(hot) #455 Troublemaker (Ciàran)

Sonnée. Depuis que Tahlia avait tenu ce petit bout de plastique dans les mains, en début d'après-midi, la jeune femme avait l'impression d'être à mille lieues d'ici. Elle n'écoutait même plus ses parents qui lui racontaient leurs projets de voyage. Elle agissait même machinalement avec Thaïs, avec des gestes presque robotiques. Elle était assommée. Assommée par cette nouvelle qui tombait au plus mauvais moment possible. Se rendant compte qu'elle inquiétait ses parents, la brune tenta de se rétablir, même si son sourire était loin d'être convaincant. Ce ne fut qu'une demi-heure plus tard qu'elle demanda à sa mère si elle pouvait garder Thaïs, le temps qu'elle "fasse une course". Ce que sa mère ne savait pas, c'était que cette course concernait un grand et bel italien qu'elle avait clairement mis de côté ces dernières semaines. Et qui se rappelait à elle d'un coup, subitement, brutalement. Sa mère accepta, arquant simplement un sourcil, afin de lui faire comprendre qu'elle méritait d'autres explications. Des explications qui viendront sûrement plus tard. Tahlia déposa un baiser sur le front de Thaïs et s'empressa de quitter la maison familiale pour rejoindre sa voiture. Le trajet fut assez court. Ciàran habitait à quelques rues d'ici. Mais Tahlia resta de longues minutes dans sa voiture, qu'elle avait garé dans la rue devant la maison de l'italien. Elle poussa un long soupir, ferma les yeux afin de ne pas se laisser submerger par ces émotions négatives, par cette peur qui revenait en force. Il était temps d'y aller... Elle n'avait pas le droit de se défiler. La jeune femme finit par sortir de la voiture, avançant doucement jusqu'à la porte de Ciàran, à laquelle elle frappa trois coups. Quelques secondes plus tard, il apparut devant elle, toujours aussi beau, toujours aussi impressionnant. D'ordinaire, un large sourire se serait affiché sur les lèvres de Tahlia. Mais aujourd'hui, c'était davantage un sourire timide - anxieux, même - qu'elle lui adressa. "Hey..." souffla-t-elle. Il devait sûrement se demander ce qui la ramenait ici, elle qui avait joué à merveille la disparue. "Tu... tu es seul ?" Question stupide, dont elle redoutait la réponse. Mais sans doute espérait-elle qu'il soit accompagné pour avoir une bonne raison de fuir loin, très loin d'ici.

Gabriel passant la journée à la crèche aujourd’hui, tu en profites pour faire un tas de choses que tu n’as pas le temps de faire habituellement. Comme une partie de ta comptabilité, quelques courses et surtout du sport. Tu frappes sur ton punching-ball depuis environ dix minutes quand quelqu’un sonne à la porte. Il faut dire qu’en ce moment, tu as besoin d’extérioriser tout un tas d’émotions incontrôlables et pas forcément positives. Cela ne te ressemble pas d’être hors de contrôle mais depuis qu’une certaine brune est entrée dans ta vie, les choses sont un peu différentes. Quoi qu’il en soit, tu te diriges vers la porte d’entrée, portant un simple short de sport. Celle-ci dévoile Tahlia et tu ne peux masquer ton étonnement en fronçant les sourcils. Tu es à peu près sûr qu’elle t’évite depuis un petit moment maintenant et ne pas en connaître les raisons te rend malade. Tu as bien essayé de l’appeler la semaine dernière mais c’est sur son répondeur que tu es tombé. Alors forcément, la voir débarquer chez toi sans prévenir te laisse dubitatif. Tout comme ce sourire qu’elle t’offre et qui est très différent de celui qu’elle a l’habitude d’arborer en ta présence. Quelque chose cloche et tu le sens. « Hey. » Dis-tu à ton tour, cachant difficilement ton incompréhension. « Oui, pourquoi ? » Demandes-tu, toujours dans le flou. Tu ouvres la porte d’entrée en plus grand pour laisser passer Tahlia avant de la suivre à l’intérieur de la maison. Depuis quelques temps, tu as embauché un genre de garde du corps mais c’est principalement pour Gabriel que tu l’as fait. Et puisqu’il n’est pas là de toute la journée, tu as laissé la journée à ton garde du corps également. Néanmoins, tu éviteras de parler de ce détail à l’Australienne parce que tu es persuadé que ça risque de l’inquiéter et visiblement, elle l’est déjà assez. Tu vois bien dans son regard que quelque chose ne va pas et ça te rend malade, encore une fois, de ne pas savoir ce dont il s’agit. Tu détestes quand Tahlia te cache des choses ou prend ses distances comme elle l’a fait ces derniers temps. Ca te donne l’impression d’être plus attaché à elle qu’elle ne l’est à toi et tu n’aimes vraiment pas ça. D’habitude, tu es celui qui prend ses distances sans en donner les raisons. Et maintenant que les rôles sont inversés, tu détestes cette nouvelle place. « Assieds-toi. Tu veux quelque chose à boire ? » Demandes-tu en arrivant au salon, restant debout au cas où Tahlia désire quelque chose à boire. « En fait non, avant ça, j’veux que tu me dises ce qui ne va pas. Parce que clairement, quelque chose ne va pas. » La patience n’a jamais été ton fort et ce n’est pas aujourd’hui que les choses vont changer. Tu as essayé d’être poli mais en fait, c’est trop difficile d’être dans le flou le plus total depuis des semaines. A présent, tu veux des réponses.

