"Le bruit mange le bruit." [ft. Gretchen]

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Un mois, deux mois, bientôt trois à glander sur une telle île, à un tel endroit. Si je vous confiais que ma vie est désormais vide de sens, je ne suis pas certain que vous oseriez y croire un mot et pourtant. Je n'ai jamais eu besoin des gens pour avancer mais peut-être que quelques interactions humaines m'aideraient à moins stagner, qui sait? Je me suis formé seul; j'ai réussi -certes d'une méthode peu catholique mais je suis tout de même parvenu à m'enrichir, je passe mon temps au téléphone histoire d'entuber plus de personnes de manière légale. La manipulation et le mensonge qu'ils se prennent en pleine face, eux, clients, histoire de nous en mettre plein les poches. Je fais parti des premières personnes à dire que le travail passe avant toute chose et j'ai juste l'impression que plus j'erre sur cette planète, plus je me dis que la vie n'est pas faite que de ça. De quoi alors? D'amour? Ne m'en parlez pas. Une relation qui n'est jamais réellement née me reste toujours en tête comme si cette quête n'a jamais été résolue. J'ai remis le jeu dans sa boite et je l'ai laissé être de nouveau sur le marché pour mieux m'en défaire. Qu'est-ce qu'il me reste de plus alors? Pouvez-vous enfin y répondre?

Ce n'est qu'une bride de ce qui me trotte dans la tête. Autant vous dire que mon humeur massacrante de base ne fait que s'empirer avec le temps qui passe et là, c'est encore moins le moment de me faire sortir de mes gonds. Un centre équestre près de la plage, je me force même à sortir durant mes jours de repos histoire de voir rapidement un rayon de soleil me taper dans l’œil. Rayon que je repousse aussitôt avec ma paire de Ray-Ban qui reste bien accrochée à l'arête de mon nez. Une main sur la hanche, l'autre tenant fermement les rênes de ce canasson, je vagabonde sur un rythme lent au bord de la plage, m'éloignant rapidement de la foule qui s'amasse avec ces chaleurs. Un jour je comprendrai l'utilité de se faire cramer au soleil au risque de se choper un cancer de la peau. Mais si nous souhaitons parler santé, actuellement ce sont mes tympans qui en prennent un coup. Les pas du cheval sont amortis par le sable. C'est juste un instrument que j'entends au loin, une douce mélodie qui se voit rapidement brisé dès lors où je me rapproche de la jeune fille qui semble être à l'origine de ce bazar. "Autant je suis sensible à l'élan de la musique, autant votre voix gâche tout le potentiel de votre mélodie. C'est bien dommage." m'exclamais-je dernière elle en gardant la bête à l'arrêt. Un petit saut, j'atterris juste à côté de l'animal, caressant rapidement sa crinière avant de le laisser prendre l'air, jouir de cette liberté dont il est privé. Je lâche un soupir puis m'avance d'un pas, décide finalement de poser mes fesses dans le sable à un ou deux mètres de la jeune femme. Un regard en coin, à moitié dégoûté par ce qu'elle a à offrir, à moitié méprisant ayant déjà assisté aux plus belles mélodies en compagnie d'Albane ou -à contre-coeur- de Poppy. "Vous avez beaucoup de progrès à faire. Vous êtes bien loin d'un niveau de conservatoire et ce n'est pas trois accords qui vont vous sauvez la mise. Passez votre chemin, Nirvana a déjà existé. Le pseudo-chanteurs qui ont soi-disant du talent, on en voit tous les jours. Je ne vois pas pourquoi vous et votre voix de crécelle sortiraient du lot." Un ton des plus monotones comme à mon habitude. Je laisse échapper un énième soupir avant de tourner finalement mon regard vers ce qui pourrait émerveiller mes yeux. "Mais continuez, je vous en prie. Je n'hésiterai pas une seconde à vous dire si ça sonne faux par contre. Ou si au contraire, c'est agréable." ajoutais-je avant de la zyeuter rapidement. "Mais ne chantez plus. Trouvez quelqu'un d'autre. Si vous êtes parolière et vraiment bonne musicienne, l'autre personne pourra chanter aussi longtemps qu'elle le voudra, c'est sur vous que tout le mérite se rapportera."

