#678 Welcome to our new home (Léo)

Refermant la four après avoir mis son gratin, Alba souffle. Entre le début de son travail, la fin d’après-midi avec Jonah et ce repas à préparer, elle n’a pas vu ces dernières heures passées. Une douce musique ambiance la salle de vie, vérifiant une dernière fois la table, Alba se dirige à l’étage. Calmement, son fils, Jonah joue dans sa chambre. « Mon chaton, devine qui vient manger ce soir. » Une lueur de malice illumine le regard de son fils et l’enfant calme se lève d’un seul coup en s’approchant d’Alba. « Papi Steen ? » Alba pivote sa tête de droite à gauche. « Papi Luke ? » Une nouvelle fois Alba répond négativement amusée par la devinette. Hésitant parce qu’il a conscience d’être à Bowen, Jonah émet une nouvelle hypothèse. « Papi Peter ? » Surprise un peu de cette réponse, pourquoi Alba inviterait-elle le père de Léo. « Non mon chaton, réfléchis bien. C’est quelqu’un que tu aimes beaucoup, beaucoup, beaucoup » Le petit garçon les sourcils froncés et le nez retroussé fait mine de réfléchir en grattant sa tempe avec son index.  Alba craque devant cette petite mine et ne peut s’empêcher de sourire. Voyant son fils en difficulté elle lui donne la réponse. « C’est Papa qui vient manger ce soir. » Les yeux tout ronds et un large sourire, Jonah pousse un énorme cri de joie. « OUAIIIIIII ! Je vais lui faire un dessin. » Habillé de son pyjama avec des fusées dessus, il court dans sa chambre récupérer une feuille et un feutre. Alba le laisse seul, le temps d’aller dans sa salle de bain se changer. Elle souffle un peu.

Ces derniers mois, entre Léo et elle les tensions diminuaient. Il avait gagné en maturité et ils passaient un peu plus de temps tous les trois. Au départ, Alba était assez méfiante mais en voyant son fils épanoui de ce rapprochement, elle n’avait pas eu le cœur d’y mettre un terme. Maintenant qu’ils sont à Bowen, ils vont forcément se croiser plus souvent. Perdue dans ses sentiments, Alba appréhende cette soirée, un peu comme toutes les fois où ils sont tous les trois. Alba prend un denim bleu clair avec une large chemise blanche. C’est suffisant, elle ne veut pas s’habiller de manière séductrice pour ne pas faire de fausses idées à Léo. Une bonne dizaine de minutes plus tard, elle descend et Jonah est déjà là, déposant son dessin dans l’assiette de son papa. « Toi tu seras là. » En montrant une assiette. « Papa sera là. » Jonah pointe l’assiette en face de celle d’Alba. « Et moi je serais là en bout de table à côté de vous d’eux. » Il est heureux et excité. C’est en voyant cette joie dans le regard de Jonah qu’Alba sait qu’elle a pris la bonne décision de revenir ici. Au même moment, Léo sonne à la porte. La blonde ouvre la porte pour accueillir Léo. « Sal… » Elle n’a même pas le temps de finir son mot qu’une petite boule d’énergie saute sur l’invité. « PAPAAAA ! » Un sourire sur ses lèvres, Alba ouvre la porte pour laisser entrer Léo. « Depuis que je lui ai dit que tu venais, il est excité comme jamais. » Dit-elle en chatouillant le ventre de son petit garçon dans les bras de son père.

Léo avait encore du mal à se faire à l’idée qu’Alba et Jonah avaient emménagé à Bowen, c’était très récent et il n’aurait jamais cru que son ex aurait retenté l’aventure dans cette ville après une première mauvaise expérience. Elle lui avait dit qu’elle faisait ça pour Jonah, pour qu’il puisse profiter de son père et elle lui avait aussi parlé de cette opportunité à laquelle elle n’avait pas pu dire non, celle de reprendre la galerie d’art. Tout ça avait du sens et il était clair qu’Emerson était heureux de pouvoir passer du temps avec son fils, bien plus de temps que ces dernières années, dorénavant il pourrait venir le voir quand il voudrait, le chercher pour une après-midi au parc ou pour l’emmener voir un match de rugby et le rendre à sa mère le soir venu. Evidemment il y avait des règles établies, ils étaient repassés voir le juge pour que tout soit clair, à présent Alba n’avait plus la garde exclusive de leur fils, ils l’auraient une semaine sur deux. Du moins c’est ce qu’ils avaient convenu pour rendre les choses officielles, mais officieusement ils étaient d’accord sur le fait qu’il pouvait y avoir quelques libertés. Et tout ça était possible parce qu’ils s’entendaient beaucoup mieux depuis quelques mois, ils avaient fait un effort pour le petit garçon, ils avaient pris sur eux pour que les querelles passées soient de l’histoire ancienne et finalement ils avaient vu que les choses pouvaient bien se passer. Après tout ils avaient beaucoup en commun, Alba et Léo, bien plus que leur enfant, ils avaient leur passion commune pour l’art, l’amour des voyages, le photographe appréciait l’humour de la blonde et sa fraîcheur également. Tout ça avait été gâché par les erreurs de Léo, mais ils apprenaient à s’apprécier à nouveau et c’était finalement bien plus simple que ce qu’on pouvait penser, la preuve, ce soir ils allaient dîner ensemble, dans la nouvelle maison de la blonde. Il arriva les bras chargés, il avait prévu une bouteille de vin et des cadeaux pour Alba et Jon, après tout il fallait bien fêter leur nouvelle vie ici. Il n’eut pas le temps de déposer quoi que ce soit, à peine la jeune femme eut-elle ouvert la porte, leur fils sautait dans les bras de son père. On voyait qu’il était énervé et ça pouvait se comprendre, Léo serra son garçon dans ses bras tout en souriant à Alba. Salut vous deux ! Jonah finit par descendre de ses bras et l’entraîna dans la maison. Papa, il faut que tu voies ma chambre ! Léo n’avait pas le choix, bon gré mal gré il fut entraîné par la petite tornade dans les couloirs, découvrant à la va-vite les différentes pièces de la maison qu’il traversait, jusqu’à la chambre. Sensiblement la même que celle qu’il avait à Brisbane, mis à part qu’elle était agencée différemment et que quelques éléments de décorations avaient changé. Elle est très belle Jon, tu l’as rangé tout seul ? Il haussait un sourcil peu convaincu avant de rire. Tiens, je crois que ça ira très bien avec le reste de ta décoration. Il lui tendit son paquet, que l’enfant s’empressa de déchirer. C’était une carte du ciel et des différentes constellations, une passion que Léo transmettait petit à petit à son fils, comme en témoignaient son pyjama, son linge de lit et quelques autres éléments de sa chambre. Waaah papa c’est génial ! On pourra regarder les étoiles ensemble ce soir ? Emerson lança un regard furtif à Alba avant de sourire à Jonah. On verra une prochaine fois mon grand, tu as école demain. Mais je connais l’endroit parfait pour observer le ciel dans cette ville, c’est un secret, mais je veux bien te le montrer un jour si tu ne le dis à personne. Le petit garçon ouvrit de grands yeux et sourit à son père, complice. Promis je ne dirais rien ! C’était donc une promesse que Léo devrait tenir, mais pour le moment ils allaient dîner tous les trois, les étoiles allaient devoir attendre un peu. Vous me faites visiter le reste de la maison ?! Il se tourna vers la blonde avant qu'ils sortent de la pièce. Tu as choisi un quartier agréable Alba, je connais quelques-uns de tes voisins, ils sont très sympas. Vous allez être bien ici. Et lui, Léo, il pourra profiter de son fils et de le voir grandir, ça n'avait pas de prix.

