Blood link + Thomas

Kelly avait beaucoup de travail en retard depuis son séjour à l'hôpital. On était en tout début d'année et il devait absolument rendre les papiers de l'inventaire de sa boutique à son expert comptable d'ici quelques jours sous peine de se faire tirer les oreilles. La paperasse et lui ce n'était pas vraiment une grande histoire d'amour mais ça faisait partie du jeu quand on tenait un commerce, il le savait. Alors ce soir il s'était fait violence pour saisir tout son inventaire sur son ordinateur. Stan, son fidèle compagnon ronflait à ses pieds, il avait une tasse de café et sa boîte de calmants à côté de lui, ses autres fidèles compagnons en ce moment, il avait l'air studieux, derrière son écran, bien loin du Terrence que tout le monde connaissait. Mais sa tranquillité et ses bonnes résolutions de la soirée tombèrent rapidement à l'eau quand on frappa à sa porte. Il releva la tête et retira ses lunettes en espérant que ce soit Violet qui lui faisait la surprise de venir passer la nuit avec lui. Il lui avait dit qu'il avait du travail en retard et généralement elle était bien plus sérieuse que lui mais qui sait, peut-être qu'elle le surprendrait...en petite tenue, on pouvait toujours rêver ! Il se releva pour aller ouvrir et tomba de haut en découvrant que, une, ce n'était pas du tout Violet et deux, il avait face à lui un fantôme qu'il n'aurait jamais cru trouver au pied de sa modeste caravane. Qu'est ce que tu fous là ? Paroles peu aimables de la part d'un frère pour son aîné mais il était tellement surpris qu'il ne trouva rien de mieux à dire. Et puis il se souvenait que leurs derniers échanges, quelques années plus tôt déjà, n'avaient pas été des plus chaleureux non plus. Il ne savait même pas comment Thomas avait trouvé le chemin de chez lui, il n'y était jamais venu. Il poussa un lourd soupire, quelques mois plus tôt c'était Teddy qu'il avait trouvé dans son magasin, à présent Tommy, visiblement ils semblaient s'être donné le mot. Tu veux entrer ?

La mère des trois frères n'était pas dans la meilleure des formes, elle était présentement à l'hôpital. Pour l'instant ce n'était pas inquiétant, elle avait attrapée une pneumonie et bien que sont état était pour l'instant stable, à son age on ne savait jamais comment ça pouvait tourner. Elle semblait prendre beaucoup de temps pour se remettre de cette bactérie et c'était ce qui inquiétait le plus son médecin pour l'instant. Teddy était déjà au courant, par contre je n'avais pas parlé à Terry un bon bout de temps et je redoutait le moment de notre rencontre. J'avais pourtant souvent eu envie de reprendre contacte avec lui, mais je ne l'avais jamais fait de peur que ça se passe mal. Cette fois-ci je n'avais cependant pas le choix de le voir, je m'en voudrais de ne pas lui dire que sa mère était à l'hôpital malgré leur embrouille. Je ne connaissais pas son adresse, mais je savais où il travaillait. Pas de chance, il était apparemment en congé aujourd'hui, j'avais cependant réussis à soutirer son adresse de son employé. Il était plutôt retissant à me la donner au début, mais lorsque je lui ai expliquer l'importance de ma visite, il a finit par céder. Bon, j'ai aussi été un peu intimidant, mais je lui ai promis que je ne dirais pas à mon frère que c'était de lui que je tenais son adresse. J'arrive dans un espace caravaning puis trouve la bonne adresse. Je ne m'étais pas imaginé que Terry vivait dans une caravane, mais je ne peux pas le juger, après tout je vis dans l'appartement au dessus de mon bar. Je cogne à la porte et mon petit frère vient m'ouvrir. Il est bien évidemment surpris de me voir et son accueil n'est pas chaleureux. Je ne lui en veut pas, je ne m'attendais pas à plus de sa part. Il m'invite quand même à entrer malgré tout. Moi aussi j'suis content de te voir. Je ne peux pas m'empêcher d'être sarcastique, c'est ce que je fais de mieux. Je monte les quelques marches vers la porte de la caravane et entre à l'intérieur. Je reste dans l'entrée, qui fait aussi office de living room apparemment et mets mes mains dans mes poches. J'observe un instant mon petit frère, il a changé depuis la dernière fois que je l'ai vu, il a quelques rides de plus, on dirait que la vie n'a pas toujours été clémente à son égard. Je sens une truffe humide sur mon poignet, en baissant les yeux je vois un chien qui me renifle, je pose ma main sur le dessus de sa tête et je frotte un peu ses poils. Je ne sais pas trop quoi dire. Je décide d'y aller cash. Maman est malade, elle est à l'hôpital, j'aimerais qu'on aie la voir, tous les trois. Ça lui ferait plaisir. Je dis ça, mais je ne lui ai même pas demandé, j'ose croire qu'elle serait contente de voir ses trois fils dans un moment difficile.

