I'm holding on to your soul and I'm not letting go (freja)

Un jour... mais quand, au juste ? Quand seras-tu réellement prête pour décider si tu veux poursuivre avec Concho ou retourner auprès de Woody pour laisser une vraie chance à votre histoire ? Pas maintenant, pas durant ce voyage en tout cas. Tu as besoin de prendre un peu de recul, de réfléchir à tout ce qu'il s'est passé avec l'un comme avec l'autre. Et si aujourd'hui tu as une grosse discussion avec Woody, aussi sérieuse, tu as besoin d'avoir la même chose avec Concho. « Je sais mais j'ai besoin d'encore un peu de temps... Tu as dit que tu étais prêt à m'en donner, est-ce toujours le cas ? » Demandes-tu en posant un regard inquiet sur l'Australien. Probablement que si sa patience avait atteint ses limites, il ne serait pas là aujourd'hui. Mais tout de même, tu veux l'entendre de sa bouche. « Probablement, oui. » Réponds-tu quand le jeune Rutkowski affirme que vous étiez sûrement déjà conscients de ne pouvoir vous séparer un jour mais que vous ne vouliez pas le reconnaitre. Dans le fond, il était peut-être nécessaire d'en arriver-là, pour repartir du bon pied et ce, avec des fondations solides. Malheureusement, il reste une ombre au tableau à tes yeux : ta stérilité. C'est encore si frais dans ton esprit que cela reste difficile à accepter. Alors oui, tu es en boucle mais c'est trop récent pour que tu puisses laisser cet élément de côté, sans le voir comme un obstacle à votre relation. « Je sais que t'es prêt à faire avec mais c'est plutôt moi qui n'arrive pas à faire avec. Regarde combien de temps il t'a fallu pour accepter de vivre avec ta maladie... C'est encore si frais... il me faudra un peu plus de temps que trois mois. » Mais ça ne remet pas ton amour pour Woody en cause pour autant. « Comment tu peux réellement croire que je n'ai pas envie d'être avec toi ? Je ne veux pas qu'on répète les mêmes erreurs, je veux justement qu'on fasse les choses bien et qu'on soit sûrs de nous, cette fois. J'veux pas que ma stérilité vienne se mettre en travers de notre route, constamment, et que ça nous bouffe. » Dis-tu, essayant d'être la plus transparente possible avec l'Australien.

Elle aurait tout le temps du monde, Freja. Elle était le genre de femme qui avait la force, même inconsciente, de faire reculer les aiguilles d’une horloge de mille et un tours pour rattraper des heures. Avec elle, il n’y avait pas de meet me halfway, parce que Woody aurait pu parcourir le monde entier si c’était pour s’assurer de la retrouver à quelque part, n’importe où, pourvu qu’ils finissent leur temps perdu ensemble. « J’en peux plus d’être seul, ça m’rend dingue. Mais tu sais aussi bien que moi que je serai toujours à toi … » Dit-il, pour lui faire comprendre que même s’il tournait éventuellement la page en apparence, Freja demeurait l’épilogue de sa vie. Qu’ils atteignent les dernières pages de leur vie avec ou sans famille, ça n’avait désormais plus aucune importance pour l’homme qui avait déjà fait son deuil de pouvoir être père un jour. Tout ce qu’il voulait, maintenant, c’était que la ponctuation finale donne enfin à leur histoire la juste beauté qu’elle réclamait. Une fin sans ambiguïté, sans non-dit, sans peut-être et sans si. « Mais qu’est-ce que ça change que tu essaies de l’accepter avec lui ou avec moi ? C’est parce qu’il a déjà des enfants et que ça te donne l’impression que tu pourrais quand même vivre la vie de famille à ses côtés ? They still won’t be yours. » Lui dit-il durement, sans doute parce qu’il voulait la réveiller, et que Woody n’avait jamais maîtrisé la douceur des mots. C’est qu’il sentait sa propre vie lui filer entre les doigts, Woody, et même s’il jurait qu’il l’attendrait, il aurait préféré qu’elle revienne à lui à un moment où il pourrait encore profiter d’elle, d’eux. « Ce sont ces doutes-là qui nous bouffent, plutôt. Combien d’années déjà on a perdu à trop vouloir bien faire les choses ? » Il soupira, posant son coude contre le rebord de la fenêtre abaissée. Il tourna la tête vers le paysage qui défilait à côté d’eux, avec la triste impression qu’ils ne rataient pas que la beauté de ce qui les entourait, ils rataient aussi la beauté de ce qu’ils étaient sans se reconnaître.

