It's nice to see an other face of you (Concho)

Il est vrai que j’étais plutôt du genre romantique, ou du moins bien attentionné puisque cela se manifestait également en amitié. J’avais souvent l’air du mec un peu à l’ouest, perdu dans tout l’aspect relationnel de ma vie, mais dans certains moments je savais frapper avec des attentions charmantes. L’idée d’offrir des fleurs à Alba pour le dérangement des retouches de photo m’était donc tout naturellement venue à l’esprit. Pour ce qui était du reste, de ce que je ferais pour quelque chose de plus important, je ne pouvais même pas prévoir moi-même. Ça venait spontanément. Je souris. « Je ne révélerai quand même pas mes surprises d’avance … » Je ris. Cette phrase signifiait presque que je comptais surprendre à nouveau Alba avec de tels gestes ou cadeaux. C’était libre à interprétation et, surtout, seul l’avenir nous le dirait. Dans tous les cas, j’étais actuellement assez à l’aise et heureux pour me permettre de croire qu’on cesserait de se voir à l’improviste ou au gré du hasard. Qu’à partir d’aujourd’hui, notre relation évoluait vers quelque chose de plus concret. On décida de laisser nos deux petits hommes dans le wagon des contes. Ils étaient assis à l’avant, prêts à écouter et à participer j’en étais sûr, alors je ne me faisais pas trop de soucis. Alba et moi, avec ma petite Lara toujours dans son porte-bébé, on profiterait de ce temps-là pour déguster un vin chaud. Je le lui offris, d’ailleurs, question de compenser au moins un petit peu pour la délicieuse et sans doute dispendieuse bouteille de champagne de la dernière fois. Verres en main, je proposai qu’on s’assoie à l’extérieur du wagon des contes, question d’être tout près si jamais on entendait Maxwell ou Jonah s’exciter un peu trop, tout en restant assez à l’écart pour parler sans avoir à murmurer. Je m’assis et pris une gorgée de vin, m’assurant de ne pas risquer d’en renverser sur la tête de Lara. Je fis une légère moue en entendant que son fils avait du mal à faire confiance, comme sa mère. « J’espère qu’il ne vivra pas trop difficilement le fait que Max’ n’est à Bowen que quelques semaines par année … Je ne l’ai que pendant les vacances, tu vois. Enfin, j’dis tout ça, mais ça c’est s’ils deviennent vraiment de bons amis quoi. On est déjà en train de les matcher dans leur dos. » Je ris, avant de continuer mon idée. « Autant je trouve ça difficile quand Max vient et que je sais qu’il a pas trop d’attachement à Bowen vu qu’il n’y connait personne sauf moi et sa petite sœur, autant j’me dis que ce serait vraiment égoïste de lui monter tout un réseau ici dont il s’ennuiera quand il retournera à New York à chaque fois … » Je soupirai. Ally m’avait mis dans une situation pas possible, et je lui en voulais encore d’avoir foutu le camp à l’autre bout du monde avec une entente qui ne m’avantageait pas vraiment. « Et toi, comment ça se passe les relations avec le père ? Si c’est pas trop indiscret … » Entre parents célibataires on pouvait bien râler un peu contre nos ex.

Elle avait un peu repensé à lui après leur rencontre. Mais quand elle avait appris qu’il était l’ex de Freja, elle s’était sentie mal. Mal parce que ce qu’elle avait vécu avec Conchobáhr à son travail n’était pas anodin. Elle en avait eu des coups d’un soir, mais avec lui il y avait eu ce petit truc en plus. Si elle n’avait pas été prise par son déménagement et son acclimatation à sa nouvelle vie et la proximité avec Léo, elle serait revenue le voir. Il lui promettait des fleurs et ça la faisait sourire. « Tu devrais, ça me motiverait peut-être à faire plein de chose pour toi. » Disait-elle en riant. Est-ce qu’elle le séduisait ? Un peu, sûrement inconsciemment. Il était beau Conchobáhr et tellement différent de Léo. Il apportait ce petit grain de folie et cette touche d’humour. Peut-être qu’on lui dirait la contraire, mais tout semblait simple avec lui. Et même quand il y aura des conflits ou des tensions entre lui, Freja et elle, Conchobáhr optera toujours pour la gentillesse au lieu de rentrer dans le tas et de blesser les personnes. Pour le moment, elle ne le savait pas, mais elle s’attacherait à lui plus que ce qu’elle peut souhaiter. C’était assez simple de se mettre d’accord sur la suite des événements. Le danseur et la photographe n’avait plus leur mot à dire se laissant entraîner par le choix des deux petits monstres. Ils s’étaient pendant plusieurs toisés, mais à présent ils avaient une sorte de complicité malicieuse qui naissait. Jon était un enfant plutôt calme, mais elle ne doutait pas qu’un jour il allait se révéler un peu comme ses deux parents. Ils étaient calmes en apparence mais la tempête n’était jamais loin. Ils avaient opté pour le conte, et le regard d’avertissement suffisait à calmer quelques secondes les deux garçons. Ils resteraient sages, enfin c’était ce qu’elle espérait Alba. Ils profitaient de ce conte pour aller discuter dehors. Lara restait bien évidemment avec eux. Elle remerciait chaleureusement Conchobáhr du verre de vin. Elle riait légèrement en voyant l’air songeur du danseur pour ne pas renverser du vin sur sa fille. Assis sur ce banc, c’était plutôt calme même si pas mal de personnes passaient devant eux. Elle lui parlait de Jon et sa difficulté à se lier. Elle ne s’attendait à ce genre de réponse, une conversation de parents. Ils vivaient la parentalité avec ses bons côtés et ses mauvais. « Non je ne pense pas qu’il s’ennuierait de son réseaux ici. Il en a un là-bas à New-York et un ici. » Répondait-elle en lui souriant. « Je crois que parfois on réfléchit trop alors que les enfants s’adaptent plutôt bien. » En tout cas pour Jonah c’était le cas. « Pourquoi elle est partie aussi loin ? » Demandait Alba par rapport à l mère de Maxwell. Il y avait quand un immense océan qui les séparait. Il lui demandait par rapport à Léo. Le visage de la blonde se raidissait. Puis elle soupirait. « C’est compliqué ! » Disait-elle en riant. C’était toujours compliqué avec ses ex. « On a jamais vraiment été ensemble. Mais en ce moment c’est plutôt tranquille, on se parle sans froid et sans rancune. » Elle en avait peut-être un peu trop dit, mais c’était bien de parler avec quelqu’un qui ne connaissait pas Léo. Une personne qui pouvait un peu la soutenir.

