something's got a hold on me - ft. Jackson

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something's got a hold on me
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@jackson lewis-reyes & @lys r. kickett

Je reposai mon téléphone sur la table basse. Mon cœur battait frénétiquement dans ma poitrine et un sourire s’était collé à mon visage dès lors que Jackson avait commencé à répondre à mes sms. L’acrobate avec qui j’avais vécu un idylle – court mais ô combien intense – durant l’un de mes voyages était à Bowen en ce moment même. Je ne l’avais pas vu depuis deux ans au moins, et si nous avions échangé quelques messages, par sms ou bien via les réseaux sociaux, ca s’arrêtait là. La perspective de le revoir, physiquement, créait une sensation de petits papillons voletant dans mon ventre. C’était doux et piquant à la fois. Délicieux, en tout cas. Je me mordis la lèvre, souriant bêtement et trépignant déjà à l’idée de le découvrir devant ma porte. 20h. Il me restait à peine deux heures avant son arrivée. C’était à la fois trop long et pas assez. Je me levai, fis quelques allers et retours dans mon salon. Jetant un œil à me tenue dans le miroir en pied accroché au mur, je grimaçai. Je pouvais clairement faire mieux que ça, baissant le regard, je décollai le col de mon t-shirt pour voir mes sous-vêtements. Là aussi…je pouvais mieux faire. Sans attendre, je filai dans ma chambre, ôtai tous mes vêtements et entrai sous la douche. Je me rasai les jambes, fis un gommage sur tout le corps, appliquai de la crème pour donner à ma peau un touchée satiné des plus agréable, puis affilai un nouvel ensemble de dessous. Il était neuf, je venais même de jeter l’étiquette. Ma bouche s’étira en coin. La dentelle noire sur mon teint clair était du plus bel effet. Pour finir, je choisi une robe rouge, voluptueuse et agréable à porter. Pas trop affriolante, pas trop chaste non plus. La balance parfaite. J’appliquai une touche légère de maquillage, du mascara surtout, passait du fil dentaire, me brossai les dents. De retour dans ma chambre, je secouai les draps, rangeai le womanizer dans sa boite sous le lit, mis au salle les vêtements qui trainaient. Je m’attaquai au salon enfin, mis de côté ma peinture du jour, remis à leur place mes couleurs et mes pinceaux, puis soufflai un coup. 19h22. J’avais encore le temps de faire décongeler des canapés-apéros, cela laissait aussi le temps à mes cheveux de sécher un peu. Plus tard, quand l’interphone sonna, je sentis mon bas ventre se contracter d’anticipation.
— Monte, c’est au cinquième, dis-je dans le téléphone de l’entrée tout en déverrouillant la porte de l’immeuble.
Cinq étages. S’il prenait l’ascenseur, cela lui prendrait à peine une minute. Deux s’il prenait l’escalier, quoiqu’il était athlétique et montait les marches sans doute plus rapidement que moi. Mon stress était ridicule, j’en avais conscience. J’avais l’impression d’avoir dix-sept ans. Je passai une main dans mes cheveux pour les arranger un peu et sursautai soudain, quand des coups furent donnés à ma porte. Il était là.
Respire Lys. Doucement. C’est ça…inspire. Expire. Voilà. Sourire. Ouvre la porte. Et…
— Déjà là ? l’accueillis-je en riant, et tu disais ne pas être en forme ?
Je pouffai et me décalai pour le laisser entre chez moi.
— Je suis contente de te voir, Jacks ! m’écriai-je en le prenant dans mes bras. C’est complètement dingue de se retrouver ici ! Qu’est-ce qui t’amène à Bowen ?

