I see my future in your eyes -r.

Le week-end venait de commencer, la vie maritale, un pure bonheur. La boutique avait ré-ouvert ses portes au tout début du mois. Une autre chose était arrivée au tout début du mois. Une chose terrible dont tu n'avais parlé à personne. Tu ne savais pas comment t'y prendre, tu n'avais aucune idée de ce que tu devais faire, comment en parler. Alors tu avais eu une idée peut-être un peu idiote mais tu devais tenter le coup. « Chéri ? Peut-on tenter une petite expérience ? » Tu demandais ça avec une petite voix comme si tu voulais essayer de le faire craquer ? De toute façon, il ne te refusait pas grand chose, mais tu ne lui demandais pas non plus la lune. Parfois c'était de faire à manger, de faire les courses, de changer une ampoule. Rien de très extravagant, mais tu avais envie d'essayer quelque chose ce soir. « Je sais que ça à l'air idiot mais c'est le genre de jeu que j'aime. » Peut-être que tu aurais pu commencer par un quiz musical mais non, tu avais vu grand. Tu avais surtout vu une vidéo drôle sur internet et tu avais voulu faire exactement pareil. Tu avais préparé un sac noir opaque avec divers aliments dedans. « Je te bande les yeux ok ? » Il hochait la tête avec un léger sourire, se demandant encore ce que tu avais derrière la tête parce que jusqu'au bout, tu étais mystérieuse. « Devine ce que c'est et je te promets de ne rien tenter d'étrange. » Tu ne voulais pas le rendre malade, tu ne voulais pas mélanger du vinaigre et de la crème glacée par exemple. Ça c'était bien quand on était adolescent et qu'on jouait à des drinking games. Aujourd'hui, tu étais adulte. Et de toute façon, tu n'avais jamais été adepte de ces trucs là. « Alors ? » demandais-tu alors que tu venais de lui faire manger une cuillère de crème glacée à la noix de pécan.

Nelligan était en train de chercher la toute dernière mémoire à recouvrir dans Breath of the Wild, cherchant comme un con autour du château sans jamais trouver l’endroit exact, quand Lily-Anaëlle arriva dans le salon pour lui proposer de tenter une expérience. Il mit son jeu en pause, de toute façon sur le bord de rage quit le jeu, et tourna la tête vers son épouse, intrigué. « Une petite expérience ? Tu veux faire un volcan avec du bicarbonate de soude ? » Demanda-t-il en riant. Même si c’était ça, il le ferait volontiers. Il n’était pas geek que pour les jeux vidéo, Nelligan. Le jeune homme sauvegarda sa partie et ferma la console avant de rejoindre Lily-Anaëlle qui repartait vers la cuisine en se justifiant. « Tant que ça te rend heureuse, je me fous un peu que ce soit idiot. » Avoua-t-il avec un sourire. C’était vrai, il ferait tout pour son bonheur, même si ça impliquait des trucs un peu cons. Certes, il avait ses limites, mais pour elle, il les repousserait constamment, même si elle ne lui en demandait jamais autant. Sur le petit ilot de la cuisine se trouvait un sac noir, mais Nelligan n’eut pas le temps de questionner sa femme qu’elle lui apprit qu’elle lui banderait les yeux. « Euh, ok … C’est louche. J’espère que ça n’implique pas des insectes cachés là-dedans. » Il allait crier. Elle lui promet de ne rien tenter d’étrange tout en lui expliquant qu’il allait devoir goûter des aliments et deviner ce que c’était. « Ça me va ! T’es drôle, d’où t’as pensé à ça ? » Un vendredi après-midi, en plus. Lily-Anaëlle commençait-elle déjà à s’ennuyer dans leur vie maritale et trouvait des idées comme celles-là sur Internet pour pimenter leur quotidien ? Peu importe, il allait tenter l’expérience. Il s’accouda donc au comptoir et ouvrit la bouche pour qu’elle y insère la cuillère. Il referma ses lèvres et mangea quelque chose de bien froid, et rien que le goût et la texture lui laissait deviner la crème glacée. « C’est de la crème glacée à la vanille … mais y’a aussi … des noix ? J’irais avec des noix de Grenoble ? » Il avait toujours été bien mauvais pour distinguer les noix.

