I don't want to miss a thing [ft.Ayla]

Une salle des archives des vieux films reçus encore sous pellicule, une salle adéquate, c'est simplement sur "Le Guépard" que mon choix s'est porté. Longtemps que je n'avais pas mis un pied dans ce genre d'endroit par effraction, la dernière fois remontant à Albane, du temps où l'on se fréquentait, à ce jour où une fois revenue de tournée, je lui ai demandé plus d'explications sur sa disparition si soudaine, à l'époque où tout se passait finalement si bien. Est-ce simplement par nostalgie que je suis assis dans l'un des sièges du cinéma? Probablement. Par soif de culture? Cela peut jouer aussi. Rangée et siège du milieu pour mieux apprécier le long métrage, je me baisse rapidement à l'entente de la porte de la salle qui s'est refermée violemment. Corps au sol, c'est en rampant que je tente de chercher du regard avec la simple luminosité de l'écran, la personne qui est aussi rentrée à l'improviste dans le bâtiment. Vu l'heure qu'il est, ce ne serait pas vraiment commode de tomber né à né avec le directeur ou même le projectionniste du Summergarden.

Une voix pas sûre pour un sou vient résonner dans la salle. J'arque un sourcil tout en continuant à ramper. Une adolescente en quête d'interdit, c'est la première chose à laquelle je pense. Pourquoi voudrait-elle se planquer ici sinon? Je pourrais certes dire la même chose de ma personne mais c'est surtout de mon côté une quête de culture, voir des films que je n'ai encore jamais vu. A l'autre bout de ma rangée, je daigne finalement à sortir de ma cachette, à quoi bon y rester sachant bien que ce n'est pas un rôle pour tenter de me sanctionner? Je me dépoussière légèrement les manches ainsi que mon pantalon mais reste tout de même à une certaine distance de la jeune femme. "La question qui devrait être posée est "que faites-vous là?"." répondis-je en haussant le ton histoire de me faire entendre par dessus la voix des acteurs sur l'écran. Quelques pas en sa direction, pas trop près non plus, je la zyeute de haut en bas. "Une soudaine envie de film?" demandais-je avant de venir m'installer dans mon fauteuil de base, rangée du milieu, milieu de la rangée, bien face à l'écran.

Un sourire enfin de sa part, je ne cherche pas à la brusquer étant donné que je suis venu ici pour profiter du calme. Mes chaussures finalement retirées après m'être installé dans mon siège, je jette un regard rapide sur la jeune femme qui s'assit non loin de moi, un siège d'écart. Légèrement inquiète? Mes pieds viennent se poser sur le siège avant et c'est les mains liées entre elles que je continue à regarder mon film avant d'en être interrompu une nouvelle fois. Un hochement de tête en guise de première réponse. "Bien entendu." Je me reconcentre sur mon film. "Vous vous êtes retrouvés coincés comment? C'était voulu?" Simple curiosité avant de repartir dans un certain silence, tentant de me concentrer sur l'histoire. J'avais commencé à lire le livre, il y avait tellement de personnages que je n'ai pas vraiment tout compris; avoir un visuel de ces personnes m'aidera probablement. "Nous regardons Le Guépard pour ce soir. Si j'ai bien compris le synopsis, Garibaldi fout un peu la merde, y'a un prince du nom de Salina qui va dans sa résidence pour faire je ne sais quoi et ensuite j'essaie de suivre mais mon concentration semble déguerpir toutes les dix minutes. Et ça commence à me gaver je dois bien le reconnaître." Une fois de plus je repars dans un certain mutisme. "Si vous avez plus de précision à m'apporter, n'hésitez vraiment pas." A titre informatif.

Une simple curiosité en guise de première question, je fronce légèrement les sourcils, un sourcil légèrement dessiné sur mes lèvres, presque amusé. "C'est sûr que c'est un bon endroit mais pour la sécurité... Si cette dernière débarque pour je ne sais quelle raison, vous allez vous retrouver en garde à vue, je ne sais pas ce qui est le mieux." Je me remets à regarder le vite mais lui avoue bien rapidement que je n'ai pas réellement suivi, trop de personnages, pas autant que Game of Thrones mais allez savoir, ceux-ci me cassent complètement la tête. "Je ne sais pas, je pense qu'il y a de ça mais m'étendre sur le sujet serait un peu risqué." Une autre confession, il faudrait vraiment que je m'y accroche ou que j'ai un résumé avant de le regarder pour de bon. Une phrase laissée dans le vide, je ne sais pas si je dois réagir. "Phrase assez personnelle, qu'est-ce qui vous arrive? Des problèmes assez importants?" Probablement, vais-je en connaître la raison? "Puis pourquoi passer une nuit ici? Vous n'avez pas de logement en particulier? Même une chambre dans un motel qui ne vaut pas grand chose." Peut-être que sur un coup de tête je pourrais lui venir en aide le temps qu'elle trouve quelque chose à elle.

