bad idea (frida)

Elles en étaient à leur combientième de verres ? Le nombre semblait incalculable pour Nevaeh. Ça avait commencé par un, un seul verre. Une invitation qui ne se voulait pas à déraper. Puis, elles avaient commandé de la sangria, un pichet, deux, et des shoots et... Et finalement, Nevaeh s'était retrouvée debout sur une table à danser et à chanter à s'époumoner au rythme des Spice girls. Avec ses talons hauts, c'était surprenant qu'elle ne s'était pas retrouvée la tête première au sol, éternelle maladresse qui lui collait à la peau. Peut-être que son état d'ivresse avancée lui avait donné un peu de force, un peu plus de constance. Alors qu'elle retrouvait le sol du bar et son amie Frida, une idée de génie vint illuminer ses yeux. « Friiiiiida, j'ai une idée trop trop cool », articula la brune en riant. « Faut trop qu'on se fasse tatouer, dis que t'es partante, aller ! » Jamais la journaliste n’oserait se faire encrer la peau dans un état de sobriété, il fallait qu'elle soit bourrée pour réfléchir de la sorte. Et comme si c'était une fasse bonne idée, les deux jeunes filles s'étaient retrouvées dans un salon de tatouage, au Blanche's Ink, où un homme, l'employé de Blanche, les avait accueilli, se moquant visiblement de leur attitude. « Tu voudrais quoi ? », demanda la brune sans réellement savoir si Frida serait partante pour se faire encrer la peau. « J'voudrais.... Un globe terrestre, avec un avion en papier qui tourne autour et.. et des coeurs... Ou peut-être le nom de Juliann ? Oh, oui, le nom de Juliann.... Dis, c'est trop cool ça non ? » Non, Nev, ce n'est pas cool...

HJ:

Tu ignores totalement comment tu t'es laissée embarquer dans cette histoire. C'est pas ton genre de sortir comme ça, encore moins de te mettre la tête à l'envers de cette façon. Mais il faut croire que t'en avais besoin, parfois ça fait du bien de sortir un peu de sa zone de confort, même si la proximité de certaines personnes, notamment d'hommes un peu trop collants qui espère profiter de ton état d'ivresse avancé, te mets mal à l'aise, comme toujours en présence d'homme. T'essaies de pas y penser, de concentrer sur les verres que tu enchaines, sur Nevaeh avec qui tu t'égosilles sur les chansons qui passent. La voir se mettre carrément debout sur une table te plonge dans un profond fou-rire, que tu peines à arrêter, même une fois qu'elle en est redescendue. « Je suis partante ! » Toujours à rire, tu ne te rend pas compte de l'idée stupide que c'est, mais t'es dans le mood pour la suivre à faire à peu près n'importe quoi là, comme se rendre dans un salon de tatouage. « Whouah c'est beau ! » Tu t'exclames devant avec émerveillement devant tous les dessins et photos de tatouages que tu peux voir. « Tu peux mixer les deux idées, avec un J dans un des coeurs pour Juliann. » En état de sobriété, tu lui aurais clairement dit que se tatouer pour un garçon c'était la pires des idées, mais là, t'es pas en état de réfléchir posément, tu dis ce qui te passe par la tête. « Je veux une tasse de thé et un livre moi, ça me représente bien. » Pour le coup, ça pourrait être une vraie idée, à intégrer à un vrai projet, mais juste balancé comme ça, pas certain que ce soit la meilleure. « Si ma frangine me voyait là, elle me reconnaitrait pas. » Soudaine pensée pour ta jumelle qui est l'extravertie de vous deux en temps normal, alors que tu te remets à rire en imaginant sa tête si elle était là.

Les raisons qui expliquaient cette dérape étaient difficiles à trouver. Peut-être n'en avait-il pas, mis à part ce besoin de tout lâcher un instant. Ou peut-être étaient-elles trop lourdes de sens pour les expliquer dans leur contexte. Quoi qu'il en soit, les choses avaient défilé et s'étaient bousculé les unes sur les autres les menant à changer d'endroit pour le reste de leur nuit, petites heures du matin qui ne seraient sans doute pas loin. Heureusement, dans le centre de Bowen, les boutiques, commerces et bars n'étaient pas bien loin les uns des autres, il ne leur fallut pas trop longtemps pour arriver à bon port. Dans cet état, Nevaeh n'aurait pas été en mesure de se rendre bien plus loin, surtout perchée du haut de ses talons qui, normalement, lui auraient fait bien mal aux pieds. À croire que l'alcool n'avait pas que paralysé son jugement, mais aussi la douleur. Et dès qu'elles poussèrent la porte du salon de tatouage, idée folle qu'elles regretteraient sans doute le lendemain matin, Fride s'était émerveillée devant les oeuvres réalisées sur les murs alors que Nevaeh, elle, s'emballait déjà sur son idée de tatouage qui frôlait la stupidité. Jamais se faire tatouer le nom d'un mec, encore moins quand ce mec n'était pas officiellement son petit ami, encore moins quand on lui avait jamais dit qu'on l'aimait. Et, surtout, on ne se faisait jamais tatouer le nom d'un mec. Et en temps normal, Nevaeh aurait été la première à le dire, à interdire à ses copines de le faire. Seulement, là, son cerveau ne réfléchissait plus. Et Frida, elle, ne lui faisait pas part de la raison. « Oooooh, ouais, un J au milieu du globe, avec un genre de ruban qui l'entoure. », s'exclama-t-elle devant le tatoueur qui les regardait d'un air moqueur. « C'est trop toi, oui », acquiesça la brune en souriant à l'idée de son amie. Elle ne connaissait pas encore très bien Frida, du moins pas de façon intime. Si elles étaient amies depuis un petit moment maintenant, elles avaient surtout eu des conversations de surface ne permettant par de briser les barrières entre elles. Alors, quand elle parla de sa soeur qui ne la reconnaîtrait pas, Nevaeh haussa les épaules. « Ça te fera une drôle d'histoire à lui raconter », décréta-t-elle avant de rire. « J'peux pas croire qu'on est sur le point de se faire tatouer ! » Elle qui n'avait jamais voulu en avoir un, là, elle serait gâtée... Elle en aurait probablement un bien moche.

