#17 - love isn't random, we are chosen (conja)

Je n’étais pas moi-même un livre ouvert mais je réalisais que je m’ouvrais bien plus facilement aux autres, que les autres s’ouvraient à moi. Et j’avais tendance, en amour, à choisir celles qui gardaient tout pour elles, jusqu’à que ça nous bouffe. Ça avait été le cas avec Ally, avec Athéna (si on pouvait appeler ça une relation), et maintenant le même schéma se reproduisait avec Freja. Il n’y avait eu qu’avec Zelda, que ça avait été the other way around. J’avais été celui à me refermer, à lui cacher des choses, et par ma faute notre relation était allée droit dans un mur. Tout comme Freja et moi étions en train de foncer vers la fin de nous. « Alors partage ton flou, partage ton bordel. On y aurait fait de l’ordre ensemble. C’est peut-être à force d’en parler que t’y aurais vu plus clair … » Elle savait pourtant que j’étais un homme patient, à l’écoute, et compréhensif. Je ne lui en aurais jamais voulu de ressasser les mêmes doutes, encore et encore. Je l’aurais épaulée à travers le brouillard, jusqu’à ce qu’elle se retrouve. À la place, je me retrouvais à lui en vouloir de ne pas avoir su se confier à moi. « Je pensais vraiment que toi et moi, on était endgame, tu sais … » Avouais-je avec un triste sourire, dans un rire étouffé par la tristesse. Mais si pour moi, Freja était la bonne, cela ne signifiait pas pour autant que pour elle, j’étais le bon. Quelle cruelle impasse, quand même. La norvégienne m’assurait qu’il y a six mois, elle m’avait choisi moi. « C’est pas suffisant, non. Parce que tu m’dis pas, là, que tu me choisis moi, au présent. Tu m’as peut-être choisi y’a six mois mais aujourd’hui … aujourd’hui, tu choisis qui ? » Je savais qu’en six mois, un cœur peut changer de voie, changer de rythme sur lequel battre. J’étais même très bien placé pour le savoir, moi dont le cœur avait valsé sur tant de mélodies. « J’te demande pas de jouer tous les rôles dans ta vie, j’sais que ce serait juste malsain. Et j’serai toujours celui qui t’aimera inconditionnellement, c’est vrai. Mais j’aurais aimé être, aussi, ton point d’ancrage. Que ce soit moi qui te ramène les pieds sur Terre quand ça n’va pas. Parce que dans c’que tu me dis, j’ai juste le sentiment que t’as besoin de moi pour être aimée, et qu’t’as besoin de lui, pour l’aimer. » Admis-je à regret. À sa question, mes yeux s’embuèrent, parce que la fin se concrétisait face à nous, impuissants. « J’ai pas envie que ça le soit. Parce que je t’aime et que j’ai besoin de toi. Et que j’m’imagine pas continuer sans toi. Mais il faut aussi que je pense à moi. Et que je me choisisse. » Si elle, elle n’arrivait pas à me choisir moi, seulement moi, alors je le ferais, pour elle … même si la conséquence était tout le contraire. 

