#17 - love isn't random, we are chosen (conja)

Six mois. Six mois que tu partages ta vie avec Conchobáhr et que vous êtes officiellement en couple. Cela fait plus longtemps que vous avez commencé à éprouver des sentiments l'un pour l'autre mais c'est il y a six mois que vous avez décidé d'officialiser votre relation et d'être exclusifs. Exclusifs, c'est un terme encore flou, parfois, dans ton esprit. Tu n'as jamais trompé Concho avec qui que ce soit mais parfois, les limites entre le flirte et l'amitié sont un peu compliquées à tes yeux. Il faut dire que cela fait des années que tu utilises ton physique comme un atout et pas seulement pour séduire. Alors te défaire complètement de cette attitude, ça n'a pas été simple. En fait, ces derniers mois n'ont pas été simples. Depuis l'annonce de ta stérilité, tu as l'impression d'amorcer une descente progressive vers les enfers. Tu enchaines connerie sur connerie en prenant le risque de blesser des personnes à qui tu tiens énormément. Et pourtant, ça ne te ressemble pas. Alors, dans le but de te rattraper, tu prépares une surprise à Concho pour vos six mois. Tu es toujours dans le flou le plus total concernant Woody et ce roadtrip mais tu décides de faire une parenthèse, laissant tes doutes de côté, pour aujourd'hui. Après tout ce que vous avez vécu, vous méritez de fêter ces quelques mois passés ensemble. Pour ce faire, tu n'as rien prévu de complètement dingue, juste un petit repas concocté par tes soins, un petit cadeau en référence à Hideaway Bay pour vous rappeler d'où vous venez et un nouvel ensemble de lingerie pour la nuit. Un combo parfait pour passer une bonne soirée en compagnie de l'Australien. Occupée en cuisine, tu tends l'oreille en entendant Concho rentrer. Tu sais que c'est lui parce que tu t'es assurée que Tahlia et Allen ne seraient pas là pour la soirée. Et alors que le repas est sur le feu, tu termines de dresser la table au moment où ton petit-ami arrive dans la cuisine. « Salut, toi. Bon anniversaire. » Dis-tu en t'approchant de lui, venant coller ton corps au sien avant de déposer un baiser sur ses lèvres. Mais voyant que Concho répond à peine à ton baiser, tu recules légèrement la tête vers l'arrière, les sourcils froncés. « Quelque chose ne va pas ? » Demandes-tu en te sentent tout d'un coup bien bête d'avoir planifié une soirée comme celle-là alors que visiblement Concho n'est pas dans le bon mood pour ça.

Six mois d’amour, six mois de légèreté, six mois de bonheur, six mois de simplicité. Bien sûr que passé ce délai, ça allait m’exploser en pleine face. Parce que c’était trop beau pour être vrai, j’aurais dû me douter que ça ne durerait pas. Mes histoires d’amour n’étaient jamais de longs fleuves tranquilles, je nageais toujours en eaux troubles passé un certain point. Freja et moi y étions arrivés, après six mois de douceur, dans ces rapides dangereuses qui risquaient de nous fracasser et de nous faire voler en éclats. Passe ou casse, rien n’était sûr. J’étais rentré du travail vers l’heure du dîner puisque ce n’était pas moi qui donnais les cours ce soir, c’était Waverly. Il fallait bien que je répartisse mon horaire, je ne pouvais plus me permettre de bosser à tous les soirs, en ayant deux enfants et une copine. Et ce soir, c’était la copine qui était dans les plans. J’aurais juste aimé que ce soit pour une belle et douce célébration, pas pour une dispute inévitable. Frida était passée à Head Ahead aujourd’hui pour donner un atelier et elle était restée à mon bureau par la suite pour discuter de tout et de rien. Et le tout avait pris une ampleur assez grande quand, suite à un quiproquo, j’avais pu comprendre de ses paroles que Freja n’était pas allée si seule que ça à son fameux roadtrip à travers l’Australie. Se ressourcer, se faire du bien, fuck, j’avais été si naïf. Ce n’était pas elle qu’elle était allée retrouver à l’autre bout du pays, c’était Woody motherfucking Rutkowski. J’aurais dû écouter ma petite voix, au tout début de ma relation avec Freja, celle qui m’avertissait que le cœur de cette femme-là appartiendrait toujours à un autre, à lui, qui ne la méritait pas. Pas que je la méritais plus que n’importe qui, au fond, mais lui, je ne pouvais comprendre. Il était un homme de la pire espèce, il lui avait fait tant de mal et pourtant, elle revenait sans cesse à lui. C’est donc avec le cœur lourd que j’étais rentré à l’appartement, où ça sentait bon la bouffe maison, une odeur réconfortante qui pourtant n’arriva pas à taire les doutes murmurés dans mon esprit. J’arrivai dans la cuisine, voyant Freja en train de dresser la table. « Salut, bon anniversaire. » Répondis-je, plus que distant, lui rendant à peine son baiser. Évidemment qu’elle remarqua bien vite que quelque chose clochait. « J’ai parlé à ta sœur aujourd’hui. Elle m’a appris quelque chose que j’ignorais et à quoi je m’attendais pas, mais alors pas du tout. » Je n’en dis pas plus, je voulais savoir si elle comprendrait tout de suite de quoi je parlais, ou si elle avait bien d’autres secrets comme celui-là parmi lesquels choisir.