Peut-être que tu lui en demandes trop en t'attendant, peut-être qu'il n'est plus prêt à perdre du temps, Woody, lui qui en a déjà perdu suffisamment jusqu'ici. Mais alors, qu'est-ce qu'il te reste à faire ? Lui en accorder tout de suite sans être sûre d'être réellement prête ou le laisser partir en espérant qu'au moment où tu lui reviendras, il ne sera pas trop tard ? « Tu fais ce que tu veux Woody, tu es libre, t'es en droit de voir qui tu veux, quand tu veux, même si j'te demande encore un peu de temps. » Et bien que ça te rende malade de l'imaginer avec une autre, tu ne peux lui demander de ne voir personne alors que de ton côté, tu es en couple avec Concho. Tu es bien consciente que ton comportement n'est juste ni pour Woody ni pour ton petit-ami. La façon dont tu te comportes est complètement dégueulasse mais tu es totalement perdue dans des sentiments incontrôlables et qui te dépassent. « Non ce n'est pas parce qu'il a des enfants, enfin, pas pour la raison que tu imagines. » Même si le fait que Concho ait deux enfants change la donne, loin de toi l'idée de t'immiscer dans leur vie ou de te comporter comme si tu étais leur mère. Une mère, ils en ont une tous les deux et c'est suffisant. Les mots de l'Australien sont durs mais justes et puis, tu es immunisée contre son franc parlé, depuis le temps. « On a perdu du temps pour tout et rien à la fois. On a toujours eu plus facile à se disputer qu'à être ensemble. » Et malgré toi, un petit sourire se dessine au coin de tes lèvres parce que même si c'est tragique, la situation t'amuse. De toute façon, puisque vous pouvez en parler librement aujourd'hui, c'est bien la preuve que vous êtes prêts à avancer et que vous n'êtes plus bloqués au même stade qu'auparavant. « Ce que j'aimerais, pour ce voyage, c'est me retrouver moi d'abord et je pense que tu es la meilleure personne pour m'y aider. C'est égoïste j'en suis bien consciente mais j'en ai vraiment besoin. » Dis-tu en tournant la tête vers Woody, un regard implorant. Tu l'implores pour qu'il accepte de rendre ce voyage léger, beau, facile, comme ça a souvent été le cas, par le passé, lorsque vous partiez à l'autre bout du monde tous les deux. Avec l'aspect sexuel en moins.

Elle aurait été bien mal placée de lui demander de ne voir et de n’être avec personne le temps qu’elle fasse le ménage dans sa tête. Parce que pendant ce temps-là, Woody devait la voir avec un autre que lui et ce, autant au détour d’un coin de rue par le plus malheureux des hasards ou encore sur les réseaux sociaux où ils semblaient filer le parfait amour sur des photos qui, désormais, lui semblaient bien fausses. Il comprenait maintenant que cette belle vie exposée en photographies carrées n’était qu’une façade pour cacher aux autres ce qui se passait réellement dans la tête et dans le cœur de Freja. Quand même, supporter ces mots adressés à un autre, ça le tuait un peu plus à chaque fois. Il ne s’imaginait pas faire vivre la même chose à la norvégienne mais, en même temps, si elle prenait trop de temps à prendre une décision, lui irait panser ses blessures ailleurs. Il avait mal et il était seul. Sans elle, c’était dur, mais complètement seul, c’était sans doute pire encore. « Je sais tout ça. Mais si j’te le dis c’est parce que je veux que tu saches que peu importe où ça nous mène chacun de notre côté, cette attente, j’serai quand même toujours là à t’espérer. » Il esquissa un sourire en la regardant, un peu trop longtemps, le véhicule se décalant légèrement de ses lignes, mais Woody le ramena doucement sur son chemin en posant à nouveau son regard sur la route. Il ne répondit rien quand Freja lui assura que ce n’était pas parce que son copain avait des enfants. Pas pour la raison qu’il croyait, du moins. Il ne fit qu’hocher la tête lentement, silencieusement. Lorsque la norvégienne parla de leurs disputes bien plus faciles que leurs moments de bonheur et que Woody remarqua l’amusement sur son visage, il esquissa à son tour un mince sourire. « J’parie qu’elles te manquent, nos disputes. Et nos réconciliations plus encore. » La relation de Woody et Freja était une véritable montagne russe, pire que dans n’importe quel parc d’attractions. Et même si c’était parfois douloureux et enrageant, c’était aussi grisant, par moments. « J’ai été égoïste tellement souvent, j’peux bien accepter que tu le sois maintenant. Alors … ok. Ce voyage sera à propos de toi, et toi seulement. »

