when the moon is looking down (frida)

Ces dernières semaines ont été à la fois étonnantes, compliquées et libératrices. Un melting-pot d'émotions contradictoires qui n'ont cessé d'affluer dans ta tête. Mais aujourd'hui tu te sens un peu plus légère après avoir fait face à tes démons, tes peurs et tes craintes les plus profondes. Ce petit voyage avec un certain Australien n'y est pas pour rien, tu en es bien consciente même si tu ne parviens pas encore à mettre de mots sur ce qu'il s'est passé durant cet échappatoire. Quoi qu'il en soit, en revenant à Bowen, tu as ressenti le besoin de vivre un peu différemment, de renouer avec l'essentiel. Tu n'as plus envie de te prendre la tête pour des broutilles et de ressasser de vieilles histoires. C'est pour cette raison qu'en début d'après-midi, juste après la pause de midi, tu décides de te rendre dans la libraire où travaille Frida, ta soeur jumelle. Tu prétexteras l'achat d'un livre mais la vraie raison sera tout autre. Bien sûr, te connaissant, tu n'auras probablement pas le courage de l'avouer à la Norvégienne mais qu'importe. L'important est que tu fasses un pas vers elle, non ? Après quelques minutes de marche, depuis ton bureau, tu parviens enfin devant cette librairie où tu as mis les pieds plus d'une fois. Adepte des livres, tu en lis énormément et adores mettre des post-it ou annoter les pages. Alors que tu ouvres la porte et que la sonnerie retentit, tu repères tout de suite Frida qui est occupée avec un client quelques mètres plus loin. Ne voulant pas la déranger de suite, tu te diriges vers les nouveautés du mois à la recherche du livre parfait.

Des étagères tout autour de toi, remplies de livres en tout genre, tu ne pouvais espérer mieux comme emploi, que de passer tes journées, entourée de ce qui anime ta passion depuis tant d’années. L’inconvénient, surtout depuis que l’attrait du numérique à énormément remplacé la ferveur suscitée par le papier. Les journées sont parfois longues, avec peu de visiteurs, de clients, propice à la réflexion. Ce qui dans ton cas Frida, n’est pas toujours une bonne chose. Tu essaies tant bien que mal d’avancer, de ne pas ressasser le passé, mais depuis que tu es arrivée à Bowen, n’ayant pas repris ta thérapie, c’est plus compliqué que jamais de ne pas penser, quand tu es seule, à ce qui a gâché ta vie. Heureusement, parfois, un client vient interrompre tes sombres pensées, venant t’occuper l’esprit le temps de le servir. Instantanément, ton sourire revient sur ton visage, tu ne t’en défais que rarement en réalité, tu ne laisses quasiment jamais les autres voir que tu vas mal. Seul ton meilleur ami, sait voir en toi, bien qu’il n’ait pas conscience de tout ce que tu as subi, dans les détails. Alors que tu es avec un client que tu as l’habitude de voir dans la librairie, un de ces clients réguliers, que tu prends plaisir à revoir à chaque passage, et avec lequel tu échanges des avis sur vos lectures respectives, un passionné comme toi, la clochette de l’entrée, attire ton attention sur la nouvelle venue. Tu figes une seconde, ta sœur, ta jumelle, Freja, vient de faire son entrée dans ta boutique. Vous n’êtes pas en mauvais terme à proprement parlé, mais votre relation n’a jamais été fusionnelle comme on l’imagine souvent chez les jumeaux. Il semblerait que vous n’ayez jamais réussi vraiment à vous comprendre toutes les deux. En même temps, l’environnement dans lequel vous avez grandi n’a pas vraiment aidé. Cela étant dit, tu es plus que contente de la voir venir d’elle-même par ici, quel qu'en soit la raison. Si tu es venue à Bowen, c’est d’une part pour t’éloigner de ton passé douloureux, mais aussi et surtout pour retrouver ta sœur et ton petit frère. Cela fait un an maintenant que tu es là, et en fin de compte, vous n’avez jamais vraiment renoué plus que ça jusqu’à maintenant. Alors, oui, ça te fait vraiment plaisir de la voir venir à toi. “Bonjour.” Dis-tu d’une voix légère, pour qu’elle sache que tu la vue. “Je suis à toi dans quelques minutes.” Tu termines bien évidemment d’abord avec le client dont tu étais en train de t’occuper. Il avait déjà choisi les ouvrages qu’il souhaitait acquérir, vous étiez surtout en train de papoter, comprenant que tu as à faire, il se dirige naturellement vers le comptoir afin de régler ses achats et de s’en aller. Lorsque ce dernier est enfin parti, tu avances vers Freja, sourire aux lèvres. “Je suis contente de te voir Freja. Ça fait un moment qu’on ne s’était pas croisées.” Tu ne peux t’empêcher de le souligner. Pas que tu le lui reproche, tu n’as rien fait de ton côté non plus pour changer ça. Cependant, tu as pour excuse que tu savais qu’elle était partie quelques temps, et tu ignorais par contre, qu’elle était de retour de son voyage.

