breathe - Léo + Charlie

@Léo Emerson

Ces 21 heures de vol furent épouvantables. Déchirée par mes pensées, je n'avais pas réussi à dormir plus d'une heure consécutive. Plus le temps s'écoulait, plus la mort de ma mère devenait de plus en plus réel. Ce ne fut que lorsque nous, moi et mon frère, avons découvert son visage figé et violacé que je compris. Elle était partie, pour toujours. Toutes les larmes dont je m'étais retenu de verser jusqu'alors, coulèrent pendant un long moment. Silencieusement je méditais. Malgré que notre relation n'ait jamais eut de chaleur maternelle, je lui assurais qu'elle allait me manquer et que toutes nos mésententes s'étaient envolées.

En dehors de mon deuil, il était encore là, dans mon cœur meutri. Liam. Avoir mis un terme à notre relation a été une décision désespérée à mon état d'âme désespéré. Rien n'allait. Je manquais d'air, tout le temps. Chaque seconde qui passait était insoutenable. J'étais devenue une coquille vide. D'apparence, j'entreprenais l'organisation funéraire en gardant la tête sur les épaules. Au fond de moi, je me sentais faible et sans force. Je réconfortais Devon du mieux que je pouvais. Heureusement nous étions une grande famille et je n'étais pas la seule à ses cotés. Cela ne faisait que deux jours que nous étions arrivés et nous avons déjà reçu la visite d'innombrables cousines, cousins, tantes, oncles, grand-oncle. Quand je quittais l'appartement cet après-midi, c'était pour moi-même retrouver un ami. Léo. Nous avions rendez-vous à Montmartre, devant un café que nous fréquentions souvent il y a bien des années. Sous mon manteau prune, je portais une robe bleue nuit, refusant encore de vêtir le noir du deuil. Il faisait froid plus que jamais. Merci d'être là, Léo. Ça me touche beaucoup. murmurais-je avec un léger sourire, immobile et pétrifiée sur le sol. C'était dur d'affronter un tel regard, je ressentais qu'il compatissait avec sincérité.

Il était de ces amitiés qui perduraient à travers les années et le temps qui passait, que même les périodes de silence ne détruisaient pas. Celle de Léo et de Charlie était de celles-là. Ils se connaissaient depuis l'enfance grâce à leurs parents qui furent amis à une époque, ils avaient gardé ce lien, parce que Léo était copain avec Devon mais avec Charlie il y avait ce truc en plus, parfois ils se parlaient, comme si ça leur faisait du bien, comme s'ils se comprenaient, c'était bien connu, Léo était un bien meilleur ami avec les filles qu'avec les garçons, même plus jeune. Et bien qu'ils se soient perdus de vue durant quelques temps, depuis le retour des frère et sœur à Bowen, ils avaient retrouvé cette complicité, au fil des rencontres, souvent fortuites. Alors quand Emerson avait appris le décès de madame Keynes ce fut tout naturellement qu'il avait apporté son soutient aux enfants. Et un mot en entrainant un autre, voilà qu'il s'était envolé pour Paris avec eux. Evidemment pour les épauler durant cette épreuve, aussi par amitié pour la famille Keynes, mais également, plus égoïstement, parce que c'était une bonne excuse pour souffler, prendre l'air. Voilà des mois qu'il n'avait pas quitté sa ville et pour cet homme qui adorait le voyage et qui avait toujours la bougeotte, il était difficile de rester trop longtemps chez lui. Puis il fallait dire qu'entre sa relation houleuse avec Blanche ces derniers mois, le retour d'Alba et Jonah à Bowen, enfin surtout d'Alba... il avait besoin de prendre l'air, de se retrouver seul quelques jours. Il avait envie de redécouvrir l'atmosphère parisienne, les rues chargées d'histoire, les terrasses de cafés, la Tour Eiffel et puis Montmartre, évidemment. C'était d'ailleurs là-bas qu'il avait réservé un petit hôtel avec une jolie vue sur la ville lumière, refusant l'invitation de Charlie à séjourner dans sa famille, les Keynes avaient bien autre chose à faire que de s'occuper de cet invité surprise. Il était convenu qu'il viendrait aux obsèques et avant ça, qu'ils se retrouveraient quand la jeune femme en aurait besoin, pour une balade, un café ou simplement pour qu'elle respire auprès de quelqu'un que ce deuil ne touchait pas autant qu'elle. En cette fin de journée où les couleurs d'automne se confondaient avec le froid d'hivers qui arrivait, Léo attendait Charlie dans son long manteau de laine tout neuf, celui qu'il avait acheté parce qu'il s'était laisser surprendre par la fraîcheur française. Lui qui ne portait quasiment jamais de manteau, on voyait qu'il n'était pas très à l'aise, engoncé dans toutes ces épaisseurs. Il se tenait là, devant ce café qui les avait déjà accueilli plusieurs fois par le passé et l'observait arriver avec un mince sourire au coin des lèvres. Il l'aurait bien serré dans ses bras pour prendre un peu de cette peine qui semblait peser si lourd sur ses épaules, mais la pudeur voulu qu'il ne fasse rien. Il hocha la tête. Merci de m'avoir laissé vous accompagner. Léo attrapa Charlie par l'épaule. On va se mettre au chaud autour d'un café crème ? Tu as l'air congelée.

