like punching in a dream ‹ nevaeh

T'avais arrêté de compter le nombre de fois où tu étais passé dans ce rayon, incapable de te situer dans ces super-marchés. C'est quelque chose qui ne t'avait jamais réussi et c'est pour cette raison que tu allais rarement faire tes commissions tout seul en temps normal. Même ta fille savait mieux se repérer que toi, assise dans le chariot, elle t'aurait guidé à l'aide de ses petits bras qu'elle avait souvent tendance à tendre en direction des petits gâteaux. Mais elle n'était pas là et ça se ressentait à ta façon de rester planté au milieu de l'allée, à regarder autour de toi dans l'espoir de trouver quelque chose qui pouvait se trouver sur cette liste de courses dont tu n'avais pas encore tracé la moitié des éléments. Encore heureux qu'il n'y avait pas foule, il ne manquait plus qu'à devoir slalomer entre les gens et t'aurais tout gagné. Poussant finalement chariot dans un rayon, tu jonglais entre ta liste et ce qu'il y avait devant toi, presque désespéré. Mais peut-être pas autant que cette femme qui semblait s'impatienter non loin de toi. T'y avais prêté que peu d'attention même si quelque chose te poussait à le faire. Tu n'aurais su dire quoi, si c'était sa voix ou tout simplement ce qui semblait l'irriter autant. Il avait fallu qu'elle pousse un énième juron pour que tu daignes te tourner vers elle, observant une femme qui tentait de se hisser sur la pointe des pieds pour attraper une conserve bien trop haute pour elle. Naturellement, un sourire s'était dessiné sur tes lèvres, à l'observer sans rien dire tandis que tu t'approchais d'elle. «Est-ce que vous voulez que je vous aide?» que tu avais finalement proposé, déjà prêt à lâcher ton caddie alors que tu arrivais à sa hauteur. Elle avait à peine commencé à se tourner vers toi que tes lèvres n'avaient pu retenir un Mais non… qui décrivait autant ta surprise que ta joie de reconnaître ce visage que tu n'avais plus revu depuis presque quinze ans. Tu t'en pinçais les lèvres, agitant brièvement ta tête de gauche à droite, ne pouvant t'empêcher de la regarder de haut en bas pour te rendre compte de la femme qu'elle était devenue. «Rutkowski?» lâches-tu en rigolant alors que tu passes une main dans tes cheveux que tu ébouriffes. Est-ce que ça se faisait de la serrer dans tes bras? L'envie ne te manquait pas mais tu te contentais de continuer à la regarder, un sourire indélébile accroché à tes lèvres. «Malgré les années, t'es toujours incapable d'atteindre ce qui se trouve à plus d'un mètre soixante du sol à ce que je vois.» T'es clairement dans l'exagération mais tu te souviens encore des fois où tu l'aidais à fouiller dans les placards de la cuisine, quitte à parfois devoir lui faire la courte-échelle.

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ft. @Nevaeh Rutkowski

Avec son bras en moins, Juliann était plutôt limité. Tourner en rond, c’était ce qu’il disait faire le plus clair de la journée quand la brune n’était pas dans les parages. Toutes tâches comportant deux mains étaient à proscrire. L’avant-veille, Nevaeh s’était rendu compte que son niveau d’approvisionnement en nourriture se faisait assez bas. Et pour l’aider au maximum, et parce que ça lui faisait aussi plaisir de le faire, la brune s’était donc offerte pour passer à l’épicerie à sa place pendant qu’il passait un test à l’hôpital. Chose promise, chose due, elle s’était donc rendu à la supérette du quartier à la recherche de quoi renflouer son garde-manger.

Charriot sélectionnée, elle faisait les rangées une à une, prenant soin de bien regarder tous les items, se créant des idées de menus dans la tête, de plat à concocter pour lui, mais aussi pour Tahlia et Thaïs. Si elle ne passerait pas la semaine chez eux comme prévu, elle comptait tout de même cuisiner pour lui. Le pauvre, un bras en moins, c’était une torture pour couper des aliments.