Peut-être que si tu n'as pas pu t'ouvrir à Conchobáhr en lui expliquant ce qui cloche chez toi, c'est parce qu'il y a des choses qu'il n'est probablement pas prêt à entendre. Des choses qui concernent Woody et que tu ne peux pas lui dire, à lui. Ton but n'a jamais été de le blesser, ou de jouer avec ses sentiments, avec son amour. Mais si tu te montres totalement transparente avec lui, tu as peur que c'est ce qu'il se dise. « Je crois qu'il y a certaines choses que je ne suis pas encore prête à te dire et d'autres que tu n'aimeras pas entendre. J'ai voulu te préserver de tout ça. Alors oui, tu vas encore dire que je cherche toujours à te protéger mais j'peux pas faire autrement. T'es la plus belle chose qui me soit arrivée alors je veux pas te foutre en l'air comme moi j'le suis. » Ce qu'il s'est passé avec ton père, avec ta soeur jumelle, avec Woody, avec tous ces connards qui sont passés dans ta vie, n'ont fait que renforcer ce sentiment d'être foutue. D'être brisée. Tu pensais avoir trouvé un échappatoire dans les bras de Concho, ton rayon de soleil, mais tu te voilais la face. Tu n'es tout simplement pas prête à t'investir pleinement dans une relation. « J'étais persuadée que si on se mettait ensemble ça pouvait durer très longtemps, moi aussi... » Mais il a fallu que tu ramènes toute ta noirceur avec toi. Si celle-ci vous a laissés tranquilles pendant quelques mois, aujourd'hui, elle a décrété que c'en était assez. Aujourd’hui, tu choisis qui ? Personne. C'est aussi simple que ça, tu ne choisis personne. Pas même toi-même, parce que la vérité c'est que tu ne sais pas si tu seras capable de te relever toute seule. « J'veux pas avoir à choisir. » Réponds-tu presque imperceptiblement, la voix brisée. Tu détestes cette situation dans laquelle Concho vous met et pourtant, tu ne peux pas lui en vouloir pour ça. A sa place, tu aurais sans doute réagi de la même façon. « C'est faux. J't'interdis de penser ça. Tu représentes tellement plus pour moi que ça. Alors oui, avec toi je me sens aimée comme jamais. Mais toi, t'es le premier que j'arrive à aimer, vraiment. T'es le premier avec qui c'est si simple et en même temps, ça n'a rien d'étonnant. Comment ne pas t'aimer ? » Contrairement à toi, qui fous tout en l'air, comment faire pour ne pas aimer l'Australien ? C'est impossible. Tu l'aimes depuis le premier jour de votre rencontre. D'abord amicalement parlant et puis l'amour s'est installé entre vous et tu es persuadée qu'il restera là pour toujours. Même si Concho décide de mettre un terme à votre histoire, aujourd'hui. « Alors dis-le, que c'est fini entre nous. J'ai besoin de l'entendre. » Souffles-tu en plongeant ton regard dans le sien, les lèvres tremblantes, les larmes qui ne cessent de rouler sur tes joues, impossibles à arrêter.

Je compris alors que si Freja ne voulait pas me partager tout ce qui tournait dans sa tête, c’était parce que le contenu de certaines pensées me blesseraient. Qu’elle me confie ça, qu’elle me confie que dans sa tête résonnaient des échos qui ne me plairaient pas, ça suffisait à renforcer mon impression que malgré notre sentiment d’avoir vécu une idylle, ce n’était qu’illusoire. Je ne doutais pas de notre amour, je savais qu’elle m’aimait, et je savais que je l’aimais aussi, mais tout n’était pas aussi simple, doux et beau qu’on avait bien voulu le croire. Il y avait des nuages menaçants tout autour de cette percée de lumière dans laquelle nous avions baignés. « Comment veux-tu que je me sente quand tu m’dis ça ? J’ai encore plus l’impression d’avoir raison … » Que mes doutes étaient justifiés, que ce mauvais pressentiment avait sa raison d’être, que ma jalousie envers Woody n’était pas exagérée. Malheureusement, force était de constater que nous n’étions pas éternels. Je ne répondis rien quand elle me confirma qu’elle aussi pensait que nous aurions pu durer très longtemps. À la fois parce que j’aurais préféré toujours, à la fois parce que je n’avais pas envie de me précipiter sur les conclusions. La conclusion. Pourtant, elle viendrait, bien assez vite. Puisque Freja était incapable de nous choisir, de me choisir, il fallait alors me rabattre sur ma propre décision, même si elle m’écorchait le cœur. « Visiblement, y’a plusieurs manières de ne pas m’aimer. De ne pas m’aimer assez, en tout cas. » Constatais-je tristement. J’enchaînais les échecs amoureux depuis quelques années. Je constatais que malgré le chemin que je pensais avoir parcouru depuis mon adolescence, les mêmes blessures ressortaient toujours. J’étais l’ami, le meilleur ami, l’amant avant de trouver l’amour. J’étais tout, sauf le grand amour d’une femme. « Je pense qu’on se voilait la face, Freja. Que c’était pas si simple que ça. Peut-être qu’on fonçait droit dans un mur sans même le savoir. » J’haussai les épaules. On pourrait refaire le monde avec les si et les peut-être, mais nous ne saurions jamais rien de tout ça. Parce que ça s’arrêtait là. J’essuyai les larmes au coin de mes yeux. « Je suis désolé … tant que tu ne sauras pas exactement ce que tu veux, tant que j’aurai pas l’impression que t’es à cent pour cent investie dans notre relation, et prête à me partager même le pire … J’pourrai pas me sentir confortable, serein. » Une voix brisée, un court silence, et mon cœur qui se brisa en mille morceaux. « C’est fini entre nous. » Jamais, de toute ma vie, avais-je été aussi persuadé d'avoir commis une erreur.