À la réplique d’Alba, j’haussai les sourcils avec un petit air taquin, penchant légèrement la tête sur le côté avec un sourire. « Plein de choses ? Quel genre de choses ? » Demandais-je avec une douce curiosité et un ton de voix qui démontrait mon amusement et, sans aucun doute, mon petit côté séducteur qui s’installait. J’avais deviné le même ton dans la voix d’Alba et je savais que tout d’un coup, l’ambiance venait en quelque sorte de shifter. C’était sans doute un peu plus simple pour moi d’accueillir cette attitude puisque j’ignorais encore qu’Alba et Freja avaient partagé quelque chose entre elles. Si j’avais su, je me serais sans doute tenu bien loin des potentiels conflits, et de toute la jalousie qui s’installerait. Quand je serais mis au courant à mon tour, il serait malheureusement déjà trop tard, les dégâts seraient faits, et l’attachement aussi. Pour en revenir au moment présent toutefois, je nageais dans cette douce ignorance en prévoyant la suite de la journée avec Alba. Tout naturellement, une conversation sur la parentalité et nos expériences avec nos ex s’installa. Lors de notre première rencontre, nous avions été plus joueurs, plus légers, mais aujourd’hui le sérieux d’être adultes ressortait. « Ah ouais, tu crois que c’est aussi simple ? Genre mon fils est plus capable que moi de compartimenter ? » Alba me répondit que les enfants s’adaptaient plutôt bien. Que c’est souvent nous qui réfléchissions trop. « Peut-être bien … c’est peut-être que nous, on a le temps de réaliser à quel point la vie est complexe, alors on la complexifie encore plus même dans les trucs simples. » J’haussai les épaules, avant de soupirer doucement à la question d’Alba sur le départ d’Ally. « C’est la question que je me pose encore aujourd’hui. Je ne sais même pas vraiment encore pourquoi elle est partie, point. Alors aussi loin … c’est encore plus un mystère pour moi. Elle s’est réveillée un matin et c’est comme si une switch s’était allumée dans sa tête et tout d’un coup, elle a eu besoin de partir de Bowen, de me quitter, de tout quitter. » Ally et moi n’avions même pas rompu lorsqu’elle était disparue à l’autre bout du monde. C’était son silence qui m’avait fait comprendre que nous n’étions plus ensemble. Cette femme-là m’avait brisé. Je voulus voir si Alba partageait comme moi une ancienne relation un peu compliquée. J’ignorais encore que c’était avec Léo. Le monde était bien trop petit, ici. « C’est une bonne chose, quand même. De pouvoir se parler sans froid, sans se ramener sans cesse les erreurs du passé. T’aurais voulu que ça se passe différemment ? » Que mieux encore que le simple respect, ils soient restés amis, ou un truc du genre. Ou peut-être aurait-elle voulu qu’ils soient un couple, elle et son ex.