Elle n'était pas du genre à fuir, à se défiler, Tahlia. Mais face à ce qu'elle s'apprêtait à dire à Ciàran, elle était prête à faire des milliers de kilomètres pour se faire oublier. Tout simplement parce qu'elle craignait la réaction du bel italien. Elle craignait d'être déçue, blessée ou - le pire de tout - être rejetée par lui. C'était peut-être pour cela qu'elle s'était éloignée de lui, ces derniers temps. Elle avait préféré prendre elle-même du recul, plutôt que de prendre le risque de le voir s'éloigner. Mais aujourd'hui, elle n'avait plus le choix. Il fallait qu'elle prenne ses responsabilités et qu'elle soit enfin honnête avec lui. Quand il apparut dans l'encadrement de la porte, dans un simple short, transpirant, elle se doute qu'elle l'avait probablement dérangé dans une séance de sport ou de bricolage. Elle aurait sûrement dû lui envoyer un sms pour le prévenir de sa venue. Son froncement de sourcils montra toute sa surprise. Elle commençait à le cerner, Tahl'. Elle agissait souvent de la même manière que lui. Et à cet instant, l'un et l'autre étaient complètement déstabilisés. Pas forcément pour les mêmes raisons, ceci dit... Quand il lui confirma être seul, la brune posa ses yeux verts sur lui : « Il faut que je te dise quelque chose. » La phrase qui n'augurait rien de bon. Il la laissa toutefois entrer et ensemble, ils se dirigèrent vers le salon. La maison était d'un calme détonnant. Gabriel n'était sans doute pas présent. Tahlia était loin d'imaginer l'atmosphère pesante, oppressante dans laquelle les deux Adreani vivaient désormais, même si, quelque part dans sa tête, de nombreuses questions subsistaient encore, suite à cette soirée où Ciàran avait fini en sang auprès de Gisella. Et sans doute la nouvelle annoncée par Tahlia allait ajouter encore une belle couche de souci pour le jeune italien. Quand il l'invita à s'asseoir, lui demandant si elle voulait boire quelque chose, la jeune femme eut tout juste le temps de secouer la tête que Ciàran entra directement dans le vif du sujet. Il était là, debout dans le salon, le regard déterminé, trépignant presque d'impatience. Elle n'était pas la seule à le connaître. A force de se côtoyer, d'échanger, de se charmer, de se confier, Ciàran commençait à connaître, lui aussi, Tahlia. Et c'était déroutant pour la jeune femme. Elle avait l'impression qu'elle ne pouvait rien lui cacher. Elle lâcha un soupir, avant de répondre : « En effet, il y a quelque chose qui ne va pas. » Oui, elle essayait de gagner un peu de temps, pour trouver ses mots. « J'ai eu pas mal de soucis dernièrement, de boulot, de logement, notamment. » Cela avait au moins le mérite d'expliquer un peu son éloignement. « Je pensais que tout ce stress s'était un peu répercuté sur ma santé. Je n'étais pas très bien, ces derniers temps, à être sans cesse fatiguée, barbouillée, même. » Elle dévia quelque peu le regard en ajoutant : « … mais j'ai fini par comprendre que ce n'était pas une question de stress ou d'anxiété. » Elle reposa son regard sur Ciàran, ses mains jouant nerveusement avec la lanière de son sac à mains. Comment le dire ? Comment l'annoncer ? Tahlia secoua la tête et de but en blanc lâcha : « Je crois que je suis enceinte, Ciàran. » Encore... manqua-t-elle d'ajouter avec dépit. Ils n'avaient jamais tourné autour du pot. Mais pour une nouvelle telle que celle-ci, peut-être aurait-elle dû arrondir les angles...

En général, quand quelqu'un commence par il faut que je te dise quelque chose, cela n'augure rien de bon. Tu fronces les sourcils avant d'avancer vers le salon où Tahlia s'installe. Tu restes debout un petit instant, le temps de lui proposer à boire par politesse mais très vite, tes manières sont délaissées au profit de ta curiosité et de ton inquiétude. Elle a été distante ces derniers temps et si elle revient vers toi, aujourd'hui, avec cet air désemparé, tu es persuadé que ce n'est pas pour t'annoncer une bonne nouvelle. Et alors que tu lui demandes de mettre un terme à ton calvaire, Tahlia confirme tes doutes. Quelque chose ne va pas. Afin de rendre ce moment un peu plus simple pour l'Australienne, tu t'installes à ses côtés sur le canapé, te tournant légèrement vers elle pour l'écouter. Alors qu'elle t'explique avoir eu des problèmes au travail et avec son logement, tu sens une once de culpabilité te gagner. Pourquoi n'étais-tu pas au courant de tout ça ? Pourquoi ne t'en a-t-elle pas parlé ? Et pourquoi n'as-tu pas posé la question ? En la voyant s'éloigner, tu as pensé qu'elle avait enfin compris qu'être avec toi ne pouvait rien lui apporter de bon. Et puis, puisqu'elle est nouvellement maman, Tahlia a sans doute bien d'autres choses à faire que de gérer un homme dans ton genre. Un homme qui ne sait pas ce qu'il veut mais qui la désire du plus profond de son être. Même avec cette distance qui s'est installée entre vous, tu ressens encore au fond de tes tripes ton attirance pour la jeune femme. Celle-ci ne te quitte jamais. Mais ce n'est pas le moment de penser à tout ça, pas alors qu'elle est visiblement tourmentée par quelque chose d'assez profond. Tu la laisses continuer jusqu'à ce qu'elle aborde sa santé. Là encore, tes sourcils se froncent davantage, le regard inquiet. « Tu es malade ? » Demandes-tu d'abord, crédule et bien loin de te douter de la vérité. Mais tu as faux sur toute la ligne et les paroles qui suivent t'assènent le coup de grâce. La première chose à laquelle tu penses c'est : de moi ? Mais lui poser la question serait probablement déplacé. Si elle vient te voir, aujourd'hui, toi et pas un autre, c'est forcément ton enfant. En plus, Tahlia t'a avoué qu'elle ne voyait personne d'autres que toi. Enfin ça, c'était avant qu'elle ne prenne ses distances. Néanmoins, vu ce qu'elle en dit, sa grossesse ne date pas d'il y a quelques jours mais de plus. « C'est pour ça que tu m'évitais ? Quand l'as-tu appris ? » Demandes-tu en tentant de garder ton calme. D'extérieur, tu peux paraître très fort et apaisé mais à l'intérieur, c'est tout l'inverse. A l'intérieur, c'est un réel ouragan. « T'es enceinte de combien ? » Au moins, cela effacera tes doutes sur ta paternité.