Les mots de Woody font écho aux tiens, prononcés quelques années plus tôt, alors que vous décidiez de mettre un terme à votre relation, d'un commun accord. Tu te rappelles encore parfaitement de cette journée parce qu'elle a été le déclenchement de longues journées passées dans le noir sans voir personne, même pas tes colocataires. Alors tu ne peux pas t'empêcher d'émettre des doutes, quand il affirme qu'il t'attendra. Tu es passée par-là, tu sais que ce n'est pas aussi simple quand notre coeur s'accroche de toutes ses forces à quelqu'un d'autres. D'abord parce que la peur d'être seul prend le dessus et ensuite parce que de vrais sentiments font leur apparition. « Merci. » Dis-tu presque imperceptiblement en te perdant dans son regard, à tel point que tu remarques à peine la voiture qui dévie de sa trajectoire. Tu le remercies de croire en vous, de se battre pour vous alors que toi, tu as laissé tomber votre combat ces derniers mois voire cette dernière année. « Oui... j'avoue que j'aimais bien quand on faisait des étincelles, quand nos deux tempéraments s'affrontaient. » Et alors l'orage grondait et menaçait d'éclater. Parfois il éclatait et il fallait attendre la pluie pour calmer les choses. Parfois, vous parveniez à contenir l'orage et à vous réconcilier avant. Mais il n'y a pas à dire, la passion a toujours pris le pas sur la raison. Rendant chaque dispute - et chaque réconciliation surtout - inoubliables. « Mais t'étais un emmerdeur aussi. » Le taquines-tu en riant. Soulagée de voir que Woody ne te tient pas rigueur de cet égoïsme dont tu fais preuve aujourd'hui, tu te sens un peu plus légère pour aller découvrir de nouveaux coins australiens. « Merci... mais si c'est trop pour toi, tu me le dis d'accord ? » Et vous aviserez à ce moment-là mais tu ne veux pas que l'Australien s'oublie totalement pour toi. Ce n'est pas du tout le but de ce voyage. Le coeur plus léger, vous prenez la route vers le tronçon de Cairns. Là-bas, vous aurez l'occasion d'aller voir la grande barrière de corail, des forêts tropicales, des cascades ou encore des gorges. De quoi vous en mettre plein la vue.

HJ:

Pour le moment, c’était facile pour Woody de lui assurer cette attente. Ce n’était pas des mensonges, pas des paroles voilées par le doute. Depuis plusieurs années maintenant, Freja était le seul et unique objet de ses désirs. Woody n’attendait rien d’autre de la vie, rien d’autre qu’elle. Qu’il cherche à rencontrer de nouvelles femmes sur une application de rencontres ou qu’il s’ouvre de plus en plus à de nouvelles opportunités, à ses yeux, ça ne changeait rien au fait que c’était elle, qu’il aimait. Le reste, ce ne serait qu’artifices, pour donner quelques couleurs à sa vie trop sombre. C’était du moins la certitude qui l’habitait, présentement. Freja le remercia, pour cet espoir sans doute, et à ce moment-là l’homme ne pouvait que se persuader que ce ne serait pas vain. Que tout ce qu’ils avaient traversé, tous les deux, ce ne serait pas pour rien. « On aura beau dire ce qu’on voudra, on en a besoin, toi et moi, d’ces moments-là. Une vie trop rangée, trop clean, c’est pas nous. » Sans doute essayait-il un peu de manipuler la pensée de Freja. Il la désirait à ce point-là. Au point de la désillusionner sur cette relation actuelle qu’elle entretenait avec un homme que Woody ne jugeait pas à la hauteur de la femme-orage qu’était Freja Ivanova. La norvégienne lui rappela quand même qu’il était un emmerdeur, et le trentenaire en rit à cœur joie. « Je le suis encore, non ? » Il lui lança un regard amusé, avant d’accepter que ce voyage ne soit que pour elle, rien que pour elle. De eux, il n’y en aurait pas pendant ces quelques jours. Pas de la manière que lui le voudrait, du moins. « Promis. » Mentit-il. Si c’était trop pour lui, elle le verrait, de toute façon. Nul besoin de le dire, ils se connaissaient par cœur. Bifurquant au hasard, Woody prit une route remontant vers le nord, vers Cairns. Ils auraient pu longer la côte pour raccourcir le trajet, tant qu’à se rendre jusque-là, mais le plaisir de partir à l’aventure était de ne pas savoir où ils aboutiraient. Quelques heures plus tard, Woody se garait à l’entrée de la forêt tropicale de Babinda, où se trouvaient Babinda Boulders, Boulders Gorge et la Devil’s Pool. En route, ils étaient arrêtés dans un marché chercher de quoi se faire un pique-nique. Ils pourraient se reposer au bord de l’eau cristalline pour le reste de la journée avant de revenir se garer au bord de la mer, sans doute, pour y passer la nuit. Ils marchèrent quelques kilomètres sur des sentiers aménagés, plus lentement qu’à l’habitude en raison de la fatigue grandissante de Woody après autant de route, avant d’arriver aux Boulders, et ils s’installèrent tout près de la « piscine du diable », où plusieurs morts avaient été recensées. « Pas du tout inquiétant, ce panneau. » Se moqua Woody en regardant les avertissements. « J’espère que ça ne t’empêchera pas de continuer notre tradition … » Après tout, dès que Woody et Freja se retrouvaient près d’une source d’eau, la suite était évidente. Même si, encore une fois, certains développements n’auraient pas lieu.