Elle avait promis à Freja et pourtant elle ne put s’empêcher de le séduire juste un peu. Ce n’était pas vraiment volontaire, c’était juste naturel. Quand quelqu’un lui plaisait, la blonde avait tendance à plus sourire et à paraitre meilleure. Elle ne le contrôlait pas forcément. C’était presque innocemment qu’elle lui avait dit ces mots. Mais Concho lui répondait à cette petite séduction ce qui la fit rougir. Alba n’était pas mauvaise dans le fond, elle se perdait juste dans le flot des sentiments. Elle n’aimait pas blesser et souvent elle faisait sans le vouloir. A temps elle se reprit, pensant à la norvégienne et à sa promesse. Leur rencontre de la journée n’était que le fruit du hasard, ils passaient du temps ensemble comme des amis. « Oh non mais rien de fou … du style des retouches photos. » Disait-elle en riant pour cacher le malaise et surtout le mensonge. Elle comptait lui dire à Concho concernant Freja, mais elle ne trouverait pas le temps dans cette journée. Soit ils passeraient du temps avec les enfants, soit ils parleront de sujet plus sensibles. Comme c’était le cas à ce moment-là. Les enfants étaient à l’intérieur du wagon à écouter un conte sur le Père Noël. Pendant ce temps, le danseur était allé chercher des verres de vin chaud. Assis l’un à côté de l’autre, Alba souriait de la complicité naissante entre Jon et Maxwell. Son petit blond était adorable mais timide avec les enfants. Il ne l’était cependant pas avec les adultes, comme s’il ne voyait qu’eux. Un parent passait son temps à remettre en question les choix qu’il prenait pour son enfant. La culpabilité était présente constamment. C’était le cas de Concho, qui culpabilisait d’imposer à son fils des amitiés naissantes dans une ville où il n’y était presque pas. Du point de vue du parent, les choses semblaient si compliqués alors que dans les yeux des enfants les choses paraissaient si simples. Il avait l’air perdu dans ces explications et presque attristé. Elle posait sa main sur sa jambe. « Je pense surtout qu’il ne pense pas comme nous. Il a ses copains à la maison et ses copains chez son père. » Disait-elle en haussant les épaules. « On a l’impression qu’ils ne vont jamais surmonter certaines épreuves mais ils sont bien plus forts que nous. » Jonah avait surmonté des épreuves. Il avait dû naître à Bowen, se créer un espace sécurisé à Brisbane, se faire à Bowen pendant les vacances pour ensuite quitter Brisbane, tout ça en quatre ans. Et il restait ce petit enfant heureux et plein de vie. Mais elle se demandait Alba quelle raison avait poussé la mère de Maxwell à partir si loin. Peut-être que le danseur avait été odieux, peut-être qu’il l’avait trompé. Son regard disait l’inverse. Il ne comprenait rien. Mais Alba comprenait sa peine parce qu’elle l’avait vécu. Elle avait été comme Concho, la personne laissée derrière. « Le père de Jon a fait pareil … » Disait-elle avec un air triste. « Je ne savais même pas à l’époque que j’étais enceinte. » Ça lui faisait du bien à Alba d’écouter et de parler. « Tu l’as revu ? » Il devait bien communiquer puisqu’il y avait Maxwell. A son tour, Concho posait des questions à la blonde sur Léo. « On se parle c’est bien ! Mais c’est tellement fragile qu’un jour ça va exploser. » Elle allait exploser et lui allait péter un mur. Elle prit une gorgée de son vin en regardant le brun qui la regardait avec intérêt et compassion. Elle lui souriait.

Avec Alba, c’était parfois difficile de savoir ce qu’elle avait en tête. Tout comme à notre première soirée, quand elle avait interrompu notre baiser pour le reprendre quelques minutes plus tard, là j’avais l’impression qu’elle venait de mettre un terme à nos sous-entendus sans trop de raison. J’avais l’impression que dès que je faisais un pas de trop vers l’avant, elle reculait d’un coup, comme un animal sauvage envers qui j’aurais été trop brusque. J’apprendrais bien vite la raison du bref malaise d’aujourd’hui. Pour aujourd’hui, il était préférable que je demeure dans l’ignorance, dans le vague. L’ambiance entre nous deviendrait plus lourde bientôt, alors autant profiter de la douce légèreté que nous offrait cette journée familiale. Je ne répliquai donc rien quant à sa réponse et on décida plutôt d’aller mener les gars au conte du Père-Noël et d’en profiter pour aller déguster un verre de vin chaud. Notre conversation sur la parentalité faisait du bien. J’aimais échanger avec d’autres parents. Encore plus avec Alba, réalisais-je. Ça me permettait d’apprendre à la connaître un peu mieux, sous un autre jour. Alba posa sa main rassurante sur ma jambe alors que j’exposais mes inquiétudes face à l’intégration de Maxwell dans ma vie à Bowen. J’eus un rire attristé quand elle parla de ses copains à la maison, et de ses copains chez son père. « C’est ça, le truc. C’est que j’aurais aimé que chez son père, ce soit aussi sa maison. » Je soupirai en regardant vers la salle des contes même si je ne voyais pas Maxwell. Je le savais de l’autre côté. « Mais c’est vrai, ils ont une capacité d’adaptation phénoménale. » C’aurait pu être une toute autre histoire, cette fuite qu’avait prise Ally vers un tout autre continent. Maxwell aurait pu ne jamais vouloir me rencontrer, ne jamais vouloir aller chez moi. Mais petit à petit, il m’avait ouvert la porte à sa vie. Ça ne m’empêchait pas d’en vouloir énormément à sa mère. Je tournai vivement la tête vers Alba quand elle m’apprit que le père de Jon avait fait pareil. « C’est vrai ? » Quel idiot, pensais-je. Abandonner une femme comme Alba, c’était une erreur incommensurable. « Tu savais où il était ? T’as pu lui dire que t’étais enceinte à ce moment-là ? » Ou peut-être n’avait-il jamais donné de nouvelles avant récemment. Ou peut-être n’avait-il rien voulu savoir même en sachant qu’elle portait son enfant, ce qui ferait de lui doublement un imbécile. « La dernière fois qu’on s’est vu c’était justement à Noël, l’année dernière … Ça a été assez … violent, comme discussion. On s’est crié des trucs, des trucs qu’on pensait et qu’on pense encore … mais qui ont brisé tout ce qui pouvait rester de bienveillant entre nous deux. Depuis, j’la vois 2 secondes quand elle prépare la tablette pour un FaceTime avec Maxwell ou des trucs du genre. On s’écrit, pour les plus grosses décisions qui concernent Max. » Et encore, peut-être décidait-elle de certains trucs sans m’impliquer dans le processus. Cela semblait être tout aussi difficile pour Alba et son ex. « Je vois … Marcher sur des œufs ce n’est pas reposant. J’préfère quasi de ne pas avoir à gérer ou à affronter Ally à tous les jours. » Dis-je en riant légèrement, même si au fond, ce n’était drôle ni pour elle, ni pour moi.

