Turning Tables | Melvina [Terminé]

Tu te réveillais, haletante, en sueur, cherchant avec insistance l’interrupteur de ta lampe de chevet qui te libérerait de ce noir angoissant. Quelque part, tu as toujours eu peur du noir, peur de ne rien voir, de ne pas savoir où on va, l’inconnue t’angoisse, parfois. C’était encore un de ces fichus rêves, ou plutôt cauchemars, depuis quelques temps, leur intensité a doublé. Tout cela te paraît vraiment étrange, pourquoi maintenant ? Cela fais dix ans que tu es ici, à Bowen, lorsque tu vivais en Tunisie, tes nuits te semblaient bien plus confortable malgré que dehors une rébellion s’organisait. Mais ce n’est pas ta vie en Afrique qui te préoccupe tant, plutôt celle de tes parents, avant ta naissance, seul ta mère a réussi à s’en sortir. Les choix, une affaire de famille, jusqu’à maintenant ils n’ont pas été très bons, ton père meurt assassiné pour avoir fait parti des opposants au régime russe alors qu’il était un des journalistes les plus aimés du peuple et les plus connus, ta mère s’enfuit en Tunisie, son pays natal, qui n’est pas réputé pour son respect des droits de l’homme et sa liberté, et toi, tu viens t’installer en Australie, sans doute le meilleur choix jusqu’à maintenant ! Ta tête imagine mille et un scénarios sur la rencontre de tes parents, leur vie avant toi, tu ne sais pas grand chose, cette partie de l’histoire a toujours été un sujet sensible pour ta mère. Il ne te reste plus qu’elle, tu n’a jamais connu qu’elle de toute façon, c’est ta seule et unique famille. Jamais, le sujet n’a été abordé, tu avais peur de sa réaction, tu ne voulais pas la voir pleurer par ta faute. Pour toi, elle a toujours été une femme forte, sans faille, qui t’as toujours protégée et donnée tout ce dont tu avais besoin sans rien demander en retour, alors la voir vulnérable t’aurais été insupportable. Ton imagination se permettait les pires scénarios, sans savoir si l’un d’eux était vrai, tu le sauras sans doute jamais.

Chassant de ton esprit ces cauchemars infâme, tu tentais de te lever sans taper dans quelque chose, maladroite que tu es. De plus, avec tes réflexes embués par la nuit, ton attention était encore plus réduite. Le soleil ne s’était pas encore levé, preuve que la nuit avait été courte. Il était cinq heure et demi, tu avais dormi environ trois heures, félicitations ! Certes, tu étais encore fatiguée, mais tu préférais te lever, ne voulant pas revivre ces rêves douloureux. Maintenant, une question se posait à toi, comment arriver à tenir jusqu’à ce soir sans tomber de sommeil, il serait quand même terrible de t’endormir en cuisinant un quelconque plat. A présent, tes yeux doivent rester ouvert jusqu’à deux heures du matin, environ. Jamais tu ne pourras revenir chez toi sans t’endormir sur le volant, qu’importe, un de tes commis acceptera avec joie de te rendre service. A présent levée, la journée commence et ta routine quotidienne se met en place, tu fais un petit tour dans la salle de bain en te forçant à chanter hit the road jack de Ray Charles pour te motiver. La musique. Tu aimes bien ça, le matin, tu adores mettre la radio ou chanter, cela permet de te réveiller et de mettre de la bonne humeur dans ce monde qui n’en a pas vraiment. Jamais tu ne pourrais chanter en publique, complexée par tout ce qui te constitues, tu détestes ta voix et la dénigre à longueur de temps. Parfois, tu te demandes si quelqu’un t’as déjà entendu un jour chanté, si tel est le cas, tu le pleins ! Bien trop timide pour t’affirmer vraiment, tu préfères te lâcher chez toi où personne ne te vois, ni t’entends.

Dans la cuisine, tu te diriges vers le frigo, quelques post-it disposés aléatoirement sont là pour ta rappeler qu’aujourd’hui, tu as quelque chose d’autre de prévu que d’aller racheter des pommes ou tout autre truc du quotidien. Ta mère t’as en quelque sorte forcée à aller au mariage du fils d’une de ses amies. Tu ne pouvais pas lui refuser, c’est ta mère après tout et puis aller à un mariage, bien que ce soit d’une personne que tu ne connais pas, ce n’est pas la mort. Tu la soupçonnes de vouloir te caser avec un enfant d’une de ses amies, mais tu préfères laisser faire, n’étant absolument pas certaine de ses intentions. Et puis, ce n’est pas ta mère qui va te trouver l’homme qu’il te faut. Tu n’as pas besoin d’homme dans ta vie, ou plutôt, tu as du mal à concevoir qu’un homme veule d’une femme tel que toi, alors tu préfères te résigner dans cette petite vie de célibataire qui d’après toi te convient parfaitement. Certes, tu ne serais pas contre un peu d’affection et d’amour, mais trouver la personne qui t’en donnerait paraît pour toi parfaitement impossible.