Ce froid, tranchant, sur mes joues, mes mains, mon âme. Si Léo ne me l'aurait pas fait remarqué, je n'aurais pas pris la peine de regarder mon visage frigorifié dans le reflet de la baie vitrée. J'avais les yeux enflés non pas seulement par les pleurs mais aussi par l'accumulation de la fatigue. Pendant qu'il accaparait mon épaule, nous rentrions dans le café où la chaleur me parut soudainement trop lourde. Je n'avais plus l'habitude du froid parisien. Toi aussi tu as acheté un manteau? lui demandais-je avec un demi-sourire, en constatant son manteau impeccable. Moi-même je fus surprise d'avoir oublier à quel point les températures australiennes étaient confortables. Tu es élégant. complimentais-je en toute amitié, avant que nous nous installions à une table. Je vais prendre un Monaco. Et toi? Tu me suis? Je sais que le temps devrait faire pencher mon choix sur un chocolat chaud, cependant je n'avais plus envie de prendre de décision rationnelle.

Le jour où il perdrait sa mère, Léo serait probablement dévasté. Charlotte était une femme aimante même si elle ne savait pas tellement comment s’y pendre, elle vivait dans l’ombre de son époux et ça la desservait totalement mais elle restait tout de même sa mère, celle qui apaisait ses peines, qui le prenait dans ses bras quand il était petit, celle avec cette indéfinissable odeur de rose qui se dégageait de son cou et qui l’apaisait. Elle était celle qui lui avait dit vas-y lorsque Léo avait voulu tout plaquer, quitter ses études et le chemin tout tracé par son père pour partir faire de la photo à l’autre bout du monde, elle avait cru en lui là où Peter l’avait rabaissé. Alors le jour où elle partirait, il serait sûrement heureux d’être épaulé pour affronter ce deuil. Charlie avait l’air si vulnérable dans son grand manteau de deuil et ça le peinait beaucoup, pourtant il savait que ça faisait partie du cheminement, il en était déjà passé par là une fois. Ils entrèrent dans le café et furent accueilli par la douce chaleur à l’intérieur, il ne faisait décidément pas un temps à rester en terrasse. Oui, je me fais toujours avoir lorsque je viens à cette époque. A Bowen il fait 30° actuellement ! Ça en fera un de plus que j’offrirai à un cousin en repartant. Il n’en aurait clairement pas besoin en Australie et il avait horreur de voyagé avec de lourds bagages. Merci, tu es très belle aussi, même si tu aurais besoin de sommeil. Il savait à qui il pouvait dire ça. Ce n’était pas un reproche, il savait qu’elle passait par une phase compliquée et c’était souvent la nuit le plus compliqué, mais c’était sa façon à lui de lui signifier qu’il s’inquiétait pour elle. Son choix de boisson le surpris, il ouvrit de grands yeux une seconde. J’aurais plus pensé à… il n’ajouta rien, à quoi bon, un demi sourire se dessina sur ses lèvres alors qu’on arriva pour prendre la commande. Une pinte s’il vous plait. Puis lorsque le serveur s’éclipsa. Je ne vais pas te laisser boire toute seule.

