back to the future |ft Zak

Cela faisait cinq ans que j’avais posé mes valises en Australie, avec cette volonté de tourner la page sur mes jeunes – et tumultueuses – années. Je ne nourrissais aucun regret quand à mon passé, ce chemin qui avait été le mien, avait été emprunté pour une bonne raison. Chaque pas faisait partie de mon histoire, les bons comme les mauvais. Cela dit, j’étais, aujourd’hui, un homme radicalement différent de celui que j’avais été à vingt ans. J’avais troqué le bon vieux sex, drugs and rock’n’roll contre une vie beaucoup plus saine et cela me convenait parfaitement. Chaque matin, je me réveillais avec le sentiment d’être au bon endroit et il n’existait rien de plus précieux au monde que ce sentiment-là, hormis celui de se sentir sincèrement aimé, peut-être. Bien sûr, la scène me manquait parfois, d’ailleurs, je n’avais pas abandonné la musique ; cette dernière continuait de me faire vibrer ; mais le reste appartenait à mon passé et c’était très bien comme ça. La lumière m’avait perdu, ou le trop plein, les excès...je ne savais pas vraiment ce qui avait amorcé ma chute, toujours était-il que j’avais emporter dans les abysses suffisamment de courage, de résilience et de persévérance avec moi pour me permettre de remonter à la surface. Cette période sombre de ma vie, je ne la regrettais pas, j’assumais tout, pour autant je n’aurais voulu y retourner pour rien au monde. Il y avait néanmoins des éléments de cette vie que je ne voulais pas renier, car évidemment, comme dans toute expérience, tout n’est pas simplement noir ou simplement blanc. J’avais de sacrés bons souvenirs aussi, et tissés des liens qui traversait parfois le temps, et même les océans. Gretchen faisait partie de ces doux fantômes du passé que j’avais eu le plaisir de retrouver, ici, à Bowen. Je devais parfois insister pour obtenir d’elle un signe de vie, mais il y avait un côté rassurant, pour moi, d’avoir cette femme dans ma vie, si loin de mon pays d’origine. Elle était comme un témoin de mon ancienne vie. Son amitié, par ailleurs était un des piliers de ma vie. Ce soir, je quittai le restaurant relativement tôt, laissant mes équipes gérer le service, pour aller boire un verre avec la belle blonde. J’arrivais devant son immeuble, une bouteille à la main et perçus le son de sa voix. Je levai le nez, et ne pu m’empêcher de sourire.
— Et ton sale caractère, on en parle de ça ? Ouvre-moi au lieu de râler !

Entre Gretchen et moi, cela avait toujours été une relation spéciale. D’abord, le classique jeu du chat, manquant de discrétion, et de la souris, bien trop maligne pour se laisser attraper. Au début, comme avec beaucoup de filles, j’avais joué avec la belle artiste, le jeu de la séduction. Pendant longtemps cela avait été ma manière de fonctionner, mon terrain familier, ma zone de confort mais Gretchen ne m’avait jamais cédé. En couple et amoureuse à l’époque, nos échanges avaient migré sur une amitié forte, soudée par notre passion pour la musique et…il est vrai, notre penchant pour les substances dangereuses et/ou élicite. Gretchen était un bout de mon passé que je ne voulais pas rayer, parce qu’elle était l’une des rares relations qui avait durée, après ma chute vertigineuse. Gretchen était restée, avait continué à prendre de mes nouvelles, même après qu’on m’ait brûlé les ailes, signes que notre amitié n’était pas qu’un écran de fumée, comme beaucoup d’autres l’avaient été. Dans un univers comme le notre, fait de faux-semblant et de poudres – blanches ou d’or –, seul la déchéance permettait de savoir où se trouvait ses véritables amis. C’était triste, mais ô combien vrai. J’étais donc planté devant la porte d’entrée de l’immeuble de mon amie, bouteille à la main, à râler sur le fait qu’elle râlait quand elle se décida à déverrouiller la porte. J’entrai dans le vestibule, trouvai l’escalier, montai les marches deux à deux et fus rapidement devant l’appartement de Gretchen dont la porte avait été laissée ouverte. Je poussai le battant et reçu l’accueille de la jolie blonde.
— Je me suis dis que c’était mieux de te faire languir, histoire que tu ne prennes rien pour acquis.
Après lui avoir adresser un clin d’œil, je la pris dans mes bras, véritablement heureux de la voir.
— Ca me fait plaisir aussi d’être là !