Lorsque tu avais parlé de faire une expérience, il avait rebondi presque aussi vite en te parlant d'un volcan avec de la fausse lave. Tu avais déjà vu ça à la télé et tu avais toujours trouvé ça fascinant la façon dont c'était fait. Mais comme ça venait de la télé, tu pensais que c'était truqué et pas vraiment réalisable. A priori, tu t'étais trompée. « On pourrait faire ça ? » Un grand sourire se dessinait sur ton visage pendant que tu t'imaginais réaliser un volcan géant en papier mâché et que tu imaginais la bolognaise s'en échapper petit à petit. A faire dans le jardin s'il y avait une vraie irruption parce que sinon vous seriez bons pour nettoyer le plafond après ainsi que tous les murs. Sauf si vous mettez du plastique partout, mais vous auriez l'air de tueurs en série. « Promis, rien de suspect. » Tu aurais pu prévoir quelque chose de traître, mais le but n'était pas là. Le but étant d'annoncer une nouvelle importante de façon un peu originale. « J'ai vu une vidéo l'autre jour mais il y avait des trucs étranges comme un mélange mayo-liquide vaisselle. J'ai rigolé parce que la tête de la personne était amusante mais ça a dû être horrible ! » Tu attrapais la cuillère pour prendre aussi de la crème glacée. Ce n'était pas parce que c'est lui qui avait les yeux bandés, que tu ne pouvais pas goûter non plus. « Noix de pécan, c'était pas loin. » Tu fermais le pot que tu rangeais dans le congélateur pour éviter que la glace ne fonde et tu retournais près de lui. « Très bien, et ça ? » demandais-tu alors que tu approchais de sa bouche un bâtonnet de carotte crue. Tu attendais qu'il croque dedans pour en porter une à tes lèvres, histoire de ne pas l'aider lorsque tu croquerais dedans avant lui.

Le regard illuminé de Lily-Anaëlle fit son apparition sur son visage. Ce même regard qu’elle avait toujours eu quand elle était agréablement surprise, quand elle comprenait enfin quelqu’un chose qui lui avait longtemps échappé, quand son cœur se remplissait de joie même pour le plus petit événement. C’était ce regard auquel Nelligan s’était accroché année après année, se promettant qu’il le reverrait un jour, et puis jour après jour. Alors oui, pour ce regard, ils feraient toutes les expériences scientifiques du monde pour la voir s’émerveiller devant le résultat. « Bien sûr qu’on pourrait faire ça ! Bon la dernière fois que j’ai fait ça remonte à loin, mais avec quelques recherches sur Google, on trouvera tout ce qu’il faut faire. » Son sourire s’agrandit. S’ils faisaient ce genre de choses à deux, allez imaginer à quoi ça ressemblerait lorsqu’ils auraient leurs enfants autour d’eux pour les entraîner dans des expériences encore plus drôles. Pour le moment toutefois, ce n’était visiblement pas l’activité que Lily-Anaëlle avait en tête. Elle entraîna son époux dans la cuisine et lui expliqua les règles de ce petit jeu. « Du liquide-vaisselle ? En fait elle voulait le tuer. » Il espérait que ce n’était pas le cas pour eux. Ils venaient à peine de se marier et déjà elle aurait des envies de meurtre ? Sans doute pas. Au premier essai, Nelligan fut assez proche de la bonne réponse, même s’il était toujours confus avec les noix. « Aaaah, j’ai le point quand même ? » Demanda-t-il avec un rire, mauvais perdant qu'il était. Le deuxième ingrédient mystère lui fut alors présenté, et Nelligan ouvrit la bouche et se retrouva avec quelque chose de plutôt dur entre les dents. Il croqua, et après avoir mâché pendant quelques secondes, tout le goût de la carotte lui revint finalement en mémoire. « Une carotte ! Là je ne peux pas me tromper ! » Dit-il avec un rire. C’était fou comme le fait d’être privé de ses sens pouvait rendre plus difficile la tâche. Avec son goût comme seul allié, Nelligan mettait bien plus de temps à reconnaître des aliments pourtant bien communs. « C’est vraiment drôle comme sensation, faudra que je te fasse essayer ! » Et il serait peut-être un peu plus cruel dans son choix d’ingrédient.

