La parole est d'argent [ft. Tahlia]

D'après les sites, c'est un endroit où il fait bon d'y vivre. Tous les habitants ou presque de Bowen le connaisse. Je n'en fais évidemment pas parti. J'ai tenté de prendre mes repères, je connais certains quartiers mais en un mois il y est bien difficile de connaître son lieu de résidence sur le bout des doigts. je ne sais pas combien de temps je resterais en Australie, peut-être que je voyagerais, peut-être que j'irais travailler dans un autre pays tout en gardant un appartement ici. On ne peut pas savoir d'avance ce que nous réserve l'avenir. Mais le Elm Street. Lieu convivial. Essayons sans plus tarder. Essayons surtout d'être assez aimable pour ne pas envoyer boulet la première personne qui passe. Un café noir commandé sous les yeux étonnés du propriétaire, je n'y tiens pas compte. Un regard dans le vide, puis sur les personnes à ma gauche puis à ma droite. Je me mets finalement dos au bar avec pour but de m'accouder à ce dernier. Des gens qui semblent y passer du bon temps, d'autres qui dansent un peu dans tous les coins, d'autres qui apparemment se font emmerder. Le reste du kawa d'une traite, je me lève du tabouret pour me diriger vers la jeune femme qui semble se faire embêter par un mec. Tendre l'oreille est important avant d'agir. C'est vrai que je pourrais être plus réactif mais faudrait-il d'abord savoir de quoi l'embrouille est faite. Un regard un coin vers ces deux personnes qui discutent, j'arque un sourcil avant de finalement me rapprocher des deux énergumènes. "Je peux vous aider?" demandais-je en regardant ces drôles à tour de rôles. A tous les coups ils se cherchent des noises à cause d'un débat stupide et si c'est le cas, je vais être obligé de m'y plonger à 100%. Super.

Visiblement le 21ème siècle n'allait pas encore être le siècle où les femmes pourraient vivre en toute liberté. Une femme seule dans un bar laissait croire - apparemment - qu'elle était là pour charmer, pour draguer. C'était ce que cet homme, éméché sans aucun doute, croyait, vu qu'il s'était approché de la brune, regard lubrique et phrases de lover sur le bout des lèvres. Tahlia l'avait laissé parler, arquant un sourcil et le toisant du regard. Elle n'avait pas dit un seul mot, de façon à lui faire comprendre qu'elle se fichait de savoir ce qu'il faisait dans la vie, qu'elle ne voulait pas de ce verre qu'il voulait tant lui offrir. Mais le message ne semblait pas passer correctement. Alors quand elle ponctua sa longue tirade par "C'est bon, tu as fini ? Je peux boire mon verre tranquillement, maintenant ?", le jeune homme sembla comprendre qu'elle n'était pas là pour engager la conversation avec lui. Alors, il partit de nouveau dans un discours enflammé, comme quoi les femmes étaient toutes les mêmes, à jouer les fausses prudes pour cacher leurs moeurs légères. La brune était estomaquée en l'entendant déverser son venin, extrapolé par une soirée bien trop alcoolisée. Dans cette situation-là, répliquer n'était pas la bonne solution. Mais Tahlia n'était pas du genre à rester là, à fermer sa bouche, alors qu'elle n'était pour rien dans sa déception envers les femmes. Toutefois, l'homme ne voulait pas être raisonné et cela se ressentait dans son attitude. Alors, quand une troisième personne vint se joindre à la conversation, Tahlia posa son regard sur lui et s'exclama : "Ah te voilà !! Je t'attendais !" Elle lança un regard à son nouvel interlocuteur, le suppliant de le suivre dans son petit numéro de théâtre. Elle feignait de le connaître pour s'extirper de cette conversation étrange. "Tu tombes à pic. J'allais justement laisser ce monsieur, avec qui j'ai eu une conversation fort intéressante." L'homme en question ne disait justement plus rien, comme si le nouvel arrivant l'avait coupé dans son grand discours. Et heureusement. Tahlia passa une main sur le bras du dernier arrivé, l'invitant à s'éloigner ensemble, comme si c'était ce qui était prévu. Une fois éloignés de l'homme, Tahlia se tourna vers le brun et lança : "Merci ! Vous m'avez évité une conversation plus que gênante !"