Le choix n’a pas été si difficile pour Alba à prendre. En quittant Bowen, elle a empêché Léo, sans vraiment le vouloir, de voir tous les jours son fils et de le voir grandir. A cet âge-là, ils grandissent vite et en une semaine ils changent. Puis, avec Léo ça va mieux. Ils se parlent plus, s’entendent et arrivent à discuter sans qu’ils se disent tout ce qu’ils pensent l’un sur l’autre. Ce n’est pourtant pas si facile pour Alba. Revoir Léo plus régulièrement c’est aussi prendre le risque de se rendre compte que les sentiments sont toujours présents. Mais à voir Jonah, sautillant de joie et courir dans les bras de son père, Alba se rend compte qu’il a besoin de son père autant qu’il a besoin d’elle. Elle sourit à la scène qu’offre Jonah. Il est vraiment heureux. Le cœur d’Alba se remplit d’une joie intense en voyant son chaton si épanoui. Il n’en faut pas plus pour la maman. « Salut. » Elle peut enfin le saluer entièrement sans être coupée par la petit bombe. Son ex-amant n’a même pas le temps de se poser qu’il est déjà accaparé par le plus jeune de la pièce. Il entraîne son père partout dans la maison et Alba les suit amusée par la situation. A l’image de sa chambre, Jonah a la tête dans les étoiles. Avant Léo et puis Jonah elle n’y connaissait rien. Elle pouvait reconnaître la constellation de la grande ourse et de Cassiopée mais ça s’arrêtait là. Maintenant, elle essaye de se renseigner pour partager un peu la passion de son fils. Mais le maître dans ce domaine reste Léo. Alba rigole légèrement à la question de Léo. Evidement qu’il n’a pas rangé tout seul et la mine froissée de son fils est hilarante. « Il a quand même fait la plus grande part du travail. » Un petit sourire fier s’affiche sur le jolie minois de Jon et il regarde son père plutôt fièrement. Elle se place dans l’ouverture de la porte laissant un peu d’espace aux retrouvailles entre père et fils. De l’extérieur, ils ressemblent à une famille mais la réalité est tout autre. Alba aurait aimé offrir à son fils cette image de la famille mais ça n’a pas fonctionné. Mais il a ses deux parents qui l’aiment. Une carte du ciel et voilà que Jon oublie déjà le repas. Il veut voir les étoiles mais d’un regard ils sont d’accord Léo et Alba. Il a école demain et les étoiles vont devoir attendre. Et cette fois-ci il n’aura pas à attendre la prochaine fois que Léo vienne à Brisbane. Tout va être plus facile maintenant. Léo est un très bon père et la petite mine curieuse et excitée de Jon sur leur prochain moment à deux le prouve. « Moi aussi je veux savoir où est cet endroit. » Bien sûr elle rigole Alba, c’est pour embêter un peu Léo et Jon. Et son fils vient vers elle et à son oreille lui dit assez fort. « Je te le dirais mais tu dis pas à Papa que je te le dis, ni à personne d’autre. » Un petit rire s’échappe d’Alba en regardant Léo. « Promis. » Le gratin au four, ils ont le temps de faire visiter le reste de la maison à Léo. « Oui je vais tout te montrer. » Voilà Jonah qui prend la tête du groupe très consciencieux dans son rôle de guide. « Oh parfait. Ce n’est pas très loin de l’école en plus. » C’est vrai qu’Alba a juste annoncé à Léo qu’elle revenait sans lui demandé aucun conseil et aucune aide pour l’installation, un petit sursaut d’orgueil peut-être. Ils suivent tous les deux la petite tornade. Il montre toutes les pièces en passant par les toilettes. « Ici c’est la chambre de Maman. Elle est grande. » Ils entrent dans cette pièce qui a des tons assez chauds. Puis ils continuent leur chemin et redescendent mais Jonah continue son chemin pour arriver devant une petite porte. « Ici je n’ai pas le droit de rentrer seul. » Il fait une petite moue vexée. « C’est mon atelier photo. » Dit-elle en souriant. Derrière cette porte se trouve des équipements assez chers mais aussi quelques produits toxiques et bien trop dangereux pour Jonah.

Ils auraient pu se saluer un peu plus chaleureusement mais Jonah ne leur en laissa pas l’occasion, il entraînait déjà son père dans la maison, Alba sur les talons. C’était une situation particulière que Léo vivait là, mais il était reconnaissant envers la blonde d’avoir fait cet effort de se rapprocher de lui, pouvoir voir son fils plus régulièrement ça n’avait pas de prix, c’était une chance qu’il allait savourer autant que possible. Sa chambre était à l’image du petit garçon qu’il était, joyeuse, un peu en fouillis et pleine d’étoiles, comme s’il était toujours un peu dans la lune, Léo ça lui rappelait l’enfant qu’il était, rêveur, mais bien plus introverti que Jon. Ils avaient au moins réussi ça, même si leur histoire n’avait pas fonctionné, à Alba et lui, ils avaient fait un petit garçon heureux et épanoui, bien plus que ne l’était le petit Léopold, parce que chaque moment passé avec lui était un moment de partage et d’amour, de complicité et de bonheur. Evidemment Jonah était comme tous les enfants, il avait ses moments difficiles, il affirmait son caractère et le fait que ses parents soient séparés ne devait pas être si simple à vivre pour lui, mais il était aimé et Léo espérait sincèrement qu’il le savait. Tu rangeras ta chambre à la maison de la même façon qu’ici alors ! Il adressa une moue faussement sévère à son fils. La chambre qu’il avait chez lui était bien plus épurée et simple, il avait quelques jouets mais bien moins qu’ici, parce qu’il avait passé bien moins de temps à Bowen que chez sa mère, tout simplement. Il évoqua cet endroit secret et Jon en fut tout de suite excité. La réflexion de la blonde le fit sourire bien qu’il se demandait s’il ne l’y avait pas déjà emmené, son spot pour les étoiles, sur les hauteurs de Bowen, c’était aussi un peu son spot pour emballer les filles, histoire de leur en mettre plein la vue. Mais peut-être qu’il n’avait pas eu le temps de le lui montrer. De toute façon ce n’était plus la question aujourd’hui. Et puis visiblement le petit garçon avait déjà prévu de vendre la mèche. Il échangea un regard complice avec son ex et sourit de surcroît. Ils entamèrent la visite de la maison, menée très sérieusement par Jonah pendant que Léo et Alba discutent derrière. Si c’est l’école à laquelle je pense alors c’est celle de mon enfance. J’espère qu’il n’aura pas les mêmes instituteurs que moi, ils étaient tellement stricts ! Il n’avait pas forcément de bons souvenirs de ses années d’école, lui qui était toujours vu comme le fils Emerson avant d’être simplement traité comme Léo. Et puis on lui reprochait son côté rêveur, ou qu’il griffonne toujours sur ses coins de cahiers sans trop écouter les cours. Ils passèrent dans la chambre d’Alba, à laquelle Léo ne fit pas trop attention, la dernière pièce par contre éveilla sa curiosité. Ta chambre noire ? Tu continues la photo alors ? Malgré la galerie, c’est bien. C’était une bonne nouvelle, la blonde était une excellente photographe, il admirait son travail. Jonah s'impatientait un peu en voyant les adultes discuter devant la porte, Léo se pencha sur lui. Peut-être que je pourrais avoir droit à une visite ... comme ça tu pourras voir toi aussi. Mais on ne touche à rien ! C'est comme chez moi tu sais. Parce que dans sa maison tout le sous-sol était aménagé pour la photographie et son fils avait interdiction d'y entrer.