Si on t’avait dit que Bowen te réservait autant de surprises … L’une n’en attendait pas l’autre, en fait. Des bonnes comme des mauvaises. En un mois, t’avais eu l’impression de vivre des montagnes russes d’émotions, et si t’étais pourtant habitué aux hauteurs, t’avais un peu l’impression d’avoir le vertige, là. Le vertige du cœur et des sentiments. D’abord il y avait eu Brooke qui t’avait brisé le cœur en te montrant qu’elle avait complètement délaissé les acrobaties aériennes pour être relayée au second plan d’un numéro de lanceur de couteau. Ensuite il y avait eu Alejandro, ce mec qui te faisait carrément tourner la tête parce que t’arrivais pas à l’enlever de là, justement, de ta tête. Puis ton demi-frère Emrys qui ne semblait pas totalement se réjouir de ta présence à Bowen alors que tu venais principalement pour renouer avec lui. En bas, en haut, en bas, une vraie montagne russe oui. Et pour retourner vers le haut, c’était Lys qui t’y avait tirée, avec ce message posté sur ton Instagram, sur une de tes premières publications à propos de ton arrivée à Bowen. Elle vivait ici, elle aussi. Lys, ta Lys, celle avec qui t’avais passé plusieurs jours intensément physiques pendant une tournée il y avait au moins deux années de ça maintenant. Elle était en voyage, toi t’étais sur la route, tout jouait contre vous et vous saviez fort bien que ce serait un pur bonheur éphémère. Quand vos chemins s’étaient séparés vous ne vous étiez pas oublié pour autant, même si vous ne vous étiez accrochés à rien. Juste quelques nouvelles par-ci et par-là, mais surtout un doux souvenir à chaque fois que vous voyiez une publication de l’un ou de l’autre sur les réseaux sociaux. T’avais tellement hâte de la revoir, parce que même si le cœur ne s’était jamais mêlé de vos histoires, ça n’avait pas empêché les papillons de voler autour de vous et en vous à tout coup. Vous étiez beaux et bons ensembles et ça t’avait manqué, par moment. T’avais donc mis de côté tous les plans que t’aurais pu avoir ce soir pour aller la rejoindre. À vingt heures moins une minute, tu sonnais d’en bas de l’immeuble dont l’adresse affichée était la même que sur l’écran de votre conversation. « Hey girl, c’est moi ! » La voix de Lys retentit dans l’intercom, t’indiquant de monter au cinquième. Dès que le son de déverrouillage de la porte se fit entendre, tu entras et monta deux par deux les marches, jusqu’à arriver au cinquième, le souffle court mais rapidement retrouvé. Tu cognas à la porte. Un large sourire s’afficha sur ton visage en la voyant dans sa robe rouge. « J’avais pas de temps à perdre. » Répondis-tu avec un léger rire, avant de rentrer. Tu l’accueillis dans tes bras, la serrant contre toi. « Je suis tellement content aussi, t’aurais dû voir ma tête quand j’ai vu ton message sur Insta. » La surprise totale. « Le cirque dans lequel j’étais a fermé et tu te souviens de Brooke, celle avec qui je faisais mes duos ? Elle était ici et comme moi j’savais pas trop où aller après quelques mois à flâner, j’l’ai suivie. » Pour finalement te frapper à un mur. « Mais et toi alors ? Tu vis ici ? J’y crois pas quoi. » Tu secouas la tête, ne pouvant chasser cette idée de destin de ta tête.

Cela me faisait tellement plaisir de voir Jackson en chair et en os – et en muscle aussi, on ne va pas se mentir – que mon cœur battait à tout rompre dans ma poitrine. Retrouver ses bras, même pour une courte étreinte, raviva des souvenirs vieux de deux ans. L’odeur de sa peau me ramena aux nuits que nous avions passées ensemble, à nos moments de complicité et d’allégresse. J’éprouvai presque curieusement un léger manque quand il se décala pour m’expliquer qu’il avait retrouvé du monde, ici, à Bowen et qu’il trouvait complètement dingue qu’on se tombe dessus presque par hasard. C’était fou en effet, quand on y pensait. La probabilité était si mince.  
— Et tu aurais du voir la mienne quand j’ai vu ta photo sur la plage de mon enfance ! pouffai-je.
Bowen était une toute petite ville, chaleureuse et accueillante. C’était chez moi, mais cela me paraissait fou d’y croiser des personnes que j’avais rencontrées à l’autre bout du monde pendant mes voyages. Croiser Jackson, par ailleurs, avait une signification spéciale pour moi. Je ne le voyais pas tout à fait comme un étranger, malgré le peu de temps que nous avions passé ensemble. J’éprouvais une certaine tendresse à son égard, et le lien qui s’était tissé entre nous était spécial à mes yeux. Il avait pour moi la saveur de l’insouciance mêlée d’un érotisme enivrant. J’étais sûre de me rappeler de l’acrobate toute ma vie. Il avait était l’un de ceux qui comptait, aussi brève qu’avait été notre histoire. Il était naïf de croire que seul un sentiment amoureux pouvait marquer une personne de la sorte, alors qu’il existait une multitude d’autres émotions tout aussi vive et enveloppante. Un sourire ne quittant pas mes lèvres, j’écoutais Jackson me raconter que son cirque avait fermé et qu’il s’était retrouver en Australie un peu par hasard.
— Oui, je me souviens de ta partenaire, comment l’oublier ? Vous étiez magnifiques tous les deux. Elle va bien ? Comment est-ce que tu vis ce chômage technique, toi ? Tu as retrouvé quelque chose peut-être ?