Un tutoiement, un sourcil arqué. Je ne pense pas la connaître; je fronce finalement les sourcils avant de comprendre où elle veut en venir. Un regard sévère envers l'interlocuteur et je recule doucement avec la jeune femme qui s'est agrippée à mon bras. Un hochement de tête. "Je n'ai pas fait grand chose à vrai dire mais si cela vous suffit." J'hausse les épaules et redirigeant mon regard vers l'homme qui continue de nous regarder. Une grande inspiration, j'adresse un sourire amusé à la brune. "Ce serait trop demander de savoir ce qu'il voulait?" lui demandais-je, bras croisés sur le torse. "Je peux vous offrir un verre ou quelque chose après cette petite histoire? Simple politesse." précisais-je avant de désigner une table libre d'un coup de tête. Qu'elle refuse ou qu'elle accepte, ça n'allait pas changer grand chose à ma soirée. Je me dirige vers la table désignée, si elle ne veut me rejoindre, ce n'est pas moi qui la forcerais. Un bras levé pour appeler un serveur, je lui redemande un café noir avant de laisser la parole à la jeune femme. "Un prénom peut-être?" Un énième sourcil arqué en la regardant.

Le sourcil arqué du jeune homme lui faisait craindre qu'il n'allait pas capter sa détresse et entrer dans son jeu. Mais fort heureusement, il comprit bien vite où la brune voulait en venir. Clairement, elle l'utilisait comme une issue de secours, mais Tahlia connaissait ce type d'homme duquel on ne s'extirpait pas facilement. Elle en avait vu des hommes éméchés durant ces patrouilles de police, elle avait vu à quel point le dialogue était difficile, encore plus quand on était une femme. Si cet homme n'était pas intervenu, elle serait encore là à subir le venin craché par l'homme alcoolisé. Elle esquissa un sourire quand, une fois éloignés, il lui avoua n'avoir rien fait. « C'était plus que suffisant. » Tahlia suivit son regard et observa l'homme au loin qui avait trouvé une nouvelle occupation. Il finirait sûrement par se faire jeter du bar. Elle retourna la tête vers son interlocuteur quand il lui demanda ce que l'homme lui voulait. « Je crois qu'il n'a pas apprécié que je sois insensible à ses phrases de drague sorties tout droit de Google. » Google où l'on trouvait tout... et n'importe quoi, dans le cas de l'homme. Elle se mit à rire et haussa les épaules. Mais cette histoire l'avait quand même chamboulée. Elle n'était pas venue ici pour se faire insulter. Le jeune homme lui proposa un verre, qu'elle accepta avec un hochement de tête : « Avec plaisir. » Elle le suivit jusqu'à la petite table où il avait pris place et commanda un soda, privilégiant le sucre à l'alcool. Ce qui était plus réconfortant. Elle reposa ses yeux verts sur le jeune homme et répondit, avec un léger sourire : « Tahlia. » Autant faire connaissance. « Et vous ? »

Pourquoi les gens sont-ils si ringards? C'est une question que j'ai tendance à souvent me poser. Pourquoi les hommes cherchent-ils par tous les moyens à faire chier les personnes qu'ils désirent, le temps de quelques instants alors qu'on vient juste de les envoyer boulet? Pourquoi insister? Pensent-ils sincèrement qu'avec beaucoup d'insistance les personnes qu'ils veulent pour la nuit vont accepter? Je laisse échapper un soupir qui en dit long sur ce que j'ai en tête, commandant de quoi me déshydrater en attendant que la jeune femme me rejoigne. Tahlia. Un hochement de tête. "Elijah." Je la regarde sans la contempler, juste une observation et une analyse de sa personne en l'espace de quelques secondes. "Pourquoi ne pas avoir poussé plus loin et lui mettre votre poing en pleine face?" Plus facile à dire qu'à faire, en général les gens préfèrent éviter ce genre de contact pour si "peu". Je viens m'accouder sur la table, posant ma tête au creux de ma main droite, tournant ma paille de l'autre dans le verre. Un regard en sa direction presque vide. "Vous y êtes venue seule? Aucune copine ou copain pour vous venir en aide en cas de conflit mineur?" Conflit qui peut rapidement devenir majeur si un "ola" n'est pas posé avant.