Difficile d'imaginer que Concho allait rentrer dans un tel état d'esprit alors que ce matin encore, vous faisiez l'amour sous la douche avant de partir au travail. Difficile d'imaginer que Frida a complètement merdé et t'a mis dans une position si délicate que tu ne t'en sortiras peut-être pas cette fois. « Tu as parlé à ma soeur ? » Demandes-tu d'abord, étonnée. Tu ne savais pas qu'ils se connaissaient tous les deux et ni l'un, ni l'autre ne t'en a jamais parlé. Frida n'est pas venue très souvent à l'appartement depuis que tu y es de retour, ce qui explique qu'elle n'a jamais réellement croisé Conchobáhr. Alors comment le connait-elle ? « Qu'est-ce qu'elle t'a raconté ? La connaissant, je me méfie. » C'est petit de sous-entendre qu'elle pourrait dire des conneries, surtout quand on sait tous les efforts que Frida fait pour que les choses s'arrangent entre vous. Mais pour l'instant, tu es trop énervée qu'elle ait dit quelque chose à ton petit-ami qui risque de faire basculer ton couple. L'Australien a l'air réellement en colère et pourtant, tu ne sais pas pourquoi. Tu penses bien à ton roadtrip mais tu n'as jamais parlé de Woody à ta jumelle. Mais maintenant que tu y penses, elle sait que tu n'es pas partie seule... bordel, elle n'aurait pas fait ça quand même ? « Ca a un rapport avec mon roadtrip ? » Demandes-tu en sentant ton rythme cardiaque s'accélérer. S'il est au courant de ça, il doit bouillir de l'intérieur et tu n'es sûrement pas prête pour accueillir sa colère. Jusqu'ici, vous ne vous êtes que très peu disputés parce que les choses ont toujours été simples entre vous mais aujourd'hui, tu risques bien d'avoir ôté toute légèreté à votre histoire. Aujourd'hui, tu risques bien d'avoir tout gâché.

Le simple fait que Freja ne soit même pas au courant que je connaissais désormais sa sœur, témoignait du gouffre qui s’était creusé entre nous. Quand ? Comment ? Ce matin encore, oui, nous retrouvions notre intimité qui nous consolait, nous guérissait, nous projetait vers de plus beaux horizons que ceux que nous laissions derrière. Et pourtant, malgré la proximité de nos corps désireux, je prenais pleinement conscience aujourd’hui que nos esprits étaient aux antipodes. Elle était ailleurs. Et moi, je ne savais même plus où j’étais. « Ouais, elle est bénévole à Head Ahead. J’ai fait le rapprochement y’a pas longtemps. » Expliquais-je, avant de réaliser que je m’éloignais du questionnement initial. Je fronçai les sourcils, ferma mes yeux plissés par l’incompréhension, et secouai la tête comme pour chasser ce thème : « Mais c’est pas à ça que je voulais en venir. On s’en fout, de ça. » Ce sujet-là pouvait très bien être relayé au second plan, il ne m’obsédait pas plus que ça, même si leur relation avait son lot d’énigmes, elle était bien moins abstraite et complexe que celle de Woody et Freja. Impatiente de trouver éclaircissement, la norvégienne me posait une question après l’autre. Elle cherchait à se rapprocher de la vérité, ou peut-être à s’éloigner de celle qu’elle ne voulait pas voir exploser, exposée. « Elle m’a raconté que t’étais pas aussi seule que tu le prétendais, pendant ce roadtrip, ouais. » Lâchais-je, le cœur lourd face à ce mensonge qui ne pouvait pas être anodin. Parce que Freja aurait pu partir avec Tahlia, avec Zelda, avec Milo pour des photos pourquoi pas, elle me l’aurait dit. Je savais qu’elle me l’aurait dit. La seule personne qu’elle aurait voulu emporter dans ce secret, c’était Woody. Il était l’épée de Damoclès au-dessus de notre idylle. « Comment t’as pu revenir vers moi et faire comme si de rien était, alors que t’as passé tout ce temps-là avec lui ? Qu’est-ce que tu fuyais dans ses bras ? Moi ? » Ma voix se brisa, parce que c’était à n’y rien comprendre. Et j’avais l’impression de revivre ce moment où j’avais compris qu’Ally était partie sans rien me dire, me laissant avec ce sentiment d’avoir fait quelque chose de mal sans pour autant trouver réponse à ma maladresse. Je ne voulais pas que Freja parte. Pas elle aussi.