Je savais que mon ancien amant vivait pour le cirque et pour le spectacle, je le voyais mal se passer de cet univers là. Je l’invitai à me suivre dans l’espace cuisine où je sortais les canapés du four, tout en souriant de voir qu’il était toujours sous le choc de me trouver à Bowen.
— Je suis née là, en fait. Australienne pure souche. J'ai vadrouillé un peu partout, puis je suis rentrée à la maison. La terre est ronde, parait-il, et on en revient toujours au foyer, comme disait mon père.
J'eus un sourire ému en souvenir de celui qui m'avait elevée, puis me recentrai sur Jacks.
— Tu bois quelque chose ? Tu t’autorises un verre d’alcool ou pas ?
Je connaissais son régime strict. Il n’avait pas le choix. Il se devait de garder la forme pour sa carrière d’acrobate.

Tu ris, t’imaginant effectivement la surprise sur le visage de Lys lorsqu’elle avait vu ta photographie sur Instagram, en faisant défiler tes dernières publications. Elle devait s’attendre à tout sauf ça, en fait. T’étais toujours en train de bouger, tes posts étaient soient à propos du cirque, soit à propos de tous les paysages que tu découvrais pendant les tournées. Et puis tout d’un coup, tout ça s’était arrêté, et toi aussi tu avais stoppé ta course folle, ici même, à Bowen. Là où Lys vivait. Ça ne pouvait pas être qu’une coïncidence. Plus le temps avançait ici, et plus tu te disais que toutes tes étoiles s’étaient alignées pour te conduire jusqu’à cet endroit précis. Pourquoi ? Tu ne le savais pas encore. Mais tous les signes étaient là. « J’aurais aimé être là pour épier ta réaction, ouais ! » Dis-tu en gloussant. En plus, ce qu’elle était belle, Lys, quand on lisait la surprise sur son visage. Tu te souvenais des fois où t’avais fait des numéros pour elle, quand elle venait te voir répéter pour les quelques jours où tu t’étais retrouvé dans la même ville, le même pays, qu’elle. La fascination qui se lisait dans un regard brillant et une bouche en « o ». T’aurais eu envie de voir ce visage-là encore et encore. Tu ne réalisais que maintenant que tu l’avais devant toi, qu’elle t’avait manquée bien plus que tu ne l’aurais imaginé. C’était bête, t’en avais croisé tellement de femmes avec qui t’avais passé de courtes idylles, mais pas des femmes comme Lys. C’était inexplicable, tu pouvais pas vraiment mettre le doigt dessus. Elle avait un je-ne-sais-quoi. Tu lui expliquas alors la raison de ta venue à Bowen, cachant le plus possible ton trouble face à la fermeture de Cirkaös. T’avais pas vraiment envie de plomber l’ambiance, c’était trop magique pour ça. « Elle va bien. Elle a refait sa vie ici, en quelques mois. Elle a été pas mal plus rapide que moi pour ça. » Déclaras-tu avec une certaine irritation dans la voix, mais en riant malgré tout. Fallait que t’apprennes à en rire, ouais. Comme ça un jour, ça ferait peut-être moins mal. « Elle travaille au Cabaret Delirium, j’sais pas si tu connais. » Tu haussas les épaules. Ça semblait être un endroit quand même aimé à Bowen. Un cabaret de tous les possibles. « Moi pour le moment je travaille … dans une boutique de fleurs … » Admis-tu, avant de te moquer de toi-même. « Tu m’imagines bien en train de vendre des fleurs hein ? Mais c’est pas que ça et j’suis plutôt derrière le comptoir de consommations. » Tu haussas les épaules, encore. Puis, tu suivis Lys jusqu’à la cuisine où elle sortit des canapés du four. Tu t’exclamas encore une fois que tu n’en revenais pas de la retrouver ici. Tu le dirais au moins cent fois ce soir. « T’as voyagé encore longtemps après qu’on se soit quittés ? T’es de retour ici depuis quand ? » Deux questions qui demandaient la même réponse, mais t’étais trop surexcité pour te calmer. « Comme j’sais pas quand est-ce que je reprendrai les performances, j’peux bien m’autoriser un verre, oui … » Tu esquissas un sourire. Ce serait la première fois que vous partageriez un verre ensemble, en fait. Pendant la tournée, tu ne buvais jamais, pas même une seule goutte, alors Lys et toi aviez toujours eu l’esprit bien clair ensemble.