J'ose les épaules à sa réponse. Qui ne tente rien n'a rien oui, et si on n'a plus rien à perdre, pourquoi ne pas oser? Je le conçois complètement étant du genre à penser de la même manière. Aucun commentaire de plus, aucune remarque, préférant me taire sur le moment afin de reprendre une autre conversation qui sera peut-être plus intéressante qu'un ramassis d'expressions employées les unes après les autres pour justifier ses actes. Un hochement de tête à sa petite histoire, le film l'ayant presque complètement oublié, m'en servant juste de fond sonore pour ne pas entre le silence résonner dans la pièce au point de me rendre fou, je lâche un soupir, regarde la salle dans tous ses angles avant de prendre la parole. "On ne se connait pas, j'en suis bien conscient mais j'ai une chambre disponible dans mon appartement. Vous pourrais y dormir à votre guise, manger quand bon vous semble." Je marque une légère pause histoire de trouver quelque chose qui pourrait peut-être la rassurer. "J'avais une colocataire avant. Deux ou trois règles simples à respecter et on devrait peut-être bien s'entendre. Rien de bien extravagant. Premièrement, ne jamais rentrer dans ma chambre, deuxièmement, ne jamais rentrer dans mon bureau. Je ne viendrais jamais dans votre espace si vous acceptez l'offre, c'est bien normal que j'en demande tout autant, non?" Simple question rhétorique avant de partager rapidement ma vie pour qu'elle puisse au moins s'y sentir comme chez elle si elle venait à me suivre. "Je ne suis que très rarement chez moi, partant en général tôt le matin et rentrant aux alentours de sept ou huit heures du soir, si ce n'est pas plus. Ca vous permettra de profiter de ce temps libre afin de vous trouver quelque chose qui vous correspondra plus à moins que vous ne préfériez rester chez moi." Un haussement d'épaules, ce ne sera pas la première fois que je partage ma vie avec une femme sans qu'il y ait quelque chose entre nous. Je ne suis pas un fanatique de l'engagement, le fuyant la plupart du temps mais je considère cet acte comme rendre service je dirais. "Vous avez des bulletins de salaire histoire que je sache si vous pouvez payer un loyer ou au moins la nourriture une fois de temps en temps?" lui demandais-je, tournant ma tête blasée de d'habitude en sa direction. C'est peut-être précipité mais il faut bien savoir saisir chaque opportunité au vol. Une recherche de colocataires, on ne sait jamais sur qui on peut bien tomber de toute façon. "Vous voulez qu'on y aille maintenant? Le film on s'y concentrera une prochaine fois, lorsqu'on sera prêt à le visualiser réellement." Un énième haussement d'épaules.

Elle n'a apparemment pas besoin d'être explicite pour que je comprenne le sens de ses phrases, de son métier actuel. Dans quoi s'est-elle encore lancée? Un hochement de tête, je ne vais pas la juger sur ce qu'elle fait bien que je désapprouve complètement ce domaine, le connaissant plus ou moins de loin, ayant côtoyé des gens de cette branche. Je lâche un soupir, ne faisait aucun commentaire. "On fera avec alors." répondis-je simplement avant de lui proposer d'aller à l'appartement. "Je vais éteindre le projecteur de mon côté, on se retrouve au même endroit d'ici une dizaine de minutes." Et je m'en vais pour un simple aller-retour, rangeant la pellicule dans sa boîte. Craquement de doigts, à une distance toujours raisonnable de la jeune femme, je lui fais un signe de tête pour qu'elle me suive. Nous sortons facilement, marchons quelques pas dans l'obscurité pour rejoindre mon cheval de fer histoire qu'on ne remarque pas ma plaque d'immatriculation ou qu'on ne se doute pas qu'un véhicule moteur se trouve dans les environs. J'attrape le casque accroché et le lui tends, vaut mieux prévoir sa sécurité d'abord. Une bonne vingtaine de minutes après, me garant sur ma place attitrée, je prends les devants en me dirigeant vers l'immeuble, attendant qu'elle soit à ma portée pour reprendre la marche. "Il est assez moderne en soi, vous avez aussi à disposition un piano à queue si vous en jouez, une salle cocooning bien présentée pour une soirée "Netflix and Chill" comme ils aiment bien le dire. Mais il y a surtout une vidéothèque avec des poufs rien de bien méchant." J'hausse les épaules tout en ouvrant la porte vers mon appartement, donnant place à un grand salon avec un sac de boxe. "Pour vous défouler en cas de besoin. Un client un poil trop chiant que vous auriez bien aimé castrer par exemple." Je tente l'humour, affiche un petit sourire amusé en coin bien que la situation ne me plaise pas, connaissant tout aussi bien le genre de gars qui fréquente ce genre de dames. Un tour rapide de la propriété, montrant les différents petits salons mis aléatoirement dans l'appartement, lui désignant sa chambre avec salle de bain, lui montrant la mienne ainsi que mon bureau qu'elle sache bien où ne jamais aller et finis par l'un des endroits que j'apprécie le plus; la terrasse. Je me retourne vers elle tout en reculant vers les murets pour une meilleure vue. "Vous voulez tenter l'aventure?" lui demandais-je.