  « Enchantée, Elijah. » avait-elle soufflé en apprenant le prénom de celui qui l'avait aidé à sortir d'une mauvaise impasse. Elle arqua un sourcil quand il lui demanda, cependant, pourquoi elle n'avait pas mis son poing dans la figure de l'homme qui l'embêtait. Elle lâcha un léger rire, haussant les épaules : « Parce que la dernière fois que j'ai fait ça, j'ai eu le droit à deux semaines de suspension au boulot. » Elle se souvenait de cet homme qui l'avait poussée à bout lors d'un interrogatoire au commissariat. Jusqu'à ce qu'il lâche les mots terribles, une insulte pour laquelle le sang de Tahlia n'avait fait qu'un tour. Il l'avait donc mérité, ce coup de poing, même si cela avait valu à la brune une sanction dont elle se serait bien passée. « Depuis, j'ai réussi à me dire que la violence n'était pas la meilleure solution. » Elle s'était énormément calmée, ces dernières années. Elle s'était même adoucie. Mais cela n'avait pas été si simple. Elle avait dû apprendre à canaliser cette colère qui dictait ses pas, ses gestes, ses mots. Elle avait dû faire un vrai travail sur soi pour éviter d'exploser au moindre mot de travers. Ses mains posées autour de son verre, ses doigts tapotant, elle observa brièvement la foule avant d'entendre la question du jeune homme : « Non, pas de copine ou de copain. J'avais besoin d'être seule, ce soir. C'était visiblement une mauvaise idée... » Même si cela n'aurait sûrement pas empêché l'homme d'être virulent avec elle. « Et vous ? Vous n'attendez personne ? »

 Une petite moue. « Et vous travaillez dans quoi si ce n’est pas trop indiscret? » La question à se poser étant surtout quel métier pourrait suspendre quelqu’un juste pour cause de violence si ce n’est les forces de l’ordre. Après il est vrai que même un caissier ou un serveur ou même un ouvrier pourrait être suspendu pour ce genre de fautes mais c’est généralement plus radical, les mettant à la porte la plupart du temps. « Il se dit souvent aussi que si la violence ne résout rien c’est que nous n’avons pas frappé assez fort. » J’hausse les épaules, bois une gorgée. « Et tenter de vous convaincre de la sorte, ça a fonctionné pour vous? » Je lui adresse un sourire presque timide, assez effacé en soi avant de lui demander si elle est accompagnée ou non. « Disons que c’est une bonne idée en soi de se retrouver. Si les gens savaient mieux se tenir. » Une réponse bateau mais il faut bien reconnaître que les femmes ont tendance à se faire plus emmerder que les hommes. Un signe de négation, un petit « Nope. » soufflé, je reprends une gorgée de ma boisson qui semble être sur la fin. Un sangle passe. Je ne pensais pas rester avec quelqu’un jusqu’à la fermeture du bar. « Je pense que je ne vais pas tarder à y aller. Je voulais juste prendre un verre. » lui dis-je en me levant avant d’arriver à sa hauteur. « Je vous ramène chez vous ou jusqu’à votre voiture ou vous préférez rester ici au risque de laisser vos vieux démons s’échapper si l’autre venait à ressurgir? » me risquais je peut-être a lui demander.