Spoiler:

Woody s'imagine peut-être qu'avec Concho vous avez une vie de couple bien rangée et que vous êtes déjà tombés dans la routine. Mais s'il pense cela, il se trompe sur toute la ligne. Ta vie amoureuse n'a rien d'ennuyeux et ce n'est pas elle que tu fuis en retrouvant ton ex pour un roadtrip. C'est toi, que tu fuis. « C'est vrai que rien ne vaut une bonne baise après une grosse engueulade. » Dis-tu en riant. C'est vulgairement dit mais c'est pourtant vrai. Ces moments-là, avec Woody, ils sont comme gravés dans ta mémoire. Tu te rappelles de ce mélange de sentiments, partagée entre l'envie de lui faire l'amour et de lui arracher la tête en même temps. L'Australien a toujours su réveiller en toi toutes sortes d'émotions allant des plus belles aux plus horribles. Tout ça parce que vous avez toujours vécu votre histoire avec passion. « Evidemment qu'tu l'es toujours. » Rétorques-tu en joignant ton rire au sien. Mais c'est ce caractère fort, bien trempé, que tu aimes pourtant chez Woody. S'il était terne, mou, vide, tu ne l'aimerais pas autant. Tu as besoin, parfois, qu'il t'affronte ou te permette d'ouvrir les yeux. Même si ses mots sont parfois durs et difficiles à encaisser. Mais aujourd'hui, ce n'est pas ce genre de comportements que tu attends de l'Australien. Aujourd'hui, tu as simplement besoin qu'il soit là, avec toi, pour te permettre de te retrouver en faisant ce que vous savez faire de mieux, tous les deux : voyager. C'est plaisant et excitant à la fois de ne pas savoir où vous allez, ce qui explique que vous ne prenez pas vraiment le chemin le plus cours pour rejoindre Cairns mais qu'importe. Après quelques heures de route et de marche, vous arrivez enfin devant ce fameux bassin réputé pour ses disparitions inexplicables. Pour toi qui crois aux esprits, à la vie après la mort et tous ces trucs là, ça n'a rien de rassurant. « De mon côté j'suis un peu rassurée parce que toutes les morts, sauf une, concernent des hommes. » Tu le taquines, même si dans le fond tu n'es pas totalement rassurée. « Moi non, et toi ? » Demandes-tu en arquant un sourcil. N'attendant pas vraiment sa réponse, tu commences à te déshabiller, dévoilant des sous-vêtements un peu trop sexy pour le lieu. Malheureusement, tu n'as pas pensé à mettre un maillot de bain sous tes vêtements. Par chance, il n'y a pas beaucoup de monde qui vous entoure. Et après avoir retiré ta montre et tous les accessoires qui ne feraient pas bon ménage avec l'eau, tu plonges, te doutant bien que Woody va te suivre d'une minute à l'autre.

HJ:

Il le pensait. Il avait cette image de cet homme, qui remontait à plusieurs années maintenant, leurs années communes de lycéens. Un mec qui se laissait marcher sur les pieds, un mec qui faisait tout pour plaire au détriment de son amour-propre, un mec effacé. Woody n’imaginait pas Freja avec un mec pareil et pourtant, elle n’était pas prête à le quitter pour lui, alors soit il se trompait, soit elle avait changé. Il se permettait d’en douter, de ce changement, en l’entendant lui dire que rien ne valait une bonne baise après une grosse engueulade. Il rit, n’ajoutant rien. Comment clôturer le sujet sur de meilleurs mots que ceux-là ? Ça disait tout. Avec ce dou(loureu)x souvenir au bord des pensées, Woody continua à rouler, empruntant le tronçon de Cairns pour remonter jusqu’à cette ville qu’il se souvenait avoir visitée en famille lorsqu’ils étaient plus jeunes, mais évidemment, les parents n’avaient pas laissé les téméraires Rutkowski n’en faire qu’à leur tête. Ce qui était bien avec Freja c’était qu’elle était comme lui, elle suivait ses instincts, peu importe les conséquences. Ce voyage sans prise de tête était une excellente idée pour lui aussi, au fond. Ils se retrouvaient individuellement, chacun de leur côté, mais ensemble. Après les arrêts en chemin, les derniers kilomètres de route et puis ceux à pieds, ils arrivèrent au mystérieux bassin à la fois magnifique et inexplicablement dangereux. Woody pointa sur l’affiche la partie relatant la légende, après que Freja eut justement relevé que toutes les morts concernaient des hommes. « Connaissant tes penchants, peut-être que l’esprit d’Oolana décidera de te prendre toi aussi. » Se moqua-t-il. Woody ne croyait à rien de cela, lui. La vie après la mort, les esprits, tout ça. Il se confortait davantage dans l’idée que la lumière s’éteindrait totalement à son dernier souffle, que la souffrance serait enfin terminée. « Absolument pas. » Insouciant, il retira son chandail et posa ses yeux sur les sous-vêtements de Freja, noirs, en dentelle, un nouvel ensemble qu’il n’avait jamais vu encore. Sans la quitter des yeux il retira son pantalon, se retrouvant en caleçon. Il rit en la regardant plonger. Il déposa ses vêtements sur la roche, puis sa montre sur le dessus, avant de sauter à son tour. Le courant était effectivement fort comme l’indiquait la pancarte, et sans doute son corps n’était-il pas aussi fort qu’avant, ce qui accentuait davantage encore la force de l’eau. Il remonta à la surface, ayant déjà été poussé à quelques mètres de Freja. « Ils ne blaguaient pas sur l’affiche, hein ? » Il tentait de le prendre à la légère mais la vérité était qu’avec tous les différents canaux étroits et rocheux de cette rivière, un accident était vite arrivé. Il nagea jusqu’à l’une des roches lisses et s’y hissa pour s’y asseoir, les jambes toujours plongées dans l’eau claire.

Sauf que depuis l'époque où Woody et Conchobáhr étaient à l'école ensemble, ils ont tous les deux bien changés, évolués, mûris. Tu ne les as pas connus à cette période de leur vie mais tu peux sans difficultés les imaginer. Et tu comprends qu'ils n'aient aucunes affinités, n'ayant pas grand chose en commun, sauf toi. Toi-même, tu as énormément changé depuis ton arrivée à Bowen, tu n'es définitivement plus la même femme. Et même durant ces derniers mois, tu as appris à vivre différemment aux côtés de Concho en ne mettant plus au premier plan ton indépendance et ta liberté. Tu es persuadée que Woody pourrait déceler ces différences, peut-être les perçoit-il déjà, d'ailleurs. Quoi qu'il en soit, la vie à Bowen t'a beaucoup changée. « Mes penchants ? » Demandes-tu en arquant un sourcil, feignant d'être choquée malgré ce sourire qui se dessine au coin de tes lèvres. « On en parle des tiens ? » Te moques-tu à ton tour avant d'affirmer que ces morts inexplicables ne t'arrêteront pas. Sans attendre, tu enlèves tes vêtements, dévoilant un ensemble de lingerie tout neuf acheté quelques jours plus tôt. Tu sens le regard de Woody sur ton corps et quelque part, ça te soulage de voir qu'il te désire toujours, malgré le temps qui passe et la distance qui s'est installée entre vous. Après la discussion que vous avez eue en voiture, tu n'en doutais pas vraiment mais il y a toujours une différence entre les actes et les paroles. Après avoir plongé, tu réapparais un peu plus loin, observant Woody qui s'apprête à te rejoindre. Mais contrairement à ce que tu avais imaginé, à cause du fort courant, il se retrouve à quelques mètres de toi. « Nan, c'était pas des bla... » Et alors que tu sens un courant plus fort te frapper de plein fouet, tu fais semblant d'être emportée plus loin, implorant l'Australien du regard pour qu'il vienne t'aider. « J'suis emportée... viens me sauver ! » Cries-tu avant de t'enfoncer dans l'eau pour disparaître sous les yeux de Woody. Ce n'est qu'après quelques secondes que tu remontes en riant, plus proche de la pierre où le brun s'est posé. « Alors j'étais crédible ? » Demandes-tu sans savoir réellement s'il va trouver ça drôle ou t'engueuler.