Une étrange impression de sérénité m’envahissait à mesure que nous discutions. C’était si naturel, si fluide, malgré la surprise que nous avions tout deux de nous revoir, qu’on aurait pu croire que nous ne nous étions jamais quitté. J’avais oublié à quel point j’aimais ses yeux rieurs, comme le son de sa voix me réchauffait. C’était étrange, comme sensation, de retrouver ça. Je n’en avais jamais eu conscience auparavant. J’avais toujours eu de l’affection pour Jackson, dès lors que nous nous étions rencontrés, et j’aimais nos échanges sur les réseaux. Je ne me souvenais pas qu’il me faisait un effet pareil. Je ne savais même pas l’expliquer et au fond, je n’en avais pas vraiment envie. Je n’étais pas vraiment douée pour mettre des mots sur ce que je ressentais, et encore moins coller des étiquettes. Cela ne me ressemblait pas.
— La Cabaret Délirium ? répétai-je. Oui, je connais. Je n’y suis jamais allée, mais je n’entends que des éloges. On parle beaucoup du lanceur de couteau en ce moment. Il paraît que c’est à voir. Bon bien sûr…ça n’a rien à voir avec ce que tu fais toi.
En discutant, je plaçai les petits-fours dans une assiette, en essayant de ne pas me brûler – chose que je ne réussissais pas forcément avec brio, mais bon. Quand il me demanda si j’avais continué à voyager après notre rencontre, je dus me poser pour réfléchir.
— Attends, on s’est vu…en Allemagne ? Ou bien en France ?
Je suçai une goute de sauce tomate sur mon pouce et plissant les yeux, fouillant dans ma mémoire.
— Je suis venue au cirque la première fois à Berlin, on s’est rencontrés là…puis…vous avez bougés et on est retombés l’un sur l’autre en France et c’est là que…
Je lui lançai une œillade suggestive pour illustrer mon propos.
— C’est ça ? voulus-je lui faire confirmer en gloussant, je suis restée avec vous toute la tournée en France. Il me semble…C’est fou, je me souviens des moments qu’on a passé, dans les moindres détails, mais le reste, c’est flou. Pas toi ? J’ai fait le Portugal après ça. Puis, je suis rentrée un peu ici, et suis repartie au Canada, pour enfin revenir à Bowen pour de bon.
Les canapés d’apéro bien rangés sur leur assiette, je proposai ensuite un verre à Jackson qui s’autorisa un écart pour cette fois.
— Bah, il me semble pourtant que t’as une performance de prévue ce soir, mais je pense qu’un petit verre de vin ne gâchera rien.
Je lui offris un sourire légèrement lascif puis me penchai pour attraper une bouteille de rouge dans ma cave, sous l’évier. Je confiai les petits fours à Jackson, choppai le tire-bouchon et deux verres ballons avant d’indiquer le salon à mon ami. Nous prîmes place sur le divan, je nous servis deux verres puis me tournai vers Jackson et trinquai.
— À nos retrouvailles totalement inattendues !

Tu ne t’étais jamais permis de t’attacher à qui que ce soit, parce que depuis que t’étais adolescent, t’avais été sur la route. Les seuls amis, vrais amis, que t’avais vu pu avoir, ils dataient de l’époque où tu fréquentais encore les établissements scolaires et ça, ça remontait déjà à plus de dix ans. Tu n’avais jamais eu de nouvelles d’eux. T’en suivais quelques-uns sur les réseaux sociaux mais il y avait une telle distance, de temps, de kilomètres, et d’expérience, que c’était surtout pour le principe. Ce n’était pas comme avec Lys, qui après que vos chemins se soient séparés, avait conservé une place dans ta tête, dans ta mémoire, dans ton cœur, sans même l’avoir demandé. Faut dire, ça ne faisait pas si longtemps que ça, vous deux, non plus. Deux ans tout au plus, ça n’était pas assez pour créer un fossé. Mais tu comprenais maintenant que t’étais face à elle que tu t’étais peut-être attaché, au fond. Tu ne savais pas vraiment ce que c’était, cette notion d’attachement. Tu n’en saisissais le sens que lorsque tu ressentais ça, là, maintenant. « Ouais, j’crois bien que c’était ça le nom. » Répondis-tu lorsque Lys répéta le nom du cabaret. Puis, elle t’indiqua connaître malgré qu’elle n’y soit jamais allée. Quand elle te parla du lanceur de couteaux, tu ne pus t’empêcher de lever les yeux au ciel. « Rien à voir avec ce que je fais et pourtant, c’est assez pour que Brooke ne veuille plus retourner dans les airs avec moi. » Tu marquas une pause. « Elle est son assistante, au lanceur de couteaux. » Déclaras-tu avec la rancœur dans le ton de ta voix. Vu comment ça te faisait