A ce moment-là, il était encore possible pour Alba se faire marche arrière et de satisfaire sa promesse envers Freja. Mais ils ne faisaient rien de mal à part se parler. Les insinuations de Conchobáhr plaisait évidemment à la photographe, mais elle décidait de ne pas rentrer dans le jeu. Surtout qu’ils l’ignoraient encore mais le lendemain, ils allaient de nouveau se découvrir de la meilleure des façon avec Freja. Pour le moment, ils avaient laissé tombé cette mignonne drague, décidant de discuter de parentalité. Alba avait beaucoup de doute sur ses qualités en tant que mère. Il n’y avait pas un jour où elle ne doutait pas. Souvent on lui faisait remarquer qu’elle était bien trop proche de son fils et que leur relation fusionnelle allait avoir un impact dans quelques années. C’était sûrement vrai, mais Alba adorait ces moments privilégiés. Elle doutait aussi quand elle disputait Jon trop fortement. Entre Léo et elle, c’était elle le parent méchant, celui qui imposait des règles tandis que l’autre avait autant la tête dans les étoiles que le petit blond. Elle ignorait tout de la vie de Concho et notamment le mal être qu’il avait face à sa relation avec son fils. Ça faisait grimacer Alba, parce qu’elle avait fait la même chose. Quand Jon allait chez Léo, il allait chez son père, mais sa maison c’était la sienne, enfin dans son esprit. « Je suis désolée que ce ne soit pas le cas. Mais peut-être que ça arrivera. » Disait-elle en le regardant et en lui souriant tendrement. « Oui ! Je ne sais pas à quel âge ça s’arrête. Mais tu sais … je crois que Max sera trop contente de venir voir ses potes australiens quand il sera ado. » Disait-elle en riant légèrement. Elle savait d’expérience qu’un enfant qui voyageait était un enfant ouvert. Alba partait souvent au Danemark pendant les vacances, ça lui avait ouvert l’esprit. Puis, elle avait appris une tout autre langue pour communiquer avec son cousin. Cette après-midi confession lui fit du bien à Alba. Naturellement, elle parlait de Léo, sans vraiment le nommer. « Il est parti du jour au lendemain et un mois après j’ai fais un test. » C’était il y a cinq ans, mais elle s’en souvenait encore très bien Alba. « Oui je savais qu’il venait de Bowen. Le pire c’est qu’il n’a pas voulu de Jon au départ. Il a changé d’avis quand j’accouchais. » Elle lui en voulait encore pour ça à Léo. Elle était toujours triste de savoir qu’à un moment Léo n’avait pas voulu de cette petite bouille d’ange. Pour le danseur, c’était encore pire. Léo et elle s’étaient un peu réconciliés au noël dernier. Pour Concho c’était l’inverse. « Ah oui ! Je suis désolée que ce soit aussi difficile. » Disait-elle tristement. Même s’ils ne s’étaient vu qu’une fois, elle était attachée à lui, et Alba n’aimait pas cette Ally. Elle riait. Oui l’affrontement avec Léo n’était pas toujours facile. « Franchement ! Parfois on ferait mieux d’être les seuls parents. » Evidemment elle disait ça pour rire. Léo était un super papa. « Mais bon ils n’ont pas l’air si mal nos monstres. » Disait-elle en riant mais avec un air fier. Après tout, Alba était tellement fière de son fils.