« Je sais, ça n'arrange rien mais j'essaie d'être honnête. » Malheureusement, il est sans doute déjà trop tard pour cela. C'était avant qu'il aurait fallu que tu te réveilles et que tu fasses preuve d'honnêteté. Que tu expliques à Concho que tu es perdue dans des sentiments incontrôlables et qu'après l'annonce de ta stérilité, ton regard sur lui a changé même si tu as tout fait pour que cela n'arrive pas. Ce n'est pas sa faute s'il t'a refilé cette infection sexuellement transmissible et pourtant, il reste rattaché à cette horrible conséquence. A chaque fois que tu penses à ton infertilité, l'image de Conchobáhr apparaît juste à côté. Et c'est peut-être cela qui a ruiné votre histoire, finalement. Qui t'a ruiné. « Ne crois pas ça. Je t'aime tellement... C'est juste moi qui suis foutue et qui ne sais pas où j'en suis mais dans d'autres circonstances, crois-moi, j't'aurais aimé jusqu'à la nuit des temps. » Tu ne veux pas que l'Australien pense que le problème vient de lui. Si vous en êtes là aujourd'hui, c'est presqu'entièrement ta faute. Les événements de la vie sont également responsables de l'échec de votre relation mais au lieu d'essayer de sauver les meubles, tu as tout empiré. Tu n'as fait que vous éloigner un peu plus encore, l'un de l'autre. « Peut-être que tu as raison, oui. Mais sache que les mois qu'on a passés ensemble ont été les plus beaux de ma vie. » Tu as pu goûter au vrai bonheur grâce à Concho, au moins au début. Si à la fin tout a fini par se ternir, au début, tout était ensoleillé. Tu ne pensais pas être heureuse comme cela un jour jusqu'à ce que tu laisses le jeune homme se frayer une place dans ton coeur. S'il y a bien une chose que tu es heureuse d'avoir faite, c'est d'avoir bu ce fameux soir où vous avez laissé parler votre désir, avec Concho. Un désir enfuit depuis des années, mais qui a explosé pile au bon moment de ta vie. « Je suis désolée de ne pas pouvoir t'apporter ça, aujourd'hui. J'aurais tellement voulu en être capable. » Mais la vérité c'est que Concho mérite bien mieux que toi. Bien mieux qu'une femme qui ne sait pas ce qu'elle veut et qui avance et recule en même temps. Alors quand l'Australien confirme que c'est bel et bien terminé entre vous, tu fermes les yeux quelques secondes pour essayer de calmer ta respiration, de calmer tes pleurs, le temps de foutre le camp d'ici. « J'imagine que c'est une bonne chose que les travaux de ma maison soient terminés. J'allais te l'annoncer ce soir. Je viendrai rechercher mes affaires dans la semaine, je m'arrangerai avec Allen. » Pour éviter de faire souffrir celui que tu peux désormais appeler "ex" de part ta simple présence. « Même si j'sais pas comment je vais faire pour avancer et vivre sans toi, merci pour tout Concho. Sache que même si on s'éloigne, une part de moi t'aimera et t'appartiendra toujours. » Et sur ces mots, tu prends la porte et quittes le 17 avec le coeur bien lourd.

Fin du sujet