Après quelques temps de réflexion tu optes pour une robe très simple, beige, que tu as trouvé un jour que tu faisais les soldes et que tu n’as jamais eu l’occasion de mettre. Tu t’attaches les cheveux en un chignon simple, le même que d’habitude, tu ne vas pas changer tes habitudes pour un simple mariage. Pas de maquillage, tu n’aimes pas ça, d’après toi, à quoi bon en mettre, puisque tu n’as rien à mettre en valeur. Tes amis, pour le peu que tu as, te répète à longueur de journées que tu es belle et que tu n’aurais aucune difficulté à trouver un copain si tu ne t’habillais pas comme un sac poubelle pour sortir, selon leur termes. Aujourd’hui, tu as quand même fait l’effort de mettre une robe, ce qui n’arrive pas tous les jours, soyons honnêtes ! Question chaussures, tu trouves une paire de ballerines, qui selon ton avis, irait bien avec la robe. Tu les enfiles et te voilà prête. Un peu en avance, comme toujours, tu arrivais à la cérémonie, cela ne te passionnais pas vraiment, mais tu faisais l’effort de rester et de paraître attentive. Plus tard, après la cérémonie, le repas. On t’avait installé à une table d’inconnus qui semblaient se connaître et qui t’ignoraient avec un soin particulier. Cela t’affectait guère, les relations publiques n’ont jamais été une réussite pour toi. Bizarrement, lorsque tu es au travail, tu fais preuve d’une grande sociabilité et pareil lors d’une interview ou ce genre de choses, mais dans la vraie vie, celle où tu n’es pas protégée par ton image de femme forte qui fait de la cuisine comme personne, tu te renfermes et préfères t’isoler. Finalement, tu sors de table sans t’excuser et tu sors dehors. Tu prends ton blackberry et t’assoit sur un muret, peut être quelqu’un entendra ton signal disant que tu t’ennuies et t’enverra un message, après tout, l’espoir fait vivre !

hj : désolé pour la longueur et pour ce truc

Tu fixais l’horizon attendant simplement que le temps passe. Tu aurais pu partir, oui c’est sur, mais tu trouvais ça un peu déplacé de faire faut bon à ta mère. Bien que ne soit plus à la table, tu étais toujours là. Ton portable vibra et te sorti de ta rêverie. Qui pouvait donc t’envoyer un message, tu espérais sortir de ce moment ennuyeux pour participer à une discussion excitante avec l’un de tes amis à propos d’un sujet quelconque. Mais ce n’était que l’un de tes cuisiniers qui t’informait qu’il ne pourrait pas être là ce soir, étant malade. Pas question de te laisser abattre parce que tu as un cuisinier en moins, ce n’est pas ça qui va te faire reculer, tu as plus d’un tour dans ton sac. Une fois tu as fait le service avec moitié moins de personnel, pourtant, ça a fonctionné, surtout que ce soir là il y avait un critique dans la salle, mais ça tu l’ignorais à l’époque. Aujourd’hui, tu as plus de personnel qu’autre fois, alors il te suffit d’envoyer un message de bon rétablissement à celui qui ne peut pas venir et de demander gentiment à l’un de tes cuisiniers qui est en congé s’il ne pourrait pas venir faire le service ce soir. En général ils ne disent pas non. Peut-être ont-ils peur de se faire virer ? Il n’y a pas de raisons, ils savent très bien que tu ne les renverrais pas pour ça, il t’en faut un peu plus qu’un refus pour renvoyer quelqu’un. Tant que étais sur ton portable, tu passas un petit coup sur internet, après tout tu as du réseau, tu ne vas pas te priver. En ce moment il y a l’open d’Australie, non loin d’ici, tu regrettes d’ailleurs de ne pas pouvoir y aller, mais c’est peut être parce que tu n’as pas fait grand chose pour obtenir des places. Tu adores le tennis, vraiment, cela fait parti de tes passions avec la cuisine et l’écriture. Une fois par semaine tu te rend sur un court de tennis pour échanger quelques balles avec des inconnus ou des amis. Tu vas regarder les résultats et les matchs en cours, histoire de voir si tes favoris sont encore dans la course. Tu relevais la tête car tu as senti que quelqu’un s’approchait, tu sens ce genre de chose, un peu comme un ninja, enfin non, c’est juste que dans le gravier tu as entendu des pas qui se rapprochait. Un jeune inconnu, sûrement un invité, te fit un sourire, que tu lui rendis avec gentillesse. « Salut... je crois pas qu'on se soit déjà croisé... tu es amie avec les mariés ? » demanda-t-il simplement. Tu n’es pas du genre très sociable, mais ce jeune homme t’as l’air sympathique. « euh..non. Ma mère est amie avec la mère du marié et elle m’a demandé de venir, c’est tout. Et toi ? Viens assis-toi ! » dis-tu souriante en désignant une place à côté de toi sur le muret.