« Elle ne m'en a jamais parlé. » Pas étonnant, dans le fond, puisque vous n'avez jamais eu de grandes discussions pour apprendre à mieux vous connaitre. Ou pas encore, du moins, car au fil du temps les choses s'arrangent mais avec cette nouvelle histoire, ce nouvel obstacle qui se met entre vous, tu n'es pas certaine d'avoir envie de poursuivre. D'avoir envie d'apprendre à connaitre Frida, celle avec qui tu as partagé les premiers moments de ta vie mais dont tu ne connais pourtant rien. Si Concho affirme qu'on s'en fout de ça, de ton côté, tu as envie d'en savoir plus, de connaitre la nature de leur relation, depuis quand ils se connaissent et s'il leur arrive de discuter pendant des heures, le soir, de tout et de rien. Finalement, peut-être que ton petit ami connait mieux ta soeur que toi. Quand l'Australien lâche sa bombe, tu comprends qu'il sait tout et que si c'est en partie de la faute de Frida, qui a été maladroite, tu es la seule à blâmer. C'est toi qui es partie avec un autre en roadtrip à travers l'Australie. Et pas n'importe quel autre, qui plus est. Tu ne peux imaginer ce que doit ressentir Concho à cet instant précis et tu culpabilises déjà de lui infliger ça. « J'étais pas dans ses bras et non, je ne te fuyais pas. » Réponds-tu du tac au tac pour qu'il s'enlève ces images de la tête. Pense-t-il que tu l'as trompé ? Tu ne peux pas lui en vouloir même si tu espérais qu'il ait davantage confiance en toi. « C'est moi que je fuyais. Je n'aimais pas la personne que j'étais en train de devenir ici, je ne supportais plus de penser toujours aux mêmes choses, de ne pas savoir dormir la nuit au point d'avoir besoin d'aller me balader en ville pendant des heures pour pouvoir me rendormir, une heure à peine, au petit matin. » Toutes ces choses, Concho les ignore parce que tu n'as jamais voulu lui en parler ou l'embêter avec tout ça. Il a déjà bien assez avec ses propres problèmes à gérer. « Je ne t'ai pas trompé si c'est ça que tu crois. J'avais juste besoin de prendre l'air et de me retrouver. » Et tu ne peux pas nier que celui qui te connait le mieux et qui est le plus à même de t'aider à te retrouver, c'est Woody.

Je n’étais pas surpris, moi non plus, que Frida n’ait pas parlé de moi à Freja. J’avais rapidement compris qu’elles avaient leurs secrets, leurs réticences, et peut-être était-ce d’ailleurs en partie pourquoi je n’en avais pas non plus glissé un mot à la norvégienne. Je n’avais pas envie de m’immiscer entre elles. Elles avaient des différents à régler et, envie de m’interposer ou de jouer un quelconque rôle dans leur relation, je préférais les laisser cheminer. J’haussai donc les épaules quand Freja affirmait ne pas savoir qu’on se connaissait, avant de balayer le sujet du revers de la main. Pour moi, ce n’était pas ce qui pressait, ce n’était pas le sujet qui brûlait mes lèvres parce qu’il m’incendiait le cœur. Ce qui me faisait souffrir d’en-dedans, c’était de savoir que celle que j’aimais avait pris la fuite avec un autre, un autre qu’elle aimait aussi, je le savais. « Alors qu’est-ce que tu faisais avec lui, alors ? » Demandais-je avec douleur dans la voix alors qu’elle m’affirmait qu’elle n’était pas dans ses bras et qu’elle ne me fuyait pas. J’avais évidemment du mal à croire autant à l’une ou à l’autre des affirmations. Leur relation n’avait jamais été platonique. Ils en étaient incapables. Tout le monde le disait. Et si elle ne me fuyait pas moi, alors pourquoi n’était-ce pas de ma présence dont elle aurait eu besoin ? Ses révélations m’attristaient, premièrement parce que j’ignorais tout de ce qu’elle me dévoilait, deuxièmement parce que je réalisais que je n’étais pas sa personne, celle dont elle avait indéniablement besoin quand son monde tournait à l’envers. Tu soupiras. « Pourquoi ce n’est pas à moi que t’as parlé de tout ça ? Pourquoi j’suis au courant de rien ? J’me sens complètement pris par surprise, là, tu m’as jamais parlé de tes craintes, de ton mal-être, est-ce que moi qui ai vraiment rien vu ou bien tu me cachais vraiment délibérément tout ça ? » Je soupirai. J’avais toujours voulu être là pour elle. Être à l’écoute, attentif, réconfortant. J’aurais voulu être son point d’ancrage. Mais c’était la lumière d’un autre phare qu’elle suivait dans le brouillard. Alors à partir de ce moment, comment faisait-on pour nous retrouver ? « Est-ce que ça en a valu la peine, au moins ? Est-ce que tu t’es retrouvée ? » Est-ce que ça valait le coup de me perdre ?