Je ne fis pas le lien avec Alba, pas même en voyant sa légère grimace. Je ne pensai pas une seule seconde que pour elle, c’était le même scénario que moi, mais les rôles inversés. Ça devait être difficile de m’entendre aussi heurté par cette simple appellation, alors que dans son cas, c’était elle, la maison. Je ne lui en aurais pas voulu, de toute façon. Nos situations étaient distinctes, bien différentes même si nous étions tous les deux parents célibataires. Les blessures n’étaient pas les mêmes, les cicatrices pas guéries de la même manière, et le contexte présent n’avait rien à voir. « Oui, qui sait, peut-être que lorsqu’il sera un peu plus vieux et qu’il prendra ses propres décisions, il voudra bien partager un peu plus de sa vie avec la mienne. Mais pour le moment, essayer de parler de ça avec Ally, c'est comme pisser dans un violon. » J’haussai les épaules. C’était beau, de rêver qu’un jour Maxwell viendrait poursuivre ses études en Australie, au Queensland. C’était beau de rêver, oui. « Pfiou, j’veux même pas imaginer les grosses soirées que je devrai gérer quand il va vouloir inviter tous ses potes chez moi pour faire la fête. » Je ris. Parce que pour moi, Maxwell adolescent, ce serait ça. Pourtant, je n’avais pas été un ado turbulent, loin de là. En même temps, je n’en avais pas eu la chance. Et j’espérais de tout mon cœur que lui, il l’aurait, cette chance. Cette chance d’être jeune, de faire des conneries, de rencontrer des filles ou des garçons et de vivre les premières amourettes de cet âge. Mais je me projetais bien trop loin, là, ça faisait flipper. On s’éloigna du futur pour en revenir au passé, relire à haute voix ces phrases qui appartenaient à l’histoire ancienne d’Alba et de Léo – même si aucun nom n’avait encore été nommé -, et à l’histoire ancienne d’Ally et moi. J’haussai les sourcils en apprenant que son ex avait changé d’avis pendant qu’elle accouchait. « Drôle de moment pour se décider. » Dis-je sans trop réfléchir. Je n’avais pas toujours les mots, Alba apprendrait que ma maladresse n’était pas que physique mais aussi verbale. Et des maladresses verbales, j’en avais sorti tout un tas avec Ally au Noël dernier. « Ça pourrait être pire … je crois ? » Demandais-je en riant. Il est vrai que c’était très difficile entre elle et moi, mais je ne pouvais pas vraiment comparer ce genre de choses. « Non c’est vrai, peu importe le bagage de leurs parents, ils ont plutôt bien viré, nos gars. » Dis-je tout aussi fièrement. Je terminai ma tasse de vin chaud avant de la déposer à côté de moi et de déposer un baiser sur le dessus de la tête de Lara qui commençait à s’agiter contre mon torse. « Y’en a une qui en a marre d’être immobile, je crois. »

Ça lui faisait mal à Alba que Conchobáhr sorte cette vérité. Elle n’était pas mieux qu’Ally, vu qu’elle avait emmené Jon à plusieurs kilomètres de son père. Sur le coup, elle avait cru bien faire parce qu’être au côté du photographe était trop dur. Sauf qu’on agissant ainsi, elle avait enlevé la possibilité à Léo et Jon de se créer des souvenirs. Elle aurait pu en parler à Conchobáhr mais ce n’était pas le moment. Il avait l’air si triste de passer si peu de temps avec Maxwell. Elle lui prit la main, comme pour lui donner un peu de réconfort. Puis les choses n’étaient pas aussi binaires. Un jour, le petit Max voudrait venir passer du temps au pays des kangourous. Concho n’était pas le père qui avait abandonné son fils. « Tu sais … parfois on pense bien agir. Elle ne se rend peut-être pas compte. » Ce n’était pas pour défendre son ex. Mais il avait tellement en colère de cette situation, mais si elle croyait les dires de Conchobáhr, la discussion semblerait compliquée. Elle riait à cette image de Maxwell, entouré de ses amis pour faire la fête. « J’imagine très bien ! Mais tu sais il sera beaucoup à la plage, il te fera la tête parce que tu seras trop vieux pour comprendre son envie de liberté. » Elle riait parce que l’adolescence n’était pas pour tout de suite, mais qu’un jour ç’allait leur tomber dessus à Concho et Alba. Pendant ce temps, elle caressait tendrement la main de son ex amant, lui apportant le soutien d’un parent célibataires. C’était le problème avec Conchobáhr. Alba promettait de ne plus le voir, mais il était si tendre. Avec lui, elle se sentait libre de parler et d’exprimer ses émotions. Il était si doux et si attentif, elle l’avait déjà remarqué à leur rencontre. Expliquer son histoire avec Léo n’était pas facile pour Alba. A chaque fois, elle sentait son cœur se pincer un peu. Elle ne s’attendait pas à ce que Conchobáhr soit si sarcastique, ce qui fit rire un peu Alba. « C’est mieux que rien. » Mais elle lui en voulait à Léo de l’avoir laissé seule durant ces neufs mois. Elle lui en voulait de lui avoir fait croire qu’elle n’était rien à ses yeux. Finalement, le principal était le bonheur de leur petits montres. Maxwell n’avait pas l’air si malheureux, pareil que Jon. « Tout à fait ! Ils sont aussi parfaits que leur parent. » Disait-elle en riant, lâchant enfin sa main. Lara gigotait, montrant enfin sa présence. Alba craquait pour ce petit bout qui était adorable. « En même temps, elle est très calme depuis le début. » Alba se levait. La conte n’allait pas tarder à finir. A peine eut-elle fini d’avoir cette pensée que son petit bouclé arrivait suivit de son nouveau copain. « C’est fini ! Avec Maxwell on veut aller faire des décorations pour le sapin. » Disait Jon encouragé par Max.