sentir, tu préférais largement retrouver la légèreté avec Lys. Te rappeler vos souvenirs communs, ça avait quelque chose d’euphorisant. T’allais répondre à sa question quand elle laissa d’elle-même les souvenirs remonter à la surface. « C’est ça. » Répondis-tu avec un sourire rappelant toute la sensualité d’avant. « Tu ne te souviens pas de tous les croissants qu’on a mangé les matins, sur le balcon de ma chambre d’hôtel ? » Demandas-tu avec un sourire en coin, pour lui rappeler ces scènes sortant de la seule et unique France, comme un cliché. Mais pour toi aussi, le décor était flou, y’avait que le regard de Lys posé sur toi qui était vrai, tangible. « T’en as de la chance d’avoir été en Amérique du Nord. On a jamais eu l’occasion de se rendre jusque-là. » Dis-tu avec une moue triste. Quand elle te proposa un verre, tu acceptas, même si ça n’était pas dans tes habitudes. Tu n’avais plus vraiment d’habitudes auxquelles t’accrocher depuis ton arrivée ici au début du mois de juillet. Tu ris à sa réplique sur ta performance de ce soir. Elle n’avait jamais tourné autour du pot, Lys. « Oh non, ne t’en fais pas pour ça, même après quelques verres c’est le genre de performance qu’on réussit toujours haut la main, toi et moi. » Tu lui fis un clin d’œil amusé avant de prendre l’assiette de petits fours que la jeune femme te tendait. Tu suivis la direction indiquée par la brunette et arriva au salon, où tu pris place sur le divan à ses côtés. « À nos retrouvailles ! » Répétas-tu en cognant doucement ton verre au sien avant de le porter à tes lèvres. « Raconte-moi tout de ton retour ici. Tu continues à peindre ? » Demandas-tu, tellement obnubilé par elle que tu ne remarquais même pas les toiles, les pinceaux, le chevalet.

De mon côté, je ne m’étais jamais vraiment sentie à l’aise dans une relation de couple classique. J’en avais vécue une, alors que j’avais dix-neuf ans et en avait souffert. Depuis les relations humaines venaient à moi sous un angle différent. Azriel, d’ailleurs, m’avait initié à tout cela, il m’avait ouvert les yeux sur une autre manière d’aborder les liens affectifs, sans attaches, et cela me correspondait plutôt bien. Cela ne signifiait pour autant que je n’accordais pas plus d’importance à ceux qui passaient dans mon lit que je n’en accordais à des mouchoirs en papier, loin de là. Il m’arrivait, bien sûr, d’avoir quelque coup d’un soir, des épisodes uniques et qui ne restait gravé nul part, ni dans ma peau, ni dans mon répertoire de téléphone. Malgré tout, mon mode de vie, épicurien et libertin, n’était en aucun cas synonyme de débauche et le fait que j’avais bannis la notion de couple de mon vocabulaire ne voulait pas dire que je n’étais pas capable d’éprouver de l’affection ou de la tendresse pour mes partenaires. Dans tous les cas, demeurait toujours un profond respect. Il y avait tout cela réuni pour Jackson, en plus d’une certaine nostalgie qui se réveilla lorsqu’il évoqua les croissants que nous avions l’habitude de partager sur le balcon de sa chambre d’hôtel. A cette évocation, mes lèvres s’étirèrent automatiquement.
— Comment oublier ça ? minaudai-je en gloussant.
Nous primes place ensuite dans mon salon. L’ambiance y était cosy et avoir Jackson sur mon canapé me semblait à la fois doux et complètement dingue. Le mélange de ces deux émotions me plaisait, j’étais heureuse dans tous les cas. Nous trinquâmes enfin à nos retrouvailles.
— Oui, je peins toujours évidemment, répondis-je après avoir bu une grogée, c’est comme de respirer pour moi, tu sais. J’ai une expo tant très peu de temps, cela me stress un peu, mais c’est normal je crois. Pour le reste, je suis prof de littérature au lycée, cela me plait aussi beaucoup.
La littérature était ma seconde passion, et j’aimais la transmettre. Je m’en étais rendue compte en enseignant. Cela me prenait au tripe presque autant que la peinture, d'autant que je pouvais inculquer des valeurs qui m'étaient cheres à mes élèves. Instinctivement, tandis que je parlais, je retrouvais la complicité que j’avais jadis avec Jackson, qui se traduisait notamment par des gestes tactiles ou le fait que je me tenais proche de lui, si bien que nos cuisses se touchaient. Je caressai, par ailleurs, presque machinalement, son bras, à mesure que je lui expliquai ma situation. Tout me semblait si naturel que je ne l’avais presque pas remarqué.