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le bruit mange le bruit

Pas de gosses à garder aujourd'hui, une journée monotone en vue. Y'avait rien à faire dans cet appartement aux senteurs de sauge, à part tourner en rond comme un lion en cage, ne cessant de ruminer contre les malheurs de la vie. Puisse le bon Dieu t'arracher à tes prières, fille des Enfers, lui soufflait son esprit silencieux chaque fois qu'elle osait protester contre le monde entier. Souliers aux pieds, être en alerte, elle sait qu'elle ne doit pas rester dans son antre, qu'il est temps que l'air lui redonner un semblant de goût pour la vie. Lentement, c'est sa guitare qu'elle plaque dans son dos, tandis que la porte d'entrée venait à claquer, arrachant un hurlement bestial à cette voisine encore plus hystérique que la musicienne. Innocente, cigarette entre ses lèvres pincées, écouteurs dans les oreilles lui crachant les meilleurs morceaux de Metal du moment, elle file, vogue et erre jusqu'à se décider à aller vers la plage ensoleillée. Pendant des années, c'était son rituel que d'aller dans cette contrée éloignée afin de s'isoler et de chanter à en pleurer. Là-bas, seuls les oiseaux daignent la frôler, et c'est ce qu'elle recherche avant tout : qu'on la fuit comme la peste autant qu'on ose l'apprécier. Car il en faut, du courage pour vouloir aimer une bête aussi féroce qu'elle l'est devenue, hantée par des fragments douloureux du passé. Calme-toi, Greta. Apaise ton âme et ton cœur, tu as toujours su que la colère n'apportait rien. C'est ce qu'il lui disait encore et toujours, lorsqu'ils étaient encore à peu près heureux, alors qu'elle s'assoit enfin sur le sable, croisant les jambes pour poser sa guitare noire sur ses genoux. Elle tente de le faire fuir de son esprit, mais son image reste ancrée dans son cerveau tandis qu'elle ferme les yeux, prenant quelques bouffées d'air frais pour se détendre. Et enfin, quand elle sent que le calme ambiant lui apporte un peu de réconfort, ses doigts se mettent frénétiquement à gratter des airs au hasard. Sans réfléchir, sa voix accompagne les notes, et elle recommence ainsi sans jamais s'en lasser. Pourtant, son oreille repère un son étranger qui la coupe dans son élan d'inspiration, et elle se fige, refusant de se tourner vers l'origine de ce bruit si incongru du cheval hennissant. Rien que d'imaginer les naseaux de la bête se gonfler et ses yeux sans âme la fixer, elle sent un profond malaise s'emparer d'elle. Mais le pire reste à venir, quand la voix humaine prend confiance, suffisamment pour lui faire regretter d'avoir ouvert la bouche. Narines gonflées par l'agacement, son regard se glace tandis qu'elle pose enfin ses yeux sur cet homme, ou que dis-je, cet intrus qu'elle déteste déjà sans même le connaître. Méprisant, il ne cherche pas à s'attirer sa sympathie. Dans le fond, peut-être ne peut-elle pas supporter ce comportement car elle-même aurait pu adopter la même posture à sa place. Poussant un soupir las, elle regardait déjà ailleurs, gardant le silence pour éviter de lui répondre de manière cinglante. De cette manière, elle espérait qu'il se taise et qu'elle n'ait pas à répondre. Malheureusement, il semblait chercher un contact qu'elle ne souhaitait pas recevoir, alors, elle fut bien obligée de tourner la tête vers lui, laissant ses mèches blondes cacher à moitié son visage, souhaitant lui faire comprendre qu'il n'était pas le bienvenue ici. « J't'emmerde. » Bien qu'elle sache à quel point les insultes n'étaient pas le meilleur moyen de communiquer, c'est tout ce qu'elle trouvait à dire quand on remettait en question son talent. C'était à cause de gens comme lui qu'elle avait tout perdu, même l'espoir d'un jour retrouver la lumière des projecteurs. « Si ça t'plait pas, tu dégages. J'arrêterai certainement jamais de chanter pour un type comme toi. » A quoi bon être polie et bien élevée ? Elle ne l'avait jamais vraiment été, l'insolence lui collant à la peau comme un chewing-gum sous une paire de Lauboutin. Elle regarde à nouveau sa guitare, emplie de cette rage dont elle tentait jusqu'alors de se départir. Elle ne sait même plus si ça vaut le coup de jouer, de chanter ou de faire quoi que ce soit d'autre dans l'immédiat. Si elle n'était pas matérialiste et que son cœur était aussi ténébreux que Dexter, elle aurait non sans mal assommé de sa guitare cet homme à l'ego surdimensionné. Alors, une idée lui vint à l'esprit. Sourire espiègle sur le visage, elle se remet à gratter cet air de Nirvana qu'il semble tant détester, convaincue de pouvoir l'emmerder autant qu'il la fait chier. « J'vais encore chanter faux, si tu veux partir c'est maintenant, sauf si t'as envie de devenir sourd. » grogne-t-elle, enchaînant sur les trois accords les plus connus du monde, avant de joindre sa voix à sa guitare, refusant de s'appliquer pour que cela sonne juste. « Load up on guns, bring your friends, It's fun to lose and to pretend, She's over bored and self assured, Oh no, I know a dirty word ! » Fière d'elle et de son comportement plus qu'enfantin, elle pose son regard sur cet inconnu qu'elle regarde vraiment pour la première fois. Pas de doute, sa tête ne lui revient toujours pas. Inconsciemment, elle se doute d'avoir déclaré la guerre à sa manière, et c'est très bien comme ça. Il ne restait plus qu'à voir lequel des deux craquerait en premier, et abandonnerait le combat, si abandon il y avait.

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Je sais bien que mes propos étaient peut-être assez exagérés mais il ne faut pas non plus oublier qu'ils sont plutôt proches de la réalité. Elle aura beau me bercer des plus belles insultes du monde, je ne reviendrai pas sur ma parole et ne m'arrêterai pas tant qu'elle n'aura pas fait au moins une mélodie correcte. Puis un type comme moi, qu'est-ce que ça veut dire au juste? J'hausse rapidement les sourcils avant de laisser échapper un soupir puis de reprendre ma tête de blasé, que je porte fièrement -que je n'ai pas le choix d'assumer surtout. Une petite pique qui me passe au-dessus de la tête. Je ne daigne même pas poser mon regard sur elle. Mais elle ne mentait pas, chantant, détruisant l'une des œuvres les plus appréciées dans l'histoire du rock. Un roulement d'yeux. Un énième soupir. Elle s'arrête et je peux sentir qu'elle est fière de sa connerie. Poppy serait-elle décédée et se serait-elle réincarner pour continuer à me les briser? Il faut croire. Ma main vient gratter rapidement ma nuque puis mon cou, laissant finalement cette dernière tomber pour serrer mes genoux que j'ai simplement ramené vers moi. "Bravo tu connais tes classiques." Un ton ma foi sarcastique. Un tutoiement nouveau. Pourquoi m'obligerais-je à la vouvoyer alors qu'elle ne fait même pas l'effort de son côté? "J'suis presque certain que c'est la seule chose que tu sais faire. T'as déjà essayé de faire plus compliqué? La gamme de Do par exemple, ça te fera plus travailler la souplesse de tes doigts que ça. A moins que ce soit encore trop expérimenté pour toi." Un haussement d'épaules. Une simple provocation. Soit elle tentera d'y aller plus fort, soit elle ignorera mais sera juste en train de bouillir à l'intérieur du fait que je suis en train de la saouler alors qu'elle était simplement paisible à faire sa musique qui n'a aucun sens. Qu'est-ce qu'elle a dans le ventre celle-là? Je suis bien curieux de le savoir il est vrai. Une tentative pour la regarder en coin. Je ne saurais expliquer pourquoi mais j'ai déjà vu cette dégaine. Je fronce légèrement les sourcils. La dernière fois qu'une personne me disait quelque chose, il s'est avéré que c'était l'une de mes exes à l'époque du collège. Espérons simplement que ce ne soit pas la même galère. "Et bien alors, tu n'as plus de souffle?" Qu'elle continue, on verra bien qui craquera le premier. "Fais moi une vraie mélodie, une ballade peut-être même mais de ta propre composition. A moins que tu ne dises "tien" ce qui ne serait en fait qu'un vulgaire plagiat remastérisé à ta sauce." De la merde quoi pour être impoli. Je marque un léger silence, me rappelant les deux trois phrases entendues avant que je ne l'ouvre. "Dis moi." Je prends un air consternant. "Il y a combien de personnes qui se sont suicidées en écoutant tes paroles?" lui demandais-je. Un petit signe de main, ce genre de mouvement pour dire que c'est en toute innocence. "Simple curiosité." ajoutais-je.