Tournant le coin dans la rangée des conserves, Nevaeh se dit qu’elle n’avait besoin de rien ici. Elle préférait nettement les légumes frais à l’entrée de la supérette que ceux en conserves. Passant devant les cannes de tomates, une recette lui vint en tête. Un chili, version végétarienne pour plaire à Juliann. Elle leva la tête, cherchant les tomates en dés mais ne les aperçu pas tout de suite. Elle soupira, déçue. Maintenant, elle avait réellement envie de faire cette recette. Têtue, elle jeta un dernier coup d’œil, réalisant qu’au sommet de la tablette, tout au fond, restait une seule boîte de tomates en dés. Une seule. Et c’était la sienne. S’étirant de tout son corps, Nevaeh tenta de l’attraper. Mais elle n’y arrivait pas. Même en se mettant sur la pointe des pieds. Elle en était à son troisième juron quand une voix vint lui proposer de l’aide. Se tournant pour accepter volontiers l’aide de l’homme, elle fit face à un fantôme de son passé, un ami à qui elle n’avait pas parlé depuis des années. Et, pourtant, en le voyant, c’était comme si jamais il n’avait quitté Bowen. « Tu ne rêves pas », lâcha-t-elle, riant, à son Kaden retrouvé. Et, déjà, il la charriait, reprenant leurs habitudes qui n’étaient pas perdues, visiblement. « Ha ha ha, trèèès drôle! Donc, tu retires ton offre? J’aimerais bien avoir cette dernière conserve, j’en ai même vraiment besoin », lâchait la brune en battant des cils en direction de l’homme. « Puis, on ne se dit pas bonjour à proprement parler? », lançait-elle dans un sourire, s’avançant vers lui pour poser une bise sur ses joues. « Tu es revenu sans penser à m’aviser? Très franchement, tu me brises le coeur Kaden! », chantonnait-elle, le visage radieux.

C'était un sacré bond en arrière mine de rien, de revoir un visage que tu connaissais par cœur, tout comme la personne qui se dressait devant toi, en train de rigoler face à la surprise qui devait être plus que présente sur ton visage. Mais c'était aussi pour ça que tu étais revenu à Bowen, t'avais ressenti le besoin de renouer avec tout ce que tu avais laissé derrière toi en partant étudier dans le sud du pays à l'époque. Si Nevaeh en faisant partie? Sans doute, après tout ta réaction en disait long, tout comme ton sourire qui n'avait plus quitté tes lèvres en reconnaissant la brune en face de toi. C'était étrange de la revoir, mais ce qui l'était encore plus, c'était d'avoir cette sensation de ne pas avoir perdu tes repères avec elle, comme si les choses n'avaient pas changé, que ce soit pour elle ou pour toi. La preuve avec ce petit tacle délicat que tu lui avais lancé et auquel elle avait répondu le plus naturellement du monde, comme si la dizaine d'années qui vous avait séparé n'avait jamais vraiment existé. «Pas besoin de me regarder comme ça, je vais te la prendre.» que tu lui réponds sans la quitter des yeux, amusé par cette attitude qu'elle semble avoir travaillé avec les années. «Non, excuse-moi, j'ai oublié les bonnes manières.» lances-tu lorsqu'elle s'approche pour te faire la bise, te penchant légèrement en passant une main dans son dos avant de finalement te tourner vers le rayon pour chercher du regard la conserve en question pendant que Nevaeh t'interrogeait sur ton retour, ne pouvant s'empêcher de jouer la femme meurtrie, te faisant rire au passage. «Tu sais bien que j'ai toujours été doué pour briser le cœur des plus belles filles de Bowen.» Une époque révolue depuis bien longtemps. «Mais si ça peut panser un minimum ton cœur endolori, je n'ai averti personne de mon retour par ici.» que tu admets. D'une part parce que tu ne savais pas qui vivait encore dans le coin et d'une autre parce que tu n'avais pas voulu faire le tour des réseaux sociaux pour t'en informer. Déjà parce que les réseaux c'était pas trop ton truc, alors s'il fallait encore aller stalker les gens, c'était trop t'en demander. Tendant ton bras vers l'étagère, tu te décidais à lui donner ce coup de main que tu lui avais proposé, attrapant la conserve de tomates en dés sans trop de difficulté. «Et puis je crois que je préfère retomber sur des amis de longue date en jouant les sauveurs.» glisses-tu amusé, te tournant vers elle pour lui tendre la boîte de conserve qui avait mis ses nerfs à rude épreuve avant que tu n'arrives. «Après tout c'est grâce à moi que tu vas pouvoir manger ce soir, non?» que tu avais ajouté en la regardant, ne te lassant pas de revoir ce visage toujours aussi rayonnant.