Alors que tu décides de t’enfoncer un peu plus dans la librairie, pour laisser à Frida du temps avec son client, celle-ci te fait savoir qu’elle t’a vue rentrer et qu’elle ne tardera pas à te rejoindre. « Hey. Prends ton temps, ne t’en fais pas. » Dis-tu avec un léger sourire, tout en reprenant ta recherche parmi les nouveautés. Ton choix s’arrête sur un nouveau livre d’un auteur que tu ne connais pas mais qui parle de la recherche du bien-être intérieur. Plutôt de circonstance, te concernant. Au moment où tu te retournes, Frida arrive vers toi, soulignant au passage qu’elle est heureuse de te voir. « C’est vrai. » Réponds-tu, naturellement. Tu ne vas pas t’excuser de ton absence puisqu’avec la Norvégienne, vous n’avez pas vraiment l’habitude de vous voir régulièrement. Mais là, en effet, cela fait un moment que vos chemins ne se sont plus croisés. « Je suis partie pendant quelques semaines en roadtrip, ce qui explique qu’on ne se soit plus vues. » Ajoutes-tu rapidement, pour ne pas que Frida pense que tu l’évites ou que tu vis délibérément ta vie sans penser à elle. Néanmoins, tu ne cherches pas non plus à la voir tout le temps. Vous n’avez pas été habituées comme ça et surtout, votre relation n’est pas encore à ce stade. Peut-être qu’un jour les choses se feront plus naturellement entre vous et que vous aurez envie de vous voir plus régulièrement et même de partager des choses plus intimes. Mais aujourd’hui, malheureusement, ce n’est pas encore le cas. Pourtant, tu fais un pas vers Frida en venant à sa boutique même si tu prends l’excuse de l’achat d’un livre. « Et toi comment tu vas ? La boutique a l’air d’être assez calme. » Autant commencer avec des banalités pour amorcer la discussion. C’est plus simple comme ça. Même si, quand on y pense, c’est fou d’être à ce point bloquée et gênée de discuter avec ta jumelle. Cela devrait être inné entre vous et pourtant c’est loin d’être le cas. Tu n’as pas encore cette spontanéité avec Frida que tu aimerais avoir. Peut-être qu’au fil du temps, en se côtoyant plus régulièrement, ça viendra. Qui sait ?

