so what? [ft. Ariel]

Billie n'est pas du genre à s'épancher sur des sujets et encore moins ceux qui la concerne directement. Je comprends totalement et lui adresse un simple sourire en guise de réponse. J'suis pas un forceur, j'suis pas un relou, alors si elle ne veut plus en parler, n'en parlons plus. J'allais quand même devoir vivre avec cette nouvelle, faire comme si de rien devant Charlie et ça c'était une autre paire de manches. Mais j'allais m'en sortir. Certain. Jamais je ne trahirais Billie.

Billie semble très très volontaire pour me faire bosser et trouver ma voie. Je la regarde amusé. "Putain, me dis pas que ma mère t'a appelé pour me convaincre de faire quelque chose de ma vie?!" Je plaisantais mais qu'à moitié. Ma tarée de mère était capable de faire ce genre de chose. Trouver un numéro ou fouiller sur mon instagram pour trouver la trace d'une personne que je connaissais pour me surveiller de loin. J'lui faisais pas confiance à ma mère. La jeune femme me voit vraiment ouvrir un bar-restaurant geek. Sincèrement, l'idée m'emballe bien. J'la toise d'un regard amusé. Comme si elle avait pensé à tout. "J'devais sûrement rêver d'être cosmonaute ou archéologue comme tous les enfants de onze ans j'pense." Je souriais et rajoutais "Nan, mais, sans déconner, ton idée est pas totalement foireuse." Juré, c'est un compliment dans ma bouche. J'réfléchis aux questions qu'elle me pose. "En fait, mon souci, c'est ce que j'me lasse super vite des trucs, j'suis pas sûr d'avoir la niaque pour aller au bout des choses tu vois." J'étais avant tout un je-m'en-foustiste professionnel mais après tout, n'avais-je pas simplement besoin d'un bon coup de pied au cul ? Putain. Peut-être que Billie était en train d'faire bouger les choses.

J'me marre à sa réflexion. "Entre nous, je n'ai jamais réellement apprécié ta mère donc oui, j'sais que c'est ta génitrice mais de ce que Charlie peut m'en dire à vous faire subir une pression constante ou même à juger sur comme vous vivez votre vie, j't'avoue que même si elle m'avait appelé, j'crois que je l'aurais envoyé boulet donc non, ce n'est que de mon plein gré." lui répondis-je, allant peut-être me prendre ses foudres vu que j'ai mal parlé de sa maman mais ne sait-on jamais, j'préfère juste être franche. Il tente de se rappeler de ses rêves d'enfants, me disant des métiers que beaucoup d'entre eux à l'époque voulaient en plus d'être pompier ou un action man. J'y réponds pas, de toute façon s'il ne s'en rappelle pas c'est juste que ce n'est pas ce qu'il voulait au fond. J'sais que petite par exemple, j'voulais être photographe, puis un autre jour actrice, puis encore un autre avocate. Dans ma vie j'ai pris des photos, énormément car j'adorais ça, une actrice, rien de plus direct avec le cinéma et en soi, avocat, ce n'est qu'une performance sérieuse qu'on présente devant un juge et son public, comme j'aurais pu le faire durant mes après-midi au théâtre. Donc en soi, ce n'est qu'une suite logique de ce que je veux faire plus tard, l'écriture et ma passion pour les films affirmant bien entendu la chose. Donc peut-être qu'un jour il saura, peut-être alors qu'il ne saura jamais. Allez savoir. "Ben encore heureux, j'sais bien que c'est une idée d'enfer oui !" J'suis plus enthousiaste sur un futur projet pour lui que lui même en soi et alors? "Mais j'comprends oui. Tu fais parti de ces gens qui ne peuvent rester dans une boîte très longtemps. En général, ils enchaînent les petits boulots avant d'avoir un déclic et de trouver leur vocation." Ce n'est qu'un constat en soi. Disons que tu as encore le temps, tu verras bien plus tard mais..." Charlie m'expliquait et il a dû le mentionner un jour que l'appartement où il est actuellement est au frais de son père. "Mais si tes parents arrêtaient de te fournir des vivres juste pour que tu trouves un truc, tu ferais quoi dans cette situation dis-moi?" Ca s'passe souvent comme ça dans les films, un gosse qui profite à fond du fric qu'on lui verse, les parents s'en lassent et lui donne un ultimatum. Je ne dis pas que je lui souhaite ça, bien au contraire, qu'il en profite tant qu'il peut mais je ne lui demande que d'imaginer en soi.