Vivre dans une caravane c'était un choix totalement délibéré de la part de Terrence. A sa sortie de prison il avait utilisé tout l'argent qu'il avait à disposition, c'est à dire pas mal d'argent sale que ses fournisseurs d'armes lui avait gentiment offert, pour acheter son magasin, sa boutique sur la plage et il avait passé les premiers mois, pour ne pas dire la première année à dormir dans l'arrière boutique, dans sa réserve, ce petit cagibi qu'il avait aménagé sommèrement mais dans lequel il avait tout. En même temps après une cellule de prison qu'il avait partagé avec deux autres détenus, ces quatre murs c'était un logement cinq étoiles pour Kelly, simplement parce qu'il était libre ! Et pour être honnête, ces quelques mois furent parmi ses meilleurs souvenirs, grâce aux copains, à la mise en place de son commerce, grâce au bruit des vagues sur la plage à quelques pas et tant d'autres choses. Puis quand il avait assuré un peu ses arrières il avait investi dans un logement mais il ne se voyait pas dans une maison ou encore pire, un appartement impersonnel. Il avait trouvé cette caravane pour quelques poignées de dollars et depuis elle faisait de lui le plus libre et le plus heureux des hommes, il avait son petit jardin et sa vue sur la mer, de quoi avait-il besoin de plus au fond ? Alors que son frère le juge s'il voulait, il s'en foutait pas mal, qu'il y aille de sa critique si ça pouvait le soulager, de toute façon ça ne changerait rien. Il l'invita à entrer, non pas par gaieté de cœur, mais parce que s'il avait fait tout le chemin jusqu'ici ça devait bien être pour une raison alors autant la connaitre à présent. Ce fut finalement Stan le plus accueillant, comme souvent, le golden était un animal affectueux qui ne refusait jamais une occasion de recevoir des caresses. Cette vision eut le don d’attendrir Terrence, son chien c'était à peu près tout pour lui. Finalement sans que le cadet insiste ce fut Thomas qui pris la parole et sa dernière phrase arracha un petit rire jaune au plus jeune. Ca lui ferait plaisir ?! Vraiment ?! On parle de la même, Thomas, celle qui m'a dit mot pour mot "tu es mort à mes yeux" ? Non parce que je doute fortement qu'elle serait heureuse de me voir, même à l'agonie. Terrence avait tiré un trait sur sa famille depuis des années, il n'en voulait pas à ses frères, ni même à sa mère finalement, il était le seul coupable de ses erreurs, mais avec le temps une sorte de rancœur s'était installée pour celle qui lui avait donné la vie et il n'avait aucune intention de faire encore un pas vers elle si c'était pour être rejeté à nouveau. il soupira à nouveau. Qu'est ce qu'elle a ? C'est grave ? C'était tout de même la moindre des choses que de s'inquiéter un minimum et puis il ne pouvait nier que ça ne le touchait pas d'apprendre qu'elle était hospitalisée.