Je souris alors qu’Alba posait sa main sur la mienne, en signe de réconfort. Mon regard se perdit, un moment, sur cette étreinte de nos doigts. Je savais qu’elle ressentait toute ma tristesse. Je savais qu’elle comprenait ce chagrin, aussi. Elle avait peut-être vécu le rôle inversé auprès de son fils mais je pense que nous prenions tous les deux conscience du point de vue de l’autre, aujourd’hui. Un léger rire fut soufflé d’entre mes lèvres quand la blonde affirma que, peut-être, Ally ne se rendait pas compte du mal qu’elle me faisait et de son entêtement à garder Maxwell loin de moi. « Oh, j’sais pas … J’dis pas qu’Ally est fondamentalement méchante, hein, pas du tout. Mais je pense pas qu’elle soit toute innocente non plus … Elle a toujours aimé avec le contrôle. » J’haussai les épaules. Je pense que si la situation était inversée, que si c’était moi qui avait la garde de Maxwell, elle virerait complètement dingue. Elle aurait débarqué à Bowen depuis longtemps pour me le reprendre. Pour moi, c’était plus compliqué. J’étais le père. C’était souvent plus difficile pour le père de se faire reconnaître dans tout ça. Le mieux que je pouvais faire c’était d’attendre. D’attendre que Max prenne ses propres décisions. Et espérer qu’il veuille bien m’inclure dans celles-ci. J’en avais, des années, à attendre. « T’as raison … Il va aller boire comme un trou à la plage, sans se mettre de crème solaire, sans boire d’eau entre chaque bière, et il va finir par avoir un coup de chaleur et rentrer en ambulance. » Je ris à ce scénario catastrophe, parce que je mettais ça au pire alors que je pensais honnêtement que Maxwell serait plus responsable que ça. La main d’Alba et la mienne ne s’étaient pas séparées de toute cette conversation. Elle continuait de doucement glisser ses doigts contre ma peau, de bas en haut, une douce caresse qui apaisait mon âme. Ce fut alors à mon tour d’écouter son histoire avec cet homme qui n’avait pas encore de nom mais que je connaissais pourtant bien. Alba m’affirma dans un léger rire que le wake-up call de Léo pendant l’accouchement était mieux que rien. « C’est sûr … » Approuvais-je avec un mince sourire. De toute façon, peu importe les débuts de ces deux petits gaillards, ils avaient bien tourné. Je ris à propos de notre perfection jugée par Alba. « Tout à fait. » Dis-je à mon tour. Nos mains se séparèrent et c’est comme si tout d’un coup, quelque chose me manquait. Lara en profita pour me rappeler qu’elle était là, comme si je pouvais l’oublier au poids qu’elle pesait sur moi ! « Ouais, c’est pas une enfant bien turbulente jusqu’à maintenant … Là elle doit avoir faim. » Je me levai à mon tour et on fut rapidement rejoints par Jonah et Maxwell, qui avait déjà tout prévu de la prochaine activité. Je ris. « Bon bah, direction le wagon de décorations ! » Lançais-je joyeusement en regardant Alba, amusé. « Il faudrait que j’retourne à ma voiture chercher de la purée pour Lara, et peut-être lui changer sa couche aussi. » Dis-je en posant ma main sous les petites fesses de ma fille, cherchant à savoir s’il y avait un gros cadeau pour moi dans sa couche. « Ça te dérangerait de surveiller Max aussi quelques minutes ? J’vous rejoindrai dans le wagon … »

C’était un moment hors du temps. Ils parlaient avec une simplicité déconcertante. Et elle ressentait la peine de Conchobáhr, ayant presque vécu la même situation mais de l’autre côté. Est-ce qu’elle avait privé Léo de la possibilité de se créer un lien avec Jonah ? Jon aimait ses deux parents et il adorait passer du temps avec son père. Mais la relation qu’il entretenait avec Alba était bien plus forte, bien plus fusionnel. Elle ne connaissait pas l’historie d’Ally et de Concho, et son instinct disait de prendre le partie du danseur. Pourtant, elle pouvait la comprendre si comme elle, la fuite avait été la seule solution. Tenant la main de Concho elle essayait de la réconforter comme elle le pouvait. Il souffrait de cette situation quand bien même il se montrait toujours fort et détaché. « Tu as le droit de lui dire que ça ne te convient. » Il était le papa et même si les choses évoluaient un peu, les mamans étaient toujours un peu plus privilégiée quand il y avait un séparation. Enfin la plupart du temps. De toute façon, Alba estimait qu’un jour les enfants seraient assez grands pour prendre des décisions. Maxwell allait peut-être adoré l’Australie, il voudrait peut-être ressembler à son père. Encore un peu plus tôt, il n’était pas emballé par la danse et pourtant il avait montré quelques signes de curiosité. Conchobáhr était un excellent danseur et son fils avait plein de chose à apprendre avec lui. Elle les voyait les deux petits monstres qui étaient déjà complices boire des verres sur la plage. Pour Alba ce n’était qu’une image amusante de la jeunesse. Concho lui fit presque peur. « Oh ne dis ça ! Je ne vais jamais vouloir que mon fils devienne adolescent. » Disait-elle en riant. Elle appréhendait un peu le jour où il s’émanciperait. Il fallait qu’il le fasse, c’était le cours normal de la vie. Mais elle, elle avait peur de se retrouver seule et peur de s’éloigner de son fils qui lui apportait tellement tant d’amour. Ils en venaient à parler de Léo et du fait qu’au dernier moment il reconnaissait Jonah. « C’est un super papa pour Jon … » Concluait-elle. Oui il l’était. Mais leur relation à eux étaient compliqués. Trop compliqué, ce qui n’allait pas aider Jon. Dans tous les cas, les petits monstres étaient parfaits. Ils s’épanouissaient alors que leur environnement familiale n’était pas forcément clair. Elle lui souriait avant qu’ils ne retirent leur main de l’autre. Lara bougeait pour qu’il ne l’oublie pas. Elle était mignonne et Alba lui faisait de grands sourire. Elle allait lui proposer de garder un œil sur les deux autres monstres mais ils arrivaient déjà en courant. Jon avait son petit air malicieux ce qui signifiait rien de bon. Il allait demander quelques chose à sa mère ou il avait fait une bêtise. En faite il voulait juste continuer son aventure dans les wagons avec son nouvel ami et aller aux wagons des décorations. « Ils sont inépuisables. » Riait-elle. Conchobáhr lui demandait de garder un œil sur Maxwell. « Evidemment, pas de problème. » C’était plus simple ainsi. Maxwell pouvait continuer à s’amuser avec Jon. « On y va les garçons ? » Ils affirmèrent avec un enthousiasme déconcertant. « A tout de suite. » Lui disait-elle avec un sourire illuminant.