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le bruit mange le bruit

Encore un commentaire qui lui arrache une moue, et qui aurait tendance à lui faire perdre ses cheveux. Décidément, elle commençait à se dire que cet homme avait un sérieux problème. Qui d'autre que quelqu'un de borné aurait été capable de venir emmerder une fille en plein cœur de la nature ? Sérieusement, s'il voulait se faire passer pour un psychopathe il allait réussir. Mais heureusement pour lui, il osait garder physiquement ses distances, ce qui parvenait un minimum à rassurer Gretchen, se sentant de plus en plus à l'étroit dans son épais corsage et ce mini-short presque vulgaire. Elle se questionnait aussi sur la raison qui l'avait poussée à chanter, s'humiliant sans gêne alors qu'elle pouvait faire mille fois mieux côté chant. « Faut croire que je préfère utiliser la souplesse de mes doigts pour d'autres domaines en ce moment. » grogne-t-elle, sourcils froncés, regrettant de ne pas être née sourde pour ne plus avoir à l'entendre. Même si elle avait fini par se rendre compte qu'il faisait exprès de la mettre dans un tel état, elle ne pouvait pas faire autrement que de réagir. Pendant trop longtemps elle avait été muette face aux vipères, et désormais, siffler comme ces dernières était devenu une manie chez elle. Elle commençait d'ailleurs lentement à se rendre compte que c'était à cause de ce comportement-là qu'elle n'avait pas vraiment d'amis à qui confier son mal-être. D'ailleurs, elle pensait que lui aussi allait finir par déguerpir, mais il avait tenu en sa compagnie bien plus longtemps que certains, alors elle devait bien lui reconnaître une certaine force de caractère. Silencieuse, elle souhaitait désormais qu'il se lève et parte, tandis qu'elle regardait autour d'elle, serrant sa guitare contre elle comme seule arme de défense. Roulant des yeux à ce nouveau commentaire désobligeant, elle sentait ses joues et son crâne brûler, le sang affluant de plus en plus à son crâne alors qu'une colère incontrôlable était en train de s'emparer de son âme. « Qui te dit que j'ai envie de te chanter quelque chose ? » Il lui avait retiré en à peine trois secondes toute cette envie de spectacle et de briller, et elle n'avait aucun scrupule à tenter de le lui faire regretter. Serrant les dents, elle devait pourtant avouer qu'elle était partagée entre l'envie de l'insulter et celle de s'excuser d'être aussi odieuse. Sauf que la dernière fois qu'elle avait osé laisser un pardon sortir de sa bouche, elle l'avait aussitôt regrettée. « Sérieusement ? » Sa voix monta dans les aigus à cette nouvelle question, alors qu'elle daignait enfin le regarder. Dans sa colère, elle en avait presque balancé sa guitare, qu'elle avait rattrapé de justesse, les cours de boxe lui revenant soudainement en mémoire. Comme dans tout bon sport, perdre ses moyens et ne pas contrôler ses émotions et sa force empêchent de réaliser une belle performance. Poussant un soupir, marmonnant dans sa barbe, elle avait l'impression que chacun de ses gestes était jugé. « Beaucoup trop pour que je puisse les compter, j'imagine. Et tu seras certainement le prochain si tu restes là. » Le sarcasme dont elle faisait preuve était une fois de plus, un moyen de se protéger. En étant odieuse, elle ne laissait pas entrevoir la bonté dont elle pourrait éventuellement faire preuve. « De un, t'es qui ? Et de deux, pourquoi tu viens m'emmerder ? » demande-t-elle finalement, dans un ultime espoir de renverser la situation et de mener la danse. « Est-ce que tu me foutras la paix si je fais quelque chose d'à-peu-près bien ? » rajoute-t-elle, la voix amères tandis qu'elle jette un œil à son instrument de musique, dont la brillance avait été mise à rude épreuve après des années d'usure. Intimement, elle était persuadée qu'il ne lui lâcherait pas les basques, même si elle s'appliquait à bien chanter, mais elle n'avait rien à perdre à tenter de poser la question. Peut-être qu'il se déciderait à abandonner sa tête de linotte, juste un instant.

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Un haussement de sourcils en l'entendant me répliquer ceci dans la face, je la zyeute de haut en bas rapidement avant de me concentrer sur quelque chose de plus intéressant. "Ça ne m'étonne même pas une seule seconde." Je voulais jouer la provocation et il faut croire que j'ai une partenaire de jeu assez efficace. Bien entendu je ne pense pas un mot à ma réponse, c'est juste histoire d'avoir le dernier mot sur ce point. Elle fait ce qu'elle veut de sa vie et avec qui elle a envie. Je ne vais pas être l'homme qui lui jette toutes les pierres du monde seulement car elle a soi-disant péché aux yeux de l'Eglise. Puis je suis assez mal placé pour parler sexualité et ses "normalités". Une tentative pour écouter de la bonne musique, mélomane que je suis, mais l'essai est malheureusement raté. Quel dommage. "Je suis un public comme un autre." répondis-je finalement. Très simplement. Autant continuer à la charrier. Elle ne me fera pas partir de si tôt. Une question de trop peut-être, sa voix partant un peu trop dans les aigus pour que je ne puisse la supporter. Je fronce légèrement les sourcils tout en esquissant un petit sourire en coin. "En général je mets fin à la vie des autres, pas l'inverse." lui répondis-je en reprenant mon sérieux, tentant de croiser son regard. Je laisse échapper un soupir tout en laissant un ange passer. Mes bras partent finalement en arrière et c'est sur mes mains que je prends appui, croisant mes jambes allongées. Et sans que je ne sache réellement pourquoi mes lèvres viennent naturellement s'infléchir. Dire la vérité haut et fort en la faisant passer pour une simple réplique de répartie. C'était si classique mais ça marchait toujours, du moins dans les situations dans lesquelles ce schéma arrive. Un regard en coin après son interrogatoire. L'un de mes sourcils s'arque. "Je suis qui tu veux que je sois. Le mec qui se fait chier et qui vient emmerder les autres ou simplement le mélomane qui ne veut qu'apprécier ce qu'il entend. Tu as le choix." répondis-je dans un premier temps avant de rapidement enchaîner. "Deuxièmement, l'ennui me force probablement à agir ainsi. Ça aurait pu être quelqu'un d'autre mais je ne pense pas que ça aurait été aussi intéressant." Si intéressant est réellement le mot, allez savoir. Un simple mouvement pour finalement m'allonger de tout mon long, je passe mes mains derrière la tête en guise d'oreiller. "Joue, on verra ensuite." Je ne peux rien lui garantir après tout surtout si on n'a pas la même définition d'"à peu près bien". Je suis assez indulgent dans ce domaine, il en faudra beaucoup pour me satisfaire. "Mais avant, j'aimerais te retourner la question. Qui es-tu? Si je me présente réellement à toi, en feras-tu de même? Même si dans les deux partis, après cette après-midi on ne se recroisera probablement pas et qu'on aura peut-être tout oublié." Un haussement d'épaules tout en fermant les yeux sereinement. Avec ce que je lui fais subir depuis bien une demi-heure, je suis largement à sa portée pour qu'elle puisse m'attaquer et se venger avec son instrument. Seul l'avenir nous le dira. Mais là n'est pas la question. "Je t'écoute donc." reprenais-je d'une voix légèrement plus douce, prêt à accueillir les notes qu'elle produira.