Je ne connaissait certainement pas les détails de la vie de mon frère, en tout cas pas ceux des dernières années. Le fait qu'il vive dans une caravane ne me dérangeait pas le moins du monde, après tout il pouvait bien vivre où il avait envie. Je n'étais malheureusement pas venu faire une visite de courtoisie cet après-midi, j'avais plutôt une mauvaise nouvelle à annoncer à mon petit frère et je ne savais pas encore comment il le prendrait. Je me doutais bien qu'il n'aurait pas la réaction que j'espérais, après tout lui et notre mère ne s'entendaient plus du tout. Elle lui avait dit des paroles blessantes que je n'aurais jamais crue l'entendre dire un jour à l'un de ses fils. Ses raisons à elle m'étaient plutôt inconnue, mais je serais près à parier que son égo y était pour beaucoup, elle qui était une femme droite aux valeurs traditionnelles ne pouvait pas s'imaginer que son fils puisse se retrouver en prison avec les délinquants. Finalement j'y vais franc et je déballe tout d'un coup, incapable de garder la raison de ma visite pour moi plus longtemps. Terrence à un rire jaune, au ton qu'il prend je vois bien qu'il est en colère. Je comprend ce qu'il me dit et je sais qu'il croit qu'il a raison, pourtant moi je crois qu'il se trompe. Tu restes son fils malgré tout. Peu importe ce qu'elle essai de se faire croire, peu importe ce qu'elle t'as dit, je sais qu'elle regrette au fond. Je lui rendait souvent visite et il m'est arrivé quelques fois de voir son regard s'attarder sur la photo de moi et mes frères qui est sur la cheminée. Je sais très bien que ça lui fait mal de ne plus avoir de contacte avec Terrence, mais elle est incapable de piler sur sa fierté. Il soupir et me demande finalement ce qu'elle a. Elle a attrapée une pneumonie. Habituellement c'est rien de grave, mais vu son âge, ils la garde sous surveillance. Ce que son médecin redoute pour l'instant c'est que sa condition s'aggrave. Elle est stable pour l'instant, mais ils n'arrivent pas à améliorer son état. Dans les cas les plus graves, il pouvait y avoir complication et même la mort. C'était en fait ce qui m'avait convaincu de rassembler mes frères, notre mère ne sortirait peut-être de cet hôpital qu'à bord d'un corbillard.

Terrence n'avait aucune idée de ce que Thomas attendait de cette visite, s'il espérait qu'elle sonnerait enfin le moment de leurs retrouvailles, s'il y aurait un avant et un après ce jour. Mais si tel était le cas, il allait être déçu, parce que pour l'instant, le plus jeune se semblait pas s'émouvoir un instant de la nouvelle qu'il venait lui annoncer. Tommy avait toujours été le plus sensible des trois à cette brouille, il était l'aîné, celui qui voulait que tout le monde soit uni, celui que cet éloignement avait peut-être le plus touché. Il avait dû tenter une ou deux fois au tout début de tendre la main vers Terry, mais celui-ci, tête de mule comme il était, n'avait rien voulu savoir. A présent on pouvait compté le silence en nombre d'années, comme un fossé énorme qui s'était creusé entre le surfeur et toute sa famille. Les paroles de Thomas firent grimacer son frère à nouveau, il connaissait leur mère, elle avait un fort caractère et quelques valeurs mal placées. Si elle disait quelque chose ce n'était pas dans le vent ou des menaces qu'elle ne penserait pas. Ses dernières paroles elle les avait peut-être prononcé sous le coup de la colère mais ces mots elle les avait craché en le regardant droit dans les yeux, sans trembler, sans faiblir et croyez bien qu'elle les pensait, à ce moment précis. Alors certes de l'eau avait coulé sous les ponts depuis, mais pour un enfant c'était difficile à entendre de la part de sa propre mère, même s'il avait pensé bien souvent revenir vers elle, s'excuser, il était incapable de savoir comment faire. Ouais j'reste son fils, sa plus grosse déception... Il l'écouta lui détailler ce dont leur mère souffrait, ce n'était pas rien une pneumonie, Thomas avait raison. Kelly chercha son paquet de clope du coin de l’œil sur son bar. Tant qu'elle est stable... N'allez pas croire qu'il n'avait pas de cœur, mais il ne se voyait vraiment pas se pointer à l'hôpital et se présenter devant elle, c'était au dessus de ses forces. Il trouva le paquet, l'attrapa et en sortit une, fouilla dans la poche de son jean pour trouver son briquer. Tu sais, les hôpitaux moins j'les vois mieux j'me porte. Il montra le paquet à son frère. T'en veux une ? Et puis il sortit dehors pour allumer sa clope, suivit par Stan qui n'était jamais bien loin. La première bouffée de nicotine lui fit du bien. Ca va Thomas ? Il parait que le bar de papa se porte bien. Ce bar qu'ils auraient dû reprendre ensemble, dans les plus grands rêves de leur paternel.