« J'ai travaillé près de dix ans dans la police. » D'ordinaire, elle ne le disait pas facilement, parce que les policiers n'étaient pas franchement bien vus. Mais maintenant que c'était du passé, elle n'avait pas honte de le dire. C'était sa carrière, sa voie, son unique vocation. « Et vous, vous faites quoi ? » Elle ne lui retournait pas la question par pure politesse, il y avait toujours un peu de curiosité chez Tahlia. Tahlia qui expliqua son point de vue sur la violence. Elijah contrecarra son argument avec un constat tout aussi plausible, ce qui arracha un sourire amusé à la brune. « Jolie analyse. » Mais à la suite de sa question, elle réfléchit un instant, haussant les épaules : « J'ose espérer que oui. Je vous le dirai la prochaine fois qu'on me mettra hors de moi. » Elle avait appris à être patiente, à être moins impulsive, mais elle savait qu'au fond, elle était comme un volcan en sommeil, prête à exploser à tout moment. Et qui sait ce qu'elle dirait, ce qu'elle ferait dans ces moments-là. Elle hocha la tête quand il évoqua la bonne idée de se retrouver soi-même, même si cela avait été interrompu par un homme qui ne savait pas se tenir. « Si les gens savaient se tenir, on ne serait pas là à les critiquer. » répondit-elle dans un souffle. En tout cas, lui aussi semblait être ici pour se retrouver puisqu'il n'attendait personne. Elle but sa boisson, tout comme Elijah, qui lui annonça alors qu'il allait s'en aller. Alors qu'il lui proposa de la ramener jusqu'à sa voiture, elle esquissa un sourire en entendant la fin de sa question : « Je crois que je vais accepter votre offre, ce serait dommage de mettre fin à tant d'années de sérénité. » Et puis, elle savait pas où était passé le fauteur de troubles. D'ordinaire, Tahlia s'en ficherait. Mais depuis qu'elle avait connu cette agression à la sortie de son travail, elle prenait rapidement peur. Ils sortirent ensemble du bar. Seul le silence nocturne se faisait entendre. Arrivée à sa voiture, elle se retourna et remercia Elijah. « Vous êtes venu en voiture ou vous souhaitez que je vous ramène ? »

Un hochement de tête. Ça devait être une sacrée histoire pour qu'elle parle de ce boulot au passé. Au moins, sans pour autant être sûr, si elle venait à découvrir qui je suis réellement, elle ne me balancera pas. De toute façon, comment pourrait-elle savoir? "Trader. Un petit boulot qui prend énormément de temps." J'hausse les épaules tout en continuant à tapoter mon verre. "Il est bon de se poser de temps en temps." Un soupir avant que je ne tente de retourner ses propos, histoire de voir la chose différemment. Je lui adresse un petit sourire à sa réponse avant qu'on ne se mette à critiquer les gens qui passent, surtout ceux qui ressemblent à l'autre gars. "J'aimerais dire que j'ai foi en l'humanité et que ce temps viendra mais je crois qu'on ne sera plus sur Terre pour le vérifier." Un énième soupir. C'est à peu près tout ce dont les humains me font ressentir. Un verre terminé, je me lève de table tout en l'invitant à en faire de même, ne voulant pas me la jouer héros en agissant de la sorte. J'aime juste savoir que les personnes qui peuvent être "en danger" sont en sécurité. Ça ne fait de moi qu'un être banal parmi tant d'autres, pas de quoi s'affoler. On sort du bar en silence jusqu'à sa voiture, mains dans les poches de ma veste, je redresse la tête lorsqu'elle brise le passage de l'ange. "J'ai mon véhicule ne vous en faites pas." lui dis-je en baissant légèrement la tête, un sourire pincé aux lèvres. "Mais je vous remercie pour la proposition." ajoutais-je avant de sortir une cigarette de l'une de mes poches. "Vous fumez?" lui demandais-je en lui tendant le paquet, allumant par la suite ce bâton de cancer. "Vous comptez faire quoi en rentrant?" Une question qui pourrait sembler étrange, pouvant même l'effrayer, se disant que finalement je ne suis pas mieux que l'autre mec mais c'est pourtant juste histoire de parler, que la soirée se finisse dans le calme, sans le brouhaha de ce bar, une conversation saine et sans arrière pensée.