Ça te fait vraiment plaisir de voir ta jumelle débarquer comme ça, à l’improviste dans la librairie où tu travailles. La plupart du temps, quand tu la voies, depuis que tu t’es installée à ton tour à Bowen, c’est plus par hasard qu’autre chose. Pourtant si t’es venue là, c’était pour te rapprocher d’elle et de votre frère aussi, mais c’est pas si facile quand entre vous, ça a toujours été très distant et ce, depuis aussi loin que tu t’en souviennes. Vous êtes tellement différentes, deux extrêmes opposés, littéralement. Sans compter que l’environnement familiale n’était pas non plus l’idéal. Quoi que, vous auriez pu être soudées, vous soutenir, au lieu de vous éloigner l’une de l’autre. Tu n’as pas vraiment voulu ça, mais tu étais tellement renfermée, introvertie et elle tout l’inverse, elle t’impressionnait, t’intimidait, tu voyais bien qu’elle t’en voulait de quelque chose, sans trop savoir quoi, mais tu n’osais pas le dire, bien que l’envie de comprendre était là. Tout ça, c’est le passé, il est derrière vous et le plus important, c’est qu’elle soit là, aujourd’hui, venue à toi, non ? Tu lui fais donc rapidement savoir que tu es contente de la voir, une fois ton client parti et que tu t’es approché d’elle. “J’ai cru comprendre ça oui. Je ne savais pas que tu étais revenue par contre. C’était bien ? Tu es allée où ?” Un peu de curiosité, mélangé à juste l’envie d’en savoir plus sur Freja. C’est pas vraiment naturel d’être proche l’une de l’autre, de vous confier l’une à l’autre, mais tu y crois, ça arrivera bien un jour. Petit à petit. Il y a déjà du mieux depuis que tu as emménagé ici. “Ça va bien. J’essaie en tout cas.” Tu es loin de ton passé, tu te rapproches de ta fratrie, tu fais un métier que tu aimes, il y a pire et tu sais que tu n’as pas vraiment à te plaindre, même si tes pensées sont souvent plus sombres que tu ne laisses les autres le voir. “C’est calme oui. Avec le numérique, même si les livres ont encore la côte, c’est pas la folie. Mais moi ça me convient, j’aime quand il y a trop de monde.” T’es même loin d’être à l’aide dès qu’il y a trop de gens, trop de proximité, mais ça, tu n’as pas trop envie d’en parler là. Ton regard dévie, fuyant celui de ta sœur, alors que tes yeux se pose sur l’ouvrage que Freja tient dans ses miens. “Très bon choix. Je l’ai dévoré en une soirée tellement j’ai aimé.” Histoire de pas trop rentrer dans le personnel, dans le risque de questions auxquelles tu ne te sens pas encore d’aborder, tu dévies la discussion sur le livre.

Si c'était bien ? C'était même plus que ça. Tu as eu l'impression de profiter d'un moment hors du temps, hors de la réalité, hors de tout. La présence de Woody a renforcé ce sentiment de bien-être et t'a permis de faire un vrai break qui était plus que nécessaire. « Ca ne fait que quelques jours que je suis rentrée et oui, c'était vraiment bien. Je suis partie avec un... ami et nous avons fait une partie de l'Australie en voiture. » Difficile de décrire ce que Woody représente à tes yeux alors autant le décrire comme un ami même s'il est bien plus que ça. Néanmoins, tu ne peux pas donner son prénom puisque Concho n'est pas au courant que tu es partie avec lui. Malheureusement, pour éviter toute jalousie, tout drame, tu as été obligée de lui mentir et de lui dire que tu partais seule. Un mensonge que tu regrettes beaucoup mais qui était nécessaire. « J'ai l'habitude de voyager dans le monde mais là, ça m'a permis de découvrir plein de beaux coins en Australie que je ne connaissais pas. » Ajoutes-tu en souriant, les yeux encore pétillants. Vous en avez pris plein la vue, c'est une certitude. « Essayer c'est déjà un grand pas. » Réponds-tu quand Frida t'explique que ça va ou du moins qu'elle fait tout pour. Si elle désire t'en dire plus, elle le fera mais pour l'instant, tu préfères ne pas insister, votre relation n'est pas encore à ce stade. « T'aimes les ebooks ? Moi j'ai du mal à me détacher d'un "vrai" livre. » Sur la plage, à la piscine, dans ton lit, rien ne remplace la sensation d'avoir un vrai livre entre tes mains. D'ailleurs, à cet instant précis, il y en a justement un qui trône entre tes mains. Un livre que ta jumelle semble avoir lu et adoré. « Je t'en dirai des nouvelles alors. J'aimerais en prendre un autre du même genre, qu'est-ce que tu me conseilles ? » Demandes-tu à la libraire.