Devenir mère a complètement changé Alba. Sans Jonah, d’abord, elle n’aurait jamais revu Léo. Ils auraient surement éprouvé un tendre sourire lorsque leur pensée s’envolait vers les souvenirs de Bangkok. Ils ne se seraient jamais détestés pendant un moment, à se balancer des mots trop durs. Non, elle aurait continué sa vie. Mais par le sort du destin, elle est devenue maman. Ensuite, le stresse est devenu un ami proche pour Alba. Un front trop chaud ou une toux persistante de Jon suffisait à donner des sueurs froides à la photographe. Elle a peur également qu’il vive mal la séparation de ses parents, qu’il ressente ce qu’elle a pu ressentir parfois lorsqu’elle était petite. Mais, Léo et Alba, ils ont réussi. C’est un petit garçon joyeux, poli, amusant, imaginatif et créatif. Ouvert sur le monde, il est le mélange parfait de ses deux parents. Sa chambre est à son image. Douce et apaisante, un voyage dans l’univers et dans son univers. Elle a dû s’informer Alba sur les étoiles et l’espace. Ils avaient passé du temps à Bangkok à regarder les étoiles mais c’était plus le truc de Léo. Elle sourit Alba à la remarque de Léo, parce qu’elle ne donnait pas une semaine à Jonah avant que son espace personnel ne subisse pas le désordre du petit garçon. Ça il l’a hérité d’Alba, incapable de garder un espace rangé plus que quelques jours. Puis une nouvelle fois, Alba est témoin de la passion commune des deux hommes de sa vie. Ils se sourient Léo et elle, parce que Jonah ne sait pas garder un secret à sa mère, pour le moment. Vient ensuite la visite guidée de la maison. Les deux adultes suivent leur petit guide très consciencieux. Jonah ouvre les portes, explique ce qu’il y a à l’intérieur et il repart pour une nouvelle pièce. Dans le même temps, Léo et Alba échangent enfin quelques mots, suite à son emménagement à elle. « S’ils le sont trop, on ira ensemble les voir. »
Un tout nouveau chapitre s’ouvre à cet instant, Léo va pouvoir faire un peu plus partie de la vie de son fils et être acteur de son éducation. « Puis vu ce que tu es devenu, je serais plutôt heureuse que Jonah devienne aussi bien que toi. » Alors peut-être que les professeurs que Léo avaient eu dans cette école n’avaient eu aucune influence sur lui. Mais en dehors de leur histoire un peu déplorable, Léo reste un homme bien et pour lequel Alba a beaucoup de respect. La visite se termine devant cette porte fermée. Un endroit interdit pour Jonah et un endroit personnel pour Alba. Et quand Léo apprend ce qu’il y a de caché derrière cette porte, des petits yeux curieux apparaissent. « J’ai toujours des contrats avec les différents magasines, donc oui je peux continuer. » Elle lui sourit. La photographie c’est ce qui les a liée. Ils peuvent en parler pendant des heures, échanger sur les nouvelles techniques, montrer le travail à l’autre. Enfin, c’était ce qui faisait. Maintenant, Alba est beaucoup plus réservée, de peur que si elle refait entrer Léo dans ce monde, elle n’arrivera pas à s’en détacher. Alors quand il propose de visiter cette pièce, elle essaye de ne pas montrer sa réticence. A l’intérieur, il y a tout plein de chose dont des photos de Bangkok, et de ses autres voyages. Un petit jardin secret qu’elle seule peut contempler. Mais les yeux brillants de curiosité de Jonah font craquer Alba. « D'accord. Je vais chercher les clés. » Elle revient quelques secondes après, ouvre la porte et laisse Jonah et Léo rentrer dans cet endroit si spécial. « J’ai pas encore eu le temps de tout aménager. Je ferais ça ce week-end je pense. » Il y a encore quelques cartons contenant son matériel mais la plupart des photos sont déjà exposées ou entassées dans un coin dans l’attente d’être rangées.

Les années d’école n’étaient pas un bon souvenir pour Léo et ce du plus loin qu’il se souvenait. Il n’était pas un élève turbulant, non, loin de là, il était au contraire ce petit garçon qui restait au fond de la classe, qui avait peur qu’on l’interroge, qui n’avait pas confiance en lui malgré son potentiel. Timide, réservé, pour ne pas dire renfermé, il était bien loin de l’image qu’il donnait aujourd’hui, parce qu’il avait dû faire un énorme travail sur lui-même. A l’école il avait l’étiquette du fils Emerson, le digne fils de Peter, dès le départ il avait fallu qu’il réussisse, depuis tout petit la voie était tracée, il allait faire de grandes études, intégrer les plus prestigieuses écoles et suivre les pas de son paternel, c’était ainsi, on en avait décidé pour lui, alors on exigeait le meilleur de lui. Sauf qu’il ne rêvait pas de cet avenir-là, lui il voulait voyager, s’évader, il voulait dessiner, créer, il voulait du beau, pas du fric, il voulait de la passion, pas des dizaines de dossiers sur un bureau. Il s’était d’abord résigné à reprendre l’empire paternel, avant de briser ses chaines. Et c’était la meilleure décision qu’il eut jamais pris de sa vie. Voilà pourquoi il n’imposerait jamais de carrière à son fils, si Jonah voulait être avocat ou barman, artiste, boulanger, médecin, peu lui importait, du moment qu’il reste ce petit garçon épanoui qu’il était. J’espère que les professeurs ont changé depuis le temps ! Certains étaient déjà ceux de mon père… Il en gardait décidément un souvenir amer. Il sourit au compliment de la blonde, visiblement Alba ne gardait pas de rancune envers son ex, mieux, elle pensait qu’il était un homme bien. Léo en doutait, quelque part il savait qu’il n’était pas tellement un exemple à suivre, mais qui pouvait réellement se vanter d’être parfait ? Je ne sais pas si je lui souhaite d’être comme moi. Bien qu’il ne puisse pas le renier, seulement physiquement, il était son portrait et cette belle gueule, bien qu’agréable souvent, pouvait se révéler être un cadeau empoisonné.
La visite de la maison fut l’occasion pour les deux adultes d’aborder le sujet de la photo, leur sujet de prédilection bien évidemment. C’était toujours étrange d’en parler avec Alba pour Léo depuis qu’ils avaient quitté le sol Thaïlandais, à l’époque c’était ce qui les avait vraiment rapprochés, ce qui avait fait qu’ils ne s’étaient pas quittés des mois durant, ils partageaient cette même passion et jamais le photographe n’avait trouvé quelqu’un avec qui il s’entendait autant dessus, c’était comme s’ils étaient connectés lorsqu’ils se lançaient dans leurs discussions. Sauf qu’aujourd’hui il y avait tous les souvenirs qui s’en mêlaient et ce n’était jamais anodin d’ouvrir cette boite-là. Tout comme pour Alba d’ouvrir la porte de son atelier de travail, son antre. Tu sais, si tu as besoin de contact à Bowen je peux te mettre en relation avec les miens. Ce n’est pas ici qu’on s’éclate le plus mais la région est pleine de surprises. Enfin, tu dois être bien occupée avec la galerie j’imagine… Il ne voulait pas la détourner du but de son arrivée ici. Tu sais ce que tu vas exposer d’ailleurs ? Il se souvenait que l’ancienne propriétaire avec des goûts assez classiques, il espérait qu’Alba dépoussièrerait un peu le lieu. Après avoir cédé au regard craquant de son fils et à la demande de Léo, la blonde accepta d’aller chercher les clés de la fameuse pièce secrète. Et quand le brun y pénétra il eut comme l’impression dérangeante et en même temps un brin grisante de violer son intimité.  Il s’avança sans bruit, laissant son regard fureter d’une photo à l’autre, d’un paysage splendide à une forêt luxuriante, d’un visage d’enfant inconnu au bleu de l’océan, Alba avait beaucoup voyagé, comme lui et comme lui également, ses meilleurs souvenirs elle les ramenait dans ses clichés. Il arriva face à une pile de photo un peu en vrac d’où dépassait une photo en noir et blanc de Jonah et lui un instant volé, on sentait toute la tendresse qui se dégageait du moment, celle entre le père et le fils et celle qui devait ressentir la jeune femme au moment de capturer le moment, mais ce qui marqua Léo c’était que la mise au point avait été faite sur son visage à lui, floutant légèrement celui de l’enfant, sûrement une erreur de l’appareil, sûrement qu’ils avaient bougé au moment où elle prenait la photo, sûrement… Il relava les yeux et son regard troublé se posa sur Alba. C’est un bel espace de travail. Puis il n’y a pas d’art sans désordre, il parait.