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Un bond en arrière, ça, oui, ce l'était. Nevaeh était bien d'accord. Mais ça n'avait rien de désagréable. Après avoir vadrouillé des années, se perdant entre Bowen et le reste du monde, Nevaeh avait perdu contact avec tout son entourage du lycée. Il ne lui restait que Pippa et Juliann, qui, paradoxalement, complétaient son identité actuelle en ville. En ce qui concernait les autres, le temps et la vie les avaient essoufflés. Nevaeh avait fini par voir le reste du monde comme une maison plus accueillante que Bowen, elle s'était laissé prendre par l'envie de voir le monde et ses merveilles, s'était enfui avec un homme en qui elle avait une confiance aveugle et était revenu à la maison bredouille, le coeur en cendres. Elle avait fini par retrouver ses repères, en Pippa, d'abord et, rapidement, en Juliann. Mais de revoir Kaden, totalement sans s'être annoncé, ça, ça lui faisait réellement chaud au coeur, organe qui s'était réveillé en entendant sa voix et en confirmant sa présence de son visage qu'elle connaissait par coeur, même si les quinze années qui les séparaient leur avaient fait, à tous les deux, prendre de l'âge.

La technique des cils avait fonctionné, Kaden s'élançait pour atteindre la conserve et la glisser dans le panier déjà plus ou moins plein. « Tu es a-do-ra-ble », lâchait-elle en appuyant sur chacune des syllabes pour le remercier, alors que son corps s'avançait vers celui de son vieil ami pour initier la bise qu'il n'avait pas eu le réflexe de lui donner. « Je vois ça, oui », gloussait Nevaeh en tendant sa joue. Son odeur singulière venait embaumer le coeur de la journaliste dont un million de souvenirs remontaient à la surface des archives de sa tête. Kadden Williams, elle n'en croyait toujours pas ses yeux. Des rumeurs disaient qu'il avait déserté Bowen pour Melbourne, qu'il s'était marié, casé, avec eu des enfants - un ou plusieurs, ce n'était pas toujours clair. Et tout ça, ça ne ressemblait tellement pas au Kaden qu'elle connaissait. « Et pourquoi diable? », demandait Nevaeh, sa curiosité toujours bien présente, ça n'avait pas changé depuis leurs jeunes années. La brune échappa un rire avant de secouer la tête. « Hey, pardon... », soufflait-elle en grattant sa tête timidement. « Tu me connais, ma curiosité ne s'est pas envolée avec les années. Mais, tu n'as sans doute pas envie qu'on te bombarde de ce genre de question, là, à l'épicerie. » Elle se mettait dans la peau de Kaden. À son retour, si on l'avait presque agressé dans les allées de la supérette, elle ne l'aurait sans doute pas apprécié. Et elle n'aurait sans doute pas eu envie de parler de Félix, de l'annulation de son mariage et de l'homme qui l'avait rendue cocue une seconde fois. « Ce n'est pas vraiment pour moi », confiait la deuxième des Rutkowski. « Je fais les courses pour mon petit-ami. Il est plâtré jusqu'au cou », lâchait-elle d'une moue triste pour lui. « Kaden Williams », soupira-t-elle en enchaînant. « Je n'arrive pas à croire que tu es là. » Et qu'est-ce que ça lui faisait plaisir.