now all our memories are haunted (landja)

Tu es incapable de dire depuis combien de temps tu marches, seule, en pleine nuit, la tête remplie d’interrogations et de doutes. Il doit être environ deux heures du matin à présent mais tu n’en as aucune idée parce que tu n’as pas pris la peine d’emporter ton téléphone. Tu t’es arrêtée un moment sur la plage, les pieds dans l’eau glacée de la mer, le regard perdu sur l’horizon. Puis, sans savoir pourquoi, tes pas t’ont portée jusqu’ici, près des habitations. Mais il ne s’agit pas de n’importe quelle habitation qui se dresse devant toi. Tu ne sais pas pourquoi ni comment mais tu n’es qu’à quelques mètres de la maison de Landon. T’as envie d’entrer et de lui crier dessus pour ne pas avoir répondu à ton dernier message. Pour ne pas t’avoir dit que non, il ne t’oublierait pas. C’est ce que tu cherchais, au fond, qu’il te rassure comme il l’a toujours fait auparavant. Mais votre relation n’est plus la même et ces quelques messages échangés en sont la preuve. Aujourd’hui, il semble avoir tiré un trait sur votre relation. Tu es incapable de dire de quelle nature elle était, cette relation, parce que ça a toujours été compliqué entre vous et pourtant si simple à la fois. Cela fait plusieurs années maintenant que tu connais Landon et pourtant, vous ne vous êtes jamais engueulés autant que ces derniers mois. Avant, votre relation était d’une simplicité sans nom. Avant, vos ébats vous permettaient d’oublier, le temps de quelques heures, le monde qui vous entourait quand il menaçait de vous engloutir. Avant, vous n’aviez pas besoin de parler pour vous comprendre. Mais aujourd’hui, tout a changé. Depuis cette cure de désintoxication, votre relation a pris un tout autre tournant et il semblerait qu’il ait été fatal. Tu t’avances de quelques pas mais voyant que les rideaux sont tirés, tu t’apprêtes à partir quand tu vois une petite fente, laissant entrevoir l’intérieur du salon. Tu balaies la rue des yeux pour être sûre que personne ne puisse te voir et t’avances jusqu’à la fenêtre. Tu veux juste savoir – et voir en l’occurrence –, s’il t’a oubliée dans les bras d’une autre. Tu te mets légèrement sur la pointe des pieds mais tu n’as pas le temps de voir grand chose parce que tu entends du mouvement à l’intérieur. Tu recules, paniquant que Landon te surprenne, et te prends les pieds dans un buisson, tombant en arrière sur tes fesses. « Putain. » Dis-tu en te relevant, les mains écorchées par ta chute. Tu auras sûrement un beau bleu demain mais ce n’est pas ce qui te préoccupe, là, tout de suite. Tout ce que tu veux, à présent, c’est te tirer avant de te faire prendre en train d’espionner la maison de Landon comme une espèce de psychopathe.