Il était d'accord. C'était amusant, parce que tu savais que peu importe ce que tu lui demandais, il te dirait toujours oui. Sauf peut-être si tu avais des demandes étranges comme le tartiner de beurre de cacahuètes ou de manger des insectes. « On regardera ça alors ! » Tu étais déjà même un peu pressée pour savoir ce qu'il fallait. Tu aurais pu abandonner tout ton projet pour construire un faux volcan mais tu devais penser au but et le but était bien trop important pour tout plaquer. « Je ne crois pas que ce soit toxique. » Tu n'étais vraiment certaine, il y avait des indications et il ne te semblait pas qu'il y en ait sur les bouteilles de liquide vaisselle. Après, ça ne devait pas être très bon pour la digestion et peut-être que ça pouvait rendre un peu malade mais pas au point de mourir. Après ça ne te viendrait jamais à l'idée de boire du liquide vaisselle et encore moins de cuisiner avec. « Bien sûr ! » Tu affichais un grand sourire, il n'y avait pas vraiment de point, mais ça, il ne le savait pas encore. « Oui, c'était assez facile. » Tu croquais à nouveau dans ta carotte, attrapant autre chose dans ton petit sac en te demandant ce que tu allais lui faire manger juste après. « On pourra échanger après, si tu veux » Même si après, il se passerait sûrement autre chose qu'échanger votre place. Ou alors s'il avait envie  « Et ça ? » Tu approchais une nouvelle cuillère près de ses lèvres, avec du yaourt de brebis aux agrumes. C'était une petite merveille gustative que tu avais découvert l'autre jour et tu les avais tous mangé avant qu'il puisse en profiter.

Nelligan et Lily-Anaëlle étaient constamment en train de prévoir un tas de projets. Des plus grands aux plus petits. S’il fallait qu’ils se fassent une sorte de bucket list, celle-ci serait inévitablement interminable. Ils avaient tellement d’idées en tête, d’envies d’aventures et d’imagination. Et du temps à passer ensemble, aussi. Alors peut-être, oui, que d’un point de vue extérieur ils semblaient être le couple marié figé dans la routine. Sauf que ce n’était pas du tout le cas, puisque malgré leurs soirées tranquilles, ils avaient des rêves plein la tête et surtout, ils savaient que ça ne resterait pas des rêves bien longtemps. Plus maintenant. Nelligan et Lily-Anaëlle avaient assez perdu de temps à en rêver, de leur idylle. Maintenant, c’était l’heure de passer à l’action, et ce jusqu’à la fin de leurs vies. Pour le moment, l’action tournait autour d’un petit jeu concocté par la brunette, qui prenait un malin plaisir à lui faire goûter toutes sortes d’aliments. « Peut-être pas, mais ça pourrait me faire roter des bulles de savon jusqu’à ce que j’en meurs. » Releva Nelligan, se laissant toujours totalement aller quand il était en seule compagnie de Lily. Il n’avait pas à avoir honte, il n’avait pas à avoir peur de ce qu’il disait. Il était lui-même, et c’était un tel soulagement d’avoir trouvé quelqu’un avec qui l’être aussi souvent. « Oh oui qu’on échangera ! J’sais déjà ce que je te ferai goûter. » De la moutarde sèche pour voir sa grimace, du lait mélangé à du ketchup pour voir son dégoût, bref Nelligan se ferait plaisir. Il était loin de se douter qu’il oublierait bien rapidement ces idées-là, quand il saurait ce que Lily-Anaëlle avait en tête. Il goûta au troisième aliment mystère et garda longuement la bouchée dans sa bouche, pour goûter le plus longtemps possible, puisqu’il n’avait aucune idée de ce que c’était. « Honnêtement, je ne sais pas … Je ne sais pas du tout. Qu’est-ce que c’est ? » Demanda-t-il, alors intrigué. La texture était crémeuse, il y avait un arrière-goût d’orange, mais il n’aurait su nommer l’aliment en tant que tel.