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le bruit mange le bruit

La provocation semblait être l'essence même de ces deux âmes qui ne pouvaient pas y résister. Ce simple trait de caractère montrait qu'ils avaient deux tempéraments similaires, et qui sait les dégâts que cela pouvait parfois faire. Pourtant, derrière cette carapace de glace que tentait d'arborer Gretchen se cachait une jeune femme brisée, et elle se demandait si elle n'avait pas déjà été percée à jour par cet inconnu, ce qui expliquerait son comportement plus qu'intrusif. Il était tellement rare qu'on l'aborde de cette façon et qu'on ait pas peur d'elle qu'elle le prenait pour quelqu'un de sacrément taré. Mais ne l'était-elle pas un peu également, pour oser lui donner la réplique, en plein milieu d'une nature qui pourrait être le parfait lieu de crime ? Personne ne retrouverait son corps avant des années ici. S'il était donc un psychopathe à la recherche d'une âme à éliminer, elle serait parfaite pour cela. Cependant, Gretchen avait du mal à s'imaginer côtoyer ne serait-ce qu'un jour un tueur en séries. Ah, si seulement elle était moins naïve, si seulement elle avait remarqué ce sourire sur le visage du jeune homme quand il plaisantait à ce sujet, elle serait probablement partie au plus vite. Peu importe, elle passe outre, et se met à chanter, provoquant la fuite de quelques oiseaux et un mauvais commentaire de cet inconnu à qui elle daigne demander de décliner son identité. Roulant des yeux, lâchant un léger soupir de dépit, l'australienne posa son regard interrogateur sur lui, ne comprenant pas comment il pouvait être aussi con dans un moment pareil. En même temps, elle l'avait été aussi, en le faisant chier en retour. Peut-être que si elle avait été gentille, les choses auraient été différentes. Malheureusement, c'était loin d'être le cas. « Génial. Tu seras donc le mélomane qui se fait chier et qui fait chier le monde. » répliqua-t-elle, déçue de ne pas avoir eu le droit à une véritable réponse de sa part, et aussi pour ne pas avoir à relever qu'il ne l'aurait pas fait si ça avait été quelqu'un d'autre qu'elle. Quelques secondes, elle se demandait s'il ne savait pas qui elle avait été sur le devant de la scène, et si c'est pour cette raison qu'il faisait une telle allusion. C'est donc un sentiment de gêne qui s'installa alors qu'elle détourna le regard quand il s'allongea, refusant de l'observer plus longtemps. Même s'il était agréable à regarder, elle était davantage attirée par le vert de la nature, aujourd'hui. Et puis, de la sorte, elle pouvait presque faire comme s'il n'existait pas, et qu'elle était seule, comme en ce début d'après-midi. D'ailleurs, où était le cheval ? Ce détail lui revint à l'esprit et l'angoissa, mais étrangement, le fait que l'inconnu sans nom lui parle parvint un minimum à l'apaiser. Il ne la laisserait pas se faire piétiner par un poney, tout de même ? « Ouais, ça arrive. » grommela-t-elle, ne supportant pas cet ordre à demi-mot qu'il venait de lancer. Elle ne s'exécuta pourtant pas tout de suite, à nouveau interrompue dans son discours. La peur s'installa à nouveau dans son esprit et elle déglutit. Non, elle n'avait pas envie de lui dire comment elle s'appelle, et non, elle n'avait pas non plus envie de mettre en avant qui elle était avant de partir, et pourtant, son ego, piqué à vif depuis le début de cette conversation, la fit parler tandis qu'elle pivotait légèrement sur ses fesses pour jeter un œil au jeune homme. « Gretchen. C'est mon nom. » Elle l'observa à nouveau, lui et sa façon de s'installer, de ne faire qu'un avec l'environnement peu importe les dangers qui pourraient s'y trouver. Et cette mèche sur son front, et ce regard étrange, presque apaisé. Tout ça était louche, mais elle l'était encore plus alors elle ne dit rien et agrippa un peu plus sa guitare, la calant à nouveau sur ses genoux, essayant de faire abstraction de tout ce qu'il y avait autour d'elle. Une première inspiration, puis une expiration, l'odeur de l'humus lui parvenant aux narines, réussissant à lui donner l'impression qu'elle était seule, ou presque. Dans son esprit, autour d'elle s'étale la foule, l'adrénaline des concerts grandissant dans ses veines, accélérant son cœur tandis que ses oreilles se souvenaient des cris du public, et plus près encore, derrière la scène, de celui qui partageait alors sa vie. Alors, tout semblait laisser place à une certaine amertume et elle rouvrait les yeux pour revenir au présent alors que ses doigts avaient déjà entrepris une mélodie. Ce n'était certainement pas la meilleure chanson à chanter à l'instant, mais ça lui était venu naturellement. Nothing left to lose. « I was only 19, you were 29. It's just 10 years, but its such a long time... In a heartbeat, I would do it all again. » Cette chanson si singulière, la dernière qu'elle avait osé chanter face au monde avant de s'enfuir, laissant planer le doute de son propre suicide alors que l'Allemagne lui ouvrait ses portes. L'idée de chanter faux avait alors quitté son esprit et c'est désormais son cœur et son âme qu'elle déposait ainsi face au brun, pensant que de toute façon, comme il l'avait dit, ils oublieraient leur existence d'ici quelques semaines ou quelques mois. Car cette chanson, c'était sa propre histoire avec son ex, cette histoire qu'elle n'avait jamais digéré. Et quand elle parvint aux dernières notes, son « I've got nothing left to lose » ne lui avait jamais paru aussi sincère, alors elle plongea dans le silence, posant sa guitare par terre, le regard au loin, triturant désormais les bijoux amoncelés à chacun de ses poignets, préférant fuir le regard et le jugement de l'intrus.