A Bangkok, ils avaient passé de longues semaines seuls où ils avaient longuement discuté entre deux shooting photos ou entre deux baisers. Et Léo, il lui avait parlé un peu de son enfance. Elle se souvenait de ce moment, où Léo se confiait la tête sur le ventre de la blonde pendant qu’elle lui caressait les cheveux. Une autre fois, elle lui avait parlé de son abandon et ce qu’elle avait ressenti et ce qu’elle ressentait toujours. Elle lui en a voulu lorsque ce matin il avait tout simplement disparu alors qu’il savait parfaitement bien le sentiment qui allait l’animer. Cette peur profonde de ne pas être suffisante et que bonne à être abandonnée et à être oubliée. Mais qu’est-ce qu’elle l’avait aimé à Bangkok. Tout lui avait plu. La douceur de sa bouche, de ses mains et de ses mots. Elle avait été charmée par cette fragilité cachée par son assurance. Léo il n’était pas qu’un homme beau et charmant. Il était un tout plus complexe, abîmé un peu par un père oppressant et par la perte d’un être cher. Alba, ne le connaissait peut-être pas si bien que ça. Leur relation n’avait été qu’éphémère et depuis Bangkok ils n’avaient plus eu le temps de se redécouvrir. Une grossesse infortune, qui avait laissé Alba plus seule que jamais avant que Léo ne se rétracte. Mais même lorsqu’ils avaient essayé d’être ensemble, ils n’avaient pas le temps entre les pleurs de Jonah et la fatigue de la nouvelle parentalité. Puis, elle était partie Alba. Mais, jamais elle n’avait oublié ces longues conversations. Le yeux un peu dans le vide, elle avait envie de le prendre dans ses bras, lui dire qu’il était une personne exceptionnelle même après une enfance difficile. Mais ce n’était plus son rôle. Elle riait légèrement à la remarque d’Emerson. « Je ne me fais pas de soucis là-dessus. Soit ils sont proches de la mort soit ils le sont. » Jonah n’aura jamais les mêmes professeurs que ceux de son grand-père paternel. Léo et Alba avaient peut-être échoué dans leur relation mais ils avaient offert à Jonah un milieu familial bienveillant et aimant. Et Alba serait fière qu’il ressemble un peu à son père. Il avait réussi à sortir du carcan familial et à s’épanouir grâce à sa passion. En dépit de leur relation, Léo était une personne formidable et même si lui n’en était pas convaincu, Alba l’était. Tout ce qu’elle espérait était que son fils soit épanoui même si au fond d’elle, elle espérait qu’il ne prenne pas de son père sa fâcheuse manie avec les femmes.
Un moment de complicité renaissait entre les deux parents. La photographie avait toujours été un sujet consensuel mais Alba avait peur. Peur de laisser Léo revenir dans cet univers qu’elle avait bien avant lui mais qui les avait rapproché. Cette pièce était son cocon, son jardin secret. Toujours aussi prévenant, il lui proposait son aide qu’elle refusera. « Merci Léo, mais je vais me débrouiller. Puis comme tu dis avec la galerie je suis plutôt occupée. » Lui disait-elle avec un sourire. Elle faisait des efforts Alba mais avant tout elle essayait de se protéger de ses sentiments encore fragiles. « J’ai quelques contacts avec des artistes, et j’en ai trouvé un qui fait un travail formidable. Attend j’vais te montrer. » Sortant son téléphone de sa poche, elle le donna à Léo pour qu’il voir les prochaines œuvres qui seront exposées dans sa toute nouvelle galerie. C’était un mélange de réalisme et d’abstrait aux couleurs sombres avec quelques taches colorés apportant un dynamisme aux œuvres. Les yeux de Jonah avaient toujours eu un effet sur Alba et lorsqu’il posa ce regard sur elle, elle craqua, allant chercher les clés, oubliant de récupérer son téléphone. En chemin, elle souffla un peu, essayant de retrouver un calme avant de laisser entrer Léo dans son intimité. Sur le chemin du retour, elle récupéra son téléphone avant d’ouvrir la porte. Une pointe de stresse l’animait alors qu’Emerson errait dans son atelier. Des photos, il y en avait des centaines. Elle expliquait très succinctement à Jonah à quoi servait tel instrument en gardant un œil sur Léo. Et son cœur loupa un battement quand elle le vit s’approcher de ses photos plus personnelles. Des photos de Jonah, de ses pères et quelques-unes de lui. Et quand il releva la tête, Alba savait qu’il avait vu quelque chose. Ce regard troublé. « Oui, ça doit aider à la créativité. » Un sourire faible sur ses lèvres, elle coupa le contact visuel. Comme un bouclier, elle prit Jonah dans ses bras. « Et si on allait manger ? » Aussitôt dit, elle sortait de cette pièce, reposant son fils au sol. « Tu vas chercher une serviette pour Papa s’il te plaît chaton. » Avec un large sourire il partit. Alba en profita pour donner à Léo un limonadier pour le vin.

Les femmes de sa vie l’admiraient, toutes pour des raisons différentes, toutes à leur façon, elles le faisaient briller, elles lui donnaient l’impression d’être meilleur qu’il était, au moins un temps, avant que les démons ne reviennent. Il n’avait pas confiance en lui, Léo, à part dans son travail. Et même avec les femmes, on voyait parfois ressurgir des tréfonds de son âme ce petit garçon effrayé et c’était ce qui le faisait fuir généralement. Ou faire les pires conneries. La seule qui ne l’avait pas mis sur un piédestal c’était Grace, la seule que lui, par contre, avait érigé en muse, la vie était mal faite parfois. Alba admirait le photographe, le voyageur et c’était agréable de se réchauffer à ce genre de chaleur, c’était tellement mieux qu’à l’époque où ils se hurlaient dessus. Mais Emerson essayait de ne pas trop s’y réhabituer, à cette tendresse, parce qu’il se savait faible, toujours sur un fil, avec celles qu’il avait un jour aimé. Je te laisserais faire les rencontres parents/professeurs, juste au cas où ! Enfin ils n’en étaient pas encore à ce stade, même s’ils y arriveraient bien trop tôt.
Pour être honnête Léo ne s’inquiétait pas du tout pour Alba, elle lui avait déjà prouvé mainte fois qu’elle se débrouillait parfaitement sans lui. Elle avait énormément de talent pour la photographie et elle n’avait pas besoin de ses contacts à lui pour réussir. Il avait été presque peiné d’apprendre qu’elle avait laissé de côté sa passion pour reprendre la galerie, même s’il comprenait qu’elle faisait ça pour pouvoir s’occuper de Jonah, elle avait sacrifié les voyages pour voir son fils grandir, chose que lui n’avait pas su faire, même s’il partait moins qu’avant. Le portable de la blonde dans les mains, il regardait le travail de cet artiste qu’elle avait choisi d’exposer, ce peintre avait du talent, ça crevait les yeux. Cette expo aura beaucoup de succès, c’est certain. Elle laissa les garçons seuls un instant alors qu’elle allait chercher les clés, Léo en profita pour montrer les photos à Jonah, il n’était jamais trop tôt pour se sensibiliser à l’art. Mais le petit garçon ne semblait pas emballé, ce qui fit rire son père. Le barbu rendit son téléphone à son ex alors qu’elle semblait fébrile, l’idée de le faire pénétrer dans son repère probablement… Après quelques secondes à fureter, à regarder les photos de ses différents voyages, de la Thaïlande qu’il reconnaissait et qui faisaient remonter des souvenirs, il tomba sur cette photo qui le déstabilisa un peu. Leurs regards se croisèrent, brillants, gênés, avant qu’Alba ne le fuit pour se réfugier contre son fils comme pour ériger une barrière entre eux. Oui ! Comme un cri e soulagement. Puis il reprit avec un peu trop d'entrain pour être honnête. Allons manger, ça sent bon, n’est-ce pas Jon ?! Le petit garçon afficha un grand sourire. J’ai aidé à préparer en plus ! Léo sourit, rit même, comme pour se libérer de cette tension qui était montée d’un cran sans qu’il ne le veuille. En arrivant dans le séjour il fut chargé d’ouvrir la bouteille de vin qu’il avait apporté, il prit le tir bouchon avec un mince sourire et leur servit un verre à chacun. Non pas pour toi bonhomme, tu goûteras bien assez tôt. Tu veux un peu de jus de fruit pour trinquer avec nous ? Evidemment l’enfant accepta avec joie sous le regard plus ou moins réprobateur de sa mère. Il tendit son verre à Jonah puis le sien à Alba puis leva le sien pour porter un semblant de toast. A votre emménagement, c’est bon de vous savoir à Bowen à nouveau. Jonah approcha son verre de celui de Léo, ils s’entrechoquèrent, jus de fruit sur son t-shirt, éclat de rire général face à ce petit clown qui rendait définitivement leurs vies plus joyeuses. Au point qu'il redoutait presque le moment où il irait se coucher, laissant les deux ex en tête à tête, sans garde fou.

C’était plus simple d’aimer que d’haïr. Alba avait toujours admiré Léo pour son talent de photographe et sa vie de voyage. Il était comme elle, libre dans leur mouvement et libre dans leur tête. C’était ce qui les avait rapproché mais ce qui les avait éloigné. Cette liberté était piégeuse et Alba avait été amoureuse follement de Léo. Et cet amour lui fit du mal pendant des années. Parfois, elle souhaitait n’avoir jamais mis les pieds à Bangkok mais très vite elle se rendait compte que sans Léo elle n’aurait pas connu toutes ces merveilleuses choses. Mais elle la haït, au point d’arracher Jonah de Léo. Et elle s’en voulait pour Jonah et pour Léo. Ce n’était pas juste. Alors elle a décidé de ne plus le haïr et de laisser l’amour reprendre le dessus. Elle avait toujours mal mais c’était plus simple. Et Jonah était tellement heureux. Il avait besoin de deux parents qui s’entendaient un minimum que deux parents qui se déchiraient même s’il n’avait jamais été témoin de cette haine. Elle lui souriait. Evidemment qu’elle s’en occuperait si cela apaisait Léo.
Mais Alba avait quand même un petit orgueil. Elle ne voulait pas de son aide parce qu’elle se sentirait redevable envers lui et elle ne le voulait pas. On lui avait toujours appris à se débrouiller par soi-même et même si ses pères avaient été les meilleurs au monde, elle avait appris à être maman seule, avait voyagé seule et s’était fait un nom seule. Et ce n’était pas Léo qui allait bouleverser cette logique. Elle regrettait un peu le temps où lui et elle pouvaient parler des heures sans un quelconque malaise. La fluidité de la conversation n’existait plus et cette complicité non plus, même si parfois elle revenait par quelques bribes. Surtout lorsqu’il s’agissait de photographie ou d’art. Il était intéressé par sa nouvelle activité. La galerie lui apportait plus de stabilité pour elle et pour Jonah. Mais ça lui manquait à Alba de voyager, de partir à l’autre bout du monde sans aucune contrainte. Mais Jonah était sa priorité et peut-être qu’elle pourrait recommencer quand il sera plus âgé. « Merci. » Disait-elle sincèrement, gênée qu’il ait aussi confiance en elle et en cet artiste. Le temps qu’il s’imprègne des photos, Alba partit chercher les clés de son studio. Sur le retour elle souriait en voyant Léo essayer d’initier Jonah à l’art. Pour elle et lui, l’art avait une place tellement importante dans leur vie qu’ils essayaient tant bien que mal à transmettre cette passion à Jonah. Mais le petit garçon préférait largement les étoiles. Même s’il était très curieux de découvrir ce qui se cachait derrière cette porte interdite. L’atmosphère se changeait considérablement. Alba tendue et Léo gêné ils se baladaient dans ce studio. Jonah en revanche inconscient de l’atmosphère regardait avec curiosité la pièce. Peut-être pensait-il à faire une bêtise mais il était attentif aux quelques explications de sa mère. Mais ce regard un peu trop long au goût d’Alba la mit mal à l’aise. Elle aurait dû refuser la visite de son studio. Léo n’avait pas besoin de voir tout ça, il n’avait pas besoin de se poser des questions. Il avait juste à vivre sa vie et Alba à gérer seule ses sentiments. La blonde se refugia dans les seuls bras qui l’apaisait, ceux de son fils. Heureuse qu’il soit encore assez léger pour le porter. Cette tension était presque trop lourde et Léo comme Alba était bien content de se réfugier vers l’excuse du repas. Elle aurait pu sourire Alba de cette motivation exagérée. Jonah était là pour détendre l’atmosphère et Alba souriait. C’était vrai, Jonah avait aidé, il était très doué dans son rôle de gouteur.
Elle reposa Jonah et laissait Léo ouvrir la bouteille tandis qu’elle refarma le studio. Elle le remercia du verre qu’il lui tendit. Un air légèrement réprobateur s’affichait sur le visage d’Alba. Le sucre à cette heure-ci n’était peut-être pas une bonne idée. Mais au final, il fallait fêter ce déménagement et elle laissa Léo donner un verre à son fils. Elle avait l’impression qu’il y avait un léger reproche dans l’annonce de Léo. Le départ de Bowen trois auparavant avait été un sujet à dispute. « A cette nouvelle aventure. » Disait-elle en souriant légèrement, tendue. Le petit garçon beaucoup trop motivé entrechoqua les verres trop forts et du jus tombait sur son tee-shirt. Des rires s’élevaient. Il était le juge de paix, le clown de la maison, un bonheur commun. Elle prit une serviette pour l’essuyer. « Tu es incorrigible. » Disait-elle en riant devant la mine malicieuse du petit garçon. Il riait de ce rire si galvaniseur. « Il doit tenir sa maladresse de toi. » Souriait-elle. « T’es maladroit aussi papa ? » L’odeur du gratin commençait à envahir l’espace et il était temps de passer à table.

Quelque par Léo aurait préféré haïr ses ex, ça lui aurait évité pas mal de problèmes dans sa vie, comme de garder cette tendresse particulière pour elles qui basculait parfois dans l’envie de retrouver leur chaleur. Mais il était parfaitement incapable de les détester, déjà parce qu’il en fallait beaucoup pour qu’Emerson déteste quelqu’un, il était de nature à plutôt voir le positif chez les autres. Et surtout parce que ces femmes il les avait aimées, ils avaient eu une histoire, même brève, puis généralement c’était lui qui était parti, non pas par colère ou désaccord, mais plus parce qu’il était un oiseau un peu trop libre pour être mis en cage. Alors concernant Alba, même s’il aurait voulu la maudire, d’avoir gardé cet enfant, comme pour garder ce lien avec lui et pour toutes leurs disputes qui avaient suivi cette annonce, il n’avait jamais totalement réussi et il ressentirait toujours ce besoin d’être là pour elle. C’est pourquoi il lui proposait de lui donner ses contacts et pourquoi il serait sûrement là dans d’autres situations, bien qu’il sache qu’elle était une grande fille qui n’avait pas besoin de lui. Il ne serait pas là constamment, pas au point de l’étouffer, du moins il espérait qu’elle ne le verrait pas de cette façon, mais il Bowen et ses environs c’était son terrain à lui, il connaissait la ville par cœur, ses quartiers, ses habitants, ses activités. Bowen c’était sa maison, même s’il avait souvent l’impression de tourner en rond dans cette petite bourgade, même s’il la quittait souvent, il revenait toujours. Le métier qu’il avait choisi lui permettait cette liberté. Et c’était son métier à elle, du moins de base, c’était leur passion et c’est pourquoi il était si impatient de découvrir l’atelier d’Alba, pas par curiosité mal placée mais pour partager un peu de cet amour commun qu’ils portaient à la photographie. Pourtant la visite ne se passa pas comme il l’avait pensé, au contraire ce fut un moment un peu gênant où il eut plutôt l’impression de violer son jardin secret, jardin où il semblait qu’il ait encore toute sa place… Même s’il aurait été préférable qu’il ne le sache pas, le regard fuyant de la blonde le lui confirma. Changement de conversation, diversion avec Jonah, une fois encore heureusement que le petit garçon était là pour faire tampon entre ses parents qui tâtonnaient encore à trouver le bon rythme entre l’alchimie fulgurante des débuts, la fusion des corps et le besoin d’autre, la tempête des révélations, l’incompréhension et les disputes incessantes puis le calme après l’orage, la douce affection dont ils voulaient faire preuve, cette amitié qu’ils essayaient de construire, sur les braises de leur passé brûlant. Que les regards pleins de sous-entendus n’aidaient pas à consolider. Ils retournèrent dans le salon, le dîner allait commencer, ce serait mieux, ils s’éloignaient de cet espace un peu trop chargé et la tension redescendit rapidement. Après deux verres de vin ça irait beaucoup mieux… ou même bouteilles, il aurait dû apporter plus de vin ! Pour Jon ce serait du jus de fruit, n’en déplaise à la maman qui se disait que le sucre le soir ce n’était pas la meilleure idée qu’il ait eue, sourire presque gêné, presque, parce qu’au fond ce n’était pas grave, Léo ne faisait pas ça tous les soirs, ce soir c’était spécial, ils avaient quelque chose à fêter. Petit toast de circonstance, aidé par Alba, ils faisaient tout pour chasser le malaise et ce fut Jonah qui finit par faire rire tout le monde avec sa maladresse. Je ne suis pas maladroit ! Enfin… Il était surtout toujours dans la lune, mais ça il n’y pouvait rien, ça faisait partie de lui. …Disons que ça fait tout mon charme ! Il sourit, adressa un clin d’œil complice à son fils et ils passèrent à table. Alors mon grand, qu’est-ce que tu nous a fait de bon ce soir ? Ça sent vraiment bon. Il adressa un mince sourire à l’intention d’Alba.

Ils essayaient depuis maintenant un an de trouver un nouvel équilibre. Tout dans leur relation avait été trop souvent intense. Que ce soit leur rencontre ou ces mois à Bangkok. L’intensité avait continué à l’annonce de la grossesse et leur disputes incessantes les années qui ont suivi. Et Alba était fatiguée, elle n’arrivait plus à le détester. Alors ils essayaient le respect et l’amitié et la photographe espérait que ça allait fonctionner. Mais avant, il fallait qu’elle tire définitivement un trait sur le désir et les sentiments qu’elle éprouvait pour cet homme. Il ne l’aimait plus, il ne l’avait aimé qu’un instant et maintenant il était avec une autre belle blonde. Elle respectait assez Léo pour ne pas se mêler de sa relation, ce n’était plus sa place, ça n’avait jamais été sa place. Alors le laisser entrer dans son espace personnel, témoin d’un passé encore pas renfermé la mettait mal à l’aise. Des regards sous-entendu, une surprise de la part de Léo et Alba préférait fuir. Jonah son acolyte depuis quatre ans et son refuge était toujours là. Son fils était la seule raison sûrement qui unissait encore les deux ex et pourtant pour rien au monde Alba referait autrement sa vie. Ce petit bout d’homme, malicieux, bienveillant était une des rares sources de joie de la blonde. Normalement, c’était son rôle à elle de lui servir de bouclier, mais à cet instant c’était lui apportant un instant de bonheur au milieu de cette tension. La porte de son studio refermée elle se promettait de ne plus jamais laisser quelqu’un rentrer à l’intérieur et surtout pas Emerson. La tension était redescendue un peu comme si Jonah avait un sixième sens. Pourtant, Léo et Alba avait toujours fait très attention à être le plus agréable et respectueux l’un envers l’autre quand il était présent. Léo lui tendit le verre et si ça ne tenait qu’à elle, elle l’aurait bu d’une traite avant de s’en resservir un. Mais elle ne ferait pas ça devant son fil et devant Léo. L’ambiance devenait un peu plus respirable. Fêtant leur déménagement, Alba voyait la joie dans les yeux de son fils. Elle pouvait aussi être témoin de la complicité entre le père et le fils et cette image réchauffait son cœur. Elle souriait, amusée par la maladresse de son fils. Il riait fort, d’un rire si communicatif à en faire trembler les mur. Son jus de fruit était étalé sur son pyjama tout propre et il était déjà bon pour un nouveau lavage. Elle attendra la fin du repas pour le changer, parce que connaissant son fils, il était capable de se renverser encore un nouveau truc. Riant de bon cœur à la remarque et au clin d’œil de Léo, elle reprit une nouvelle gorgée de sa boisson. « Oui c’est ça. » Elle essuya grossièrement Jonah avant de passer à table. Comme un digne hôte, le petit garçon indiqua la place de son père sur la table et celle d’Alba. A la question de Léo, Jonah tourna vivement la tête vers sa mère. « Y’a du gâteau au chocolat. » Aucun doute, ça il le savait puisqu’il avait léché le plat de longues minutes. « Il y a un gratin de pomme de terre et de la salade. » Ajouta Alba. Se levant pour apporter le plat, elle commença à servir Jonah et ensuite Léo. Voyant l’assiette de son papa, Jonah fit de gros yeux. « Je peux en avoir plus comme Papa ? » Disait-il malin essayant d’attendrir Alba. « Tu finis déjà ça et on verra si tu as encore faim. » Haussant les épaules un peu déçu, il ne contre-argumentait pas. S’asseyant à son tour et tout en prenant une nouvelle gorgée de vin elle s’adressa à Léo. « Et toi alors ? Comment vas-tu ? » C’était une question large, sûrement pour lui laisser la liberté de choisir ce dont il avait envie de parler ou non. Alba s’attendait à des nouvelles de son travail et espérait que sa relation avec Blanche ne viendrait pas sur le tapis pour éviter qu’Alba ait à mentir ou se sentir heureuse pour lui, même si elle l’était dans le fond qu’il ait quelqu’un sur qu’il pouvait compter.

De loin, si on ne savait pas, on pourrait s’extasier devant cette vision de la parfaite petite famille, les deux parents, aussi beaux l’un que l’autre, parfaitement assortis, le petit garçon avec ses cheveux blonds un peu fous et les yeux bleus de son père, les gestes tendres, les sourires, la bonne humeur autour de la table du dîner. Ce soir ils étaient, assurément, cette famille qui en faisait rêver tellement, d’apparence. Parce que ces gens là ne connaissaient pas leur passé, les épreuves qu’ils avaient traversées, les efforts qu’il leur avait fallu faire pour se retrouver tous les trois dans la même pièce et se laisser aller à se détendre et à rire des bêtises du petit garçon en oubliant presque toutes les tensions. Ce soir ils passeraient un bon moment, c’était ce qu’ils voulaient tous, c’était ce qu’ils s’employaient à faire même si ça paraissait encore un peu forcé par moment. Bientôt ils s’habitueraient à cette nouvelle vie et ce genre de retrouvailles serait bien plus naturel. En regardant son fils, Léo n’en doutait pas, ça valait le coup de se forcer un peu, juste pour le voir heureux d’avoir ses deux parents réunis sans se faire la guerre. Et en regardant Alba, il retrouvait cette tendresse toute particulière qui s’était perdue durant des années, tendresse qui lui faisait autant de bien que de mal et à laquelle il ne voulait pas trop penser, préférant détourner les yeux. Hmm du gâteau au chocolat ! Il faisait la grimace, se léchant les babines en forçant les traits, pour le plus grand plaisir de Jonah. Ce soir Emerson était le papa drôle, le gentil parent, tandis qu’Alba tentait tant bien que mal de discipliner un peu ses deux hommes en recadrant les choses, le dessert oui, mais le plat de résistance avant. Toujours plus, le petit garçon un peu trop surexcité, en grande partie à cause de son père, réclamait une assiette aussi grosse que la sienne. Si tu manges toute ton assiette tu auras peut-être droit à une plus grosse part de gâteau. A choisir moi je me dépêcherais de tout finir… Enfin, ce n’est que mon avis, tu fais comme tu veux. Jon regarda Léo les yeux ronds avant de piquer une grosse fourchette dans sa part, sous le sourire de son père. L’enfant était parti pour manger, l’avantage qu’il grandisse c’était qu’ils n’avaient plus à surveiller ses moindres faits et gestes, Léo se souvenant encore des premiers repas où il mangeait tout seul, il en mettait plein sa chaise haute, plein ses vêtements, il en avait jusque dans les cheveux et, s’il ne surveillait pas, lui-même terminait avec un peu de carotte sur le visage, clairement une époque que le photographe ne regrettait pas ! A présent les deux parents pouvaient discuter un peu plus tranquillement, ils pouvaient avoir des repas plus calmes tous autour de la table. Et même si c’était bien plus agréable, quelque part ça faisait peur à Léo, de parler avec son ex. Ça va ! Il allait toujours bien, du moins c’était ce qu’il disait, sa réponse automatique en toute circonstance, parce qu’il n’aimait pas s’étendre sur sa vie. Néanmoins il s’agissait de Jensens, elle le connaissait bien et il savait que ça ne lui suffirait pas. J’ai pas mal de projets professionnels en cours ou à venir. Dont un contrat avec une amie décoratrice d’intérieur pour qui je fais régulièrement des photos à la fin de ses projets. Si tout va bien je devrais partir à Taïwan une ou deux semaines avec National Géographique d’ici quelques mois, le temps de peaufiner l’itinéraire. Enfin tu vois, je n’arrête jamais. Il sourit doucement en attrapant son verre qu’il porta à ses lèvres. Non, bien évidemment, il n’allait pas lui parler de sa vie sentimentale qui paraissait enfin parfaite, parce que ça ne la regardait pas, parce qu’il n’était pas du genre à s’étaler dessus de toute façon et qu’en plus c’aurait été tellement étrange de parler de Blanche à son ex, il voulait s’éviter les situations dérangeantes comme ils avaient vécu à la soirée mister et miss Bowen la dernière fois.

Elle aurait aimé Alba ne pas ressentir ce petit pincement au cœur quand Léo était proche d’elle. Ils avaient essayé de construire cette famille et ça n’avait pas marché. Elle avait essayé de s’éloigner et ça n’avait pas marcher, forçant Jonah à passer moins de temps avec son père et être en perpétuel manque. Alors ils allaient essayer de vivre dans la même ville, sans être ensemble. La photographe se disait qu’avec le temps la douleur s’apaiserait et que d’ici quelques années elle ne regardera Léo qu’avec un amère sentiment d’échec. Parce que pour Alba, c’était un échec. Il ne trouverait pas mieux. Ils avaient la même vision de la vie, ils avaient des passions communes, ils avaient cette douceur communicatives et cet amour pour le petit garçon. Plein de points qui auraient pu conduire à une vie merveilleuse. Mais ce n’était pas le cas, Léo, Alba ou la vie en avait décidé autrement. La complicité avait disparu il y a bien longtemps, les regards intenses et passionnés dans cette chambre à Bangkok n’étaient qu’un lointain souvenir. Maintenant, ils devaient jongler entre les amertumes, les remords et les situations embarrassantes. Ils devaient retrouver un nouveau rythme où Léo pouvait vivre son idylle avec Blanche et où Alba devait apprendre à faire taire ses sentiments. Heureusement que Jonah était là, ce petit ange qui pour le coup les mettait d’accord. Ils avaient confiance l’un envers l’autre le concernant. Il apaisait toutes les situations notamment en expliquant à son père qu’il avait aidé à faire un gâteau au chocolat. La lueur malicieuse dans le regard de Léo à ce moment-là lui rappelait tellement Jonah. Le petit garçon était le portrait de son père, il avait pourtant hérité de quelques traits de caractère de sa mère. Les rires de Jonah remplissait le cœur d’Alba et la maman devait être celle qui calmerait ses deux hommes. Jonah était trop excité ce soir. Excité de la présence de son papa, heureux du gâteau au chocolat, épanoui d’avoir ses deux parents rien qu’à lui. Alors il essayait de contourner les règles de la maison pour la soirée. En entendant la remarque de Léo, elle ouvrit grands les yeux. Mais c’était trop tard, son fils venait de prendre un trop grosse fourchette pour sa petite bouche. La photographe ricanait mais se permettait un regard sévère à Léo, surtout pour rire. Si Jonah se plaignait durant la nuit de douleurs au ventre, elle n’allait pas se gêner pour envoyer un sms à Léo pour râler. Concentré sur ses bouchées et son assiette, Jonah se désintéressa quelques instants de la conversation de ses parents. Alors Alba se lançait, se contentait des banalités alors qu’auparavant ils pouvaient parler des heures sans aucun problème. Elle l’écoutait. Ça va. Elle releva un sourcil. Si Léo se contentait d’un ça va, la soirée allait être longue, trop longue. Mais le photographe continuait et Alba attendait le moment où il parlerait de Blanche ou de sa vie dans laquelle elle ne faisait plus partie. Mais pas de Blanche. Il parlait juste de son travail et de ses projets. Un peu jalouse, Alba regrettait le temps où elle pouvait voyager comme bon lui semblait. Cinq ans maintenant qu’elle ne s’était plus offert un voyage spontanée. La dernière fois qu’elle n’avait voyagé que pour elle, le périple s’était arrêté en plein milieu en raison de sa grossesse. « J’aimerais tellement repartir pour des reportages. » Murmura-t-elle plus pour elle, les yeux dans le vide. Son regard se fixa une nouvelle fois dans les yeux d’Emerson. « Ils sont chouettes tes projets. Je suis contente que ça marche toujours autant. » Elle lui souriait timidement avant de reprendre une gorgée de vin et une fourchette du gratin.