Alors qu’est-ce que tu faisais avec lui, alors ? La question peut paraître simple mais elle est loin de l'être. Tu n'es même pas certaine d'avoir la réponse ou alors, elle risque bien de faire du mal à Concho plus que nécessaire. Mais il mérite que tu sois honnête malgré tout. « J'ai fait ça pour moi et il y a des choses qu'il est le seul à comprendre. Je suis vraiment désolée Concho, je ne voulais pas te blesser, je m'en veux de te faire ça. » Dis-tu en osant à peine le regarder. A sa place tu serais bien moins calme, tu laisserais sans aucun doute éclater ta colère et ta jalousie. De ton côté, tu essaies de te faire toute petite pour ne pas empirer les choses mais peuvent-elles être pires que maintenant ? Probablement pas. « Je n'essayais pas délibérément de te le cacher mais je n'ai rien fait pour que tu sois au courant non plus... Je ne t'en ai pas parlé parce que tu avais déjà beaucoup à gérer de ton côté, que je n'avais pas envie que tu te sentes responsable alors que, dans le fond, ce n'est pas ta faute. » Et pourtant, tu sais d'avance que l'Australien se sentira coupable une fois que tu lui auras tout dit. « Depuis que j'ai appris que je ne pourrai jamais avoir d'enfants, j'ai l'impression de ne plus être moi-même, j'ai l'impression qu'une partie de moi s'est envolée. » Ajoutes-tu en croisant finalement son regard. C'est difficile à expliquer mais c'est pourtant ce que tu ressens. Ou ressentais. Tu ne sais pas encore si tous tes doutes, toutes tes craintes se sont envolées mais elles ont en tout cas été atténuées. « Je ne sais pas si c'est totalement le cas mais je me sens mieux. Je ne voulais pas que tu sois avec une moitié de moi, tu mérites d'être avec quelqu'un qui s'investit à cent pour cent pour toi. Et dernièrement, ce n'était plus le cas. » Et maintenant ? Est-ce déjà trop tard ?

Il y a des choses qu’il est le seul à comprendre. Aussi bien m’achever. Mon regard s’éteignit d’ailleurs tout d’un coup, un voile de déception le traversant alors que je réalisais que face à Woody Rutkowski, je ne pouvais rien. Il était comme une force plus grande, trop grande, pour que je sois capable d’un jour l’écarter. Peu importe où Freja et moi évoluerions, il serait toujours là, à quelque part, comme une ombre prête à bondir dès que j’aurais le dos tourné. « J’serai jamais de taille face à lui, hein ? Y’aura toujours ce truc entre vous, que rien ni personne ne peut comprendre. Et c’est pas cool, Freja, d’être l’autre. » Je n’en pouvais plus, même. Si les premiers mois aux côtés de la norvégienne m’avaient paru idylliques, c’était parce qu’elle était plus ou moins en contact avec lui, je le savais. Mais depuis qu’elle avait recommencé à lui parler, je ne pouvais m’empêcher de me méfier, de douter, tout le temps. Je voulais tellement avoir confiance en Freja mais j’avais si peu de foi en Woody que lorsqu’ils étaient réunis, la jalousie l’emportait toujours sur ma raison. Et peut-être avais-je un peu raison de craindre à ce point qu’il m’enlève Freja. « Tu fais toujours ça, Freja … tu m’confies rien sous prétexte que j’ai déjà trop de soucis. Mais on est un couple. Ce qu’on vit on le vit à deux. » Mais je compris bien vite pourquoi elle ne m’en glissait aucun mot. Parce que la seule et unique raison de tout son mal-être, c’était cette stérilité, cette stérilité que j’avais causée. « Je comprends … Je comprends tout ça. Et je suis tellement désolé. C’est juste que … j’aurais aimé que ce soit un peu avec moi, aussi, que t’essaies de te retrouver. Ou de te réinventer. » Et pas auprès d’un autre qui appartenait à sa vie que je pensais passée. Mais Woody n’appartiendrait jamais au passé. « Mais est-ce que tu pourras vraiment, un jour, être à cent pour cent avec moi ? » Demandais-je tristement. Je soupirai. « Parce que je pourrai pas vivre une vie en sachant qu’à chaque fois qu’y’a un problème, you run back to him. J’peux juste pas. »