Certes, le fameux Il faut que je te dise quelque chose n'était pas très positif, mais elle n'avait pas le temps d'arrondir les angles. Elle n'avait pas la tête à détourner le sujet, à retarder l'échéance, à faire croire que tout allait bien alors qu'elle était juste perdue. Et Ciàran, aussi, ne semblait pas vouloir perdre du temps avec des futilités. Elle sentait son impatience. Mais quand elle lui avoua que quelque chose n'allait pas, elle fut surprise de le voir venir s'installer à ses côtés, se tournant face à elle, pour la mettre en confiance, lui montrer qu'elle avait toute son attention. Elle s'était plutôt attendue à ce qu'il lui arrache les vers du nez. C'était donc agréable de voir qu'il était parfaitement ouvert à la conversation, qu'il la ménageait. Elle commença par ses problèmes de boulot, d'appartement. Cela semblait futile, à première vue, mais c'était important qu'elle l'évoque. Il fallait qu'il comprenne qu'elle ne s'était pas éloignée pour rien, que ses soucis l'avaient quelque peu occupé l'esprit et que surtout, cela l'avait empêché de s'écouter. Si elle s'était écoutée un peu plus tôt, l'évidence se serait présentée à elle bien plus tôt... Elle continua ses explications, abordant les répercussions sur sa santé. En relevant le regard vers lui, elle perçut de l'inquiétude dans son regard, ce qui la toucha énormément. C'était plaisant de savoir que Ciàran se souciait quand même un peu d'elle, même si elle avait eu l'occasion de le voir à plusieurs reprises. Elle avait craint que leur éloignement récent ait altéré l'attention qu'il lui portait. Ce n'était pas totalement le cas. Elle esquissa un léger sourire, secouant négativement la tête face à sa question : "Non, tous ces symptômes ne sont pas dus à une maladie..." Son regard était rivé sur lui, dans l'espoir qu'il comprenne, qu'il saisisse la perche qu'elle lui tendait. Mais c'était sûrement bien trop abstrait, impossible aux yeux de Ciàran. Alors, elle finit par lâcher les mots fatidiques. Elle était enceinte. Elle attendait un petit bébé. Et même si elle ne l'avait pas dit clairement, la présence de Tahlia, ici, prouvait qui était le père. Elle attendait un petit bébé de Ciàran. Et elle ne savait pas comment se situer face à tout cela. Elle capta son regard, attendant d'y voir la peur, l'angoisse ou la gêne, ces émotions qu'on lisait déjà dans les yeux si verts de Tahlia. Mais étrangement, elle n'arriva pas à décrypter les émotions de l'italien. Pour la première fois depuis longtemps, elle n'arrivait pas à mettre des mots sur ce qui animait le jeune homme. Il était calme, si calme. Mais elle se doutait qu'il se fermait totalement et c'était étrange à voir. Elle sortit de ses pensées quand il reprit la parole, secouant la tête : "Je... Je ne t'ai pas évité, j'avais juste la tête ailleurs." Ce n'était pas un évitement volontaire, mais avec le recul, Tahlia se disait qu'elle avait bien fait de ne pas ajouter Ciàran à l'équation déjà complexe. Et en parallèle, elle s'était rendue compte qu'il lui manquait. Toujours. "Je l'ai appris ce matin, en faisant un test de grossesse. Mais je pense que je me posais déjà des questions depuis quelques jours." Elle avait juste mis des œillères. Et quand il lui demanda de combien de semaines elle était enceinte, elle se douta qu'il y avait une toute autre question derrière celle-ci. Une question bien moins innocente. "Je ne peux pas te le dire exactement, mais je dois en être à bien plus d'un mois..." Elle afficha un léger sourire triste alors qu'elle demanda : "Tu es en train de te demander si tu es le père, n'est-ce pas ?" Et elle ne pouvait pas lui en vouloir de se demander ça. La réputation de Tahlia la précédait, visiblement...

Tu n'es pas quelqu'un qui a un entourage très fourni, avec une flopée d'amis et de famille. Ton cercle est plutôt restreint mais il te convient tel qu'il est. Alors maintenant que Tahlia est entrée dans ce tout petit cercle, il va être difficile pour elle d'en sortir. Tu as eu un bref aperçu alors qu'elle a décidé de prendre ses distances avec toi, ces dernières semaines, et ça n'a pas été évident. Maintenant, tu ne peux plus nier que l'Australienne est importante et que tu ne cesses de t'inquiéter pour elle. Ton regard et ton attitude le prouvent, d'ailleurs. Non, tous ces symptômes ne sont pas dus à une maladie... Tu fronces les sourcils, ne comprenant pas où la jeune femme désire en venir. Si elle n'est pas malade, que se passe-t-il ? Dans le fond, une toute petite partie de toi pense à une grossesse mais tu rejettes sans cesse cette idée, la croyant impossible. Il est vrai que vous ne mettez pas forcément de préservatifs quand vous faites l'amour mais Tahlia prend la pilule. Et puis, elle était encore enceinte quelques mois plus tôt alors c'est impossible... pas vrai ? Malheureusement, à cause de ce déni, tu tombes encore de plus haut lorsque l'ex-policière t'annonce être enceinte. Même si elle ne le dit pas, ça sous-entend de toi mais égoïstement, tu émets quelques doutes intérieurs. Tu laisses Tahlia t'expliquer qu'elle l'a appris ce matin bien qu'elle soupçonnait déjà l'existence de ce bébé depuis quelques jours et qu'elle doit être à plus d'un mois. Logique puisque la dernière fois que vous avez couché ensemble remonte à un petit temps maintenant. Enfin, si l'enfant est de toi. « Et qu'est-ce que tu penses de tout ça ? » Demandes-tu calmement, essayant de prendre la température de son côté. Tu imagines bien qu'une seconde grossesse à si peu de temps d'intervalles ne doit pas réjouir la brune. Surtout que vous n'êtes pas dans les meilleurs circonstances pour avoir un bébé. Votre relation est... ce qu'elle est et même s'il y a quelque chose de fort entre vous deux, vous êtes loin d'être prêts pour avoir un enfant ensemble. Mais dans le fond, tu ne l'étais pas non plus pour avoir Gabriel et probablement qu'elle non plus pour avoir Thaïs. Pas dans ces conditions du moins. « J'suis désolé. » Dis-tu en décelant son regard triste alors que Tahlia comprend que tu t'interroges sur ta paternité. « C'est juste que, comme tu ne me donnais plus de nouvelles ces derniers temps, j'ai pensé que tu avais rencontré quelqu'un d'autres. » Quelqu'un de mieux, penses-tu sans pour autant l'avouer à la jeune femme. Ton regard s'adoucit peu à peu même si tu es encore dans le flou le plus total et que tu ne sais pas quoi penser de cette situation. Dans tous les cas, même si tu peux parfois paraître machiste et égoïste, cela reste le corps de Tahlia et ce sera à elle seule de prendre la décision finale. Si elle désire ce bébé et bien... tu improviseras et tu t'adapteras comme tu l'as fait avec Gabriel. Mais tu n'es pas certain que c'est réellement ce que l'Australienne désire.