Il y avait toujours eu ce jeu de séduction entre nous ; ou plutôt, moi, je l’avais toujours joué avec elle, cela avait fait partie de notre relation depuis notre rencontre des années plus tôt. Même lorsque qu’elle était en couple. Surtout, lorsqu’elle était en couple d’ailleurs. Cela m’avait toujours beaucoup amusé. Mais même si je prenais un plaisir certain à la taquiner en ce sens, j’avais un profond respect pour elle, évidemment, et je l’a considérais avant tout comme une amie. Gretchen, par ailleurs, était souvent entré dans mon jeu, sans jamais franchir les limites. Cela m’allait bien, car au fond, c’était le jeu qui m’excitait le plus, j’avais appris à considérer Gretchen autrement que comme une conquête potentielle de toute manière. Ce qui existait entre nous, c’était autre chose. Quelque chose de plus précieux. Rare était les amis, comme je l’avais souligné, qui résistait au temps et aux épreuves. Quand elle s’excusa de ne pas avoir pu trouver du temps pour moi avant, je haussai les épaules, compréhensif.
— Hé, t’inquiète, pas de soucis ! La rassurai-je. Je sais ce que c’est.
En effet, mon temps était assez précieux et j’avais parfois l’impression que les minutes me filaient entre les doigts sans que je ne puisse rien faire. Je n’allais pas la blâmer pour ça. Puis, à mes yeux, seul comptait le moment présent.
— Prenons donc ce verre, tu as raison. Et raconte moi tout !

Je ne pus retenir un sourire amusé lorsque Gretchen précisa qu’elle avait besoin d’un peu plus qu’un verre ce soir. La mention de sa chambre, par ailleurs, n’était pas vraiment anodine. Je l’avais taquiné de nombreuses fois à ce sujet par le passé. Si je la considérais avant tout comme une amie, je n’étais pas aveugle pour autant. La musicienne avait un charme fou qui m’avait happé tout de suite, dès notre toute première rencontre. À l’époque, elle était en couple et heureuse et si cela ne m’avait jamais dérangé pour tenter quelques approches, même sur le ton de la plaisanterie, nous n’avions, pour autant, jamais franchis le pas. Gretchen était célibataire aujourd’hui et elle ne semblait pas vraiment très heureuse, le ton était-il toujours à la plaisanterie ? Je ne savais pas trop le déterminer.
— Et moi qu’il croyait qu’il fallait te faire boire pour avoir un accès à ta chambre…
J’adressai un clin d’oeil taquin à mon amie. Je n’étais pas sérieux, évidemment. Les femmes complètement saoules n’étaient pas vraiment mon délire. De toute manière, rien n’avait jamais marché auparavant avec Gretchen, pas la moindre tactique de dragues, pas le moindre stratagème. Je n’avais pas franchement espoir que cela change, même si elle semblait avoir un coup de mou.
— Ouais, tout, évidemment. Les amis peuvent tout entendre, non ?
Il n’y avait rien qu’elle ne puisse pas me dire. Elle savait que je ne la jugerais jamais, que ce qui était dis dans l’intimité de son appartement ne sortirait pas de là. J’espérais qu’elle avait confiance en moi.
— De la merde ? Comment ça ? relevai-je.
Sourcils froncé, je regardais Gretchen nous servir du whisky. Attrapant le verre qu’elle me tendait, je trinquai avec elle puis le portai à mes lèvres pour déguster le liquide ambré.
— Fais-moi rêver, suggérai-je quand elle me demanda de choisir le sujet de conversation.

