astres contraires |ft Beth

Et si elle savait, cette blonde, qu'en réalité, ce qui bloquait tant Beth n'avait rien à voir avec l'inconnue qu'elle avait devant elle, mais bien avec elle, elle tout simplement. Inconfortable dans ses vêtements qui commençaient à se faire visiblement trop petits pour elle, petit ventre arrondi qu'il fallait cacher sous prétexte que personne, mis à part une ou deux personnes, ne savait encore pour cette grossesse bien trop cachée, la brune ne se sentait loin de la beauté que rayonnait son co-modèle pour la journée, fille qui lui avait été présentée par direct message sur la plateforme instagram où elle y postait, ici et là, quelques clichés d'elle et de son monde. Monde qui n'avait rien à voir avec Gretchen. Belle, provocatrice, blonde platine, gothique, son style n'avait rien à voir avec celui de la traductrice. Réservée de nature, jamais elle ne publiait de photos d'elle dans des tenues excentriques ou révélatrices, bien qu'elle admirait celles qui en avaient le courage. En ce qui la concernait, elle passait son tour. Mais on les avait tout de même toutes les deux approchées, ensemble, pour un photoshoot exposant les différentes, les antonymes, série qu'un photographe semi-connu du web avait lancée quelques années plutôt. Et tous ces clichés amassaient des quelques centaines de j'aime, sans exception. Saisissant l'occasion pour se faire connaitre sur la toile, et ainsi faire connaître sa maison d'édition, Beth avait accepté, sans réellement penser qu'un tel exercice viendrait jouer sur sa confiance personnelle, posant aux côtés d'une belle grande et fine jeune fille de son âge qui, elle, n'avait pas la vie en elle. Vêtue d'un short de jean taille plutôt haute ainsi que d'un débardeur blanc de lin, tissu fluide qui dansait avec le vent, Beth tentait de tenir en équilibre sur le rocher, tant bien que de mal, se répétant sans cesse silencieusement : ne pas tomber à l'eau, ne pas tomber à l'eau, maquillage léger sur son visage qui ne tiendrait pas à une baignade imprévue. Pardon, j'ai pas l'habitude de ce genre de chose, s'excusa Beth alors que la blonde tentait de l'aider à se sentir à l'aise. Mais personne ne pourrait, alors que son coeur l'incommodait. J'peux pas être sexy comme tu l'es. Une chance que l'on représente les pôles opposées, sans quoi, j'aurais l'air ridicule à côté de toi. Compliment pour faire comprendre à la jeune femme combien elle était belle, alors que Beth, elle, ressemblait à un sac de pommes de terre.

Elle éclata de rire, la blonde, alors que Beth, elle, n'y arrivait pas, en équilibre sur le rocher bien trop petit pour elle et le bébé qu'elle porte dans son ventre, silencieux, ni même le photographe ne le savait. Il leur avait demandé, un peu avant de s'aventurer dans la rivière, de monter dans un arbre. Beth s'y était fortement opposée passant pour la princesse du shooting, celle qui mettait des limites et qui n'écoutait pas les directives du chef d'orchestre, sacrilège. Elle avait feinté un vertige, mais ce ne serait pas assez, pas assez pour ce qu'il leur réservait pour la suite. Et, là, le simple vertige ne serait plus une excuse valable pour refuser les acrobaties un tantinet dangereuses. En équilibre sur les roches sur lesquelles l'eau se heurtait en douceur, Beth avait déjà atteint sa limite. Gretchen rit alors que le photographe leur hurle des consignes au travers de la musique de la nature, le courant de la rivière qui s'agite dans un bruit sourd. Et Beth reste plantée là, incapable de se détendre. Et quand la blonde eut enfin fini de rire, quand elle retrouva un peu de sérieux, elle se dota des droits pour conseiller la brune qui, visiblement, n'était pas dans son élément. Des rides, elle n'en avait pas encore. Et pourtant, elle toucha son front, presque insultée, à la recherche de cesdites marques qui pourraient nuire aux clichés. Ce qu'elle avait, c'était des cernes, de grosses et coriaces cernes qui marquaient son visage fatigué par le stress et les nausées ainsi qu'un ventre arrondi qui commençait à difficilement se cacher. Gretchen passe un bras autour de la taille de Beth, la rapproche d'elle dans une nouvelle tentative, mais la voilà bien plus figée, préoccupée par ce que les gens diraient s'ils savaient pour son état, si on l'aurait tout de même choisi pour représenter le parfait opposé de cette belle jeune fille élancée qu'elle avait à ses côtés. C'est facile, des selfies, réplique simplement la Britannique, ne daignant même pas regarder son interlocutrice dans les yeux. Je suis seule quand je le fais, puis je prends la meilleure des centaines de prises faites. Et dieu sait que toutes ces prises ne sont pas flatteuses. Puis, y'a le cadrage et l'angle, ajoute-elle, beaucoup trop sérieuse. Surtout qu'à tes côtés, j'ai l'air de peser 300 tonnes. Et d'être beaucoup trop enceinte, aurait-elle pu ajouter, si elle en avait eu le courage. Beth secoue la tête. J'ai besoin d'une pause, annonce-t-elle au photographe en tentant aussi bien que mal de descendre de son perchoir sans trébucher.

Elle ne voulait pas tomber dans le jugement, Beth. Mais, inconsciemment, voilà qu'elle le faisait à l'égard de Gretchen. C'était peut-être parce qu'elle ne semblait pas comprendre, ou du moins respecter, le malaise de la brune, ou peut-être un peu parce qu'elle semblait plus svelte, plus affinée, plus mince que la traductrice. Beth se détestait, à l'instant, de penser que pour la blonde, c'était plus facile de poser ainsi devant la caméra, alors qu'en réalité, elle ne savait rien sur elle. Peut-être cachait-elle son mal de vivre, peut-être jouait-elle un rôle. Rien n'était certain. Et la brune ne se basait que sur ce que l'apparence semblait dégager, fâcheuse manie qui ne lui ressemblait donc pas, mais dont elle s'était approprié depuis que son physique à elle commençait à changer, petit à petit, et lui créait des complexes. Gretchen grogna à la demande de Beth, ce qui ne l'empêcha tout de même pas de descendre de ce rocher et de stopper le photographe dans son élan. Elle avait besoin d'une pause, que l'autre modèle le veuille ou non. Modèle qui la rejoignit sur la pelouse et déversa son mécontentement. Beth étouffa un rire sarcastique avant de secouer la tête. Je ne te retiens pas, tu peux y retourner. Tu n'as pas besoin de moi pour jouer les modèles. Il lui faudra bien des photos de toi seule, de toute façon. Histoire de ne pas l'avoir fait se déplacer pour rien. Beth était demeurée polie, malgré l'intrusion de la blonde sur sa vie privée. Qu’elle soit moins à l'aise devant la caméra que Gretchen, c'était un fait. Que la blonde s'en moque, c'était puéril. Beth commença alors à marcher vers les arbres, pour trouver un moment de quiétude, mais la blonde la suivit, martelant la traductrice de nouvelles paroles. À nouveau, Beth étouffa un rire. Tu penses que j'en ai quelque chose à faire que les garçons me reluquent ? Et, cette fois, elle accompagna son rire d'un loin soupire. Je n'ai pas besoin de cette attention. Et ce shoot était une mauvaise idée. Pardon de t'avoir fait perdre ton temps.