Elle voyait qu'il ne saisissait pas la perche qu'elle lui lançait... ou peut-être faisait-il exprès de ne pas la saisir. Alors, ne voulant plus tourner autour du pot, elle lâcha la terrible nouvelle, cette grossesse inattendue, qui ne tombait pas au bon moment. Elle ne l'avait appris que ce matin, même si ses doutes étaient plus anciens. Seulement, elle avait préféré se voiler la face, vivre dans le déni. Par peur d'affronter une telle nouvelle. Par peur d'affronter Ciàran, de subir un rejet de sa part . Elle s'attendait toujours à cette échéance, à ce moment redouté où il lui dira qu'il ne voulait plus d'elle. Qu'elle n'était qu'une passade, un passe-temps, une flamme éphémère, bien vite éteinte. Cela lui pendait au nez, et ce n'était pas un bébé qui allait éviter cela. Au contraire... Gardant son regard sur lui, elle essaya toujours de capter la moindre émotion chez lui. Elle voyait qu'il était surpris, oui, mais elle n'arrivait pas à déceler toute autre émotion. Et c'était frustrant. Alors, quand il lui demanda ce qu'elle pensait de cela, de cet embryon qui vivait en elle, elle haussa les épaules : "Je ne sais pas. Ça me fait juste... peur." Peur parce qu'elle ne savait pas quoi faire. Peur parce qu'elle n'arrivait déjà pas à gérer un enfant seule. Deux, c'était impensable. La brune était tout simplement perdue. Perdue entre la raison et le coeur. Perdue par cette relation sur laquelle elle ne pouvait mettre de mots, par cette grossesse qui pouvait tout faire voler en éclats. Elle voyait bien que Ciàran se posait des questions. Elle voyait qu'il doutait de sa paternité. Mais quand il l'avoua à voix haute, s'excusant doucement, le regard de la brune se fit plus triste. "Ce n'est pas grave..." Si, c'était grave. Elle lui avait dit qu'elle ne voyait personne d'autre, mais il ne la croyait visiblement pas. Sans doute la prenait-il pour une putain, lui aussi. Quand il reprit la parole, la jeune femme releva le visage vers lui, secouant la tête : "Parce que tu crois que j'ai l'envie de rencontrer quelqu'un d'autre ? Ciàran... on ne te remplace pas aussi facilement." Pourtant, elle savait qu'elle devrait aller voir ailleurs, chercher quelqu'un de plus stable, posé. Mais cela ne l'intéressait pas. Il y avait toujours, dans un coin de la tête, cet italien qui l'avait totalement envoûté, qui la poussait dans ses retranchements, qui la rendait folle. Elle savait qu'elle se briserait le cœur, mais elle l'avait toujours fait consciemment. Seulement, aujourd'hui, elle avait l'impression d'être dans un cul-de-sac, à débarquer avec un mioche dans le ventre, alors qu'il ne voulait déjà pas d'elle. Et pour la première fois, c'était douloureux. C'était atrocement douloureux. Doucement, la brune reprit, tentant de faire l'impasse sur cette boule qui lui serrait l'estomac, sur ces larmes qui commençaient à lui monter aux yeux, mélange de tristesse et de colère. "Tu n'as pas de soucis à te faire, le problème sera vite réglé. On ne sera pas un fardeau... mais je me devais de te le dire. Je... je ne pouvais pas te le cacher." Même si, finalement, cela ne l'avancait à rien.

C’est à cause des non-dits et du manque de conversation entre vous que Tahlia s’imagine ne pas être importante à tes yeux. Il serait peut-être temps que vous mettiez enfin des mots sur vos ressentis, sur vos sentiments. Malheureusement, tu n’as jamais été doué pour ça. D’aussi loin que tu te souviennes, tu as toujours eu des difficultés à dire ce que tu ressens. Cela a souvent posé problème dans tes relations avec les gens, d’ailleurs. Et c’est sans doute pour ça que tu n’as jamais eu une vraie relation. Enfin, avec Aisling, ça s’en rapprochait mais vous n’avez jamais été un vrai couple. Aujourd’hui, il est peut-être temps que tu montres à Tahlia à quel point elle compte, à quel point elle hante toutes tes pensées et toutes tes nuits. « Je comprends, tu viens tout juste d’avoir Thaïs alors tu dois avoir du mal à envisager d’avoir un autre enfant si vite… » Et qui plus est avec toi. Tu n’es probablement pas celui avec qui elle s’imaginait avoir un enfant un jour. Néanmoins, ce bébé est bel et bien là et même si vous ne savez pas depuis combien de temps, il existe. Alors que faire ? La question tourne en boucle dans ta tête même si la décision ne te revient pas. Au moment où tu doutes de ta paternité, tu vois bien que ça blesse Tahlia et immédiatement, tu t’en veux. Elle doit être bien assez déboussolée comme ça pour que tu en rajoutes. Quel abruti tu peux être. Mais à part dire que tu es désolé, tu ne sais rien faire d’autres et ça, c’est déjà fait. « J’sais pas Tahl’. Je me suis posé mille questions. » Votre éloignement a été si brutal, si inattendu. Parce que même si vous vous étiez déjà éloignés par le passé, la brune était toujours revenue vers toi. Aujourd’hui, elle est là, mais plutôt par obligation. Enfin, c’est ce dont tu te persuades même si tu es loin de la vérité. « Est-ce que tu as envie de me remplacer ? » Oses-tu demander en relevant les yeux vers elle. Tu comprendrais si c’était son désir. Après tout, tu n’es pas quelqu’un de facile à vivre ou encore à comprendre. Toi-même, parfois, tu es perdu dans ta propre complexité. Et alors que tu réfléchis à tout ce que cela veut dire, à tout ce que ce bébé engendre, l’ex-policière reprend la parole en t’expliquant que le « problème sera vite réglé ». Tu fronces les sourcils, incapable de dire quoi que ce soit sur le moment. Alors c’est ça la solution ? Qu’elle avorte ? Est-ce quelque chose qu’elle désire, au moins ? Parce que de ton côté, l’idée qu’elle fasse disparaître ce bébé ne te plait pas beaucoup. « Comment ça vous ne serez pas un fardeau ? Pour commencer, tu n’as jamais été un fardeau dans ma vie Tahlia. Et ensuite, je ne te demanderai pas d’avorter et je ne verrai jamais cet enfant comme un poids. Certes, ce n’était pas dans nos plans mais… si tu décides de le garder, je serai présent. Je veux être présent. » Dis-tu d’une traite sans détacher ton regard du sien. « Je sais que je peux être un vrai connard parfois mais pas au point d’te demander de te séparer de ce bébé. Sauf si c’est que tu veux, après tout c’est ton corps… » Mais alors que tu imagines Tahlia avorter, tu te sens déjà triste à l’idée que cet enfant n’existe plus. Ce sera probablement un deuil à faire de plus, si l’Australienne choisit cette solution-là.