Nous évoquions la pluie et le beau temps, pour apaiser cette lourde, bien trop lourde atmosphère. Jusqu'à ce que Léo constata que j'avais besoin de sommeil. Je déglutis avec difficulté. Il s'inquiétait. Je sais répondis-je sur un ton d'excuse. Le décalage horaire. prétendis-je ensuite, bien qu'il y avait une part de vérité. Parce que je croulais de fatigue surtout par douleur. Je mettais des heures incalculables pour m'endormir seulement pour quelques heures de sommeil. Même si j'appréhendais ce moment, j'osais espérer que l'enterrement m'aidera à faire le deuil. J'étais encore dans un tourbillon entre voir la famille, organiser les obsèques et me remémorer le visage atrocement pâle de ma mère.

Paris et ses rues bondées ne m'avaient jamais semblé aussi vides. La chaleur du café ne me suffisait pas. Au grand étonnement de Léo, je commandais un Monaco. Un mélange de bière et de grenadine, une boisson que j'affectionnais pendant ma période d'adolescente. Léo ne s'y attendait visiblement pas. À un verre de vodka? J'arborais un demi-sourire. Ma plaisanterie sonnait faux, forcé, mais c'était mieux ça que de rester figée dans ma tristesse. Je fus reconnaissante qu'il ne me laisse pas boire seule. Alba m'a envoyé un message tout à l'heure. Elle te passe le bonjour. lui fis-je savoir. La dernière fois que l'on s'est tous malencontreusement rencontrés, ce fut lors de l'événement miss/mister bowen. Depuis nous n'avions pas eut l'occasion de trop en reparler. Elle est adorable cette fille. J'attendais encore pour lui demander pourquoi leur relation s'était terminée. Il ne le savait peut-être pas, mais elle était encore profondément attachée à lui.

Charlie évoquait le décalage horaire, il y avait sûrement de ça, oui et d’autres choses plus lourdes. Mais elle n’avait pas besoin de le dire pour que Léo le sache et il n’avait pas besoin d’insister pour qu’elle comprenne qu’il savait. Le deuil c’était un passage obligé et chacun le vivait comme il pouvait, rien ne servait de le rendre plus difficile. C’est pour ça qu’il était là, dans l’ombre, solide pour la soutenir, discret pour la laisser respirer. Lorsque Charlie n’avait pas besoin de lui, Léo profitait de Paris, il retournait flâner dans les quartiers qu’il affectionnait, il faisait le touriste dans les musées ou aux abords des grands monuments, il faisait même les boutiques, puisqu’il avait le temps. Un voyage sans aucune obligation, c’était presque un luxe qu’il s’était offert. Il avait prévu de visiter quelques personnes de sa famille, mais il ne comptait pas faire la tournée des oncles et tantes, il n’était pas là pour ça, il n’en avait pas envie. Et puis, de l’enterrement il serait là, auprès des enfants Keynes pour le dernier au revoir, il saluerait à sa façon la mémoire de celle qui l’avait vu grandir de loin, qui l’avait quelques fois accueilli chez elle. C’est ça oui… un verre de vodka. Il rit jaune, tout ça sonnait faux et en vérité il n’aimait pas voir Charlie de cette façon. Il haussa un sourcil surpris alors que la jeune femme lui passait le bonjour de la part de son ex. Il avait encore du mal avec le fait qu’elles étaient amies. Pourtant elles étaient probablement les deux femmes les plus gentilles au monde, elles étaient donc faites pour s’entendre. C’est gentil de sa part. Oui, ça l’était, bien qu’il ne soit pas forcément à l’aise, il se demandait surtout ce que les deux amies pouvaient bien dire de lui quand elles étaient seules. Petit compliment, l’air de rien, Léo la regarda de travers alors que leurs bières arrivaient. Il avala une gorgée en fixant un point invisible un peu plus loin pour éviter de montrer que ça l’agaçait un tantinet. Tu tournes autour du pot Keynes…

