwell aurait pu avoir un ami pas très loin?! La femme me confirmait que non, elle n’en avait pas. Je hochais la tête positivement. « Ce n’est pas une obligation. » dis-je alors simplement. Si je n’étais pas tombée enceinte à l’époque, sans doute n’aurais-je pas d’enfant à l’heure actuelle. Elle m’expliquait qu’elle vivait pour elle, je hochais la tête positivement. C’était bien noble. La femme poursuivait en expliquant que l’amour et les relations étaient différentes. « Et donc, les relations sont impossibles? » demandais-je avec une mine philosophique, plus intriguée qu’autre chose. « Il s’appelle Maxwell. On l’appelle tous Max, c’est une petite créature très attachante. » dis-je avec un grand sourire en m’émerveillant une fois de plus sur mon fils. Je devais être l’une des mères les plus incroyablement décourageante du monde. « Il en a un... Mais il l’ignore. » admis-je simplement. « Non, t’en fais pas. Je suis un livre ouvert. » C’était vrai, rarement les questions m’offusquaient. Les affirmations me blessaient plus souvent. Je me raclais la gorge. « En fait, il n’était pas prévu. Je suis partie de Bowen y’a environ 4 ans... J’me suis retrouvée à New York avec un polichinelle dans le tiroir sans même le savoir. » J’émettais un petit rictus. « Turn out que c’est la plus belle surprise de ma vie. » Je découvrais maintenant le monde au travers des yeux d’un petit garçon.

Ce n’était pas une obligation, évidemment. Malgré tout, j’évitai de dire que je ne voulais pas d’enfants. Non pas parce que j’avais honte de mes opinions mais surtout parce que je n’avais pas envie de m’entendre dire que je finirais pas changer d’avis un jour. Les femmes et leurs besoins maternels, vous voyez ? Non, je ne voyais pas. J’avais un instinct maternelle, je ne le niais pas, et j’aimais les enfants, je ne voulais simplement pas en engendrer, cela ne correspondait tout simplement pas à mon mode de vie. Je savais, bien évidemment que la jeune femme ne porterais aucun jugement sur moi, mais je ne voyais pas non plus l’intérêt d’aborder le sujet.
— Les relations ne sont pas impossibles, expliquai-je, elles ne sont simplement pas codées, ni limitées. Elles sont infinies au contraire. Je ne m’interdis pas d’aimer, j’ai de l’affection pour tous mes amants et mes amantes, mais je ne souhaite pas nécessairement officialiser quelque chose. Ce n’est pas moi.
D’un geste de la tête, je l’invitai à me suivre dehors, où nous retrouvâmes son fils, jouant dans le jardin.
— Max, c’est mignon, dis-je quand la jeune femme m’appris le prénom de son petit garçon, toi c’est Ally, je crois ? Tu as signé le sms comme ça, lorsque tu as pris rendez-vous. Moi c’est Circé, tu peux m’appeler Cy.
Elle me raconta ensuite comment elle avait fini par tomber enceinte, par hasard, en fait, avec un peu qui ignorer sa paternité, et combien elle était heureuse d’avoir eu son fils. Je n’avais pas de mal à le croire, le petit me semblait adorable. Il avait les mêmes cheveux, couleur de feu, de sa mère.
— Retour aux sources, alors ? notai-je, Même si les circonstances de ta venue ici sont triste, j’espère que tu trouveras un peu de bonheur à Bowen. Tu comptes rester ?

La femme poursuivait ses explications que je trouvais songées. Je hochais la tête, attentive à ce qu’elle me disait. La femme mentionnait amants et amantes alors je me doutais que je pouvais retrouver un peu tous les genres dans le coin. « C’est parfait, tu profites du beau et du bon tant que c’est là sans cassage de tête. » J’approuvais et je devrais peut-être même appliquer le tout dans ma vie à moi. Elle disait que c’était mignon Max et j’esquissais un sourire. « Merci. » Elle poursuivait en me soulignant le nom. Je hochais la tête. « Ally est le diminutif d’Alexandria, mais je me sers jamais de mon prénom complet. » Ma mère s’en servait... C’était bien la seule. Elle et les papiers officiels. « Circé, comme... Cersei Lannister? » que j’répète en échappant un petit sourire. Visiblement, toutes les deux n’avaient aucunes autres similitudes jusqu’à maintenant. « Cy, alors c'est parfait. » Dis-je avec un sourire. La femme me demandait si c’était un retour aux sources. Je grimaçais. « Un peu de force, le retour, mais on peut dire ça comme ça. » Je hochais la tête positivement quant à sa demande de bonheur. Quant à son autre question, je ne savais trop quoi répondre pour le moment. « J’imagine que son père voudra apprendre à le connaître. » Dis-je en désignant mon fils du menton. « Puis, j’ai retrouvé quelques amis alors ça va. » Dis-je en ayant une pensée pour Isaiah ainsi que pour Henri qui occupait bien mes pensées ces jours-ci.