C'était tout un flot d'émotions qui l'envahissait. Outre l'inquiétude, la peur et le désarroi, il y avait aussi la honte qui se faisait ressentir. Elle se sentait coupable d'atterrir ici, avec ce test de grossesse positif, alors que Ciàran avait déjà bien trop de soucis. Elle avait l'impression d'en rajouter une couche, elle, le passe-temps occasionnel. Elle aurait pu garder le secret pour elle, avorter dans le plus grand des silences, mais elle n'en avait pas été capable. Elle aurait eu l'impression de le trahir. Et sans doute, espérait-elle que cette grossesse inattendue la guiderait sur cette relation avec Ciàran. Qu'ils mettraient enfin des mots sur ce qu'ils avaient sur le coeur, pour voir si cela valait le coup de continuer ou s'il valait mieux s'éloigner pour de bon. Alors qu'elle lui donna un premier avis sur cette grossesse, sur cette peur que cela engendrait, elle hocha la tête quand Ciàran enchaîna, expliquant bien mieux qu'elle ce qu'elle ressentait. "C'est exactement ça. Je ne pensais pas que je pouvais retomber enceinte aussi vite. Thaïs est encore si petite." souffla-t-elle, doucement. Tahlia apprenait tout juste à être maman. Elle n'avait pas encore tous les réflexes. Comment s'en sortir avec un deuxième enfant ? C'était inimaginable. Surtout que le portait familial n'était pas mieux que celui qu'elle avait monté avec Carter. C'était instable. Si instable que Ciàran doutait de sa paternité. Il s'était posé mille questions... "Je suis désolée. Je sais que ça pouvait porter à confusion." Tahlia était fautive. En ne donnant pas de nouvelles, elle avait pu laissé croire qu'elle avait trouvé quelqu'un d'autre. Mais Ciàran ne se remplaçait pas si facilement. Quand il la questionna à ce sujet et qu'elle croisa son regard, un long silence s'installa. Fallait-il parler à coeur ouvert ? Sûrement. "Non... Je n'en ai aucune envie." Et toi ? Se retint-elle de demander, sachant qu'il n'était pas du genre à se dévoiler. C'était jouer l'autruche, oui. Jusqu'à présent, ils s'en étaient contentés mais peut-être étaient-ils arrivés au bout de ce jeu. Ils n'étaient plus deux. Il y avait ce petit être qui grandissait en elle et qui sur le coup, s'apparentait davantage à un problème qu'à un futur membre de sa famille. Et elle pensait que Ciàran aurait le même avis qu'elle. Mais elle se trompait. Elle l'écouta avec attention, le regard rivé sur lui, le cœur s'emballant. Elle n'était pas un fardeau. Ce bébé, non plus. Il voulait être présent. Du revers de la main, la brune s'essuya les yeux, les émotions commençant à avoir raison d'elle. Elle n'aurait jamais pensé entendre cela de la bouche de Ciàran et pourtant, elle n'arrivait pas s'en réjouir pleinement. "Tu n'es pas un connard." commenca-t-elle par dire avant d'enchaîner. "Mais je ne sais pas, Ciàran. Je ne sais pas ce que je veux." Elle sentait l'angoisse monter en elle. "Je ne veux pas vivre le même schéma que je vis actuellement avec Thaïs. Je n'y arriverai tout simplement pas. Et puis, ce n'est pas comme ça que j'imaginais fonder une famille. Je passe pour quoi en disant que j'ai deux gamins, à même pas un an d'intervalle, avec deux pères différents et avec qui je ne suis même pas... ?" Elle n'en pouvait plus des remarques sur sa vie. Elle avait peur des on-dits, elle qui souffrait tant du regard des autres. Elle resta silencieuse quelques secondes avant d'ajouter, contre toute attente : "Et en dépit de tout ça, ça me fait mal de me dire que je vais peut-être mettre fin à une vie..." La vie d'un petit être qui n'avait rien demandé.

Toi non plus tu ne t'imaginais pas que Tahlia puisse être enceinte à nouveau, alors qu'elle vient à peine de mettre Thaïs au monde. C'est peut-être pour cette raison que vous avez été moins prudents, délaissant quelque peu les préservatifs pour le côté confortable et pour avoir plus de sensations. Aujourd'hui, on voit bien où tout ça mène. « Dans tous les cas, tu as sûrement encore un peu de temps pour décider quoi faire. Tu devrais aller faire une prise de sang demain, tu veux que je t'accompagne ? » Demandes-tu, bienveillant. Tu essaies de l'être en tout cas et de montrer à l'Australienne qu'elle n'est pas toute seule pour gérer ça. Après tout, c'est en partie ta faute si vous êtes dans cette situation. « Ce n'est rien mais ne me fais plus ça, s'il te plait. » On peut sûrement lire dans ton regard toute l'inquiétude que tu as ressenti ces dernières semaines. Cela ne te ressemble pas de laisser tes émotions prendre le dessus mais avec Tahlia, tu ne contrôles plus rien du tout. Avec elle, tu n'es plus maître de ta tête ni de ton corps comme si ceux-ci avaient besoin de sa présence pour avancer, pour évoluer. Pourtant, en ce moment, avec toutes les merdes que tu traines derrière toi, il vaudrait mieux pour la brune qu'elle ne fasse pas partie de ta vie. Et encore plus depuis qu'elle est maman. Tu t'en voudrais trop s'il leur arrivait quelque chose. Rassuré, tu hoches simplement la tête quand l'ancienne policière avoue qu'elle n'a pas envie de te remplacer. Cela tombe bien car tu n'as aucune envie de la remplacer, toi non plus. Son absence t'a prouvé que tu ne pouvais pas te débarrasser de tes sentiments pour elle. Parce que oui, aujourd'hui, au stade où vous en êtes, on peut bel et bien parler de sentiments amoureux. Même si tu ne l'as jamais dit à haute voix et encore moins devant Tahlia. Alors que cette dernière t'explique qu'elle ne sait pas ce qu'elle veut, qu'elle est partagée entre la peur de ne pas être à la hauteur, avec deux bébés, et celle de mettre fin à une vie. C'est un dilemme compliqué. Sans doute encore plus pour elle, fraichement maman. « On s'en fout du regard des autres, Tahl'. » Dis-tu en soupirant, bien plus distant vis-à-vis de tout ça qu'elle. Toi, tu t'en fous pertinemment de ce qu'on peut penser de toi. L'avis des autres ne compte pas, celui qui compte c'est celui de tes proches et de ton fils. « Tes proches savent qui tu es vraiment. N'est-ce pas le plus important ? » Demandes-tu en plongeant ton regard dans le sien. Voyant l'émotion la gagner, tu te rapproches d'elle, dans le canapé, pour venir prendre sa main dans la tienne. Du bout des doigts, tu laisses tes doigts caresser sa peau. « Je sais que ce n'est pas la situation idéale et que tu ne voulais probablement pas avoir un autre enfant comme ça mais tu n'es pas seule. Je suis là et je suis prêt à t'accueillir chez moi pour t'épauler la nuit, la journée, autant que tu le voudras. Si on le fait, on le fait à deux. » Tu essaies d'être rassurant parce qu'au fond, l'idée de mettre fin à la vie de ce bébé te terrifie, toi aussi. T'insupporte, même. Mais le choix ne te revient pas alors tu seras bien obligé d'accepter la décision de Tahlia. « Mais comme je t'ai dit tout à l'heure, tu n'es pas obligé de décider maintenant. Tu as sûrement encore un peu de temps pour prendre une décision définitive. » Jusque quand ? Vous ne le saurez qu'une fois la prise de sang réalisée.