Durant ces derniers jours, je me sentais épuisée physiquement et mentalement. Je me devais d'évacuer toutes mes émotions le soir pour prendre les décisions la tête sur les épaules. Toutes les démarches administratives me gonflaient. D'ailleurs je ne me doutais pas qu'il y en avait autant à faire quand une personne décède. Choisir quel cimetière, quelle église, quelle pierre tombale, quel habits elle porterait, et j'en passe. Alors me retrouver seule avec Léo me donnait l'occasion de lâcher prise, loin de toute cette pression. Cette fois, je n'écoutais que mon envie. Et là, j'avais juste envie d'un verre de Monaco. Ignorant le rire jaune de Léo, je lui transmettais les dires du message d'Alba. Elle connaissait que trop bien Léo car ensemble ils eurent leur fils Jonah. La situation pouvait être inconfortable, parce que d'une part ils n'étaient plus ensemble, d'autre part parce qu'avec Alba nous étions devenues amies. Sans oublier que Léo et moi, avions eu une amourette de vacances. C'était il y a longtemps et plus que jamais, je me disais qu'il y avait prescription. À vrai dire j'étais plus que soulagée, que, lorsque nous nous étions retrouvés tous les trois malencontreusement, Léo n'ait pas voulu raconter la véritable nature de notre lien. Je me demandais juste pourquoi ça s'est terminé entre vous deux affirmais-je innocemment alors que notre commande arriva. Je le dévisageais un moment pour comprendre sa réaction. Si tu t'inquiètes, je ne compte pas lui dire. assurais-je en toute sincérité. Inévitablement je repensais à quel point cela m'avait détruite d'apprendre que Liam ait couché avec elle. Donc non, vraiment je ne comptais rien lui dire. Toi et moi, on est juste amis. Sur ces véridiques paroles je bus ma première gorgée. Le goût de la grenadine adoucissait l'amertume de la bière et c'était bien bon.

Dire que parler d’Alba le mettait mal à l’aise c’était peu minimiser les choses. Léo était bien plus fort pour faire parler et écouter les autres plutôt que pour se raconter lui-même. Mais en même temps elle trichait, Charlie, elle était en deuil, elle passait des journées difficiles à s’occuper des funérailles de sa mère alors lorsqu’elle sortait de tout ça elle n’avait sûrement pas envie de parler d’elle et sûrement qu’un peu de ragot de comptoir lui ferait du bien. Alors Emerson se voyait mal le lui refuser. Sa question le laissa songeur, le ramenant des années plus tôt, dans la chaleur moite de Bangkok, où ils avaient dansé, rit, fait l’amour, où ils s’étaient faits tellement de bien et où lui, comme toujours, avait fini par faire tellement de mal. Il afficha un demi sourire pour cacher son malaise, Charlie prit ça pour de la méfiance et elle avait peut-être raison, peut-être qu’il se méfiait de trop en dire, de ce qu’elle pourrait répéter à son amie. C’est pour ta culture personnelle alors ?! Il marqua un temps, regard dans le vide, l’air presque mystérieux, avalant une gorgée de sa bière, décidément un grand café crème c’aurait été plus apprécié par ce froid ! Je ne sais pas si ça a vraiment commencé un jour, pour être honnête. On s’est rencontré dans les mauvaises conditions, je venais d’enterrer ma copine et j’avais juste besoin de me mettre la tête à l’envers loin de Bowen. J’avais pas prévu de la rencontrer et quand j’ai compris qu’elle tombait amoureuse. Et moi aussi. J’ai flippé, j’suis parti. Il haussa les épaules, un peu navré, parfois quand il pensait à Alba, au gâchis de cette histoire, il se disait que s’il l’avait rencontré à un autre moment ça aurait pu être beau, heureusement que Jonah faisait ressortir le meilleur. Il sourit en penchant la tête de côté. Juste amis, oui, ne cherche pas à me séduire, Charlie, tu es trop bien pour moi et je ne profite pas des filles en deuil. Petite blague. Elle sait, pour nous ? C’était anecdotique, leur pseudo amourette, il en riait aujourd’hui, mais il se demandait comment Jensen pourrait réagir. Et puis vous aussi vous êtes amies, alors si vous êtes du genre pipelettes il faut que je fasse attention à ce que je te confie. Il ne le pensait pas vraiment, de toute façon il n’avait jamais trop caché les choses à Alba, mis à part peut-être le fait qu’il avait eu des sentiments pour elle, mais on ne refaisait pas l’histoire, c’était du passé.