— Et toi, tu comptes…postuler au Délirium où cette histoire avec ton ancienne partenaire et le lanceur de couteau te refroidie un peu ?

Vous en aviez vécu beaucoup, de beaux moments, Lys et toi. Ça n’avait duré que quelques jours, quand on joignait vos deux rencontres l’une à l’autre, et malgré tout t’avait cette impression de la connaître tellement mieux que bien d’autres personnes. Probablement parce que tu ne vivais que sur ça, des relations éphémères, des rencontres faites pour ne pas durer. Ce serait différent, maintenant que t’étais à Bowen sans avoir pris de billet de retour. Tu ne savais pas pour combien de temps tu serais ici mais tu savais que ça changerait ta vie. Tu espérais que Lys ferait partie de ce changement, peu importe de quelle manière. Tu demandas alors à la jeune femme si elle peignait toujours, ce qu’elle répondit avec une affirmative déroutante pour toi. Évidemment. C’était comme respirer pour elle. Tout comme les acrobaties, c’était comme respirer pour toi. Et pourtant tu ne respirais plus depuis six mois. « Tu m’donneras les infos pour ton expo. J’aimerais beaucoup aller voir ce que tu as fait ces dernières années. » Parce que lorsque vous n’étiez pas en train de vous adonner aux plaisirs charnels, Lys et toi, vous parliez de tout et de rien et elle t’avait montré quelques-unes de se œuvres, en photographie. T’avais hâte d’avoir le tout à portée de la main. De réellement entrer dans son monde. « Je t’imagine tellement, prof au lycée. Les ados doivent t’adorer. » Tu souris, laissant tes doigts effleurer la cuisse de Lys, de bas en haut, recommençant à chaque fois ce même parcours sur sa peau. Tu soupiras doucement à sa question, puis haussa les épaules. « Je ne sais pas. Elle m’a dit que j’aurais sans doute ma chance si j’auditionnais devant le patron. Mais ça fait si longtemps que je n’ai pas performé en solo que j’sais même pas si j’y arriverais … Et pis y’a bien une autre acrobate avec qui je pourrais monter des numéros mais … elle n’est pas Brooke. » Tu haussas une seconde fois les épaules, marquant cette incertitude qui t’habitait. « C’est drôle, je n’ai jamais habité à la même place depuis plus de dix ans, j’ai toujours vécu sans routine et sans attache et pourtant, j’ai horreur du changement. » Tu secouas doucement la tête, cessant de caresser Lys du bout des doigts pour poser toute ta paume contre sa peau. Tu relevas les yeux vers elle. « Somehow you feel like home. » Déclaras-tu dans un murmure.

J’avais beaucoup peint depuis mon retour à Bowen, à croire que cela m’avait énormément manqué pendant mes voyages. Je vendais quelques toiles, via mon site internet, le bouche-à-oreille aussi, mais l’expo qui se préparait était une véritable aubaine. Elle avait lieu dans l’une de mes galeries préférées et avait pour thème Eros et Thanatos. Moi qui aimais travailler sur la thématique du corps, je m’étais complètement éclatée. Mes toiles étaient terminées, et j’avais hâte de pouvoir enfin les montrer.
— Oui, je t’enverrai l’invitation.
Cela me faisait plaisir que Jackson souhaite venir, cela me touchait même profondément. J’avais hâte, moi aussi, qu’il reprenne les représentations. Le voir évoluer dans les airs avait quelque chose de magique et d’indescriptible. J’avais encore un souvenir très clair de ses performances, bien que je ne l’aies plus vu pratiquer son art depuis deux années maintenant. Toutefois, Jackson, visiblement, nourrissait des inquiétudes quand au fait d’être capable de performer en solo. Pour ma part, je n’en avais aucune le concernant. Il avait du talent.
— Laisse-toi le temps, lui conseillai-je, mais je suis sûre que tu les éblouiras tous, avec ou sans partenaire.
Ses doigts chauds sur ma peau étaient agréables, je n’avais aucune envie qu’il arrête ses douces caresses. Je me sentais bien avec lui.
— Qui n'a pas peur du changement ? relevai-je en trempant les lèvres dans ma boisson. Surtout que ça concerne ce que tu as de plus cher. Ton métier, ton art, ton essence même. Mais…peut-être est-ce plutôt une évolution qu’un changement. Une nouvelle étape ?