« Mes penchants ? Mais de quoi tu parles ? » Demanda-t-il sérieusement en riant. « Oolana te prendra parce qu’elle a ses chances avec toi. Mes penchants, whatever they are, n’ont rien à voir là-dedans. » Se défendit-il. Si Freja avait une sexualité assez fluide qu’elle n’avait jamais vraiment cachée, ce qui faisait en sorte que Woody était bel et bien au courant de certaines histoires, le trentenaire n’avait quant à lui aucune déroute sur son orientation sexuelle des plus fixées. Il n’aimait que les femmes et ça n’avait jamais été différent, il n’avait même jamais exploré les autres possibilités. Après, si la norvégienne parlait plutôt de certaines pratiques qu’ils avaient pu eux-mêmes expérimenter ensemble, c’était une autre histoire. Bref, les deux ex se dévêtirent rapidement pour ensuite plonger dans la Devil’s Pool et ce, malgré tous les avertissements environnants. Ils n’avaient jamais été de ceux à suive les règles. Pourtant, viendrait un moment où Woody allait devoir réfléchir un peu plus avant d’agir, puisque son corps ne suivrait plus la cadence de toutes ses conneries. La preuve, il dû rapidement aller trouver refuge sur l’une des roches, parce que ses jambes ne battaient plus assez vigoureusement à contre-courant. Alors qu’elle répondait à sa surprise à propos de la force de l’eau, Freja fut à son tour emportée par un courant plus fort. Quand elle lui cria de venir la sauver, le cœur de Woody rata un battement et quand elle arriva à sa hauteur, il s’apprêtait à sauter à l’eau pour tenter de la retenir mais elle remonta, juste avant qu’il ne quitte la roche, en plein dans son mouvement de saut. Elle éclata de rire, avouant la comédie. « Bloody hell, Freja. What the actual fuck !? » S’emporta-t-il, réellement fâché. « J’m’apprêtais vraiment à sauter, tu sais ? Tu m’as fait vraiment peur ! T’aurais fait quoi si j’avais sauté et que le courant m’avait emporté pour vrai, moi, hein ? Non parce que si j’suis resté genre max deux secondes c’est parce que c’est trop pour moi et que j’ai pas envie de crever aujourd’hui. » Argumenta-t-il, avant de prendre une grande respiration, pour se calmer. Ce n’était qu’une mauvaise blague. Il réagissait trop fort. Ce n’était qu’une mauvaise blague, se répéta-t-il dans sa tête.  

« Oh... tu crois que je dois me méfier ? » Demandes-tu à moitié sérieusement. Tu ne dois pas être la première femme bisexuelle qui se baigne dans ce bassin, si ? Quoi qu'il en soit, tu es prête à prendre le risque même si tu es du genre à croire qu'il y a une vraie malédiction qui plane au-dessus de cet endroit. Une fois à l'eau, vous êtes obligés de reconnaitre que le courant est plutôt violent et qu'il va vous falloir être assez prudents. Mais à la place de la jouer intelligemment, tu laisses une pulsion absurde prendre le dessus. Sans savoir pourquoi, tu fais semblant d'être emportée, t'enfonçant dans l'eau sans que Woody ne puisse y faire quoi que ce soit. Ce n'est que quelques secondes plus tard que tu réapparais devant lui, en plein rire. Mais en voyant que ça ne fait pas du tout rire l'Australien, tu te sens tout d'un coup super mal. Qu'est-ce qui t'est passé par la tête, bordel ? Evidemment que c'est dur pour Woody de faire face à un tel courant mais tu veux tellement lui faire vivre des tas d'expériences, malgré sa maladie, que tu oublies parfois qu'elle est bien là. « Je... c'était une blague, j'ai pas réfléchi... » Dis-tu en baissant la tête sans savoir quoi dire de plus. Et alors que Woody se rassied sur le rocher, tu viens déposer tes mains sur ses cuisses avec douceur. « J'suis désolée. Je te demande pardon. » Ajoutes-tu en plongeant ton regard dans le sien pour qu'il voie que tu t'en veux réellement. C'était stupide mais c'est le genre de trucs stupides que tu fais sans réfléchir et en affrontant, par après, les conséquences. « Si c'est trop difficile, on peut sortir de l'eau et aller se poser un peu plus loin, ça me va aussi. » Oses-tu lui proposer. Tu t'en fiches bien de profiter de l'eau, c'est bien moins amusant si tu ne peux pas en profiter avec Woody. Alors autant trouver un truc qui vous conviendra à tous les deux.