Le dévisageant  du regard, je m’interrogeais des raisons pour lesquelles Léo semblait si gêné. Je ne comprenais pas pourquoi tant de mystère. Alba était-elle un sujet tabou à ses yeux ? Il m’expliqua alors les faits et je me mis à éprouver une certaine empathie. Je savais ce que c’était, moi-même ayant quitté Owen du jour au lendemain par peur de ce trop plein d’amour que je lui portais. Je suis désolée dis-je en toute sincérité. Je comprends rajoutais-je, le regard fuyant. Le contexte était bien différent, l’enjeu aussi, mais je ne pouvais pas lui jeter la pierre. Dans la vie on fait tous des erreurs. Tous. D’ailleurs peut-être que c’était une erreur de ne pas avouer à Alba que moi et Léo avions été une amourette de jeunesse. Un sourire se dessina sur mon visage à sa taquinerie. T’es bête ! Je bus une nouvelle gorgée de mon Monaco. Non elle ne sait pas finis-je par avouer, visiblement mal à l'aise. Je pense que c’est mieux comme ça. Je ne veux pas la blesser. On est tous les deux d'accord pour dire que ce n'était pas important. Désormais Léo avait quelqu'un, et moi j'aimais Liam. L’ambiguïté n'avait pas sa place entre nous. Et puis surtout cette histoire remontait à si longtemps! Te sens pas menacé, Léo. Tu es aussi mon ami Je ne me doutais pas encore que la situation pouvait se révéler être inconfortable quand on est ami avec deux exs.

L'idée de départ ce n'était pas de parler de la vie amoureuse de Léo, on pourrait en faire un roman... mais de prendre un peu de la peine de Charlie pour qu'elle sente ses épaules un peu moins lourdes. Et en même temps c'était peut-être sa façon à elle de se changer les idées, de papoter autour d'une bière de la vie sentimentale désastreuse de son ami. Alors, dans ces conditions, comment Léo pouvait-il le lui refuser ? Il comprenait aussi qu'elle soit curieuse, elle était son amie, elle était aussi celle d'Alba, elle voulait comprendre un peu, même si ça ne la regardait pas. Au début il joua celui qui s'en foutait un peu mais en creusant un peu Charlie comprit vite que ce n'était pas qu'une histoire de draps froissés et qu'il avait morflé lui aussi, même si c'était lui qui avait fait le plus de mal. Tu comprends ? J'sais pas si c'est très positif... vaudrait mieux ne pas comprendre. C'est mieux de vivre de belles histoires plutôt que celles qui te détruisent. Il grimaça en avalant une gorgée qui passa amèrement. Voilà qu'il allait lui aussi avoir le moral en berne s'ils continuaient ainsi. Alors il tenta d'apporter une note plus légère et Keynes en rigola, c'était mieux, de la faire rire, que de la pousser à reprendre une seconde tournée. Pas important, merci pour le compliment ! Léo l'orgueilleux ... mais elle avait raison, Charlie, ce n'était rien qu'un coup de cœur de vacances leur amourette. Et s'ils ne s'étaient pas connus d'avant ils ne se seraient probablement jamais reparlé, ils se seraient oublié, comme on oublie ces histoires de bord de mer au goût salé. Tu l'as connue comment, Alba ? C'est boen qu'elle ait une amie comme toi. Il faisait attention à son ex, sûrement un peu trop, il voulait qu'elle soit heureuse, qu'elle se sente bien à Bowen.