J’aimais ma vie, cette légèreté que j’avais choisie. Pour rien à monde je ne souhaitais en changer, pas même pour une famille nombreuse. Je ne détestais pas l’idée de vieillir avec une personne aimée mais je ne voyais pas pourquoi je devais me limiter. C’était le rêve de beaucoup, pas le mien et j’étais parfaitement à l’aise avec cela.
— Oui, c’est un peu ça, je profite des beautés que la vie peut m’offrir, sans vraiment me poser de questions.
Je ne pus m’empêcher de rire quand elle compara mon prénom à celui de la reine Baratheon, ou Lannister, enfin…la mégère sur le trône de fer.
— Circé comme la déesse grecque plutôt, fille d’Helios, mais j’avoue que la prononciation est proche de celle de Cersei…rassure-toi, je ne traite pas mes invités de la même manière qu’elle.
Nous plaisantâmes quelques instants sur le personnage de Game of thrones, puis nous abordâmes le sujet du père de son enfant.
— Tu l’as mis au courant ? demandai-je, comprenant que c’était un sujet sensible. C’est bien que tu aies retrouvé des amis ici, ceci dit, tu te sentiras sans doute moins seule. Tiens, d’ailleurs, ça te dis de passer de mon côté de la maison ? J’ai fait infusé une vodka au romarin et je suis la reine du cocktail ! J’ai aussi des fruits frais pour faire des smoothies au petit.

La philosophie de Circé était intéressante et inclusive. Elle semblait bien vivre avec ses choix et ses décisions et n’était-ce pas là le principal? Il fallait vivre la vie pour nous même et ne pas se casser la tête avec le reste. « Si tu es heureuse, c’est l’essentiel. La journée où tu seras malheureuse, tu pourras te questionner, pas avant. » Commentais-je. Ma nouvelle propriétaire poursuivait en me parlant de la déesse grecque... Voilà que je venais de prouver à quel point je n’avais aucune culture en matière de mythologie grecque. « Voilà qui me rassure! » Je pouffais de rire. Cersei Lannister avait certainement un cœur pour ses enfants ainsi que pour elle-même, c’était bien tout. On changeait de sujet rapidement concernant mon fils. « Oui. Et ça s’est pas très bien passé. » Concluais-je maladroitement. D’un côté, c’était normal. Si on me faisait tout ça au sens contraire, j’aurais été pire que la Lannister dont on parlait un peu plus tôt! Elle me proposait de tenter ses cocktails et je hochais la tête avec un sourire aux lèvres. « Avec plaisir! C’est très gentil de ta part! » Ça et puis, je n’avais jamais gouté de vodka au romarin alors pourquoi pas?! J’étais certaine que Maxwell serait tout aussi partant que nous. « Chaton, tu viens? On va prendre un smoothie! » Et voilà qu’il accourait mon petit estomac sur pattes. « Smozzzie! » répétait-il en riant. « Tu as des animaux? » lui demandais-je curieuse.

La question du bonheur était propre à chacun. On ne trouvait évidemment pas tous notre compte dans les mêmes choses, et c’était tant mieux. En ce qui me concernait, j’essayai de faire en sorte de l’effleurer chaque jour, de me laisser surprendre, et jusqu’ici cela marchait plutôt bien.
— Crois-le où non, mais cela fait neuf ans que je n’ai plus été malheureuse.
C’était le constat que je faisais. Depuis que j’étais venue vivre en Australie, depuis que Nina m’avait permis de me connecter à la personne que j’étais réellement, par le chamanisme, d’abord, puis en me guidant vers la voie qui était la mienne, l’herboristerie, la boutique, ma marque de cosmétiques et soins…je ne m’étais jamais sentie plus en phase avec moi que depuis que j’étais ici, à Bowen. Depuis que je m’étais libérée des carcans qu’on m’avait imposés à ma naissance. Bien sûr, je n’avais pas été heureuse tout le temps, il y avait eu aussi des moments de tristesse, de doute mais j’avais appris à les accueillir comme une partie intégrante de moi-même, je n’avais jamais plu lutter contre mes sentiments. La tristesse n’est pas le malheur, je l’avais compris au contact de Nina. Alors oui, cela pouvait paraître étrange de le dire, mais je n’avais plus connu le malheur depuis un très long moment.
— Et le petit Max, comment réagi-t-il par rapport à son papa ? Il est trop petit pour réaliser les choses, j’imagine.
Nous traversâmes le pont au dessus du cours d’eau dans l’autre sens, puis longeâmes la route pour retrouver, un peu plus loin, la partie centrale de la maison de Nina, celle que j’habitais et qui était encore un peu en travaux.
— Eh bien, il y a les chevaux, répondis-je à Ally quand elle me demanda si j’avais des animaux, il y a deux juments, et un cheval. Je les monte de temps en temps, mais c’est principalement un ami palefrenier qui s’en occupe pour moi. Tu le verras peut-être parfois travailler avec les chevaux depuis le jardin, le pré jouxte ta partie de la maison. J’ai quelques chats, sauvages pour la plupart, ils vagabondent un peu sur la propriété, et à la maison, j’ai une petite furette, Alba. Je prévois d’acheter deux ou trois chèvres pour me débarrasser de quelques ronces qui envahissent mon terrain aussi. Et toi ? J’imagine que si tu m’as posé la question tout à l’heure, c’est que tu as des animaux.