Billie est franche, elle n'apprécie pas ma mère. Eh bah comme ça on est deux! Nan, je suis méchant, mais j'dois dire que ma mère et moi.. on a une relation assez particulière. Elle a horreur de ce que je suis devenu et elle a toujours réussi à me toucher par ses remarques désobligeantes. Je rigolais à sa réponse. "J'suis ravie de t'entendre dire ça."
On s'met à parler de mon avenir. Très clairement, j'suis pas super chaud pour me prendre en main. J'pense être incapable de tenir un quelconque engagement. J'me sens attiré vers aucun domaine et rien ne me fait vibrer. L'idée de Billie est bonne en soi, mais rien que de parler de ce qu'il faut mettre en place, ça me donne la flemme. "J'garde l'idée en tête pour quand j'aurais le courage!" Je souris et je rajoute "ça m'angoisse cette idée selon laquelle il faudrait travailler pour vivre. T'as raison, me mettre dans une boite, c'est l'enfer. Comme si à l'instant où j'me mettrais à travailler j'deviendrais un vrai adulte tu vois?" J'ai 30 ans. Mon discours fait peur. Mais j'ai toujours été comme ça en fait. Jamais rien envie de faire de précis, juste de vivre, de profiter de l'instant présent. Rien de plus. Billie me demande ce que je ferais si mon père arrêtait de me donner du fric. J'y réfléchis. "Bah, j'ferais sûrement un petit boulot ou un truc dans le genre. Mais je sais que mon père ne me fera jamais ça." Peut-être que je parle trop vite. Je sais que mon géniteur est capable de faire des crasses mais il est justement dans une dynamique de pardon en ce moment qu'il oserait pas me poignarder comme ça. Après, j'suis capable de me lever pour aller bosser s'il faut hein .. j'en ai juste pas envie. Comment ça j'suis têtu ?

J'me marre avec lui avant de ne cesser quelques instants et de reprendre une conversation un petit peu plus sérieuse bien qu'on ne prenne ça à la légère. Pour le moment. J'hoche la tête à son explication. "Ouais ouais je vois. Peter Pan, c'est ce que je dis. Ils se sont trompés de Disney à ta naissance tes vieux je crois." J'souris, esquisse tout de même un petit sourire sur mes lèvres. Mais j'lui pose une question qui pourrait peut-être changer la donne sur sa réponse. On n'est jamais trop prudent dans la vie, c'est ce que je me tue à dire et je vois toujours le mauvais côté des choses malgré mon attitude optimiste donc bon. "Espérons oui qu'il n'ait pas autant de culot mais reste sur tes gardes, on ne sait jamais." J'veux pas lui faire peur, j'lui dis juste qu'il faut aussi y penser. C'est en étant trop confiant qu'on se ramasse le plus, j'voudrais pas que ça lui arrive. Et même si un jour ça devait arriver, comme il doit, il s'trouvera un petit métier et au pire la famille Meers sera là pour l'aider tout comme sa propre soeur. On est tous soudés, les Keynes étant comme ces cousins qu'on voit souvent et pour qui on se donnerait corps et âme. Bon, Abby en fait l'exception, elle c'est le petit mouton noir mais bon, c'est comme ça que je vois les choses. J'soupire, un ange passe, j'regarde au loin. "Il serait temps de rentrer tu ne crois pas? Ou on couche là?" lui demandais-je, tournant ma tête dans sa direction.

Billie a réussi à mettre un mot sur mes maux. Je rigole lorsqu'elle me dit que mes parents se sont planté de prénom. "Putain, comment j'aurais préféré m’appeler Peter, ça m'aurait moins emmerder!" Billie me fait réaliser que je ne vis que sur l'idée que mon père me versera ad vitam eternam de l'argent. J'sais que c'est mal, j'sais que beaucoup se disent que j'exagère, que j'pourrais faire quelques choses de ma vie, mais je ne vois pas comment occuper ma vie. Alors il faudrait peut-être que j'y songe sérieusement, et que j'établisse au moins un plan B au cas où mon père me couperait les vivres. Parfois, les idées naissent dans les soirées les plus banales et il est certains que j'garderais dans un coin d'la tête l'idée de Billie. "Ouais, j'vais y songer quand j'serais plus complètement bourré!" Je sais que je suis bien entouré, ma sœur ne me laissera jamais tomber, Charlie et Billie, les joyaux Meers seront toujours là aussi et le simple fait de constater que je suis bien accompagné dans la vie, me fait me sentir bien. Billie à raison, il est l'heure de rentrer. A l'horizon, l'aube fait son apparition, et les oiseaux chantonnent au loin. La ville se réveille. J'me lève. "La flemme de dormir dans le canapé sans déconner! Viens on rentre." J'ramasse les verres que j'dépose parmi les dizaines de cadavres de bières et de bouteilles, j'prends mon manteau et on quitte cette maison. Marchant côte à côte dans les rues endormies, le soleil pointant à l'horizon, je me rends compte que la fatigue m'a fauchée mais que Billie est vraiment une chouette personne.

FIN

hihi: