the girl with the red dress (judas)

Culpabilité sur son visage, elle avait peint ses lèvres d'un rouge incendié, aussi rouge que sa robe. Tant qu'à sortir le grand jeu, Nevaeh n'y avait pas été de main morte. C'était le premier rendez-vous qu'elle avait depuis des mois, depuis que Juliann était entré dans sa vie. C'était aussi la première fois qu'elle retournait sur cette application de rencontres depuis que Juliann était entré dans sa vie. Elle lui avait dit qu'il la satisfaisait, qu'elle n'avait pas besoin de rencontrer d'autres gens, qu'il était suffisant. Seulement, blessée dans son orgueil alors qu'il lui avait confié à son tour qu'il n'était pas prêt à s'engager, pas prêt pour ce genre de relation exclusive, elle agissait à présent de la plus mesquine des façons, s'ouvrant les portes qu'elle s'était fermées en avouant à son amant qu'il lui plaisait bien plus qu'un simple crush.

Robe rouge, son rouge à lèvres pompier lui rappelait Juliann. Que pouvait-il bien faire, ce soir? Son coeur manqua un battement alors qu'elle allait entrer dans le bar. Ressaisis-toi.., se répétait-elle, yeux fermés. Et elle fit son entrée, cherchant, au bar, le tatoué d'un mètre quatre-vingt-douze qu'elle devait retrouver. « Comme ça, t'es as rancunier? Tu me le prouves en me faisant la bise ou c'est pas ton genre au premier rendez-vous? », demanda la brune en riant alors qu'elle prenait place en face de lui. « Nevaeh, je préfère te le faire entendre parce que je sais que tu finiras pas écorché mon prénom », fit-elle, son rire toujours présent. « Attention, t'as pas entendu mon nom de famille encore.. Il est aussi pire que mon prénom. » Elle faisait preuve d'autodérision, sans même savoir s'il aimait ça. « Tu veux boire quelque chose? »

Dans quoi s'était-elle embarquée? Motivée par son amie, elle s'était dit que c'était une bonne idée, que ça prouverait à Juliann qu'elle n'était pas réellement acquise, qu'elle aussi, elle pouvait rencontrer, se laisser charmer, se laisser peut-être même toucher par d'autres hommes. Et ça lui montrerait aussi que ce qui était bon pour lui, c'était bon pour elle aussi. Elle avait tenté de ne pas jouer les filles jalouses, ces dernières semaines, alors qu'elle se demandait constamment, quand ils n'étaient pas ensemble, s'il avait trouvé plus belle qu'elle, plus sensuelle, mieux foutue... C'était malsain, elle le savait, mais elle n'y pouvait rien. Ce matin, Juliann lui avait envoyé une photo de son corps, l'invitant à passer la soirée avec lui... C'est comme s'il avait choisi son moment avec soin, elle qui se sentait déjà coupable face au pompier - avec qui elle n'était pas en couple, rappelons-le - alors qu'elle n'avait même pas été à ce rendez-vous. Et puis, qu'est-ce qui leur assurait qu'il se passerait quelque chose?

Elle le trouva sans trop de mal. C'était le grand tatoué. Et lui non plus d'eut pas de mal à la trouver. Elle était la seule à la robe flamboyante. Le tissu de chiffon dansait sur son corps à chaque mouvement, faisant de sa robe assez habillée pour un rencard, assez décontractée pour un soir de semaine. Elle lui lança une moquerie sur leur conversation de la veille, lui qui disait qu'il était rancunier alors qu'elle se moquait de sa force, lui demandant s'il était trop rancunier pour lui faire la bise. Mais, évidemment, il ne refusa pas un contact avec la peau de l'Australienne, s'approchant de son visage pour poser deux baisers sur ses joues auxquels elle répondit, suivi de la prononciation de son prénom. Judas l'imita, elle sourit. « J'avoue, je suis coupable de l'avoir écorché », fit-elle en levant les mains, comme pour montrer qu'elle se rendait. Mais quelle était l'idée, justement, de l'écrire avec un J, si ça se prononçait comme un Y! Ça complexait beaucoup la chose, tout ça. « Non, polonais », le corrigea-t-elle alors qu'il supposait que son nom de famille avait une consonance hispanique. « Rutkowski », fit-elle en riant. « Faut le séparer en syllabe, c'est plus facile. Rut-Kow-Ski! » Elle avait dû l'épeler plus qu'une fois. Et chaque fois qu'on l'appelait quand elle était dans la salle d'attente chez le médecin ou le dentiste, elle lisait l'incertitude sur le visage des infirmières.

La brune proposa au tatoué de prendre quelque chose à boire. Elle se serait attendue à une bière ou un cocktail corsé, pour l'homme, mais il lui confia ne pas prendre d'alcool. Nevaeh lui sourit. « Ça ne m'effraie pas, mais ça me surprend », avoua-t-elle en posant ses bras sur la table. « Pourquoi avoir choisi un bar, alors, comme lieu de rencontre? On aurait pu... aller manger une glace! Ou faire un Bowling. Ou... Du pédalo! » Ça devait être ennuyeux, pour lui, d'être dans un bar où tout le monde consommait de l'alcool, sauf lui. « Va pour un mocktail alors! »