Sa réponse te fit rire, tu l'imaginais roter des bulles et tu te voyais les toucher avec ton pouce, toute souriante pour les faire éclater. Et c'était amusant, mais aussi étrange. Tu avais parfois le sentiment d'avoir 6 ans d'âge mental. « Tu crois qu'on roterait vraiment des bulles de savon, comme dans les dessins animés et que le Grosminet avale un savon ? » Et les réflexions de ce genre n'aidait pas à évincer cette hypothèse. Mais tu ne pouvais pas t'en empêcher, tu avais des yeux d'enfants, des yeux rêveur, qui croit tout ce qu'on lui dira et qui en fera un testament pour le retenir toute sa vie. Comme une bible. « Quand tu le dis comme ça, j'ai comme l'impression que je dois me méfier. » Tu arquais un sourcil, essayant de comprendre ce qu'il avait derrière la tête, loin d'imaginer tout ce qu'il s'amusait à penser et ce qu'il oserait vraiment faire une fois de l'autre côté de la barrière. « C'était un yaourt de brebis au citron. Tu aimes ? » demandais-tu doucement, pour avoir son avis. Même s'il n'avait pas trouvé, tu avais choisi cet aliment pour lui faire goûter parce que tu en raffolais alors autant l'obtenir. « Bon, au suivant ! » Tu montrais beaucoup d'enthousiasme. C'était le moment de passer à la suite des opérations, et tu en avais des papillons dans le ventre à mesure que le moment de vérité approchait. « Et ça ? » Tu approchais de sa bouche une nouvelle cuillère. L'ultime cuillère en espérant que les connexions se feraient vite dans son esprit. Une cuillère avec le contenu d'un petit pot pour bébé aux courgettes. Un de tes préférés lorsque tu étais enfant.

Ils étaient deux grands enfants. Difficile de les imaginer un jour parents, et pourtant … ! « Je ne sais pas, mais ce serait plutôt drôle, non ? » Lui aussi avait les mêmes images que Lily-Anaëlle, dans sa tête. Certes, ils rendaient une situation qui aurait pu être relativement dangereuse pour l’estomac de l’homme en situation fantastique et drôle, mais ils s’étaient toujours donné le droit de rêver, tous les deux. Encore plus maintenant que ces rêves semblaient se concrétiser, pour la plupart. « Tu me connais si bien ! » Lâcha Nelligan en imitant un rire machiavélique après qu’il ait dit qu’ils changeraient les rôles pour qu’il puisse lui faire goûter certains aliments, lui aussi. Des mélanges d’aliments qui ne s’harmonisaient pas du tout bien ensemble ! Toutefois, pour le moment c’était encore au tour de Nelligan d’être le testeur, et s’il avait autrefois passé ses journées à tester des jeux vidéo, il était bien moins doué quand venait le temps de se prêter au jeu de la nourriture ! Son épouse lui parla de ce yaourt de brebis au citron qu’il venait d’avaler. « Oui, c’est très bon ! » Ça lui faisait découvrir de nouvelles choses, en plus, cette expérience. C’était encore mieux comme ça. Bref, le suivant aliment entra finalement dans sa bouche et Nelligan fut submergé par une vague de nostalgie. Un sourire se dessina sur ses lèvres alors qu’il reconnaissait le goût des petits pots de purée pour bébé qu’il avait refusé d’arrêter de manger avant son adolescence au moins. « C’est de la purée pour bébé, ça, j’saurais pas dire à quoi mais je reconnais le goût, c’est ancré dans ma mémoire. » Dit-il sans se douter de l’explication qui viendrait ensuite.

Un grand sourire était apparu sur ton visage lorsqu'il disait qu'il n'en savait rien, le seul moyen de savoir serait d'ingérer du savon pour tenter l'aventure mais tu n'étais pas certaine que ce soit vraiment la meilleure des idées. Tu préférais laisser ça glisser dans un recoin de ton esprit pour un moment où tu ne serais pas enceinte parce qu'il était hors de question que tu mettes votre enfant en danger. Tu en avais déjà perdu un, tu ne supporterais pas revivre ça surtout si c'est de ta faute. Tu secouais doucement la tête, évidemment que tu le connaissais, c'était bien pour ça que tu te méfiais si peu de lui au final, il pourrait avoir des scrupules avant meme de te faire goûter quoique ce soit. Tu avais fini par passer à l'ingrédient final de ce petit jeu qui vous Aura occupé presque un quart d'heure mais tu avais l'impression qu'il durait depuis des heures. Et dans sa réponse, tu te mordus la lèvre pour ne pas dévoiler toute ton excitation. Tu laissais quelques secondes s'écouler avant de reprendre avec un peu de douceur dans la voix. « C'est de la courgette. » repondis-tu en rigolant. Un goût ancré dans sa mémoire mais pas que dans la sienne. Ce petit pot devait marquer des milliers d'enfants à travers les années. Ce qui ne devait pas être si mauvais que ça si les parents d'aujourd'hui en donnaient encore à leurs enfants. « Mais la question vraiment importante c'est : qui mange ces petits pots ? » Tu avais un léger sourire sur le visage, prête à attendre qu'il enlève son bandeau, prête à ce qu'il comprenne par là ce que tu essayais de lui faire deviner réellement depuis le début de ce petit jeu parce que ce n'était pas aussi innocent qu'il avait pu le croire.