Que c'était stupide de se mettre dans cet état. Mais que ça fait du bien aussi de lâcher prise pour une fois. Arrêter de toujours tout contrôler, même si la peur qu'un mec l'approche reste belle et bien présente. Heureusement, pas trop d'insistants, quelques uns un peu lourd, mais pas de quoi te faire totalement paniquer non plus. L'alcool aidant peut-être aussi, à avoir un degré de tolérance un peu plus élevé qu'à ton habitude. Finalement, la proposition complètement loufoque de Nevaeh est la bienvenue. Tu n'y réfléchi pas vraiment, mais c'est un bon échappatoire de cet endroit qui empeste sueur et alcool. Tu es totalement euphorique à l'idée de te faire tatouer, alors qu'avant ce soir, ça ne t'avait jamais traversé l'esprit, bien trop peur.  « Cette idée est GENIAAAAAAAL ! » Tu t'exclames lorsque Nev se sert de ta proposition pour encore trouver mieux. Tu exagères comme pas possible dans tes mots, et tu vois bien que le tatoueur est amusée par votre comportement. Plus encore quand tu fais référence à ta jumelle qui ne te reconnaitrait pas à cet instant. « Ouep, enfin quand je la verrais. On n'a pas une relation super proche toutes les deux. » Tu le dis d'un naturel, comme si c'était normal, alors qu'en vrai, c'est quelque chose qui te pèse, t'aimerais vraiment pouvoir avoir une vraie relation gémellaire avec elle. « Siiiiiii et c'est trop bien. On commence quand ? » Comme la brune valide ton choix pour toi, t'es parée. Seulement le tatoueur calme tes ardeurs, en vous demandant de remplir un peu de paperasse obligatoire avant d'attaquer la séance. « OK. Allons-y pour la dictée. » Tu essaies de te concentrer pour réussir à écrire correctement et tu es obligée de dire à haute voix ce que tu écris, de façon lente et sur articulée. « Nom. Ivanova. Prénom. Frida. Date de naissance. Euh.. 14 mars 1993. Je suis majeur ? oui c'est bon. Je coche là, là et là, je signe et voilààààà. » Tu tends le papier au jeune homme, comme une bonne élève qui serait fière de rendre son devoir la première.

C'était idée était horrible. Et en bonne amie, Frida aurait dû le lui dire, le lui faire comprendre, mais elles étaient bien trop bourrées toutes les deux pour réaliser dans quoi elles s'embarquaient. Elles allaient se faire tatouer. Comme dans un vrai tatouage, avec de l'encre et des aiguilles et... Il ne fallait pas trop que Nevaeh y pense, sa tête commençait à tourner et son coeur à palpiter. Des tatouages, elle trouvait ça très beau, Juliann en avait plein, d'ailleurs, et ça le rendait... Diablement sexy ! Mais sur elle ? Est-ce que c'était vraiment ce qu'elle voulait ? Et plus encore, voulait-elle vraiment se faire tatouer le nom du garçon qu'elle fréquentait, qui n'était ni son amoureux dans la réalité et dans la fiction ? « Ouaiiiiiiiis ! », s'enthousiasmait la brune en souriant bêtement à Frida. « Je... Je sais pas en fait », capitula-t-elle à peine quelques secondes plus tard, le doigt sur la bouche, songeuse, les sourcils froncés. « Peut-être... Peut-être que ça pourrait seulement être son nom ? Ça fait peut-être moins... Moins trop ? » Elle manquait de mots, le comble pour une journaliste amoureuse des lettres, mais dans son état, il ne fallait pas trop lui en demander. « Ou peut-être seulement notre date d'anniversaire ? On est tous les deux né un 2 du mois, mais pas le même mois. Ça le fait, non ? » Elle était perdue, une vraie girouette, ça serait étonnant que le tatoueur accepte de lui encrer la peau tant elle changeait d'avis chaque deux secondes. Par chance, Frida était plus certaine que Nevaeh. Et elle se mettait déjà à remplir le formulaire. Formulaire que Nevaeh entreprit de remplir elle aussi. Nom, avait-elle dit la blonde à haute voix. « Rutkowski », souffla la journaliste en même temps de l'écrire, mais elle s'arrêta au W, quand elle entendit le nom de la libraire. « Ivanova ? », fit-elle en relevant la tête. « T'es sérieuse là ? » Elle était directe, l'alcool amplifiait ce trait de caractère. « Comme dans Freja Ivanova ? »