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Une petite moue après son résumé sur ma personne, ma foi tout de même amusé. "Ca me va." répondis-je simplement avant de répondre une fois de plus à ses questions. Pourquoi se présenter alors qu'on sait bien tous les deux qu'on en a absolument rien à carrer? Mais allez savoir, sa langue se délie sans que je ne sache réellement pourquoi. Chose promise, chose due, "Elijah." vient sortir de ma bouche après avoir entendu son nom. Un froncement de sourcils. Gretchen. Original pour un prénom. Ca sonne énormément allemand à mes oreilles par contre. Un simple détail qui ne m'empêchera pas de vivre vous me direz. Une posture bien plus confortable pour se laisser bercer par la musique qu'elle s'apprête à me jouer, j'écoute attentivement les paroles de cette dernière, paroles qui me laissent légèrement amer. Je ne saurais expliquer pourquoi. Je n'ai absolument pas la même histoire que cette dernière, certes nous avions un écart au niveau de l'âge mais rien de bien dramatique si ce n'est la façon dont on s'est "séparé" si on peut dire que séparation il y a eu. Mais son "nothing left to lose" continue cependant à se répéter dans ma tête. Nous avons apparemment un autre point commun en plus de l'amour pour la musique. Elle s'est arrêté de jouer et je ne bouge pas d'un poil. Qu'est-ce que vous voulez répondre à ça? Faire des excuses en venant la chouchouter car elle a vécu une salle histoire? Et puis quoi encore? J'ai pas que ça a foutre de m'occuper d'une désespérée. Mon cas me suffit pour le moment, je ne vais pas m'encombrer de ce genre de merdier. Ne rien dire peut-être que ça serait le mieux, peut-être est-ce ce qu'elle aimerait que je dise; rien. "C'est la vie hein." m'exclamais-je dans un soupir tout en me relevant pour prendre ma position initiale. "Tu parais pourtant être une personne plutôt butée, j'vois pas pourquoi tu as cédé et l'as laissé partir." continuais-je prenant en compte que j'enfonce le couteau dans la plaie. Peut-être que c'est justement cette situation qui l'a rendu ainsi, changement que je peux tout à fait comprendre. "Tu ne l'as jamais revu depuis ou tu as eu écho de certaines nouvelles comme par exemple... Je ne sais pas, dans les histoires basiques, le type refait sa vie en te laissant de côté?" demandais-je. Faut parler des choses qui font mal et si ça peut occuper mon après-midi.. même si je ne suis pas sûr à 100% qu'elle me réponde. "Est-ce que le revoir te rendrait moins dépressive au moins?"

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le bruit mange le bruit

Petit sourire amer aux lèvres, le calme que lui avait imposé le chant venait de disparaître face aux propos de ce fameux Elijah, qui avait finalement accepté de donner son nom après qu'elle l'eut fait. Dans un sens, elle se moquait bien de la façon dont il s'appelait, elle l'oublierait facilement, ne comptait pas le revoir. Et si le hasard décidait de s'en mêler, eh bien elle serait obligée d'avoir que le destin se fout bien d'elle. Elle posa sa guitare à côté d'elle sur les feuilles mortes et s'empara de son sac à main, d'où elle sortit un paquet de cigarette pour venir porter l'une des clopes à ses lèvres, l'allumant difficilement à cause de la douce brise qui venait faire chanter les arbres. Gretchen haussa les épaules, tenta d'arborer un visage neutre malgré son état d'esprit agacé. « J'l'ai pas laissé partir, c'est moi qui suis partie. » se défend-t-elle, la vérité des choses brisant tout de même quelque chose au fond d'elle. Avalant une gorgée de cancer, elle recracha la fumée, observant ses doigts donc sa peau avait fini par corner à force de gratter les cordes depuis tant d'années. La jeune femme tentait de passer outre les commentaires de cet homme, en vain. Elle était blessée par ses propos, mais ne comptait pas pour autant céder. Elle savait qu'il faisait exprès, que chacun de ses mots était là pour raviver cette douleur, et elle se demandait d'ailleurs pourquoi elle ne l'avait pas déjà baffée à force de sentir la colère monter. D'habitude, c'était sa sœur qui la faisait sortir de ses gonds, et personne d'autre n'en avait le droit. Elle plongea alors son regard froid dans celui du brun, ne sachant pas où il voulait en venir avec ses commentaires désobligeants. Imaginer son ex avec une autre femme, ça la rendait parfois folle. Qui sait, il s'était peut-être marié avec quelqu'un d'autre qu'elle et avait déjà un enfant, chose qu'il n'aurait jamais pu construire avec elle. Après tout, elle n'aurait pas de famille, pas de descendance, parce qu'elle était foutue de l'intérieur. Secret enfoui qu'elle ne révélait pas, et qu'elle ne supportait pas non plus. De toute façon, il y avait des solutions, comme les mères porteuses ou l'adoption, mais avant d'en arriver là il lui faudrait trouver un bon père. Son fiancé aurait été l'homme parfait, quel dommage qu'elle en soit arrivée là si tôt. « J'en sais rien, j'viens de revenir. Mais j'suis pas revenue pour lui, alors il peut bien s'être trouvé quelqu'un d'autre, j'm'en fous. » C'est faux, mais se mentir à soi-même et aux autres lui semblait toujours bien plus simple. Son cœur n'avait jamais été pansé, et elle ne souhaitait pas que quelqu'un vienne l'aider à effacer ces horribles cicatrices. Les hommes, les histoires d'amour, c'était fini. Poussant un soupir, elle continua de fumer, regard dans le vague. Il ne lui avait fallu que quelques secondes pour retrouver son état d'esprit initial, et elle ignora cette dernière question, car elle venait déjà d'en révéler beaucoup trop. « T'sais quoi, j'ai pas envie d'en parler, ni de parler de ma vie avec toi. Si t'as fini avec tes questions à la con, laisse-moi. » Elle ne se sentait pas plus apaisée de s'être confiée, disons qu'elle avait plutôt l'impression qu'on s'était introduit dans sa vie privée sans lui en donner le choix. Si cet homme avait eu ce qu'il voulait, très bien, mais qu'il s'en aille dans ce cas-là, surtout qu'il ne semblait pas avoir de solution à lui apporter pour qu'elle se sente mieux. Elle redressa pourtant la tête pour le regarder, inquiète qu'il ne divulgue à qui veut l'entendre ce qu'elle venait de dire. « T'as intérêt à garder pour toi ce que je viens de dire-là, sinon j'te retrouve et j'te fais la peau. » lâcha-t-elle, tentant de ne pas paraître trop sérieuse pour qu'il ne prenne pas ses propos pour des menaces de mort. Elle a juste envie d'être oubliée et de ne plus s'attirer autant de problèmes qu'à l'époque.