L’avais-je, ce droit-là ? Je ne savais même pas. J’avais l’impression de n’avoir presque aucun droit sur Maxwell, en fait. Comme s’il n’était pas vraiment à moi. Comme s’il n’y avait pas la moitié de mes gênes en lui. Pourtant, il était autant le mien qu’il était à Ally. Elle l’avait juste couvé, aimé, pendant neuf mois dans son ventre, et puis élevé quelques années après sans jamais me mettre au courant de son existence. C’était là pour moi tout l’écart entre elle et moi. Elle avait développé l’attachement avec Maxwell alors que moi, j’étais l’inconnu débarqué de nulle part, trop tard. Pour cette raison-là, j’avais l’impression qu’Ally avait davantage de droits, parce qu’elle avait une longueur d’avance. J’haussai les épaules en soupirant. « Pour le moment j’me compte juste chanceux d’avoir des moments privilégiés avec Max. J’ai pas envie de risquer de perdre ça. » Mais si une guerre explosait entre Ally et moi, pire que nos mots lancés Noël dernier, elle ne voudrait peut-être plus qu’on soit liés, pas même par notre parentalité commune avec Maxwell. Ce serait facile de me l’enlever maintenant, quand elle pourrait inventer toutes les raisons du monde pour expliquer mon absence soudaine de sa vie, sans qu’il ne la remette en question, sa mère. J’exagérais sans doute. J’avais démonisé Ally depuis son dernier passage à Bowen, c’était plus fort que moi. C’était aussi une manière de me protéger, sans doute. Je me réconfortais surtout avec l’idée qu’un jour, Maxwell prendrait ses propres décisions et qu’il voudrait peut-être venir à Bowen plus souvent. Je lui paierais le billet d’avion à chaque fois, s’il le fallait – enfin, jusqu’à ce que son salaire annuel dépasse largement le mien, ce qui ne serait pas bien long à atteindre comme objectif. Avec Alba, on imagina déjà Jonah et Maxwell se retrouver à boire sur la plage sous un soleil cuisant, en train de mater les filles – ou les garçons. « Aaaah, malheureusement, ce sera inévitable. Et puis quand ce sera le moment tu seras peut-être soulagée de retrouver un peu de temps pour toi, non ? » Bien des parents, à un certain moment, avaient hâte que les enfants quittent le nid afin de se retrouver comme individus. Avec Maxwell, je ne le vivrais pas de la même manière, étant souvent loin de lui. Avec Lara, je le ressentirais peut-être davantage. Elle me prenait déjà beaucoup de temps. Mais pour moi ce n’était pas un sacrifice, c’était juste l’amour à l’état pur, l’amour inconditionnel d’un père pour sa fille. Je lui donnerais tout, absolument tout. J’écoutai Alba me confier que le père de Jonah était un super papa pour lui. Je souris à cette conclusion. « C’est l’important. » Et je savais qu’Ally était une super maman pour Maxwell. Il fallait que je m’accroche à cette idée, elle faisait déjà moins mal. Au même moment où nos mains se séparèrent, Lara commença à gigoter dans son porte-bébé. Je me levai alors que les deux monstres revenaient de leur conte. « C’est Max qui va venir me border ce soir, je le sens. » Je ris. Je demandai à Alba de garder un œil sur Maxwell pendant que j’allais changer la couche de Lara et lui chercher quelque chose de bien mou à manger. C’était quand même pratique, aussi, d’avoir une maman proche de moi. « Merci, j’t’en dois une. » Je rassemblai mes affaires. « À tout de suite ! » Répétais-je en m’éclipsant vers le stationnement. Après avoir pris bien soin de changer Lara, de la nourrir et de m’assurer qu’elle avait tout ce dont elle avait besoin, je revins vers le wagon des décorations, retrouvant Alba, Jonah et Maxwell assis ensemble à une table. Je m’arrêtai face à cette image, le cœur comblé. Alors que je ne devrais pas. Je me ressaisis, allant les rejoindre. « Lady Lara est satisfaite, propre et repue. Par contre je vais la sortir de son porte-bébé et la laisser décorer un peu elle aussi, j’sens qu’elle a envie de laisser son esprit créatif parler pour elle. » Elle était déjà là à se tortiller pour regarder tous les brillants sur la table. Il faudrait juste que je m’assure qu’elle ne se foute rien de dangereux dans la bouche. Elle était à cet âge-là.