Léo connaissait, oh combien, l’amour qu’Alba portait à la photo et aux voyages en général. Tout simplement parce qu’ils étaient pareil sur ce point là, deux passionnés, deux amoureux de leur job, qu’ils ne voyaient pas comme un vrai métier finalement, ils étaient privilégiés, chanceux de pouvoir découvrir les plus beaux endroits de la planète sous le prétexte d’un emploi. Ce n’était pas facile tous les jours, Léo avait choisi de travailler avec des magasines qui l’envoyaient régulièrement dans des zones à risques, au plus près des populations pour rapporter le vrai, l’enfer de la guerre, les conflits sociaux, économique, la folie des grandeurs qui côtoyait bien trop souvent l’extrême pauvreté. Il n’avait pas vu que du beau, parfois il s’était senti en insécurité, parfois il avait frôlé le danger, mais c’était ce qui le passionnait, sortir de sa tour d’ivoire pour comprendre comment fonctionnait ce monde. Et même s’il était pourri, gangrené depuis bien trop longtemps, lorsqu’il voyait le sourire d’un gamin, la gentillesse des habitants qui n’avaient rien et qui donneraient tout, il retrouvait foi en l’humain et en sortait grandit. Il savait qu’Alba vibrait de la même passion et qu’elle se privait pour son fils, depuis qu’elle avait appris sa grossesse. C’était peut-être égoïste de sa part, à Léo, de continuer à vivre quasiment comme avant, de profiter que Jonah soit chez sa mère pour s’envoler ailleurs, mais il en avait besoin, il en avait toujours eu besoin, de quitter Bowen, de s’éloigner des siens, pour mieux les retrouver, de voir autre chose que cette ville qu’il connaissait par cœur, pour l’aimer davantage. Il espérait que quand Jonah serait plus grand il puisse l’emmener avec lui, il voulait qu’il voie le monde, il voulait qu’il ait la même curiosité que lui et cet amour du voyage. Il avait hâte de l’emmener à Paris et dans le sud de la France pour rencontrer sa famille. Les yeux un peu ailleurs, fuyant son regard à lui, Alba rêvait de repartir et Léo se sentit un peu coupable. Qu’est ce qui t’en empêche ? Je pourrais m’occuper de Jon ! N’est-ce pas bonhomme ?! Quelques semaines juste toi et moi, entre hommes ! Jonah releva la tête de son assiette en grimaça. Mais, maman, tu veux partir où ? On sentait dans la complainte de l’enfant qu’une longue séparation ne serait pas si simple. Léo détourna le regard, il savait bien que les petits garçons étaient toujours très attachés à leurs mamans, mais dans leur cas c’était bien plus que ça, mère et fils étaient fusionnels, il le voyait bien quand il prenait Jon chez lui, certes tout se passait bien, certes son fils l’aimait, mais il y avait toujours ces moments où sa mère lui manquait. Ils avaient passé les quatre premières années de sa vie quasiment tous les deux tout le temps, Léo n’avait pas la même place dans sa vie. Ils tentèrent de reprendre un semblant de conversation. Merci, j’ai beaucoup de chance oui. Mais Jonah, contrarié, commençait à jouer avec sa nourriture, il réclamait de l’attention alors ses parents reprirent leur rôle et le repas continua dans la bonne humeur, rythmée par les histoires du petit garçon. Arriva l’heure de le coucher, après le rituel du soir avec sa mère, Jonah demanda son père et Emerson lui lut une histoire sous l’œil discret mais présent et attendrit d’Alba. Il referma le livre et embrassa son fils. Allez mon grand, passe une bonne nuit, on se revoit bientôt, on ira regarder les étoiles, promis. Les paupières de l’enfant se faisaient déjà lourdes et Léo quitta la chambre sur la pointe des pieds. Il rejoignit Jensen dans le couloir et lui sourit. J’suis pas fier de tout notre parcours mais lui c’est sûrement notre plus belle réussite. Ils retournèrent dans la pièce de vie, leurs verres étaient vides mais une deuxième bouteille de vin avait à peine été entamée et il n’était pas certain d’avoir envie de rentrer tout de suite, il se sentait bien ici, avec eux, dans la chaleur d’un foyer qui respirait le bonheur. Tu veux que je t’aide à faire la vaisselle ? Un prétexte comme un autre pour gagner du temps.

Ils s’étaient rencontrés en voyage, ils s’étaient aimés à Bangkok. Ils avait été connectés pendant ces quelques mois apprenant chacun des techniques à l’autre. Parfois, elle utilisait ce que Léo lui avait appris dans ses photos. Et parfois lui utilisait la petit touche Jensen dans les siennes. Ils avaient partagé leur passion. Et Alba avait cette amère sensation que leur relation n’avait été qu’éphémère. Elle avait la sensation qu’elle lui avait trop donné sans forcément un retour. Il n’y avait pas eu de longue déclaration, juste des caresses et des gestes doux. Elle l’avait aimé Léo, de tout son cœur. Pour elle si leur relation n’avait pas fonctionné c’était parce que l’amour n’était que dans un sens. Léo ne l’avait jamais aimé comme elle. Puis il l’avait laissé seule dans cette chambre comme les autres. Il l’avait laissé gérer cette grossesse seule, et même si elle évitait à présent de lui balancer sa rancœur, il y avait toujours ce petit pincement. Quand ils se disputaient, elle lui avait balancé des mots durs. Au final, leur relation avait été déséquilibrée, les reproches toujours plus importants que la reconnaissance de cette rencontre. Elle le jalousait un peu qu’il ait encore la possibilité de voyager, qu’il puisse continuer ce qu’il aimait faire. Elle aussi voulait voyager, retourner sur le terrain, redécouvrir ce monde qui avait dû changer. Pourtant, elle aimait son fils de tout son cœur et quand elle avait appris sa grossesse, il n’y avait pas d’autres choix que celui de le garder et de l’aimer. Mais elle ne voulait pas de cette vie pour son fils, elle aurait aimé être encore avec Léo pour que son petit garçon vive dans un foyer rempli d’amour. Cela n’avait pas été le cas. Mais ils essayaient de leur côté d’apporter à Jonah un cocon d’amour et cela commençait par une entente entre les deux parents. Léo se proposait de garder Jonah pour qu’Alba puisse regoûter aux plaisirs du voyage. Sauf que Jonah lui n’appréciait pas ce potentiel éloignement avec sa mère. Elle regardait Léo haussant les épaules, un peu déçue mais résignée à cette absence de voyage pour encore quelques années. « Nul part Chaton, je ne pars pas. » Répondit-elle en lui caressant doucement sa joue. Satisfait de cette réponse il continuait à manger. Alba elle ne pouvait pas laisser son fils, effrayée qu’un jour il ressente un sentiment d’abandon. Ils allaient continué à parler des projets de Léo, mais Jon voulait de l’attention. Il l’aurait jusqu’au coucher. Après l’avoir bercé, embrassé et souhaité une bonne nuit, Alba laissait Emerson lire l’histoire du soir à son fils. Une image qui fit sourire la maman, touchée de cette complicité entre le père et le fils. Le petit blond commençait déjà à s’endormir et Alba attendait Léo dans le couloir, après qu’il ait à son tour souhaité une bonne nuit à son fils. Elle répondait à son sourire. « Oui ! On a réussi à faire quelque chose de merveilleux. » Parce qu’il l’était merveilleux Jonah. Mais maintenant qu’il dormait, il n’était plus là pour faire tampon entre les deux adultes. Il n’était plus là pour apaiser les tensions. Ils se trouvaient rarement seuls, parce que la plupart du temps cela finissait par des reproches. Alors Alba stressait un peu. Les choses s’arrangeaient entre eux, mais il y avait toujours Jonah présent dans leur retrouvaille. L’amour qu’il portait pour l’enfant était plus fort que les disputes, mais quand il n’était pas là, rien n’allait. Ils redescendirent. La table n’était pas débarrassée, la vaisselle à faire et une bouteille de vin à peine entamée trônait sur la table. « Oh non t’inquiète pas, je ne veux pas te déranger. » Elle s’approchait de la table commençant à empiler les trois assiettes. « Tu veux un nouveau verre ? » Demanda-t-elle ne sachant pas vraiment qu’elle réponse elle espérait de son ex.