Il était trader. « Ce n'est pas trop stressant comme métier ? » Elle lâcha un petit rire avant d'ajouter : « J'ai l'image des traders dans les films américains, devant leurs grands écrans, à guetter les moindres fluctuations de la Bourse. Je ne sais pas si ça colle vraiment à la réalité. » Trader, c'était un métier qui faisait rêver sur le papier, mais Tahlia n'avait aucune idée de ce qu'il se faisait réellement. En tout cas, cet homme semblait être calme, réservé et posé, des qualités qui devaient lui servir dans son quotidien de trader. Puis la conversation dévia sur ces gens irrespectueux qu'ils critiquaient ouvertement. Les prochains mots du jeune homme la fit dévier son regard sur lui et étirer ses lèvres dans un léger sourire : « Vous aussi, vous n'avez plus espoir ? » Certes, il y avait encore de bonnes personnes, altruistes, bienveillantes et empathiques. Mais dans la majorité, c'était l'égoïsme et l'égocentrisme qui primaient, qui poussaient les humains à se dénigrer, à s'écraser, à ne plus se porter de respect. Peut-être se trompaient-ils sur toute la ligne, qu'ils avaient une mauvaise image de l'être humain, mais il fallait avouer que l'avenir n'était pas des plus optimistes. Sur ses mots, après lui avoir proposé de la raccompagner jusqu'à sa voiture, ils se relevèrent et sortirent du bar. Arrivée à hauteur de son véhicule, Tahlia lui proposa à son tour de le ramener, s'il était venu à pieds. Elle hocha doucement la tête quand il lui confirma avoir lui aussi son véhicule. Et alors que la conversation aurait pu prendre fin, il lui tendit son paquet de cigarettes :  « Je fume selon les périodes, à vrai dire. » Et là, c'était la période où elle avait besoin de s'occuper les mains, où elle sentait un besoin de nicotine. Alors, elle accepta la cigarette proposée en le remerciant. Après l'avoir allumé, elle porta ce bâton de nicotine à ses lèvres, s'appuyant légèrement sur son véhicule et reposant son regard sur Elijah en entendant sa nouvelle question. Elle aurait pu trouver cela étrange, mais il y avait dans cette discussion quelque chose d'assez léger. Ils parlaient, ils restaient dans le concret, sans aucune arrière-pensée, sans aucun préjugé. La brune haussa les épaules en souriant : « Je ne vais sûrement pas être très originale. Vu l'heure qu'il est, il y a de fortes chances que je termine ma soirée, sur le canapé, à regarder une série Netflix.. » C'était un jour de semaine. Elle risquait de trouver un de ses colocataires à l'appartement et passer un petit moment avec. « Et vous ? Votre programme sera-t-il plus intéressant qu'une soirée Netflix ? »

Un sourire en coin à sa question avant qu'il ne se dessine des deux côtés en entendant sa référence, je secoue légèrement la tête, amusé. "On peut dire que c'est plus ou moins la même chose à quelques différences près. Nos écrans ne sont pas si énormes sauf si on se trouve à Wall Street ou dans les films comme vous le dites si bien. Oui c'est de la concentration et beaucoup d'analyses, non tous les traders ne se shootent pas à la cocaïne ou ne se branlent pas 5 fois par jour dans les toilettes." Je secoue légèrement la tête de gauche à droite. "C'est intéressant, ambitieux et oui ça peut être stressant. Il faut juste savoir gérer." Chose que je n'ai pas trop de mal à faire, garder mon sang-froid. Il n'y a pas que dans la bourse où j'ai besoin de cette qualité. Des critiques, des phrases assez révélatrices sur les gens en général, j'hausse les épaules. "Qui a dit que j'avais déjà eu espoir?" répondis-je, un petit rictus aux lèvres avant de déguerpir de cet endroit qui commence à craindre avec les ivrognes qui s'arrachant la gueule pour je ne sais quelle raison. Une cigarette entre les lèvres, une conversation qui ne veut