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J'écoute sans argumenter cette fois, sans renchérir, les questions déjà posées faisant assez mal en soi. Ce n'est pas que je ne veux pas la blesser mais je n'ai absolument aucun intérêt à le faire. Que ce soit elle qui s'en est allée cependant n'a absolument aucun sens. J'ai juste l'impression d'écouter Jacques Brel chanter "Ne me quitte pas" alors que c'est lui qui la quittait. Les paradoxes sont apparemment un trait majeur chez les artistes. D'autres questions, d'autres réponses avant qu'elle ne se mette à se braquer, voire me menacer de mort. Chose qui me fait réellement rire puis je la regarde avec un petit sourire narquois. "Pourquoi irais-je raconter la vie d'une personne dont tout le monde se moque éperdument?" Je n'attends pas vraiment de réponse en soi pour être honnête. Mais cela ne me fera pas plus bouger. Un paquet de cigarettes dans mon menton, j'en attrape une que je viens porter à mes lèvres et me l'allume, recracher toute la fumée dans sa direction. Je la zyeute de haut en bas avant de laisser échapper un soupir. "Tu veux donc que je te laisse? Ce n'est pas un souci mais il faudra pour ça, m'aider à récupérer mon cheval." reprenais-je bien assez rapidement. Je me relève, tire une autre taffe et pose ma main droite sur la hanche. "Bon on y va?" Elle refusera mais ce sera bien le seul moyen de me faire partir. "Sinon je te suis et tu me ramènes tout droit vers le centre de la ville." Une autre solution en soi. Je suis perdu, il faut bien que je trouve un moyen de retrouver mes locaux, non? Toute opportunité est bonne à prendre certes, mais parfois il faut juste légèrement forcer le destin. "Par contre, en cours de route, je refuse à ce qu'on fasse vœu de silence." Moi qui ai tendance à vouloir qu'on se taise, je ne sais pas vraiment ce qui me prend. Ça va l'ennuyer, ça va me saouler aussi mais au moins, je ferais bien chier mon monde. Ça me purifie. "Du coup, je vais te poser des questions et tu vas me répondre tout ce que tu n'es pas." Un craquement des doigts, clope gardée entre les lèvres. "Quel est ton métier?" Commençons le jeu. Je lui adresse un sourire en coin, un sourire plutôt joueur, celui d'un bon emmerdeur.

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le bruit mange le bruit

N’allait-il donc jamais la laisser ? C’est ce qu’elle pensait d’abord, car malgré ses commentaires désobligeants et sa tentative de se faire détester, le jeune homme restait campé sur ses positions, et relançait toujours la conversation. Elle voulait qu’il parte, ne jamais le revoir, lui à qui elle venait d’avouer le pire crime de sa vie. Elle se demandait s’il ne le faisait pas exprès parce que dans le fond il était intéressé, et si c’était le cas, elle ferait mieux de lui briser bien vite le cœur pour qu’il ne revienne jamais vers elle. Levant les yeux au ciel, irritée, elle l’affubla d’un doigt d’honneur en l’entendant, incapable de rester calme et polie cinq minutes de plus. En chantant et en répondant à ses questions, elle l’avait suffisamment été. « Récupérer ton cheval ? » elle écrasa sa cigarette contre le tronc d’arbre, manquant de s’étouffer avec la dernière bouffée avalée. Il était hors de question pour elle qu’elle s’approche d’un animal aussi sauvage qu’un cheval, qui n’hésiterait pas à lui mettre un coup de sabot et lui briser les os pour avoir été aussi insolente. Non, elle ne pouvait pas faire ça. D’ailleurs, ses pupilles trahirent sa peur soudaine, ou plutôt sa phobie de cet animal, et elle détourna les yeux pour tenter de cacher son malaise. Déglutissant, elle se mit à agripper plus fermement sa guitare, comme si cet objet de bois serait à même de la protéger d’une éventuelle agression. « Quoi ? » Et maintenant il lui demandait de l’accompagner, sous prétexte de la stalker ? Plus le temps passait, plus elle le trouvait louche ou incroyablement malpoli. Et même si elle voulait refuser, elle ne pouvait pas imaginer une seule seconde pouvoir le guider jusqu’à chez elle par erreur. Elle ne voulait pas qu’il la retrouve, jamais, elle était trop effrayée pour ça. « T’es qu’un pauvre con. » l’insulte-t-elle alors qu’elle range son instrument de musique dans son étui, l’accrochant à son dos, puis s’emparant de son sac à mains avant de se mettre en route. Si à l’arrivée son pas était certain et qu’elle ne glissait pas sur les feuilles mortes, maintenant, c’était complètement l’inverse, comme si ses jambes flageolaient à l’idée que le cheval puisse s’approcher d’elle. Tous les sens en alerte, elle regardait autour d’elle, prête à détaler dès que l’occasion se présenterait. « J’croyais que t’aimais pas ma voix, et te voilà en train de me forcer à répondre à tes questions. » grommelle Gretchen qui avait perdu sa bonne humeur, et qui faisait tout pour ne pas être trop proche d’Elijah durant ce trajet. Concentrée sur les bruits étranges de la nature, elle manquait de tomber à sa question. Il était beaucoup trop curieux à son goût, et elle était trop stressée par le contexte de cette discussion pour penser de manière raisonnable. « J’enseigne la danse, et j’essaie de revenir dans le milieu de la musique. » Révélation qu’elle n’aurait jamais pu faire si elle n’avait pas été poussée dans ses retranchements. « Par contre, si je réponds à tes questions, tu réponds aux miennes. Alors, toi, tu bosses dans quoi ? » Puis qu’elle était bloquée avec lui, autant tenter d’en savoir plus, si jamais elle avait besoin d’informations pour appeler la police et se plaindre d’un éventuel agresseur. Elle priait tout de même pour que cela n’arrive pas, car il ne manquerait plus que ça, de se retrouver avec des rumeurs sur le dos à peine de retour en ville.