La désinvolture me quitta tout d’un coup, tandis que Jackson me murmurait quelque chose que je n’aurais jamais cru entendre de sa bouche et pourtant…Pourtant c’était si doux, et étrangement adéquat. Naturel. Je manquai une respiration. Un moment durant lequel je captai son regard chaud ; ses iris d’un brun presque rouge me faisait l’effet d’une flamme à laquelle il était agréable de venir se réchauffer. Je tendis la main vers son visage et caressai sa joue avec délicatesse, mes doigts aussi légers qu’une plume. Je voulus lui répondre quelque chose, mais ne parvins à trouver les mots. Tout ce qui me passait pas la tête me semblait désuet, sans le moindre sens alors il ne me resta que le silence. Ma main passa doucement derrière son oreille et sur sa nuque où elle finit par s’ancrer. Enfin, je me penchai pour que ses lèvres rencontrent les miennes.

Tu adorais l’art sous toutes ses formes. T’étais un artiste, après tout, même si le message passait à travers tout ton corps plutôt qu’au bout de tes doigts, comme Lys avec ses coups de pinceaux. Les acrobaties étaient la seule forme d’expression que tu avais explorée, personnellement, mais cela ne t’empêchait pas de t’intéresser à tous les autres domaines artistiques. T’avais un peu l’œil pour ça, faut dire, et la compréhension. C’est donc sans hésiter que tu demandas quelques informations supplémentaires à Lys, concernant son exposition. T’adorerais l’encourager et surtout, tu avais hâte de voir ses plus récentes créations. « Merci. Je serai ton fan #1. » Tu souris. Le meilleur là-dedans, c’était que tu connaissais si peu de monde à Bowen, t’étais assuré d’avoir ta soirée de libre pour aller y faire un tour et prendre le temps de vraiment apprécier l’art de Lys. Cette dernière semblait, elle aussi, jouer à la perfection son rôle de cheerleader à propos de tes propres performances. Ses mots t’encourageaient, même si t’avais de moins en moins d’espoir de retrouver ta passion telle que tu l’avais toujours connue. C’était comme si on t’enlevait une partie de toi, et en vérité, il ne restait plus grand-chose après. C’était surtout de ça dont t’avais peur. De réaliser que sans le cirque, tu n’étais plus rien. Plus rien du tout. « T’es gentille. » Tu lui souris, continuant à la caresser doucement, perdu dans tes pensées. Ce changement, il était source de beaucoup trop d’incertitudes. « J’espère juste que ce sera une évolution positive, si c’en est une … Que j’regretterai pas cette page tournée, que j’chercherai pas constamment à retourner en arrière. » Tu haussas les épaules. Cette conversation était tout d’un coup bien moins joyeuse, alors qu’entre Lys et toi, ça avait toujours été si léger. C’était auprès d’elle, depuis ton arrivée à Bowen, que tu avais le plus l’impression de renouer avec qui tu étais. C’est pour cela, sans doute, qu’elle te donnait tellement l’impression d’être à la maison. Maison que tu n’avais pourtant jamais eue. Tu l’avais plutôt eue dans ton sac à dos, te suivant partout où t’allais. Ton regard se plongea alors dans celui de Lys, après ta douce confidence. La main de la jeune femme se perdit sur ton visage, puis contre ta nuque, avant qu’elle ne s’approche de toi pour sceller vos lèvres. Ta main passa de sa cuisse au bas de son dos, la pressant contre toi. Tes jambes s’emmêlèrent aux siennes, à même ce canapé sur lequel vous étiez posés. Tu tendis le bras pour poser ta coupe de vin sur la table du salon, question d’éviter des dégâts que ce soudain empressement pourrait causer. Les deux mains maintenant libres, tu les laissas le plaisir de redécouvrir le corps de Lys tout entier.