Elle s'était faite avoir, Tahlia. Avec cette histoire d'allaitement, d'hormones complètement déréglées, son retour à son statut de femme - et non pas de maman - était passé totalement inaperçu. Et comme ils n'avaient pas fait attention avec Ciàran, voilà ce qui arrivait. Elle était décidément bien trop fertile ! L'italien lui conseilla d'aller faire une prise de sang, pour savoir, notamment, où ils en étaient, s'ils avaient du temps devant eux pour prendre cette décision. Et alors qu'il lui proposa de l'accompagner, elle se rendit compte à quel point il était prêt à s'impliquer. "Si tu peux, oui." dit-elle avec douceur. Ils s'étaient éloignés ces dernières semaines et sans doute cherchait-elle à rattraper un peu le temps perdu. Montrer qu'elle ne l'avait pas mis de côté consciemment. A ce propos, Ciàran lui demanda de ne plus refaire un tel silence radio. Elle perçut même une once d'inquiétude dans son regard. "Je t'ai autant manqué ?" tenta-t-elle de dire pour alléger l'atmosphère avant de reprendre, sérieuse : "mais promis, je ne le ferai plus." Elle avait eu du mal à supporter son absence. Elle s'en était rendue compte à ce moment-là. Elle avait fini par comprendre que, peu importe les problèmes, les soucis, elle avait besoin de lui. Elle tenait à lui. Énormément. Elle s'en fichait des autres hommes. Il était le seul à avoir son attention. Et maintenant qu'elle l'avait dit à haute voix, qu'elle le vit plus rassuré, elle fut tentée de lui demander si c'était réciproque. Mais cette question mourut avant d'avoir franchie ses lèvres, même si son regard si vert, si profond le sondait totalement. Il fallait sûrement se contenter de cela, pour l'instant. Ils avaient cette grossesse à gérer, inutile d'en rajouter avec leurs sentiments. Alors qu'elle parla du regard des autres, Ciàran ne sembla pas comprendre l'impact que cela avait sur elle. En même temps, il était si détaché. "J'ai justement peur du regard de mes proches. De mes parents. De mes amis." De Freja qui rêvait d'avoir un enfant et qui ne pouvait pas en avoir, alors que Tahlia enchaînait deux 'accidents' à la suite. C'était injuste. Quand l'italien reprit la parole, prenant sa main dans la sienne, elle lia ses doigts au sien, profitant de ce geste réconfortant. Si on le fait, on le fait à deux. Elle sentit sa carapace se fissurer en entendant ses paroles. "Merci d'être là. Tu ne peux pas savoir le bien que ça fait." C'était un soutien incommensurable, important. Surtout pour ces prochains jours, au terme desquels une décision devra être prise. "Tu sais quoi, je ne vais pas t'embêter pour la prise de sang, ça ne prend que quelques minutes. Mais si tu veux, tu peux  m'accompagner pour les résultats, pour le rendez-vous avec le médecin. Je vais sûrement devoir passer l'échographie." Pour dater et vérifier que ce n'est pas une grossesse extra-uterine. Tout ce qu'elle n'avait pas eu pour Thaïs. "Et après, on avisera." Elle laissa un nouveau silence s'installer, se faisant songeuse, avant de demander : "Mais... mais si malgré tout, je décide de tout arrêter, tu m'en voudras ? Est-ce que tu me regarderas de la même façon ou ça changera ? Sois honnête." Il fallait qu'elle prenne conscience de tout ce qu'elle pouvait perdre...

« Bien sûr que je peux. » Réponds-tu sans hésitation. C'est l'avantage d'être son propre patron, on peut se libérer à peu près comme on veut et arranger son horaire librement. A côté, il y a pas mal d'inconvénients aussi mais tu ne voudrais être employé pour rien au monde. Bien qu'au fond, c'est un peu ce que tu es en travaillant pour la mafia. Quand Tahlia te demande si elle t'a autant manqué que ça, un léger sourire se dessine au coin de tes lèvres et tu réponds, plus sérieusement qu'elle : « Bien sûr que tu m'as manqué. » Tu sais que la brune a parfois besoin d'être rassurée et puisque tu n'es pas le plus démonstratif qui soit, autant utiliser la franchise pour lui faire comprendre qu'elle compte. Beaucoup. Bien trop. A tel point que tu as besoin de savoir que toute son attention est tournée vers toi et pour toi. Heureusement, la brune te l'assure en t'avouant n'avoir aucune envie de voir quelqu'un d'autre. Le simple fait de l'entendre de sa bouche, de voir qu'elle n'a aucune envie de te remplacer suffit pour t'apaiser au moins un peu. Malheureusement pour l'ex-policière, les choses ne sont pas aussi simples, elle qui souffre beaucoup de ce qu'on peut penser d'elle. Ou plutôt, de ce que ses proches peuvent penser d'elle. Mais s'il s'agit de ses proches, ne sont-ils pas là, justement, pour lui faire voir sa vraie valeur, pour l'apaiser et l'aider quand ses doutes sont trop importants ? Tu n'es pas très famille ou amis mais en tout cas, c'est la vision que tu as des personnes proches qui t'entourent. Bien qu'elles se comptent sur les doigts d'une main. « Tu penses vraiment qu'ils seraient capables de te juger ? Si c'est le cas, alors il faut que tu revoies ta notion de "proche". » C'est plus simple à dire qu'à faire et surtout plus simple pour toi qui vis sans attaches depuis si longtemps. Ou du moins, jusqu'à ce que Tahlia entre dans ta vie. Ainsi que Gabriel. Et d'autres personnes, aussi, qui comptent malgré tout et qui sont toujours là en dépit du gros connard que tu peux être, parfois. Mais pas aujourd'hui, aujourd'hui, tu décides de montrer à la jeune femme que tu es là pour elle et pour ce bébé si jamais elle décide de le garder. Cette décision ne te revient pas mais tu peux au moins faire savoir à Tahlia que tu es prêt à assumer. Entrelaçant vos doigts, tu te rapproches encore un peu pour que ta cuisse frôle la sienne et que ton corps, si demandeur du sien, soit un minimum comblé. « Tu en doutais ? » Demandes-tu en relevant ton regard vers le sien. Vu ton caractère et ta froideur, tu pourrais le comprendre mais tu espères tout de même qu'avec le temps, Tahlia comprendra à quel point elle est devenue indispensable. « Alors j'serai là pour le rendez-vous avec le médecin et l'échographie. Tu n'auras qu'à me dire quand c'est. » Affirmes-tu avec un faible sourire en déposant un baiser sur le dos de sa main. Et après, on avisera. Tu hoches la tête, approuvant cette façon de procéder mais pas forcément prêt pour la suite. Si Tahlia décide d'avorter, est-ce que tu pourras encore la regarder comme avant ? La vérité c'est que tu n'en sais rien. Tes sentiments pour elle ne disparaitront pas comme ça mais il faudra sans doute un petit peu de temps pour que tu fasses ton deuil de cet enfant. Même s'il n'est pas encore là, il reste ton enfant. Votre enfant.« C'est ton corps, tu fais ce que tu veux. » Commences-tu par dire. « Mais si je veux être totalement honnête, je ne peux pas dire que ça ne me ferait rien. Je pense qu'il me faudrait un peu de temps pour accepter que ce bébé n'est plus là. » Tu as toujours été honnête avec la brune alors ce n'est pas aujourd'hui, pour la préserver, que tu vas commencer à lui mentir. Même si la vérité peut être douloureuse.