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"Oublions le cheval alors. Il sera bien plus heureux en liberté." répondis-je avant de me faire insulter une fois de plus. Est-ce que je l'ai bien cherché? Bien évidemment. Ce n'est pas pour être méchant ou lui faire du mal que je lui demande de me raccompagner mais m'aventurer dans un coin que je ne connais absolument pas, il faut bien qu'elle comprenne qu'elle devra me servir de guide au moins jusqu'à la frontière du centre-ville. Une question, un jeu pour m'occuper durant le trajet, il est vrai qu'à sa remarque elle pourrait marquer un point. "Quand tu chantes seulement. Quand tu parles c'est moins dérangeant." Sa voix n'étant pas réellement la même lors de ces deux "activités". Une première question, une réponse bien trop sincère. J'arque un sourcil avant d'afficher sur mes lèvres un rictus. "Bonne chance pour tes projets écoute." rétorquais-je avant qu'elle ne me pose à son tour une question. Les règles étaient bien évidentes pour que j'en fasse de même, peut-être pas assez pour elle apparemment. Mais au moins elle accepte la discussion, ce qui est déjà un grand pas en avant. "Je suis magicien dans un cabaret." lui dis-je au tac au tac. Un moment de réflexion, je tente de trouver une autre question à lui poser. "Ton souvenir le plus heureux?" Là, si elle suit bien la règle du "je réponds à côté de la plaque", il y a peut-être moyen que j'emboîte sur sa réponse. Partons loin, partons complètement à l'opposé de notre précédente discussion, quelque chose de légèrement moins agressif. Peut-être que ça la mettra plus en confiance?

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le bruit mange le bruit

Elle ne dit rien mais ça la soulage de savoir qu'ils vont abandonner le cheval ici. Elle n'a aucunement envie de le croiser, trop terrorisée, incapable de faire le moindre pas avec l'idée qu'une telle bête s'approche d'elle, venant l'envahir de mouche et d'une odeur de purin au passage. La dentelle de sa tenue était bien trop précieuse pour prendre le risque d'être arrachée, aussi. Alors, elle se met à suivre le sentier, peu à l'aise, l'esprit plein de doutes. Et s'il essayait de gagner sa confiance juste pour se foutre d'elle, pour la rouler dans la farine ? Si jamais c'était un ami de son ex, qui voulait lui faire payer son départ ? Ou encore un ami de son frère, qui essaie de la faire flipper ? Il y avait tellement de monde qui la croyait morte, et tellement de monde qui voulait aussi lui faire payer son départ qui avait brisé plus d'un cœur. Depuis qu'elle avait quitté Bowen, elle avait l'impression que le monde entier lui en voulait, qu'elle n'avait pas encore réglé ses comptes avec tout le monde. Mais la vérité était bien différente, car la seule personne à qui elle n'avait jamais pardonné, c'était elle-même. Sur cette pensée, elle se dit qu'Elijah devait être quelqu'un de bien intentionné, car s'il avait voulu tenter quoi que ce soit, il l'aurait fait depuis bien longtemps, plutôt que d'attendre le chemin du retour. « Magicien ? » Elle haussa un sourcil, un peu surprise, tandis qu'elle lui jetait un discret coup d'oeil. Disons que c'était un métier plutôt original, qu'elle ne soupçonnait même pas exister. Les cabarets, c'était pas trop son truc. Autant elle avait fait son show dans des bars et des restaurants, mais dans un cabaret, jamais, bien qu'elle aurait pu aisément s'y trouver une place. Et s'il travaillait dans un cabaret plutôt réputé, pourquoi pas continuer de le côtoyer pour avoir une chance de remonter sur scène un jour. Oui, il pourrait être un allié de choix pour sa carrière. Elle haussa alors les épaules, continuant son chemin alors qu'il enchaînait déjà sur une autre question, qui étira les lippes de Gretchen. Il n'y avait pas vraiment de souvenir heureux auquel elle pense actuellement. La demande en fiançailles peut-être, avant qu'elle ne la gâche, mais aussi ses soirées sur cette scène. Il y en avait beaucoup plus que ce qu'elle voulait croire, et en sélection un était compliqué. « La première fois que je suis montée sur une vraie scène, lors d'un festival de la musique à Bowen. » choisit-elle finalement. C'est vague, et elle parle encore de musique, mais il n'y a plus que ça qui compte à ce jour. « T'emmènerais quoi si tu devais survivre sur une île déserte ? Trois objets max. » poursuivait-elle, ne voyant pas l'utilité de lui retourner les questions à chaque fois. En se dirigeant vers d'autres sujets, elle en apprendrait sûrement plus sur lui, ce qui aurait une forte tendance à la rassurer, au vu des circonstances..