Pour toi ce n’est pas une question de compétition ou de qui prendra la plus grande place dans ton cœur et dans ta vie. Pour toi, c’est juste une question de relations différentes. Il y a des choses dont tu parles plus facilement avec Woody et d’autres qui sont propres à ta relation avec Concho. Elles sont toutes les deux différentes mais tellement importantes dans ta vie, l’une comme l’autre. « Je suis désolée, encore une fois, je ne veux pas que tu te sentes comme l’autre. Il y a toujours ce truc entre nous oui mais ça ne veut pas dire que tu passes après lui. Tu es tellement important pour moi, j’veux pas que tu en doutes. » Mais il est sans doute déjà trop tard pour ça. Après ce que tu viens de faire et même de dire, Concho remet probablement tout en question. « Non, justement, tu ne comprends pas à quel point c’est difficile d’avaler la pilule. Je ne dis pas ça pour te blesser, je suis juste réaliste. J’avais besoin d’en parler avec Woody parce qu’il est passé par-là, lui aussi. » Même si comparer vos deux situations te paraît compliqué quand on sait que ton ex a perdu bien plus que toi. Tu aurais aimé en parler avec Concho mais sur le moment, tu avais juste besoin d’avoir le ressenti de quelqu’un qui comprend vraiment. « C’est ce que j’essayais de faire, là. Depuis que je suis rentrée, j’essaie de me retrouver dans tes bras, dans notre couple parce que je t’aime tellement et que j’ai besoin de toi. » Mais la question de l’Australien soulève pas mal d’interrogations et de doutes. Auxquels tu n’es pas certaine de pouvoir répondre, malheureusement. « Je ne sais même pas si je peux être à cent pour cent avec qui que ce soit en ce moment. » Dis-tu en sentant une boule se former dans ta gorge. « Il fait partie d’moi, il sera toujours là d’une manière ou d’une autre… Mais tu ne me fais pas assez confiance, c’est ça ? Est-ce que tu crois toujours que je t’ai trompé ? » Oses-tu demander en relevant tes yeux vers les siens et en approchant d’un pas.

J’aurais voulu être celui qui acceptait qu’un autre homme ait une place aussi importante dans la vie de celle qu’il aime. J’aurais voulu être le type qui n’a pas une once de jalousie parce qu’il a une confiance infinie en l’autre. Mais je ne pouvais pas. Pas concernant Woody et Freja. Ils avaient un passé trop lourd, ils avaient partagé trop de moments, d’éclats, de peines et de joies. Ça n’avait jamais été complètement platonique entre eux, ça ne le serait sans doute jamais. Mes pensées ne cesseraient jamais d’aller dans tous les sens, les imaginant ensemble. Ensemble. « J’doute pas que je suis important … Je sais ce qu’on a, ce qu’on vaut, je remets pas en question les derniers mois … Mais je prends juste pleinement conscience, aujourd’hui, de ce que c’est que d’être avec toi quand on n’est pas Woody. » Je le savais, au fond, depuis tout le début. J’étais l’ami et le colocataire de Freja avant d’être son petit ami, alors je connaissais les détails. J’aurais dû être mon propre avertissement. J’avais trop voulu Freja, jusqu’à m’oublier. « Comment ça, il est passé par là lui aussi ? Il est stérile ? » Demandais-je par surprise et par curiosité, ça n’avait peut-être pas lieu d’être comme question mais puisque nous étions sur le sujet. Je voulais juste comprendre pourquoi lui mieux que moi pouvait comprendre Freja. « Tu peux même pas imaginer à quel point j’aurais envie qu’on s’retrouve dans nos bras, dans notre couple. Mais j’peux pas juste faire semblant, j’peux pas tasser ça dans un coin de ma tête en espérant que ça va disparaître. » Ça me boufferait. Et j’avais plutôt raison de soulever toutes ces interrogations, puisque Freja m’avoua qu’elle ne pouvait peut-être pas être avec quelqu’un à cent pour cent, en ce moment. Je déglutis, sans répondre. J’avais le cœur étourdi par sa vitesse de battements. « Qu’est-ce que tu penserais, à ma place, Frej’ ? Honnêtement ? Vous étiez à l’autre bout du pays, rien que vous deux, à dormir ensemble à toutes les nuits … Et je sais qu’il n’en a rien à faire que tu sois en couple ou pas. » Dis-je, et même si Freja avançait vers moi d’un pas, j’ignorais quelle véritable distance il y aurait entre nous à la fin de cette discussion.