Une petite grimace s’installa sur le visage de Nelligan quand Lily-Anaëlle lui apprit que c’était de la purée de courgette. « Aaah, j’aurais préféré pas le savoir. » Dit-il en rigolant et en secouant la tête, laissant enfin sa grimace s’effacer. « Pourquoi y’a pas une loi pour que les compotes soient strictement composées de fruits ? » Sans doute que ses mille et un commentaires sans importance étaient en train d’exaspérer Lily-Anaëlle qui, elle, n’avait qu’une autre question en tête à poser. D’ailleurs, elle remit bien vite son mari sur le droit chemin en posant plutôt la grande question, la plus importante : qui mangeait ces petits pots ? Nelligan fronça les sourcils en répondant automatiquement : « Bah, les bébés … » Et vue la tension qui montait entre les deux, vu le silence pourtant plein d’émotion, le cerveau de Nelligan se mit à fonctionner à cent milles à l’heure. Son sourire amusé devint alors plus mince, plus niais, comme incertain. La pause s’étendait sur de longues et interminables secondes alors que le doute s’installait en lui. Il tourna la tête vers Lily-Anaëlle, ou plutôt l’endroit où il pensait que son visage se situait. « Attends … est-ce que … » Sa voix était chargée d’émotion, elle aussi. Ce ne fut qu’en ouvrant la bouche qu’il réalisa à quel point l’idée qu’il avait en tête le rendait complètement excité, heureux, dépassé, fou de joie. Il porta à tâtons sa main jusqu’au bandeau lui recouvrant les yeux et le tira vers le haut, afin de se redonner la vue. Ses yeux se plongèrent alors dans ceux de son épouse, qui brillaient sans doute autant que les siens. « Notre bébé ? » Demanda-t-il, comme pour reformuler sa réponse à la précédente question mais en espérant entendre une approbation de la part de sa femme. Qu’elle lui confirme qu’ils auraient un enfant. Que dans neuf mois, elle serait maman. Et lui serait papa.

Sa réaction te faisait rire, n'aimait-il pas la courgette ? Pourtant meme si tu n'en cuisinais pas, il en mangeait dans les nouilles chinoises avec des carottes et des oignons. Ou peut-être qu'il ne l'avait jamais réalisé m, tu ne savais pas trop. Tu attendais avec impatience sa réaction et lorsqu'il te dit que c'était les bébés qui mangeaient ça, tu te retenais de glousser et d'ajouter un petit commentaire pour l'iciter à chercher plus loin. Mais tu n'avais pas besoin de le faire, son expression de visage changeait presque aussi vite. Il tournait la tête vers toi, mais ce n'était pas tout à fait exact, le bandeau sur les yeux, c'était assez handicapant. Sa voix était plus sérieux et tu hochais la tête avec un grand sourire bien qu'il ne le voyait pas plus. Il agrippait le bandeau pour le jeter et en croisant son regard, tu avais le cœur qui battait à toute vitesse. « J'ai bien cru que tu n'allais pas trouver ! » Tu avais les larmes aux yeux et tu rigolais. Pleurer de rire, littéralement, et ce n'était que le début des hormones. Tu attrapais sa main, la serrant de toutes tes forces. « Je suis enceinte de presque huit semaines, Nelligan. » Huit semaines et tu ne l'avais appris qu'il y a que quelques jours, lors de ta visite de routine chez la gynécologue. Un rendez-vous qui tombait à pic, sans lui tu aurais pu l'ignorer avec un petit moment. « On va avoir un bébé, notre bébé ! » Sans plus attendre tu t'étais levée pour aller te jeter dans ses bras, tu étais si heureuse. Tout se bousculait dans ta tête mais ce n'était que des images positives de votre famille.