Sachant que Freja pouvait croire à ce genre de choses, Woody prit un air de plus sérieux pour lui répondre : « À ta place, ouais, j’ferais attention. » C’était ridicule, après tout, lui-même s’apprêtait à sauter à l’eau sans se poser de questions alors comment pourrait-il faire croire à la norvégienne qu’elle avait réellement quelque chose à craindre ? Ces légendes, c’était juste pour apaiser l’horreur derrière les morts brutales, en romançant les décès on conservait une certaine beauté autour de l’endroit. En tout cas, c’est ainsi que Woody l’interprétait. Après, le mystère de la légende était aussi là pour dissuader certains de venir s’y baigner, mais eux n’en avaient que faire des règles. Comme toujours. Cette fois cependant, Freja poussa la limite un peu trop loin avec une blague de mauvais goût qui aurait pu leur coûter cher. Peut-être que Woody exagérait, peut-être que sa réaction était démesurée, mais c’était la peur qui prenait le dessus, se confondant à la colère. Freja le ressentit tout de suite et son rire s’évanouit bien vite dans le malaise et la culpabilité. Elle nagea jusqu’à lui, prenant pleinement conscience de tout ce qui avait dû traverser la tête du brun. Il soupira en baissant la tête à son tour, regardant ses mains sur ses cuisses. Ça, rien que ça, ça faisait s’envoler tout le reste. Elle avait cette manière unique de l’apaiser, même alors qu’elle était la source de ses tourments. « T’en fais pas pour ça. Laissons pas ça gâcher le voyage. J’suis juste … j’peux pas t’suivre dans tout ce que tu fais comme c’était le cas avant … conneries ou pas conneries. J’n’ai plus ce rythme. » Et de devoir le dire à voix haute, ça lui faisait tellement mal, parce que Woody était un être fier et orgueilleux, et d’admettre que la faille en lui s’agrandissait de jour en jour, c’était destructeur pour son égo. La norvégienne proposa alors de sortir de l’eau et de se poser plus loin. « Essaie au moins de nager un peu à contre-courant, qu’on puisse voir si t’es vraiment aussi forte que tu le laisses croire … » Dit-il en relevant la tête avec un sourire au coin des lèvres, défiant. Lui voulait qu’elle en profite pour deux. Désormais, il vivrait l’aventure à travers elle.

Est-il en train de se jouer de toi, là ? Probablement. Tu sais que Woody ne croit pas à toutes ces choses contrairement à toi mais si tu te fais réellement emporter par le courant et que tu meures, tuée par Oolana, il fera moins le malin. Peut-être que tu cherches à lui en donner un petit aperçu, alors que tu fais mine d'être emportée par le courant, avant de réapparaître quelques secondes plus tard juste devant lui. Ce que tu voyais comme une blague s'est rapidement transformé en colère chez l'Australien. Mais il a raison de t'en vouloir, t'aurais sans doute été morte de peur si les rôles avaient été inversés. Surtout qu'il aurait pu mettre en péril sa vie pour venir à ton secours. Ce sont des choses auxquelles tu ne penses pas, te laissant porter, la plupart du temps, par ta spontanéité. Comme ce voyage, d'ailleurs, qui s'est organisé sur un coup de tête mais qui aura sans aucun doute des répercussions bien plus lourdes que tu ne l'imagines. Quand tu t'avances vers le brun, posant tes mains sur ses cuisses, tu vois bien qu'il s'apaise instantanément. C'est comme ça que ça fonctionne entre vous. Le feu et la glace. Un coup vous êtes en colère, un coup vous vous réconciliez sur l'oreiller. Enfin, c'est comme ça que ça fonctionnait. Aujourd'hui, chacun de vous doit s'adapter. « Je sais. Et ce n'est pas ce que j'te demande, c'est juste une question d'adaptation. » Certes, Woody n'a plus la même condition physique qu'auparavant mais ça ne vous empêche pas de découvrir un tas de choses ensemble. Et durant ce roadtrip, tu es persuadée que vous allez en prendre plein les yeux. « Tu me défies vraiment, là ? » Demandes-tu en arquant un sourcil avant de plonger dans l'eau et de ressortir un peu plus loin en tentant de remonter le courant. C'est bien plus difficile que tu l'imaginais mais tu ne te laisses pas démonter. Comme toujours. (...) Finalement, après avoir défié le courant, vous avez décidé de vous poser un peu plus loin, sur les rochers. Vous y êtes restés un petit moment jusqu'à reprendre la voiture pour continuer votre périple. Mais à la tombée de la nuit, il a bien fallu s'arrêter le temps de retrouver des forces. Enfin... pour que Woody retrouve ses forces parce que de ton côté, cela fait un moment que tu ne parviens plus à dormir. Discrètement, tu t'échappes de la voiture tout en essayant de ne pas réveiller l'Australien ce qui s'avère être une tâche compliquée au vu de votre proximité. Mais tu y parviens, non sans peine. Et après avoir marché pendant un quart d'heure, tu décides de te poser sur le sable pour admirer les étoiles. Vous vous êtes arrêtés à proximité d'une plage ce qui fait que le calme apaisant de la mer risque bien de favoriser ton sommeil. Lui qui semble impossible à retrouver ces derniers temps.