Quand Ciàran lui souffla, bien plus sérieux qu'elle, que la brune lui avait manqué pendant ces semaines de silence radio, un sourire apparut aussitôt sur les lèvres de Tahlia. Elle l'observa d'ailleurs quelques secondes, comme si elle attendait de voir un regard malicieux qui remettrait ses paroles en doute. Elle allait presque finir par croire qu'il tenait vraiment à elle. Ils avaient beau parler de leur envie commune de ne pas se remplacer, il y avait toujours une part de doute qui subsistait. Elle attendait le moment où une femme bien plus belle qu'elle, bien plus intéressante, éloigne Ciàran d'elle. Quand cela concernait l'italien, la brune perdait toute son assurance. Et ne pas communiquer, ne pas mettre de mots sur ce lien qu'ils entretenaient n'aidait pas son cas. Elle avait beau faire la femme forte, méfiante, au regard dur, Tahlia était en réalité une vraie guimauve, qui prêtait beaucoup d'attention aux jugements et aux regards des autres. Alors, quand elle parla du regard de ses proches, elle esquissa un sourire triste en entendant les mots de Ciàran. Il était si détaché de tout, c'était normal qu'il dise cela. "Je ne sais pas s'ils me jugeraient, mais je pense qu'ils voudraient autre chose pour moi. Mes parents, notamment. Ils se sont connus très jeunes et se sont mariés assez vite. Ils étaient destinés l'un à l'autre. Et je sais qu'ils voudraient me voir fonder ma petite famille, me marier, acheter ma petite maison, partager ma vie avec un homme qui m'aime. J'ai tout fait à l'envers." parce qu'elle n'était pas eux... et c'était souvent cela qui avait été source de conflits. Et sans doute cette deuxième grossesse serait source de conflits, elle aussi, à coup de 'mais comment tu vas faire, Tahlia ?!', 'ce n'est pas raisonnable !', 'tu as réfléchi à l'avenir de tes enfants ?!'. Mais elle avait au moins évité un conflit avec le futur papa. Ciàran était prêt à assumer ses responsabilités. Quand il lui demanda si elle en doutait, la brune mit quelques secondes avant de répondre, le laissant se rapprocher, appréciant cette proximité tant recherchée. "Il y a toujours une part de doute dans une telle situation, parce que c'est aussi la deuxième fois que ça arrive pour toi et je sais que ce n'était pas quelque chose que tu désirais." Elle savait que Gabriel lui suffisait, qu'il n'envisageait pas d'avoir un autre enfant. Mais malgré tout, il était là, à lui parler de l'échographie et du rendez-vous chez le médecin. "Je te donnerai la date demain." dit-elle, son sourire revenant sur ses lèvres quand il embrassa sa main. La conversation aurait pu s'arrêter là, sur cette promesse d'être là, sur ce 'on avisera ensuite' qui sonnera l'avenir de cette grossesse, mais Tahlia posa une nouvelle question. Une question qui lui brûlait les lèvres, à savoir l'image qu'elle aurait auprès de Ciàran si elle avortait. Quand il commença à dire que c'était son corps, qu'elle ferait ce qu'elle voudrait, elle sentit qu'il y allait avoir un mais pas très loin. Pas manqué. Etrangement, son dernier aveu lui causa un pincement au coeur, non pas parce qu'il s'éloignerait d'elle pendant un temps - pas que, du moins ! - mais parce qu'il souffrirait aussi de la disparition de cet enfant. "J'apprécie ton honnêteté." murmura-t-elle, doucement. C'était bien quelque chose qu'elle aimait chez lui. Il lui avait toujours dit la vérité, même quand ça faisait mal. "J'ai besoin d'avoir toutes les cartes en main, de voir tout ce que je peux gagner ou perdre, avant de prendre une décision. Parce que c'est vrai que c'est mon corps, mais c'est aussi ton enfant. C'est aussi un bout de toi et tu es en droit de donner ton avis." Elle resserra son étreinte autour de la main du jeune homme avant de répondre : "Tout à l'heure, tu m'as dit que tu ne me demanderais pas d'avorter. Tu es aussi en droit de me demander à ne pas avorter." L'inverse était tout aussi possible. Mais l'écouterait-elle ? Sûrement. "On se laisse quelques jours pour réfléchir à tout ça ?" Il y avait le rendez-vous, certes, mais ce n'était pas la date d'échéance.