Cette relation avec Woody n'est pas nouvelle, elle existe depuis des années et cela fait presque autant de temps que tu connais Concho et qu'il est au courant de tout ce qu'il se passe dans ta vie et de tout ce qu'il s'est passé avec ton ex. Il sait à quel point les choses ont été difficiles, à quel point tu as souffert mais à quel point tu as aimé, aussi. Et c'est peut-être la force de cet amour qui l'effraie même si aujourd'hui, tout l'amour que tu possèdes encore - malgré les coups durs - il est pour lui. Pour Concho. « Et quelles sont tes conclusions ? » Demandes-tu en sentant ta voix se briser. Parce qu'il y a bien quelque chose qui se cache derrière tout ça. Quand il dit qu'il a pris conscience de ce que c'est, la vie avec toi, quand on n'est pas Woody, il ne veut pas sous-entendre quelque chose de positif. Au contraire. Mais tu veux qu'il le dise lui-même, qu'il mette des mots sur ce qu'il ressent. Sur ce qu'il veut ou ne veut plus. « Plus ou moins, il est malade et ne pourra peut-être jamais fonder une famille. » Sans entrer dans les détails, parce que ceux-ci appartiennent à ton ex et à personne d'autres. Alors oui, tu avais ce besoin d'être avec quelqu'un qui comprend ce que tu peux ressentir, sans pour autant vouloir dénaturer ta relation avec Concho. Tu espérais pouvoir reconstruire celle-ci à ton retour, pour ne rien regretter, pour être sûre d'avoir fait tout ce qu'il fallait mais c'est visiblement déjà trop tard. Sans expliquer comment ou pourquoi, tu sens que l'Australien n'est déjà plus totalement avec toi. Tu sens qu'une part de lui est déjà partie, a déjà abandonné. « Alors quoi, c'est trop tard pour sauver ce qu'il reste à sauver ? » De vous, de votre couple et de cette amitié si forte que vous partagiez avant que l'amour ne s'en mêle. « J'aurais eu des doutes, bien sûr. Je ne peux pas te le reprocher. Ce que je te reproche, là, c'est de ne pas me faire assez confiance pour me croire quand je te dis que je ne t'ai pas trompé. » Et ça fait terriblement mal de voir que la confiance de Concho à ton égard est si ébranlée. Si fragile à présent. Tu décides de faire encore un pas vers lui pour réduire cette distance - au moins physique - entre vous. « J'peux pas te perdre, j'le supporterais juste pas. » Dis-tu en relevant tes yeux embués vers lui et en posant une main sur son bras.

J’avais vécu des amours forts, passionnels, destructifs, moi aussi. Il suffisait de songer à ma relation avec Ally pour faire le parallèle avec la relation de Woody et Freja. Et pourtant, ça n’avait rien à voir. Parce qu’autant j’avais pu l’aimer, autant on avait pu se faire du mal, aujourd’hui je ne ressentais plus d’amour pour elle. Après tout ce qu’elle m’avait fait subir, par respect pour moi-même j’avais tourné la page. En ce qui concernait Freja, j’avais l’impression que jamais elle ne ferait totalement une croix sur Woody. Le seul fait qu’elle ait décidé de partir avec lui plutôt qu’avec quelqu’un d’autre, plutôt qu’avec moi, prouvait encore qu’il était au premier plan de la vie de la norvégienne. À sa question, je soupirai et répondis tristement : « Que c’est d’être dans son ombre. Et de ne pas pouvoir en sortir. » Peu importe la lumière que je verserais sur Freja, j’avais le sentiment que je n’arriverais jamais totalement à diluer leur amour. Il était les nuages noirs parsemant le cœur de la brune. Elle prétendait que c’était parce qu’il la connaissait et la comprenait, lui qui vivait plus ou moins la même situation qu’elle. Je fronçai légèrement les sourcils en apprenant qu’il était malade. Je n’ajoutai rien, ne cherchant pas non plus à connaître les détails, parce qu’au fond je n’en avais rien à faire. Il pourrait mourir, Rutkowski, je ne broncherais même pas, si ce n’était que pour recueillir la tristesse de Freja. « Je ne sais pas, Freja. J’ai ce feeling, en-dedans, qui me dit que même si on se sauve aujourd’hui, demain ce sera à refaire, et le lendemain encore. » Il n’était pas question d’être trop tard ou non, ce n’était même plus un problème de temps. Peu importe où on se situait dans la chronologie de notre amour, je sentais que rien ne changerait totalement. Tant qu’il était là, dans sa vie, l’ombre ne disparaîtrait pas. J’hochai la tête quand Freja m’affirma une autre fois qu’elle ne m’avait pas trompé. « Ok. Je te crois. Je te crois que tu ne m’as pas trompé. Mais est-ce que j’aurai besoin qu’tu me le confirmes à chaque fois que tu le verras ? Tu vois, c’est ça qui est insoutenable. » Je ne voulais pas être that guy mais elle l’admettait, elle aussi. Elle aurait eu des doutes. Je n’étais donc pas totalement déraisonnable de me poser des questions. Et de me les poser à chaque fois, c’était insupportable. « J’veux pas te perdre non plus, Freja. Je t'aime tellement. » Dis-je d’une voix brisée en remontant ma main pour attraper la sienne. Je pris une grande inspiration, entrecoupée de mon souffle chagriné, puis soupirai. « Est-ce que tu serais prête à renoncer à lui, pour moi ? J’m’en veux de te demander ça, d’en arriver là, mais pour moi c’est actuellement la seule solution … » Je n’arriverais pas à être avec elle tant qu’il menaçait de me la prendre.