Je ne pus m’empêcher de sourire en entendant Jackson affirmer qu’il serait mon premier fan, j’eus l’impression d’entendre Azriel qui m’exprimait très souvent son soutien de la même manière. C’était étrange, cet effet miroir que je remarquai tout à coup. La relation que j’entretenais avec l’un ou avec l’autre était différente, jusqu’à présent cela ne m’était d’ailleurs jamais venu à l’esprit de les comparer. Azriel et Jackson n’étaient pas la même personne de toute façon. Ils n’avaient pas la même personnalité, ni la même façon d’appréhender la vie, et pourtant. Avec l’un, comme avec l’autre, c’était facile, c’était authentique. Il y avait de la tendresse, de la sincérité et du respect. Je m’estimais chanceuse d’avoir ces hommes dans ma vie, leur compagnie me rendait heureuse et pour le moment, je n’avais pas envie de me poser davantage de questions. De définir les termes de notre relation. Ce flou gaussien, au contraire rendait tout plus beau, je ne voyais aucun intérêt à venir le gâcher avec un soupçon de réalité. J’écoutai parler le jeune athlète, peinée de lire de l’inquiétude et du doux sur ses traits pourtant si beaux. Il espérait ne pas regretter le passé, et j’espérai cela pour lui aussi. Je ne sus que répondre pour l’apaiser, aussi trouvai-je, à la place des mots, un langage plus subtile ; celui du corps. Ses lèvres goutèrent les miennes sitôt que je les eus rencontrées, nous ramenant des années en arrière. Ce simple contact alluma une petite flamme dans le creux de mes reins, un feu que les paumes de Jackson vinrent attiser en se plaçant dans mon dos pour permettre à nos deux corps de se coller un peu plus l’un à l’autre. Je mis un peu plus de passion dans mon baiser puis me hissai complètement sur ses genoux, sans cesser de l’embrasser. Je m’arrêtai un moment pour déposer ma coupe à côté de celle de mon invité, puis me concentrai à nouveau sur lui. Un sourire explicite sur le visage, j’accrochai son regard. Le mien était brûlant, laissant transparaitre mon désir pour lui. Je me penchai à nouveau, mais embrassai sa mâchoire cette fois, et descendis dans sa nuque tandis que ma main s’aventurait sous son t-shirt, rencontrant des muscles parfaitement sculptés.

Mes lèvres appréhendaient sa peau, se râpant légèrement contre sa barbe naissante. Des baisers déposés contre sa nuque, le bout de mon nez glissant dans le creux de son cou, je retrouvai son odeur, son goût qui, aussitôt, me parurent familiers. Je levai les bras au dessus de ma tête quand Jackson prit l’initiative de me débarrasser de ma robe, je me retrouvai vite en sous-vêtements. Jackson semblait ne pas pouvoir détacher son regard de moi, et je me sentis infiniment belle dans ses yeux. Cette impression me réchauffa ; ainsi, même après deux ans, je lui plaisais encore ? Ses iris semblaient brûler d’un feu incandescent, et je n’avais qu’une envie…m’y consumer. Mon amant écarta tout à coup la dentelle de mon soutien-gorge, geste que je trouvais bien plus érotique encore que s’il avait simplement dégrafé le sous-vêtement dans mon dos. La pointe de mes seins se dressa dès lors que sa bouche l’attisa. Je laissai échapper un léger soupir avant de passer ma main dans les cheveux de l’acrobate, me penchant pour embrasser les embrasser avec tendresse. Mes paumes passèrent dans son dos, sur son ventre, glissant sur ses abdominaux auxquels j’accédai en relevant légèrement son t-shirt. L’un de mes tétons se durcissait dans sa bouche, tandis que je m’appliquai à déboucler sa ceinture. Mes lèvres s’étirèrent quand je m’aventurai sous son pantalon et découvris son sexe durcissant. J’attrapai alors le menton du brun pour lui faire relever la tête vers moi, mon visage était fendu d’un sourire quand je l’embrassai. Je taquinai sa langue du bout de la mienne puis me dérobai pour m’agenouiller entre ses jambes. D’une main, posée à plat sur son ventre, je l’incitai à se caler plus confortablement dans le canapé. Je délivrai son érection naissante de sa prison de tissu puis vins la caresser de mes lèvres, l’embrasser, l’aspirer, me laissant guider par sa respiration.

Les soupirs de Jackson s’élevant dans la pièce m’apportaient la plus belle des satisfactions. J’aimais lui donner du plaisir. Sentir son sexe se durcir sur ma langue, ses abdominaux se contracter sous mes doigts, était une sensation divine. Malgré tout quand mon amant m’incita, pas une main sur l’épaule, à stopper mes caresses, je retrouvai ses lèvres avec plaisir, m’allongeant, comme il semblait vouloir me le demander. Il n’y avait pas nécessairement besoin de parole entre nous, nous retrouvions peu à peu les repères établis deux ans plus tôt et c’était très agréable. J’écrasai un gémissement contre la bouche de mon amant au moment où ses doigts vinrent caresser mon intimité. La réaction de mon corps fut quasi instantanée, mes jambes s’écartèrent presque d’elles-mêmes comme pour inviter Jackson à prendre sa place. Ma bouche ne quittait pas la sienne, nos baisers étaient brûlants et passionnés et attisé assurément le feu qui se réveillait dans nos sexes respectifs. D’une main, je caressai son avant-bras, comme pour lui montrer à quel point ses caresses me faisaient du bien, au cas où mes soupirs ne l’avaient pas mis sur la voie. Je rompis un moment notre baiser et plantai mon regard enfiévré dans celui de Jackson.
— J’ai envie de toi, Jacks, lui avouai-je d’une voix rauque.