prendre fin, n'aidant pas réellement. Trouver une personne un minimum posée et mature dans cette ville se fait rare il faut croire, je ne vais pas perdre une occasion d'avoir dans mes connaissances une personne plus responsable dirons-nous. Je ne rétorque pas à sa "remarque", n'allant pas lui en demander plus sur ses raisons d'accepter pour cette fois. Cela ne me regarde pas même si je peux parfois me montrer curieux. Une petite moue, je soupire. "Je ne sais pas vraiment pour être franc. Peut-être que je ferais la même chose, peut-être que j'aurais un livre entre les mains." J'hausse les épaules en recrachant la fumée restée dans ma bouche. "Vous en pensez quoi, vous, du fait que Netflix est en train de se faire un plaisir avec tous les tueurs en série? Black List, Mindhunter ou les vrais documentaires sur ces derniers. Je ne comprends pas cette fascination pour ces gens." dis-je naturellement, comme si ça avait toujours été mon état d'esprit face à ces "bandits". "Après je ne dis pas que ce n'est pas intéressant mais est-ce que ça pousserait à refaire les mêmes crimes ou encore à amplifier une certaine paranoïa sur les fous de ce monde?" Une question presque philosophique je dirais, me voyant bien pour le plaisir faire une rédaction à ce sujet, me basant sur le point de vue d'une personne "normale".

Les yeux rivés sur lui, Tahlia l'écoutait parler de son métier avec attention. Ce n'était pas qu'une question bateau, pour faire la conversation. La brune était une jeune femme qui s'intéressait réellement aux personnes qui l'entouraient. Alors, elle aimait les entendre parler de ce qui les animait. Elle se mit à rire quand il rétablit la vérité sur les traders, disant que ces derniers ne carburaient pas tous à la cocaïne et la masturbation. « ça me rassure. » répondit-elle, toujours en riant. Ce serait une vie bien pitoyable. Elle hocha ensuite la tête quand il parla du stress à gérer : « C'est comme dans les métiers à risque. Il faut savoir gérer son stress. » Comme dans la police. Comme chez les pompiers, même si là, il y avait des vies en jeu. Chez le trader, c'était la vie économique qui était malmenée. Et la tête du trader. La moindre erreur et le trader voyait sa carrière voler en éclats. Après avoir débattu sur l'humanité, Elijah conclut en sous-entendant qu'il n'avait jamais vraiment eu d'espoir concernant cette fameuse humanité. « Au moins, il n'y a aucune déception de ce côté-là. » Pas comme Tahlia qui avait parfois voué corps et âmes pour d'autres personnes qu'elle et qui s'était pris le revers en pleine face. Elle en avait connu des déceptions de ce côté-là, elle avait vu des horreurs au sein de son travail. Elle avait elle-même affronté la part la plus obscure de l'être humain. De quoi lui faire perdre espoir. Quand ils sortirent à l'extérieur, la conversation continua son bout de chemin, alors que l'un et l'autre exposaient le programme de leurs soirées. Tahlia posa son regard sur lui et demanda : « Vous lisez quoi ? » Elle aimait connaître les lectures des autres pour se donner des idées et ajouter des auteurs sur sa longue liste des livres à lire. Portant sa cigarette à ses lèvres, elle l'écouta reprendre la parole, évoquant Netflix et ces nombreux programmes sur les tueurs en série. C'était étrange comme sujet de conversation. Elle le laissa exposer son argumentation, avant de reprendre doucement : « Ce n'est pas une fascination toute nouvelle. Regardez, plus d'un siècle plus tard, on parle encore de Jack l'Eventreur. » Il y avait aussi tout le mystère de l'affaire non élucidée qui pesait dans la balance, dans cette affaire-là. Elle prit une bonne bouffée de nicotine avant d'ajouter : « Netflix surfe juste sur la vague. Il suffit de regarder les faits divers et