Les courgettes étaient maintenant bien loin dans la tête de Nelligan. Il était certain, dans tous les cas, que ce légume prendrait une toute autre signification à ses yeux à partir de maintenant. Qu’elles soient en purées ou comme accompagnement, la simple vue de celles-ci rappellerait à Nelligan ce moment magique. Cet instant où l’avenir de Lily-Anaëlle et de Nelligan était plus certain et dessiné que jamais. Elle était enceinte. La femme de sa vie, son épouse, était enceinte. Il se leva du petit tabouret sur lequel il était confortablement assis une seconde plus tôt, alors qu’il ignorait encore qu’un petit humain tout droit issu de lui-même et de son amour d’enfance, son amour de toujours, était en train de grandir dans le ventre de celle-ci. Un grand sourire illuminait son visage, et même s’il avait voulu sceller ses lèvres de nouveau, il n’aurait pu le faire. La joie était débordante et incontrôlable. « J’hésitais, j’voulais pas me faire des idées et m’réjouir sans que tu me le confirmes. » Mais elle l’avait fait, elle l’avait confirmé. Huit semaines. À ses mots, Nelligan baissa les yeux vers son ventre encore bien mince. Il ne cessait de sourire, le regard brillant. « T’es sérieuse ? » Il éclata d’un rire à la fois heureux et nerveux. Parce que toute cette excitation faisait débattre son cœur. « T’es vraiment sérieuse ? » Huit semaines déjà. Deux mois. Putain, dans sept mois, leur famille s’agrandirait enfin ! Il posa sa main sur le ventre de Lily-Anaëlle, toujours assise, jusqu’à ce qu’elle se lève pour aller se jeter dans ses bras. « Je suis tellement heureux. Je suis tellement heureux tu peux pas savoir. » Bien sûr qu’elle savait, elle aussi ressentait ce surplus de bonheur qui flottait autour d’eux tellement ils n’arrivaient plus à le contenir en eux. « Je t’aime. » Dit-il en l’embrassant, la serrant contre lui, avant de se reprendre et de s’abaisser au niveau de son ventre pour murmurer : « Je vous aime, tous les deux. » Et il déposa ses lèvres sur son ventre, restant là un moment, incapable d’y croire encore totalement.

Il avait eu peur de se réjouir trop tôt, comme l'autre soir lorsqu'il t'avait jeté un regard presque surpris lors du dîner avec Olivia. Et pourtant, il avait eu raison, tu étais déjà enceinte ce soir-là et tu l'ignorais. Tu pensais juste que c'était lié au fait de l'avoir aidé toute l'après-midi à la cuisine. Et maintenant que tu savais, tu voyais certains de tes efforts d'un autre oeil, comme lorsque tu portais un carton de livre et que tu te sentais trop faible pour le déplacer plus d'un mètre. Mais maintenant, c'était formel. Tu avais même un test de grossesse pour le prouver. « Plus que jamais ! » Il rigolait, sûrement nerveux. Tellement nerveux qu'il te le demandait une nouvelle fois et tu hochais la tête avec un grand sourire. Il s'était levé pour te rejoindre, posant une main sur ton ventre. Déjà plusieurs fois que tu faisais ce même geste depuis que tu l'avais appris. Dans l'espoir que l'enfant se rebiffe et donne un coup de pied mais c'était sûrement encore trop tôt. « J'ai une échographie prévue pour la semaine prochaine, tu crois que tu pourras m'accompagner ? » Tu levé les yeux vers lui, maintenant que tu étais dans ses bras, tu étais à nouveau de petite taille face à lui, tu te hissais sur la pointe des pieds pour lui voler un baiser. Tu imaginais déjà ce qui allait se profiler au cours des semaines à venir, mais ça semblait si dingue. Tu explosais de joie, comme le mini-volcan que vous vouliez préparer. « Je suis heureuse aussi, bientôt, on sera trois. » Ou quatre, peut-être cinq. C'était fort peu probable pour la suite mais tu étais assez rêveuse. Tu avais toujours eu envie d'avoir une grande famille et maintenant qu'elle commençait à s'agrandir, tu en avais des papillons dans le ventre. Des étoiles dans les yeux. Tu étais sur un petit nuage. « Toi, moi et lui. » Il s'était mis à hauteur de ton ventre et ton sourire ne quittait plus ton visage. « Ou elle. » Tu ne savais pas trop ce que ce serait. Pour le moment il était encore trop tôt pour le définir mais ça ne vous empêchez pas de laisser vaquer votre imagination. « Tu as une préférence ? » lui demandais-tu en posant ta main sur sa joue, pendant qu'il embrassait ton ventre. Une sensation des plus agréables.