Elle n'en était pas fière de le comprendre trop bien Léo. Mais si Charlie souhaitait compatir, c'était surtout pour qu'il déculpabilise. Son deuil la rendait plus fragile mais elle ressentait l'envie particulière de s'ouvrir davantage à Léo Je comprend qu'on peut tous faire des erreurs. Quand j'ai débarqué à Bowen chez mon frère... J'ai quitté mon ex petit ami du jour au lendemain. Juste parce que j'avais peur des sentiments que j'éprouvais. avoua t-elle tristement. Elle fuya volontairement son regard et fit tournoyer son verre avec nervosité. Peut-être avait-il l'image d'une Charlie bien sage et tourmentée par les hommes. Alors que la réalité, c'était souvent elle la fautive. Elle avait souhaité se lancer dans une relation libre avec Liam, tout en sachant pertinemment que cela lui fera souffrir. Charlie se sentait toujours responsable de ses échecs. Tu vois, je ne suis pas irréprochable non plus. Mais le plus important c'est d'apprendre de ses erreurs, pas vrai? tenta t-elle de relativiser. Après ces quelques paroles un peu plus sages, Léo parvint à la faire sourire. Un vrai. Fais pas le fier! On était jeune. La nostalgie s'empara d'elle. Elle se souvient d'une Charlie insouciante et intrépide, qui jubilait de se cacher aux yeux de son frère dans les bras de Léo. D'ailleurs elle ne voulait pas que leur très courte aventure fuite auprès d'Alba. C'était un étrange hasard qu'elles de connaissent mais Bowen est une petite ville. On suit les mêmes cours de danse. On s'est tout de suite très bien entendu. Elle est très attachante, comme fille. Ce n'était pas peu dire. Charlie avait immédiatement accroché à ce bout de femme.

Ils étaient bien tous pareil, hommes, femmes, à chercher l'amour et à le fuir quand ils le trouvaient. Ca aurait pu rassurer Léo, lui faire comprendre qu'il était peut-être normal, simplement humain. Mais ça l'affligeait plus qu'autre chose. Quand apprendrait-on de ses erreurs, ou même de celles des autres ? Les livres, les films, l'Histoire regorgeaient d'exemples et pourtant on s'y vautrait toujours, à travers les siècles, comme si le bonheur faisait peur. Certes, Léo n'aurait pas forcément cru Charlie comme ça, mais ça ne l'étonnait pas, plus rien ne l'étonnait à présent. Encore faudrait-il qu'on apprenne vraiment. Qu'il répondit, un peu cynique, au moins désabusé. Mais loin de se laisser abattre, ça ne lui ressemblait pas, Léo changea de sujet, pris un ton plus léger, parce que c'était bien beau d'oublier le deuil le temps d'un tête à tête, mais ce n'était pas non plus pour déprimer sur un autre sujet. Oui, il prenait la mouche, il avait son amour propre, le garçon, mais il sourit vite à son amie, il y avait prescription en effet, ils étaient jeunes. Il ne considérait d'ailleurs pas leur idylle comme une erreur de jeunesse, plutôt comme un souvenir agréable de ces séjours en France chez les Keynes, cette insouciance qui lui manquait. C'est vrai que t'étais jeune, t'avais même pas de seins à l'époque. Affirma-t-il en lorgnant volontairement et exagérément dans son décolleté, bien qu'en plein hiver il n'ait pas grand chose à voir ! A la demande de Léo Charlie lui raconta ensuite sa rencontre avec Alba, apprenant par la même occasion qu'Alba prenait des cours de danse. Il se souvenait qu'elle dansait très bien, ils en avaient usé des pistes de danse en Thaïlande tous les deux, ce souvenir le fit sourire. Elle est attachante, oui. Léo ne pouvait pas dire le contraire, même encore aujourd'hui il n'arrivait pas à lui être indifférent. Sans parler de son intégration à Bowen qui avait semblé si simple, si naturelle. Elle savait se faire aimer et aimer les autres.

Charlie cherchait à rassurer Léo. Elle avait fait cette même erreur de fuir l'amour. Bien qu'elle clamait l'importance d'apprendre de ses erreurs, il avait raison Léo. Encore fallait-il vraiment apprendre de ses erreurs. Charlie resta un moment silencieuse, le regard tristement posé sur son verre. Tu prêches une convertie. avoua t-elle avant de terminer d'une traite son verre. Aussitôt elle chercha des yeux le serveur et désigna un deux avec ses doigts. Elle préféra la tournure de la conversation concernant leur amourette de jeunesse. Dans ce temps-là, cette Charlie était bien plus tête-brulée, plus insouciante, mais moins sûre d'elle avec les garçons. L'adolescente qu'elle était, pouvait être fière d'être avec le tombeur. Il a toujours été beau Léo. J'en ai toujours pas. rigola t-elle en touchant inutilement ses seins. Encore aujourd'hui elle ne comprenait pas ce qu'il l'avait trouvé, lui qui pouvait les avoir toutes à ses pieds. Et dire qu'à présent c'était Alba qui avait des sentiments pour lui. Charlie avait conscience que la situation pouvait se révéler inconfortable en étant amie avec deux ex. Cependant elle essayait toujours d'être impartiale. Même si elle connaissait Alba depuis moins longtemps que Léo, Charlie s'est déjà énormément attachée à elle.  Et avec la fille que tu vois, ça se passe bien? Je veux dire. C'est pas trop compliqué pour toi depuis qu'Alba est à Bowen? lui demanda t-elle à brûle-pourpoint. Jusqu'à présent elle connaissait les ressentis d'Alba mais pas ceux de Léo.