les enquêtes à la télé. Ce sont souvent des histoires de meurtres. Dans la littérature, ce sont les polars qui ont la côte. Je ne pense pas que cela pousse à refaire les mêmes crimes. Je crois juste que c'est un voyeurisme inexplicable, une simple envie de se faire peur... » Tahlia esquissa un léger sourire avant de reprendre : « Je vous avoue que je n'ai regardé aucune de ces séries et documentaires. Je cherche quelque chose de plus léger, justement... » Elle haussa les épaules, lui retournant sa question : « Et vous, vous en pensez quoi de tout cela ? »

"Comme pour beaucoup de métiers oui. C'est un fait." répondis-je avant de la relancer. "Dix ans dans la police mais vous faites quoi à l'heure où je vous parle?" demandais-je par simple curiosité avant de mettre court à cette conversation dans ce foutu bar. Peut-être que les choses iront plus en douceur à l'extérieur de cet endroit bondé. Cigarette en main, la raccompagnant jusqu'à sa voiture, je pourrais la laisser là et m'en aller mais ma langue décide plutôt de se délier sur tout et n'importe quoi, les habitudes du quotidien, ce que font les gens tard le soir. "Actuellement Fahrenheit 451 de Ray Bradbury. J'essaie de mettre à jour mes classiques." lui répondis-je avant de dévier sur un sujet plus "doux", Netflix et ses soirées "chill". Des petits acquiescements à l'entente de ses dires, il est vrai que ça pourrait aussi être perçu comme ça. Une petite moue, réfléchissant à ce sujet. Il est vrai que tous les lecteurs ou peu importe quoi ne sont pas tous des tueurs et tous les criminels ne sont pas tous assoiffés de culture. "Effectivement, de ce point de vue là." laissais-je traîner. "De mon côté j'ai surtout regardé Mindhunter. C'est intéressant de voir ces profileurs faire." lui avouais-je avant de réfléchir à sa question. "Je crois surtout que votre argumentaire me remet rapidement à ma place." Je lui adresse un petit sourire. "Je ne saurais quoi dire de plus à vrai dire mais je reste aussi sur le point de vue que ça en inspire certains. Même pour Jack L'Eventreur, il me semble que certains à son époque tentait de se faire passer pour lui." J'hausse les épaules avant de secouer doucement ma tête. "Pour des trucs plus légers je vous conseille les séries américaines d'avant, des années 90. Tentez That 70's Show ou le Prince de Bel Air. Je sais que personnellement, même si je ne m'esclaffe pas, je passe tout de même un bon moment." lui conseillais-je même si elle ne m'a pas réellement demandé mon avis. Une autre taffe, je consume ma cigarette jusqu'à la fin de sa vie tout en laissant un ange passer. Mon regard se tourne vers l'horizon et chacun des sons que ce paysage a à offrir puis me reconcentre finalement sur cette ancienne flic. "Et bien je crois qu'il est l'heure de nous séparer et de continuer le cours de nos vies si banales. Sans vous offenser bien entendu." Je lui adresse un sourire qui se pourrait presque taquin. Je baisse mon regard vers le sol avant de soupirer. "Mais regardez vraiment ces deux petites séries. Vous penserez peut-être à moi comme ça." Je reporte mon attention sur elle. "Peut-être à une prochaine fois chère Tahlia. En espérant que ce soit dans de meilleures conditions." Un stylo, un bout de carton de mon paquet de cigarette, je lui griffonne un numéro dessus. "Si vous voulez discuter ou que je vienne une fois de plus à votre rescousse, appelez ce numéro-là. On ne sait jamais." lui dis-je en lui tendant le carton. Un hochement de tête comme pour mettre fin à cette aventure, je reprends finalement le chemin en direction de chez moi. A moins qu'elle ne veuille un peu de compagnie pour ce soir. D'une manière non sexuelle bien entendu. Ôtez-vous cette idée de la tête, ce n'est pas du tout mon genre.