Neuf ans sans malheur! Je ne pouvais que lui offrir un grand sourire. « J’commence à croire que je devrais faire comme toi. Les 9 dernières années n’ont pas été faciles. » Commentais-je en soupirant moi-même devant toutes les situations rocambolesques que j’avais vécu jusqu’à tout récemment. Lorsqu’on pouvait accueillir toutes les émotions aussi facilement que Circé le faisait, c’était bien plus facile. Je me rappelais d’ailleurs que j’aurais besoin d’un bon coup de pouce au niveau de mon yoga et de ma méditation. Elle questionnait concernant Max et je soupirais en m’envoyant les cheveux par derrière. « Il n’est pas au courant. Mais il commence à se rendre compte que ses amis ont des papas et que lui, c’est pas tout à fait le cas. » J’omettais de mentionner que mon fils se cherchait un papa régulièrement au travers des hommes, mais était-ce bien important de le mentionner? Je suivais Circé patiemment alors qu’elle m’expliquait les chevaux. Je hochais la tête, compréhensive. « Waouh. J’ai bien hâte de voir les chèvres! » Dis-je en me doutant que mon fils adorerait ça aussi. « On a un chien. » dis-je avec un sourire. « Cinnamon! » que mon petit homme se plait de mentionner avec un grand sourire. « Un des chiens les plus doux que j’connaisse! » dis-je pour la rassurer. Il ne serait pas bien efficace à côté de chèvres, mais c’était tout de même un petit estomac sur pattes. « Sinon, tu es originaire de Bowen? » que j’me demande, elle ne me disait rien.

Le malheur, je l’associais à mon père. C’était du moins son visage qui, instantanément, venait se coller à mes rétines quand j’évoquais ce terme et pour cause, les années passées près de lui n’avaient été que frustrations, restrictions et tout un tas d’autres mots en –tion qui m’avait cloisonnée plus de vingt ans dans une enveloppe qui ne me ressemblait pas. Cela faisait neuf ans que j’avais osé lui tenir tête, que j’avais osé m’épanouir, faire voir mes couleurs, ma vraie nature. Cela faisait neuf années que j’étais née tout simplement, et cela me rendait heureuse chaque jour. Je m’estimais extrêmement chanceuse de m’être découverte si jeune, certains mettaient des décennies avant d’y parvenir, d’autres ne se rencontraient même jamais. Oui, j’étais chanceuse, j’en avais bien conscience. Pour cela, pour cette vie, j’étais pleine de gratitude.
— Ces années sont derrière toi maintenant, rassurai-je ma nouvelle amie.
C’était le credo que j’avais appliqué moi-même des années en arrière. Le passé devait rester la où il était. On ne devait pas l’oublier, bien sûr, car il nous avait forgé, et même les épreuves avaient du positif à nous apporter, mais nous ne devions pas le laisser nous parasiter. Malgré tout, la jolie rousse avait un rappel de son passé qu’elle pouvait difficilement occulté. Mais là encore, ma théorie s’appliquait. Des épreuves, des difficultés, de la douleur et des erreurs pouvait jaillir un vrai bonheur. Son fils en était le parfait exemple. Elle m’avoua qu’il n’avait pas encore réellement conscience de la situation par rapport à son père, et c’était bien normal. Il était encore très jeune et n’avait pas à s’encombrer de ce genre de préoccupations. D’ailleurs, le petit ne s’infiltra dans notre conversation qu’au moment où nous parlâmes du chien.
— Cinnamon ? répétai-je en me penchant vers l’enfant avec un grand sourire aux lèvres, quel joli nom ! Il me tarde de le rencontrer !
Puis je me tournai à nouveau vers la mère.
— Il sera très heureux ici, affirmai-je, en général les animaux prennent assez vite leur aise.
Cela valait aussi pour les humains. La maison de ma grand-mère était un vrai petit coin de paradis. Nous arrivâmes dans mon jardin, je les invitai à s’asseoir dans le petit kiosque en fer forgé et alla chercher les boissons. Je revins avec un smoothie à la fraise et à la banane pour le garçon et avec deux cocktails pour Ally et moi. Je vins m’asseoir près d’elle et levai mon verre.
— À cette nouvelle aventure !
Nous trinquâmes, puis je bus un gorgée de ma boisson, avant de reposer mon verre sur la table basse devant moi.
— Non, je ne suis pas de Bowen, répondis-je, ma grand-mère, Nina, oui, en revanche. Je suis née à Londres. Cela ne fait que neuf ans que je suis ici…mais je me sens comme chez moi. Et toi ?