Léo il aimait les femmes naturelles, pas celles qui passaient des heures dans la salle de bain, celles qui se maquillaient légèrement mais qui avaient cette féminité et cette sensualité simple. Il les aimait belles, sans artifices, ça avait toujours été et plus il avançait dans l'âge plus ça se révélait vrai. Il les aimait blondes, mais parfois il avait regardé ailleurs, la preuve, Charlie ne l'était pas, blonde, mais elle était simple, nature, rigolote et charmeuse, à l'époque de leurs émois du moins. Elle était surtout la sœur de son pote et elle traînait en maillot deux pièces toute la journée devant lui, à cet âge là ça ne laissait aucun jeune homme indifférent. Alors c'était peut-être juste à cause de ça, mais aussi parce qu'elle était jolie, malgré ce qu'elle pensait, qu'il avait été attiré par elle. Elle semblait chercher sa poitrine et ça le fit sourire alors qu'il avalait la dernière gorgée de son verre avant qu'on ne lui en resserve un autre, Keynes avait une sacrée descente ce jour-là. Non, c'est vrai, une véritable planche à pain. Qu'il affirma sans ménagement. Mais entre eux ce genre de piques était normal, loin d'être méchant ou blessant. Ils parlaient d'Alba et inévitablement les relations amoureuses de Léo vinrent sur le tapi. Elle ne prenait pas de gants, Charlie, mais ça ne dérangeait pas le photographe plus que ça, parce que c'était elle et qu'ils avaient toujours bien discuté. Blanche, elle s'appelle Blanche, ma copine. D'ailleurs tu as dû en entendre parler, enfin je crois, c'est la meilleure amie de ta boss. Qui sait, ça aiderait peut-être Charlie à mettre un visage sur son prénom. Entre nous ça va, même plutôt bien, merci. Le retour d'Alba c'est autre chose, c'est ... compliqué. Mais elle devra s'y faire j'imagine. J'espère pas qu'elles deviennent amies, juste que Blanche arrête de croire que mon ex est une menace potentielle.

Elle grimaça. Léo pouvait bien se moquer de sa petite poitrine, Charlie n'était plus dans l'optique de le séduire. Il était bel et bien révolu ce temps où elle surjouait de ses plus belles tenues pour attirer son regard. Aujourd'hui et plus que jamais, Léo faisait partie des proches qu'elle considérait comme de la famille. Et comme elle était confiante et légèrement alcoolisée, elle ne semblait pas du tout embarrassée de lui poser des questions délicates. Alors que le serveur apporta deux autres verres, Charlie fut surprise d'apprendre que la petite amie de Léo, Blanche, était la meilleure amie de sa patronne Charlize. Ah non je ne savais pas. avoua t-elle franchement. Le monde était bien étrangement trop petit. Elle s'en rendait compte depuis qu'elle avait emménagé à Bowen. Et comme elle s'en doutait, Léo gérait difficilement l'arrivée d'Alba. Blanche la représentait comme une menace potentielle. Mais Charlie ne pouvait pas la blâmer si on avait joué avec sa confiance par le passé. Oui faut pas rêver. On n'est jamais fan des ex. C'est comme les belles-mères. lui fait t-elle remarquer les sourcils froncés. Tu peux pas lui en vouloir. Surtout qu'Alba est plutôt jolie, ça doit pas aider à l'apprécier rigola t-elle pour détendre un peu l'atmosphère. Elle avait envie de venter les mérites de son amie, mais surtout de le titiller un peu.