Question fatale. « Plus grand chose. Je recherche un emploi, pour tout dire. C'est juste que j'arrive à un tournant de ma vie où je ne sais plus ce que je veux faire comme métier. » Depuis toute petite, Tahlia avait eu l'envie d'être policière. C'était sa vocation. Aujourd'hui, on lui avait retiré cette vocation, la laissant sur le bas-côté, sans savoir ce qu'elle pouvait faire de ses compétences. Fort heureusement, la conversation dévia sur les habitudes, les loisirs, ce qui faisait leur quotidien. La brune esquissa un léger sourire quand Elijah lui avoua être en pleine lecture d'un classique que Tahlia connaissait de nom, mais qu'elle n'avait pas encore eu l'occasion de lire. « Vous savez, c'est toujours bon de revenir sur des classiques. » Allier la modernité et le classique était particulièrement apprécié par la brune, que ce soit dans le domaine de la musique, de la littérature ou du cinéma. Même son appartement avait quelques touches vintage. Parlant ensuite des séries Netflix et de cet accent mis sur les tueurs en série, la jeune femme garda son regard sur lui alors qu'elle l'écoutait attentivement exposer son point de vue. « Je vais rajouter Mindhunter en haut de ma liste, alors. » répondit-elle, d'abord. Puis, elle reprit, en hochant la tête : « Mon point de vue relevait surtout de la majorité des gens qui regardent ces séries, mais je reste d'accord avec vous sur le fait que, parfois, il est vrai que certains s'en inspirent. On a entendu pas mal d'histoires sur d'éventuels usurpateurs qui copiaient les façons de faire de tueurs en série. » Et c'était bien glauque. L'être humain était parfois incompréhensible. Elijah ponctua néanmoins ce sujet en lui donnant deux séries plus légères. « J'ai grandi avec le Prince de Bel Air. » avoua-t-elle, d'abord, en souriant. « En revanche, j'ai dû regarder un ou deux épisodes de That 70's show. Il faudrait peut-être que je laisse une chance à cette série. » Encore fallait-il avoir le temps pour tout cela. Et elle ne savait pas encore que très vite, son temps pour elle serait encore bien plus réduit. Alors qu'il reprit la parole, en évoquant leurs vies banales, la jeune femme lui adressa un sourire amusé en répondant : « C'est sans rancune. Il y a du bon à être banal, parfois. » Tahlia appréciait ses moments de banalité, au sein d'une vie qui n'était pas toujours douce. Elle reposa son regard sur lui et ajouta : « Je penserai à toutes ces séries. Peut-être aurons-nous la possibilité d'en discuter une prochaine fois. » Bowen n'était pas si grand, après tout. Et le fait qu'il griffonne son numéro sur un bout de carton augmentait justement ces chances de se recroiser dans cette ville. Elle prit le bout de carton et esquissa un sourire. « J'espère qu'il ne sera pas nécessaire de venir à ma rescousse. En revanche, discuter serait bien appréciable. J'ai beaucoup apprécié ce moment. » C'était important de le dire. C'était si rare d'avoir des conversations de ce type, de nos jours. Elle regarda le bout de carton qu'elle glissa dans son sac avant de relever la tête, reposant ses yeux sur lui. « A bientôt, Elijah. Et passez une bonne soirée Netflix. » ajouta-t-elle, malicieuse, avant de le regarder s'éloigner et de monter à son tour dans son véhicule.