Le regard des autres ne t'importe que très peu parce que tu ne leur portes pas assez d'attention pour t'en soucier. Contrairement à Tahlia qui est si douce même avec ceux qui ne le méritent pas. Même avec ceux qui abusent de sa gentillesse. Mais la douceur de l'Australienne t'apaise, te rend un peu moins rigide, moins sur la défensive, et c'est ce que tu aimes dans votre relation. Contre toute attente, même après le mauvais départ de votre relation - celle-ci ayant commencé pour de mauvaises raisons - elle parvient à te tirer vers le haut, à faire sortir le meilleur de toi-même. « Tu n'as pas tout fait à l'envers Tahl'. Il n'existe pas qu'un seul chemin ou qu'une façon de vivre sa vie. Chacun oriente la sienne comme il le désire. » Et fort heureusement sinon la vie serait bien triste et monochrome. « Mais toi, tu as envie de cette vie ? » Se marier, acheter une maison, faire des enfants... est-ce que c'est ce qu'elle désire, elle aussi ? Ou est-ce simplement pour faire plaisir à ses proches qu'elle imagine un tel cheminement ? Cette vie, tu es bien conscient qu'elle ne l'aura pas avec toi mais si c'est ce qu'elle désire, tu serais probablement prêt à la laisser pour qu'elle puisse s'épanouir et être heureuse avec un autre. Tu peux être un vrai connard, égoïste et qui ne pense qu'à lui quand tu veux mais avec les personnes à qui tu tiens, tu es bien plus loyal et prêt à te mettre de côté pour leur propre bonheur. Mais concernant cet enfant, tu n'as pas besoin de t'effacer parce que tu es prêt à assumer, à donner tout ce que tu peux à ce bébé comme tu l'as fait avec Gabriel. Ils n'ont rien demandé eux, alors pourquoi leur faire payer votre inattention, votre manque de sérieux ? « Je ne désirais pas être père avant Gabriel et pourtant, aujourd'hui, il me comble de bonheur... Alors disons que je ne vois plus les choses comme avant, ma pensée évolue. » Affirmes-tu avec un léger sourire. Un des avantages d'être père, encore une fois, c'est d'être plus ouvert, plus dans le lâché prise même si ton côté maniaque du contrôle prend encore souvent le dessus. Quand Tahlia ajoute qu'elle te donnera la date de l'échographie demain, tu hoches la tête pour toute réponse, n'ayant pas besoin d'épiloguer à ce sujet. A présent, la brune sait que tu es prêt à t'investir à cent pour cent dans cette grossesse et qu'elle n'a pas à l'affronter seule. Si du moins, elle décide de garder ce bébé, votre bébé. D'ailleurs, quand elle te demande comment tu réagirais si elle décidait d'avorter, tu te dois d'être honnête, comme tu l'as toujours été avec elle. Ce qu'elle semble apprécier, d'ailleurs. « Tu ne me perdrais pas pour autant. Même si je le voulais, je ne pourrais pas t'oublier. » Dis-tu avec une réelle sincérité sûrement perceptible dans tes yeux. Bébé ou pas, l'Australienne aura toujours sa place dans ta vie sauf si elle décide de s'en retirer mais ça, c'est un autre sujet. « D'accord, je ne l'oublierai pas. » Affirmes-tu quand Tahlia souligne que tu as le droit de lui demander de ne pas avorter. Le ferais-tu ? Tu n'en as aucune idée. « Ca me va. Tu as un peu de temps ou tu dois déjà t'en aller ? » Demandes-tu dans l'idée de rattraper tout ce temps perdu ces dernières semaines durant lesquelles la brune a pris ses distances.

Elle ne savait pas pourquoi elle ne parvenait pas à s'affranchir du regard des autres, pourquoi elle en souffrait tant. La jeune femme savait que cela lui portait préjudice mais c'était difficile d'aller à l'encontre de sa nature. Et plus elle vieillissait et moins cela s'arrangeait. C'était sans doute parce que le poids des projets de vie s'alourdissait sur ses épaules, au fur et à mesure que les années passaient. Elle voyait bien dans le regard de ses proches que son mode de vie n'était pas celui dont ils rêvaient pour elle. Mais comme Ciàran le disait - avec justesse - il n'y avait pas qu'un seul chemin. "C'est vrai..." murmura-t-elle. Mais quand il lui demanda si elle voulait de cette vie toute tracée, avec mariage, enfants, maison et petit chien, la jeune femme reposa son regard sur lui. "Je n'en sais rien." commença-t-elle. "Il y a quelques temps, oui, je rêvais de cette stabilité. Mais je ne sais pas... je crois que j'ai peur de m'ennuyer, à terme." Elle secoua la tête, se demandant si elle se plairait dans ce rythme de vie métro-boulot-dodo. Sûrement pas. Et c'était peut-être pour cela qu'elle sortait des sentiers battus, qu'elle avait fait un enfant alors que toutes les conditions n'étaient pas remplies. "J'ai juste envie de vivre, de croquer la vie à pleine dents, de ne pas avoir de regrets. Et pour moi, ça ne s'illustre pas au travers d'une bague au doigt et d'un toit au-dessus de la tête. Je pense qu'on peut réussir autrement." Elle voulait juste s'épanouir, Tahlia. Mais elle n'avait pas encore eu la solution à cela. Elle esquissa un léger sourire avant d'ajouter : "Ceci dit, je n'ai pas vraiment envie de finir seule. Si, en plus de vivre comme bon me semble, je pourrais être aimée, je pourrais dire que j'ai réussi ma vie." Au fond, elle n'en demandait pas beaucoup, Tahlia. Elle demandait juste la passion de vivre et de l'amour. Même si le deuxième point était à revoir, elle pouvait influer sur le premier. Peut-être fallait-il simplement qu'elle accepte ce que la vie mettait sur son chemin, même s'il fallait accepter les galères attenantes. Peut-être fallait-il qu'elle accepte ce bébé qui grandissait dans son ventre, même s'il n'était pas attendu et voulu. Alors que Ciàran lui assurait sa présence, la jeune femme esquissa un nouveau sourire face à ses mots. "C'est à peu près la même chose avec Thaïs. Mais je dois encore travailler sur moi-même pour que ma pensée évolue. Je vais devoir prendre exemple sur toi." dit-elle en tentant d'alléger l'atmosphère. Mais en vrai, c'était agréable de voir qu'il était ouvert sur la question. Sûrement bien plus qu'elle. Il y avait toujours le fantôme de l'avortement qui planait sur elle et c'était un véritable dilemme. Aussi, elle avait besoin de savoir ce qu'en pensait Ciàran, notamment si elle choisissait d'avorter. Elle craignait qu'il lui en veuille et c'était ce qui la faisait hésiter. Elle ne voulait pas le perdre. Et comme s'il lisait dans ses pensées, il lui avoua justement qu'elle ne le perdrait pas pour autant. Qu'il ne pourrait pas l'oublier. "Je vais finir par le croire..." dit-elle avec un petit sourire, en gardant une certaine retenue due à tous ces non-dits, à cette absence de réelle conversation sur ce qu'ils vivaient. Mais cette fois, elle fut soufflée par la sincérité dans son regard. Au fond, elle voulait que ce soit vrai. Elle voulait lui suffire, le marquer comme il la marquait. Mais elle savait qu'il finirait par se lasser, par la laisser... par l'oublier. En revanche, ce qu'elle ne voulait pas qu'il oublie, c'était la possibilité de donner son mot sur cette grossesse, sur cet avortement qu'il pouvait éviter. Il était en droit parce que c'était une partie de lui. Elle hocha doucement la tête, quand elle fut certaine qu'il ait bien assimilé ces mots. Et alors qu'ils avaient tout convenu pour cette grossesse, ces rendez-vous à venir, Tahlia était prête à partir, pour ne pas l'embêter davantage. Mais les mots de Ciàran la retinrent et ce fut un sourire serein qu'il eut en réponse. "Thaïs est avec mes parents, j'ai donc un peu de temps. Il faut bien que je rattrape ces longues semaines sans toi." Subtile façon de lui faire comprendre qu'il lui avait manqué. "Tu as une idée en tête ?"