Que c’est d’être dans son ombre. Et de ne pas pouvoir en sortir. Sur ces mots, tu comprends sans difficultés que la situation dans laquelle il se trouve ne peut plus durer. Qu'il ne peut plus se satisfaire de ce que vous aviez. Durant des mois tu as gardé Woody à l'écart, évitant les situations qui te pousseraient à le revoir. Et malheureusement, la seule et unique fois où tu décides volontairement de le revoir, c'est déjà trop pour ton couple. Trop pour Conchobáhr. Alors même si ton petit-ami ne le dit pas, ou pas encore, tu sais qu'il espère que tu fasses un choix. Tu savais bien que ça finirait par te tomber dessus un jour ou l'autre mais pas si vite, pas si tôt. Pas alors que tout est encore brouillé dans ton esprit et que tu ne sais pas où te situer. Tu n'es pas prête, tout simplement. « T'es déjà prêt à abandonner. » Constates-tu en détournant les yeux, ayant trop mal au coeur pour le regarder. Concho se persuade que votre histoire sera un combat perpétuel et visiblement, il n'est pas prêt à se battre. « Tu n'en auras pas besoin si tu me fais confiance. C'est avec toi que je fais ma vie Concho, avec toi que je dors chaque soir, avec toi que je fais l'amour. Tout ça c'est à toi, à nous. » Et pourtant, malgré ce que vous partagez, l'Australien doute encore de ta sincérité. Sa confiance est brisée et tu ne sais pas si vous pourrez recoller les morceaux. Malgré tout l'amour que vous vous portez, tu n'es pas certaine que vous ressortirez intacts après cette conversation. Entrelaçant tes doigts aux siens, tu sens ton coeur s'apaiser un peu, pendant quelques secondes, comme rassuré par cette proximité. Malheureusement, cela ne dure pas bien longtemps et s'efface complètement quand Concho te met au pied du mur. Quand il te pose un ultimatum. Clairement, si tu ne décides pas de renoncer à Woody, tu le perds lui, ton ami, ton amant, ton amoureux. « Ce que tu me dis, là, c'est que si je ne décide pas de renoncer à Woody, c'est fini entre nous ? » Demandes-tu pour être sûre de ses intentions et d'avoir toutes les cartes en mains. Dans le fond, tu sais très bien que tu n'es pas prête à renoncer à Woody. Mais tu n'es pas non plus prête à renoncer à Concho. D'ailleurs, si c'était ton ex qui t'avait posé cet ultimatum, la réponse serait la même : c'est impossible.