Les émotions que Nelligan ressentait étaient tellement fortes qu’il riait et pleurait en même temps. Les larmes de bonheur roulaient sur ses joues alors que son sourire étirait tout son visage. Et ses larmes brillaient à travers son regard lumineux. Il ne cessait de demander à Lily-Anaëlle si elle était sérieuse, même s’il savait fort bien qu’elle ne plaisanterait jamais sur un tel sujet. Ils attendaient depuis tellement longtemps d’avoir leur petite famille, maintenant. Elle savait qu’il attendait cette nouvelle avec une grande impatience. Toutefois, quand le moment arrivait enfin, Nelligan avait du mal à se convaincre que c’était la réalité, que son épouse était enfin enceinte de leur enfant. Elle aurait pu lui répéter des millions de fois, il aurait besoin d’un moment avant de réaliser l’ampleur du changement à venir. Alors que le jeune homme venait de poser sa main sur le ventre encore bien mince de Lily-Anaëlle, cette dernière lui parla de son échographie prévue pour la prochaine semaine. « Évidemment que j’t’accompagnerai ! La question ne se pose même pas, j’viendrai à chacune de tes échographies. J’manquerai des cours s’il faut, c’est pas important, c’est toi qui es importante. Et le p’tit miracle. » Dit-il en baissant les yeux vers sa main posée contre la peau de Lily, sous son chandail. Quand elle lui dit qu’ils seraient bientôt trois, eux deux, et elle ou lui, le cœur de Nelligan s’emballa encore plus, si c’était encore possible. « Honnêtement, j’ai jamais … j’ai jamais vraiment songé. » Préférerait-il une fille, ou un garçon ? C’était si différent, et le type de relation qui pouvait en ressortir aussi. Si ça ne tenait que de lui, ils auraient les deux. Un garçon et une fille. Et peut-être un troisième, pourquoi pas. Rien ne semblait trop gros pour eux, maintenant que leur amour était plus fort que tout. « Dans les deux cas je serai un papa comblé. » Il sourit. « Un papa. » Puis, reprenant son sens de l’humour après la surprise, il ajouta : « Puis, fille ou garçon, tu peux être certaine que notre enfant jouera à Zelda dès que son âge le permettra ! » Il sourit. Il avait tellement hâte de partager tout ce qu’il aimait avec cet enfant. « Et toi ? T’as une préférence, maman Lily ? » Demanda-t-il en posant ses lèvres sur sa joue.

Son regard n'arrêtait pas de montrer de la surprise, comme s'il réalisait difficilement la nouvelle. Une nouvelle heureuse et qui le comblait, mais sûrement inattendue. Lui qui avait tant espéré les derniers mois en te posant toujours la question dès que tu refusais de boire un peu d'alcool.  Et toi, qui attendais d'avoir des signes plus concrets parce que tu avais quand même mis presque deux mois à la réaliser et c'était long huit semaines. « Nelligan ! » Ta voix était un peu plus ferme, comme si tu essayais de le gronder sans pour autant y arriver. Tu étais incapable d'hausser le ton et de te fâcher. Tu lui faisais juste de gros yeux. Tu savais bien que de nombreux examens allaient se profiler sur les prochains mois et tu ferais attention de les planifier pendant son temps libre, tu ne voulais pas qu'il rate ses cours. Il avait su retrouver son sérieux et reprendre ce qui le passionnait, tu ne voulais pas être responsable d'un potentiel échec. Même s'il bûchait vraiment dur sur le sujet. « Tu seras un papa gâteau, oui. » Tu ne serais sûrement pas mieux que lui. Mais qui pourrait vous blâmer ? L'un comme l'autre, vous étiez passé à côté d'une chance d'être parent dans le passé, alors maintenant que la chance se présentait à vous, vous ne comptiez pas la laisser filer. « Je n'en attends pas moins de toi ! Et moi je pourrais leur apprendre à rater des plats tout simple ! » Tu rigolais, bêtement. C'était bête comme remarque, mais tu ne voyais pas ce que tu pouvais leur apporter. Peut-être ton amour pour les livres, tu passerais au moins le temps qu'il faudrait le soir pour raconter une histoire, pour inventer des histoires et développer la créativité et l'imagination de vos enfants. « Sincèrement, j'aimerais les deux. Si on avait une petite fille, je voudrais juste qu'on puisse l'appeler Lexi, en hommage à ta sœur et pour le petit gars, je n'en ai pas la moindre idée. » Au fond, cette histoire de sexe t'importait plus, le plus important à tes yeux, c'est que c'était votre enfant. Un bébé de Nelligan et de Lily. Comme tu l'attendais depuis ta plus tendre adolescence, lorsque tu étais tombée folle amoureuse de ce grand gaillard.