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Peut-être un peu trop à l'ouest dans mes réponses, je souris simplement à son interrogation. J'hausse les épaules. "Apparemment oui." Rien de plus. Aucun détail. Juste une réponse avant de les enchaîner une à une. Rien de ce que je dirais ne sera vrai. Les choix que fait la jeune femme sont bien trop sincères pour que je n'y crois pas. Si elle veut se dévoiler, qu'elle le fasse. Comme dit plus tôt, je ne vois absolument pas pourquoi j'irais raconter ces détails dont tout le monde se fout. "Ah oui? Donc ce n'est vraiment pas une blague, tu es chanteuse. Autant pour moi." rétorquais-je, une moue presque impressionnée par ce bout de chair bien que je n'apprécie pas son art. Ses paroles en soi sont correctes, c'est juste cette foutue mélodie qu'elle sort de ses entrailles. C'est juste insupportable. Une énième réflexion. "Un briquet, du chatterton et surtout un fer à repasser." Bien évidemment, en réalité je prendrais une barque, une boussole et une carte. Je ne comprendrais jamais les gens qui préfèrent prendre des chargeurs ou ce genre de conneries alors que sur l'île déserte, et bien il n'y a pas de prise. Peut-être qu'en temps normal ils ne percutent pas bien la question. Allez savoir. "Cite moi dix choses sans réfléchir qui n'ont absolument rien à voir entre elles." A quoi pourrait-elle bien penser en laissant parlant son presque inconscient? Je la regarde en coin, arquant légèrement un sourcil. "Juste le temps d'une question qui brise le jeu, on est encore loin du centre ville?" Histoire que je sache un minimum me situer. Un cheval ça va vite, ça va loin. Je ne sais toujours pas où j'ai réellement atterri.

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Et dire qu'elle se laissait mener en bateau sans même s'en rendre compte, c'était pitoyable pour tout spectateur extérieur. Pourtant, l'acte qui était lancé n'était pas prêt de s'arrêter, Elijah ayant décidé de poursuivre sur sa lancée, se moquant éperdument de mentir, et Gretchen se moquant éperdument que tout ne soit qu'un immense subterfuge. Comme toujours, elle se laissait guider, la vérité s'écoulant de ses lèvres trop naturellement. Elle qui ne faisait confiance à personne habituellement avait décidé de mettre sa mauvaise humeur de côté aujourd'hui, alors que son air renfrogné aurait pu la sauver. « Oui, je suis vraiment chanteuse. » C'était le commentaire le plus agaçant de tous. Elle avait bien compris qu'il n'aimait pas sa musique, mais il se sentait obligé d'en rajouter une couche, encore et toujours, et Gretchen, naïve, tombait dans le panneau à chaque fois. Parce que c'était son ego qui était touché, et qu'elle en avait déjà assez bavé pour laisser un inconnu en remettre une couche. Elle lui prouverait dans quelques mois qu'il avait eu tort, quand elle serait à nouveau sur la scène et qu'il ferait face à son talent. « Un fer à repasser ? Tu comptes vraiment porter des chemises propres sur une île ? » Elle trouvait ça étrange, mais pourquoi pas après tout. Si cela pouvait lui faire plaisir, il aurait au moins une arme pour se préparer une petite purée de cloportes. « Dix ? » Elle poussa un soupir alors que son visage se tordait dans une drôle de grimace qui prouvait qu'elle était déjà en train de réfléchir. « Une poêle, une capote, du vernis à ongles, une planche de ouija, le dentier de ma grand-mère, des écouteurs, un fer à cheval, une fenêtre, un sifflet, une épée. » Elle trouvait que la question n'avait aucun sens, mais si ça pouvait lui faire plaisir, elle n'avait rien à perdre à part sa dignité. « Je dirais une dizaine de minutes à peu près. » Il leur fallait déjà quitter la forêt, et on pouvait déjà entendre les voitures au loin, signe que la ville n'était pas si loin que ça. Ensuite, elle pourrait l'abandonner à un arrêt de bus, prétextant un amant ayant soudainement envie de la voir, ou faisant mine de se fouler la cheville pour le fuir le plus vite possible. Elle n'avait aucune envie de le revoir, car il en savait déjà beaucoup trop sur elle. Sa sœur allait forcément lui faire la morale en apprenant l'après-midi qu'elle venait de passer. « La prochaine fois que tu viens par là, ramène une boussole. Je serais certainement pas là pour te ramener chez toi. » Disons qu'elle s'occupait déjà d'enfants lors de son travail, et elle ne souhaitait pas en avoir un supplémentaire à la charge.

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Un autre commentaire agaçant comme je les aime pour bien rajouter de l'huile sur le feu, qui aime bien châtie bien comme on le dit si bien. Dommage que je ne la connaisse pas et que je me moque éperdument de sa personne bien que je tente de m'y intéresser le long de ce voyage. Un étonnement envers sa personne quant à ma réponse, je me doutais qu'elle n'était pas vraiment dans le jeu mais j'ai maintenant la confirmation qu'elle est des plus sincères dans ses réponses à elle. Je ne vais pas la bloquer en si bonne voie. Qu'elle parle, qu'elle se confie. J'en saurais peut-être légèrement plus sur son personnage. Des mots en vrac qui n'ont pas de rapport entre eux comme précisé, j'hoche la tête. Ses mots me vont, de toute façon que pourrais-je en dire de plus? Une question, une simple information, je fronce légèrement les sourcils. Je ne me suis pas perdu tant que ça alors même si ça doit bien faire une dizaine de minutes que je l'embête avec mon jeu à la noix. "Ne t'en fais pas pour ça. Je saurais m'y repérer maintenant." J'ai un bon sens de l'orientation en général. Je ne dirais pas que si j'emprunte un autre chemin je saurais m'y retrouver mais je saurais au moins où je suis plus ou moins. Un moment de silence, je n'ai même plus envie de batailler sur ce jeu pourri même si je pourrais clairement profiter de la situation. Les mains dans les poches à shooter parfois dans des cailloux qui sont sur mon passage, en un rien de temps on arrive aux portes de la ville. Un soupir de soulagement, je m'arrête net à côté de la jeune femme. "Et bien au plaisir. Sur ce, je vais t'abandonner ici et continuer de mon côté." Un sourire en coin, presque amical. Je dis bien presque avant de replonger mon regard sur les formes que Bowen a à m'offrir. "Peut-être à une prochaine fois chère Gretel. On ne sait jamais, le monde est vaste mais si petit en même temps." Une main tendue en sa direction pour la saluer, je ne saurais dire si elle acceptera de me la serrer avec ce que je lui ai fait subir depuis plus de quarante minutes.

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