On ne parlait pas d’un café le temps d’une ou deux heures. On ne parlait pas d’une balade au parc par une belle journée. Ce n’était rien d’innocent, rien de futile. C’était un voyage s’étendant sur plusieurs semaines, accompagné du mensonge d’y être en solitaire. Il s’agissait peut-être de la seule et unique fois où Freja avait volontairement revu Woody, oui, mais quelle fois ! Elle l’avait choisi, lui, pour la conduire à l’autre bout de l’Australie, à la recherche d’elle-même. Comment ne pas songer alors qu’elle était également à la recherche d’eux-mêmes ? Alors, quand Freja affirma que j’étais déjà prêt à abandonner, j’haussai les sourcils. « Non, non non. You don’t get to do that. J’te laisserai pas me faire sentir coupable alors que c’est toi qui es partie avec lui sans m’le dire. J’abandonne pas, j’te dis ce que je ressens. Parce que contrairement à toi, je te partage ce qui se passe dans ma tête, pour que t’aies l’heure juste. » Je n’avais encore aucune idée de l’issue de cette conversation, mais si nous cherchions à recoller les morceaux, je voulais au moins qu’elle soit au courant de la fragilité de ce qu’il resterait de nous. Je soupirai quand Freja m’assura que c’était avec moi qu’elle faisait sa vie, avec moi qu’elle dormait, avec moi qu’elle faisait l’amour. Elle avait raison. Mais pour combien de temps ? « Je sais … Et ces moments-là, ils sont tellement chers à mes yeux. Chaque fois que je me réveille à côté de toi, y’a pas un matin où j’me rappelle pas la chance que j’ai d’être avec toi. » Mais, tant que Woody était dans le portrait, tant que je savais qu’elle pouvait filer en douce pour le retrouver, même en toute innocence, je me remettrais constamment en question. Le doute subsisterait en moi, s’immisçant entre nous. Nos mains se séparèrent bien vite sous le poids de ma demande, plus qu’injuste, mais aussi plus que nécessaire pour moi, présentement. « Quelque chose comme ça, oui … » Murmurais-je autant par honte que par tristesse. « J’suis pas le mec malade de jalousie, tu le sais. J’supporte tous ces mecs qui t’adulent sur Insta, j’respecte le travail de Milo même quand il te voit à moitié nue, mais Woody … lui, j’peux pas. Quand j’vous sais ensemble j’m’imagine tout ce que vous pouvez être en train de vous dire et ça me rend fou. » Expliquais-je. « Alors … ouais. I guess que c’est ce que je suis en train de dire. » Lui ou moi, donc.

Il a raison Concho quand il dit que tout ce qui arrive, là, c'est de ta faute. Que c'est toi qui es partie à l'autre bout de l'Australie avec ton ex et que c'est encore toi qui ne parviens pas à lui faire part de ce que tu penses, de ce que tu ressens. Tout ça tu le sais mais bordel ce que ça fait mal d'entendre que si vous êtes dans cette situation, c'est entièrement ta faute. Et que s'il en est là, aujourd'hui, à tout remettre en question, c'est parce que tu as merdé. « Je ne partage pas ce qu'il se passe dans ma tête avec toi parce que j'le sais pas moi-même. C'est le flou le plus total, c'est un tel bordel que j'sais même pas comment me sortir de là. Comment y voir plus clair. » Et cette discussion entre Concho et toi n'arrange rien, au contraire, tu as l'impression que c'est pire encore. Tu espérais que le temps te permettrait d'éclaircir les choses, de voir où tu désires aller et avec qui. Mais du temps, tu n'en as plus. « Ils sont chers à mes yeux aussi. Tu n'as pas idée de tout ce que tu m'as apporté ces derniers mois... » Bien plus que tous les hommes qui ont fait partie de ta vie à un moment ou un autre. Woody y comprit. Parce que tu n'as jamais vécu une relation stable, durable, simple, avec ton ex. Pourtant, tout est en train de voler en fumées aujourd'hui. Comme tu l'avais compris, ton petit-ami te pose un ultimatum. Lui ou Woody. Tu le regardes, complètement désarmée, incapable de faire un choix, de prendre une décision. « Je t'ai choisi, toi, y'a six mois. Je pouvais retourner vers Woody à ce moment-là parce qu'il m'avait fait part de ses intentions. Et pourtant, c'est toi que j'ai choisi Concho. Pas lui. Malgré tout, c'est pas suffisant pour toi... » Une part de toi comprend qu'il veuille mettre tout doute de côté mais une autre part de toi sait que ce ne sera pas possible et que s'il ne te fait pas assez confiance, alors votre histoire est vouée à l'échec. « Alors je sais que c'est ma faute, que c'est moi qui ai semé le doute chez toi. Mais je peux juste pas faire disparaître Woody de ma vie. Comme je pourrais pas te faire disparaître, toi, si les rôles étaient inversés. J'ai besoin d'avoir Woody dans ma vie pour me ramener les pieds sur Terre quand ça ne va pas. Et j'ai besoin de toi dans ma vie pour me sentir aimée, pour pouvoir aimer, aussi, inconditionnellement. » Parce que c'est comme ça que tu l'aimes Conchobáhr, inconditionnellement. Et pourtant, ce n'est toujours pas suffisant. Alors en constatant que tes mots vont probablement mettre un terme à votre histoire, tu sens ton coeur se briser en milliers de petits morceaux. « Je suppose que ma réponse va être suivie d'un c'est terminé entre nous ? » Demandes-tu, la voix brisée, des larmes roulant sur tes joues.