A chaque fois que ton regard se pose sur son téléphone, tu te souviens encore de ces échanges avec Freja. Un échange qui est parti complètement en vrille, à l’image de votre relation ou de votre entente, tu ne savais pas comment la qualifier. Il n’y avait jamais eu vraiment de mots pour vous définir, vous ne vous êtes jamais inquiétés de savoir ce que vous étiez l’un pour l’autre. Ce qui vous importait c’était d’être là, d’être présent, de permettre à l’autre de respirer, de s’oublier, rien de plus. Mais aujourd’hui, les choses avaient changé et c’était elle que tu devais oublier, c’était elle qui te l’avait demandé. Elle te l’avait écrit et même si tu en savais parfaitement la signification, t’avais préféré prendre ses mots au pied de la lettre et de tirer un trait sur elle, sur tout ce que tu avais accepté de faire avec elle et que tu t’étais pourtant promis de ne jamais recommencer avec quelqu’un. Tu devais t’en servir comme d’une erreur à ne plus commettre mais cette fois, c’était difficile. Car oublier Freja, c’était devoir t’oublier. Oublier ce que tu pouvais être pour quelqu’un pour ne pas le devenir avec une autre, pour ne pas penser que quelqu’un puisse faire une différence et tout changer. T’as jamais vécu dans un putain de conte de fée et tu sais que ça n’arrivera jamais, à chaque fois qu’on t’y a fait croire, on t’a poignardé dans le dos pour s’assurer que tu n’en passes pas les portes. Freja t’avait laissé de côté, t’avais beau lui avoir dit que tu serais là pour elle si elle en avait besoin, elle ne l’a jamais fait… jusqu’à ce qu’elle se retrouve seule, son idylle avec Woody annihilée. C’était trop facile pour elle d’agir ainsi et quand tu relisais vos messages, tu te rendais compte à quel point t’avais été blessé. C’était pas ton genre de mentir et pourtant, t’avais cherché à lui faire mal en retour, à lui faire croire que t’avais su passer à autre chose avec une autre. Tu te sentais pathétique, une fois de plus. Il s’en était fallu de peu pour que tu balances ton portable, Rufus était venu t’en empêcher en cassant quelque chose dans le salon. De la terrasse, t’avais juste eu le temps de le voir fuir à l’étage avant qu’un bruit dans les buissons attire ton attention. Ça semblait venir de l’autre pan de la maison et en prenant la direction, tu t’arrêtas net en entendant sa voix. C’était qu’un mot, que deux vulgaires syllabes mais c’était suffisant pour sentir ton corps se crisper. Tu sais pas si c’est de la joie, de la haine ou encore de l’inquiétude qui te pousse à accélérer tes pas pour contourner la maison mais tu ne veux pas la voir filer sous tes yeux. «Freja?!» Tes yeux se posent sur sa silhouette légèrement éclairée par les lampadaires qui bordent la rue. Tu l'observes longuement sans rien dire, t'as l'impression que ça fait une éternité que tu ne l'as pas vue et pourtant, t’es incapable de savoir si tu souris ou la fusilles du regard, comme t’es incapable de trouver une raison à sa présence ici. «Qu’est-ce que tu fous là?» que tu demandes simplement et calmement. Seulement malgré tout tes efforts, tu ne peux t’empêcher de repenser aux fois où elle débarquait à n’importe qu’elle heure, quand quelque chose n’allait pas. «Tout va bien?» Et peut-être qu’égoïstement, t’espérais que ça ne soit pas le cas.

A peine debout, tu ne penses qu'à une chose : te tirer, pour ne pas être prise sur le fait. Malheureusement pour toi, tu avances tout juste d'un mètre quand la voix de Landon te stoppe net. Tu restes figée quelques secondes, incapable de comprendre toutes ces émotions qui te traversent au moment où il s'adresse à toi. Tu te retournes finalement, croisant enfin son regard. « J'suis étonnée de voir que tu connais encore mon prénom. » Dis-tu, sarcastique. Cela fait un moment maintenant que votre dernière conversation a eu lieu et tu ne peux pas t'empêcher de le souligner parce que ça te fait mal de penser que Landon a pris tes derniers mots au pied de la lettre. Qu'est-ce que tu fous là? Tu soupires, incapable de trouver une raison valable. Tu ne sais même pas pourquoi t'es là, en fait. Ni ce que tu espérais en te pointant devant chez lui. Tu n'as pas réfléchi, tu as laissé tes pas te porter, c'est aussi simple que ça. Mais tu n'as pas envie que l'anglais sache que tu penses encore à lui et que tu regrettes la façon dont vous avez mis un terme à votre "relation", alors tu réponds simplement : « Je n'arrivais pas à dormir alors ça fait un moment que je marche, sans réellement regarder où je vais. » Ce n'est pas totalement faux mais ce n'est pas totalement vrai non plus. « Ouais, j'ai juste les mains un peu écorchées mais ça va. » Dis-tu en tendant tes deux mains vers l'avant pour évaluer les dégâts du regard. Tu devras sans aucun doute désinfecter ta peau en rentrant et ça risque d'être un peu douloureux demain mais en ce moment, c'est plutôt ton coeur qui te fait mal. C'est dur de voir le regard que pose Landon sur toi. Un regard que tu peines à comprendre, un regard qui n'est plus aussi doux qu'auparavant. Un regard qui traduit bien de l'état actuel de votre relation, finalement. Et peut-être même de toutes tes relations actuelles... C'est le chaos total dans ta tête et dans ton coeur, à force d'être bousculée par des sentiments que tu ne comprends et ne contrôles pas. Maintenant que Landon est là, debout devant toi, tu prends conscience que tu ne peux pas effacer sa présence dans ta vie aussi facilement. De son côté, il t'a fait comprendre que c'était déjà fait depuis un moment mais toi, tu n'es pas comme ça. Quand tu t'ouvres à quelqu'un, tu lui donnes tout. Tu es entière, vraie et même si, souvent, ça te porte préjudice, c'est plus fort que toi. « J'vais pas te déranger plus longtemps, j'crois que t'as mieux à faire. » Tu essaies de rester digne, de ne pas laisser transparaître ta douleur mais cette étincelle dans tes yeux te trahit sans doute.