La colère se dissipa, ce fut bien la seule chose qui fut effectivement emportée par le courant, dès que Freja avait posé ses mains sur lui. Elle ne lui demandait pas de continuer à le suivre dans toutes ses conneries. Elle avait juste besoin de s’adapter. Oh, comme il pouvait la comprendre. Pour lui aussi, encore plus même, c’était un réapprentissage quotidien, de vivre avec son corps défaillant. Il hocha la tête. « Je sais. Pour toi comme pour moi. » Il esquissa un faible sourire, avant de la mettre au défi de nager à contre-courant. Ils n’avaient pas marché jusqu’ici pour ne pas en profiter du tout. Au moins l’un des deux pouvait vivre l’expérience, alors il encouragea Freja à le faire en la challengeant. « Quoi, tu te dégonfles ? » Il arqua un sourcil avec un sourire provocateur, avant de rire pour lui-même alors que la norvégienne avait replongé dans l’eau, en ressortant un peu plus loin afin d’affronter le courant au beau milieu de la piscine naturelle. Ayant tenu de longues minutes, la fatigue eut finalement raison de la brunette et ils allèrent se poser au sec pour pique-niquer, avant de reprendre le chemin inverse vers la voiture. De là, ils continuèrent leur route jusqu’à ce que la nuit les englobe complètement. Woody se gara dans un parking public au bord de la mer, le derrière de la voiture face à l’eau afin de leur octroyer un magnifique spectacle demain matin lorsqu’ils s’éveilleraient. Puisque le temps était bon et l’endroit a priori tranquille, il laissa le coffre de la voiture ouvert, pour aérer et pour leur assurer la vue aux premières loges demain matin. Woody se réveilla au beau milieu de la nuit à cause du bruit d’une voiture qui allait sans doute à plus de 150 km/h sur la route derrière. Il ouvrit les yeux et constata l’absence de Freja. Non sans peine, il se redressa et scruta les alentours de son VUS, ne trouvant pas la norvégienne. Il attrapa sa canne, refermant le coffre de la valise et s’aventura plus loin aux alentours. À pareille heure, elle ne pouvait pas être bien loin. Une fois que ses yeux furent habitués à la noirceur, il distingua une silhouette assise dans le sable, à quelques mètres de là. Il marcha péniblement jusqu’à elle, son équilibre mis au défi dans le sable. « Tu n’arrivais pas à dormir ? » Demanda-t-il, soucieux. « It’s so peaceful, at night. » Constata-t-il ensuite en levant les yeux vers les étoiles.

Tu n'as pas vraiment été présente dans la vie de Woody, ces derniers mois, voire même cette dernière année. Alors tu n'as pas pu voir à quel point sa maladie a évolué ou non, à quel point certaines choses qu'il pouvait faire avant sont impossibles aujourd'hui. C'est pour cette raison que tu dois encore t'adapter, voir où sont les limites et envisager ce qui est faisable ou non. Heureusement, l'Australien se montre compréhensif et sa colère retombe immédiatement. A tel point qu'il te pousse à nager à contre courant. Evidemment, joueuse comme tu es, tu ne peux refuser. « Tu m'as déjà vu me dégonfler ? » Demandes-tu en arquant un sourcil avant de plonger dans l'eau et de défier sa puissance. (...) Après t'être extirpée de la voiture le plus discrètement possible, tu marches le long de l'eau durant un quart d'heure environ, essayant de te vider la tête. Mais tu n'y parviens pas, celle-ci étant remplie de doutes, de peurs et d'incompréhensions. La conversation que vous avez eue, quelques heures plus tôt, Woody et toi, n'a rien arrangé malheureusement. Cela a même empiré ton questionnement. Une fois sur le sable, dos à la voiture, tu n'entends pas tout de suite l'homme qui se rapproche. Ce n'est que lorsqu'il arrive à ta hauteur, qu'il te sort de tes pensées. « Non, je n'arrive pas à arrêter de penser. » C'est un peu le problème de toutes les femmes, ça. Mais en ce moment, c'est un problème particulièrement difficile à gérer en ce qui te concerne. « Oui j'espérais que le calme m'apaise un peu. » Ce qui n'est pas encore le cas. « Ca t'arrive de te sentir... piégé ? D'avoir l'impression que quoi tu fasses, quoi que tu décides, ce ne sera jamais la bonne décision ? » Demandes-tu en relevant la tête vers lui et en tapant le sable à côté de toi de la main pour qu'il s'installe à tes côtés.