Il est vrai que j'espérais pouvoir renouer avec mon frère, est-ce que ça arriverait? Je n'en avais aucune idée, par contre la glace était brisée, le premier pas avait été fait et je me disais qu'il serait surement ensuite plus facile de reprendre contacte, si un jour ça arrivait. Je le connais Terry et je sais que c'est une grosse tête de mule, va surement falloir ramer. J'avais déjà essayer en vain de le recontacter, mais j'ai l'impression que ça avait été fait un peu trop tôt, les plaies n'étaient pas encore tout à fait cicatrisées à ce moment là et donc rien n'y avait fait à cette époque malheureusement. J'admet que je me suis avancé dans mes propos en disant que notre mère regrettait, en fait nous n'en avions jamais parlé, mais j'avais tout de même cette impression et j'avais de la difficulté à croire que je me tromperais. L'avouerait-elle? Probablement jamais malheureusement, si ça se trouve elle mourra avec de la rancœur. Sa réponse me fait baisser la tête, je ne sais pas quoi répondre à ça. Je ne suis pas d'accord, par contre je ne sais pas si c'est judicieux de l'obstiner là-dessus tandis que la seule qui a réellement la réponse est notre mère. Je lui explique donc finalement ce qui se passe réellement avec elle et pourquoi je m'inquiète au point de venir lui rendre visite. Il prend un paquet de clope et me dit préféré se tenir loin des hôpitaux. C'est là que je comprend qu'il n'a surement pas l'intention de venir la voir. Je me gratte le derrière du crâne puis il m'offre une cigarette que je refuse presque avec une grimace, par contre je ne suis pas contre sortir prendre l'air, je le suis donc à l'extérieur puis soupire. Je crois qu'il espère que j'arrête de lui parler de notre mère puisqu'il change rapidement de sujet pour me parler de mon bar. Ça va, j'ai une bonne clientèle, y'en a encore beaucoup qui sont restés du temps où papa était le proprio. En plus c'est devenu un endroit populaire pour les hipsters apparemment. Ça me ramène des gens, mais j'vais t'avouer que c'est pas l'envie qui manque de leur botter le cul quand ils me commandent des jus de concombre. J'sais pas c'est quoi cette mode de venir dans les vieux bars de quartiers, j'ai entendu dire que ça faisait de belles photos instagram. Je souris, ça fait du bien de plaisanter un peu avec mon petit frère. Ta boutique, ça se passe bien? Le chien vient une seconde fois quémander des caresses et je lui gratte le dessous des oreilles.

Dans leurs rêves de gosses Thomas et Terrence reprenaient le bar de leur père après avoir fait chacun carrière de leur côté, lorsque le paternel prendrait sa retraite après des années derrière son comptoir à astiquer les verres et à écouter ses vieux habitués lui raconter leurs histoires. Ils avaient traîné leurs vieilles baskets usées derrière ce bar les soirs après l'école et les jours de week-end, Terrence avait tiré sa première bière à l'âge de neuf ans et il n'en était pas peu fier. Ce bar c'était tout pour eux et jamais ils n'auraient pensé, à cette époque, que leur père partirait si tôt, si soudainement. Monsieur Kelly c'était un homme gentil et doux, paternel comme peut d'homme osaient le montrer à cette époque, sévère mais juste comme on dit, mais qui savait se montrer affectueux envers ses fils, il était leur modèle à tous les trois. Et quand il est mort Terrence fut celui qui sembla le plus perdre ses repères, comme si son père était son phare, le seul capable de lui faire garder le cap. Avec cette brouille entre lui et sa famille il avait abandonné ses rêves de gamins, ceux de suivre les pas de son père, mais il était heureux que Thomas ait gardé le bar, même s'il n'y avait pas remis les pieds depuis des années. Ce changement de conversation ce n'était pas pour s'éviter de parler de leur mère, mais simplement qu'il pensait que le sujet était clôt, il ne comptait pas venir la voir à l'hôpital et aussi têtu qu'il était, il n'allait pas changer d'avis si facilement. Alors c'était simple, après cette entrée en matière il aurait pu congédier son aîné de chez lui ou enchaîner sur un autre sujet plus léger, il avait choisi de continuer un peu à discuter, libre à Tommy de partir. Les jus de concombre... il tira sur sa clope en dodelinant de la tête alors que Thomas s'installait face à lui dans son petit jardin. Ils ne peuvent pas prendre de la bière comme tout le monde... c'est plus assez branché, c'est ça ? Il réfléchit un instant. C'est comme ces minettes qui viennent me demander des cours de surf alors qu'elles sont enflés comme des crevettes et qu'elles veulent juste faire des photos pour leur Instagram. Stan se leva pour aller trouver la main de Thomas histoire d'avoir de nouvelles caresses. S'il t'embête tu le vire, il est un peu envahissant. Ma boutique ça va, j'me plaint pas, on a réussi à trouver une sorte terrain d'entente avec Violet et aucun autre n'a eu l'idée d'ouvrir la sienne pour faire marcher la concurrence, espérons que ça dure.