Je lâchai un petit rire.
— Vieille, toi ? pouffai-je. Je suis sûr qu’on peut encore te trouver des dents de lait si on cherche bien…
La charrier sur son âge faisait partie de notre jeu. Nous avions 6 ans de différence même si cela ne se voyait plus vraiment aujourd’hui, j’avais toujours jouer au sage avec elle, même si je ne l’avais jamais été, et encore moins à l’époque où nous avions commencé à nous fréquenter. Aujourd’hui, je n’avais aucun problème avec mon âge. J’aimais avoir la trentaine, et je ne m’étais jamais senti aussi bien de ma vie. Autrement dit, ma pique était davantage pour la forme que pour autre chose. Entre amis, on pouvait bien s’envoyer quelques vannes, non ? Malgré tout, la conversation pris un tournant plus sérieux, quand Gretchen prétendit qu’elle avait tendance à faire « de la merde » ces derniers temps et que je lui demandai plus d’explication. Elle parla d’Adélaïde, sa meilleure amie avec qui les choses étaient assez ambiguës de ce que j’avais pu comprendre de leur histoire. Elle évoqua un ami avec qui elle passait du temps à fumer et à s’envoyer en l’air, et enfin d’une fille avec qui elle était sorti, une fille qui visiblement avait accroché son intérêt par son côté mystérieux.
— Ca dépend du mystère, je dirais. Si c’est un trop gros cadavre dans un placard, chez moi, le charme se dissipe assez rapidement, mais quand il y a une petite part de secret, j’admets qu’on est tenté d’aller creuser tout ça. Tu l’as rencontré comment cette fille ? Et ce gars avec qui tu couches, tu ressens quelque chose pour lui ou pas du tout ?

L’âge, pour moi, n’était qu’un nombre. C’était dans la tête que cela se passait, et d’ailleurs, j’étais même plutôt fier d’en prendre, de l’âge, même avec les quelques rides que cela impliquait. Prendre de l’âge avait été salvateur pour moi. Même si, bien sûr, je n’avais pas seulement accompli l’exploit de traversé les années en simple spectateur, bien sûr que nous. J’avais au contraire effectué un long travail, un travail sur moi-même, un travail qui m’avait coûté cher, au début, mais qui m’avait tant apporté en retour. Aujourd’hui, je n’étais plus le petit gars arrogant de vingt ans qui pensait qu’il allait révolutionné le monde de la musique, qui pensait que s’éclater se résumé à un rife bien placé et un rail de coke, saupoudré d’un peu d’alcool pour le fun. Non, je n’avais plus vingt ans, et c’était tant mieux.
— T’es jalouse parce que je portes les rides comme personne, tu seras encore plus frippée à mon âge, j’en suis sûr !
Je pouffai joyeusement. Gretchen n’avait rien à me jalouser, et encore moins mes rides. Mon amie avait vingt-six ans, et autant de vécu que moi. Elle était jeune certes, mais on pouvait penser qu’elle avait vécu plusieurs vie en écoutant son parcours. La blonde commença justement à me raconter l’une de ses expériences, et notamment amoureuse, ou pour le moins…physique.
— BB quoi ? Ok…ouais, j’suis vieux, me marrai-je.
À entendre la façon dont elle parlait de ce truc, je devinais qu’il s’agissait d’un genre de site de rencontre, où elle avait visiblement fait la connaissance de cette fille qui occupait ses pensées.
— Tétanisée par l’amour ? relevai-je en haussant un sourcils, carrément ? T’es tétanisée, toi ?
Pourtant, quand on regardait Gretchen, on pouvait penser qu’elle était prête à tout affronter, sans peur. Ainsi, l’amour lui posait soucis…je n’en avais jamais eu conscience. Mais, d’un autre côté, quand je l’avais connue, elle était en couple. Vint ensuite le récit de son plan cul, et franchement, vu la manière dont elle parlait de lui, je n’enviais pas sa place.
— Je n’aimerais clairement pas qu’une meuf avec qui je couche éprouve de la pitier à mon égard, notai-je, j’aurais l’impression de demander la charité.
Malgré moi, j’éprouvais une certaine compassion pour ce garçon, et pourtant, je ne le connaissais absolument pas. Gretchen, comme pour changer de sujet, s’intéressa finalement à moi.
— Euh…bah, il se passe…des choses, si.
Je partis d’un petit rire, tout en reprenant une gorgée de ma boisson.
— Disons qu’il y en a eu qui m’a tapé dans l’oeil, mais elle m’a l’air…complètement inaccessible.