Elle lisait la peine dans ses yeux et ça lui faisait mal à Alba, même si elle ne comprenait pas forcément. Avec Léo, c’était totalement l’opposé. Elle lui avait imposé Jonah, préférant rendre Léo malheureux que son fils sans père. Elle ayant vécu l’abandon, elle ne souhaitait pas ça pour son propre enfant. Au final, leur relation n’allait pas bien entre les deux parents, mais Jon n’en subissait pas de répercussion. Enfin c’était qu’Alba croyait. Il grandissait avec deux parents qui l’aimaient et ils arrivaient à être courtois et bienveillant devant leur fils. « Je comprends ! Et tu as raison. Peut-être que t’as l’impression que ce n’est pas le cas, mais je suis sûr qu’il t’aime tellement. » Elle l’avait remarqué, surtout quand Alba avait vanté le talent de son père pour la danse. Elle lui souriait, essayant de le rassurer. Être parent n’était pas simple, et souvent Alba comprenait que seuls ceux qui l’étaient pouvaient saisir les conflits internes des autres. Chacun avait une histoire différente, et si Conchobáhr réagirait plutôt bien à l’émancipation de Maxwell, ça ne serait pas le cas pour Alba. Elle grimaçait à la question de son ex-amant. « J’ai peur de me retrouver seul … » Avouait-elle. Ce n’était pas simple comme sentiment. « Attention, je ne souhaite pas que mon fils reste avec moi pour toujours. Je veux qu’il s’épanouisse, qu’il soit indépendant et qu’il fasse ce qu’il aime. » Elle avait juste peur de finir sa vie seule, ce qui était un peu le cas en ce moment, mais Jon était là pour combler tout les vides de la vie de la maman. Puis elle espérait dans le fond qu’il ne devienne pas trop comme Léo, en tout cas avec les femmes ou les hommes. « Oui c’est le principal. » Répondait-elle. Que Léo ne l’aime pas, ce n’était pas facile, mais ce n’était pas important. Seul Jon l’était. Elle riait à la plainte de Concho. Cette conversation se concluait au retour des deux petits monstres qui couraient et de Lara qui décidait de montrer sa présence. C’était comme si elle avait compris que cette discussion entre les deux adultes était importante. Max et Jon avaient déjà décidé de ce qu’ils voulaient faire par la suite. Leur complicité était attendrissante à voir, mais Alba se méfiait. Ils allaient devenir incontrôlables. Mais ça la faisait sourire. Evidemment qu’elle acceptait de garder un œil sur le fil de Conchobáhr pendant qu’il s’occupait de sa dernière. Les deux garçons et elles partaient direction du stand de décoration. Maxwell demandait à Alba de l’aide pour choisir les couleurs. Il voulait savoir si elle pensait que ça plairait à son père s’il faisait une boule pour leur sapin. Alba ne faisait que l’encourager et les deux garçons étaient concentrés dans leur tâche. En voyant Conchobáhr revenir, elle lui offrit un large sourire. Lara regardait la table avec toutes ses paillettes. Bien tenu par son père, elle s’amusait avec ce qu’elle trouvait. « Tiens Lara, y’en a plein ici. » Disait Jon en tendant une petite boîte et Alba souriait attendrit par cette scène. « Ils ont plein d’idée, on en a pour des heures. » Disait-elle en riant alors que les deux garçons retorquait le contraire.

Je voulais tellement croire Alba, croire que son regard voyait effectivement tout l’amour que mon fils me portait. Ce n’était pas que je ne le pensais pas, évidemment ce genre de choses ça se sentait et j’avais l’impression que Maxwell s’était attaché à moi dans la dernière année. Mais comme j’avais manqué les premières années de sa vie, il était inévitable que les doutes s’étaient installés en moi, vicieusement, me remettant en question. Au fil du temps sans doute, ceux-ci s’estomperaient. « Oui, j’imagine. Ça a pris du temps avant qu’il m’appelle papa mais maintenant c’est chose faite, c’est un grand pas déjà pour moi. » Je souris. Mon cœur avait littéralement fondu la première fois qu’il m’avait appelé papa. C’était la première fois. Lara existait déjà mais même encore aujourd’hui, elle était trop jeune pour le dire. Parfois, Zelda et moi on se surprenait à croire qu’elle avait dit mama ou papa, mais au final on se ravisait en se disant que c’était juste des sons qui sortaient de sa bouche sans faire de sens. On entendait bien ce qu’on voulait entendre. Je fis une moue triste en entendant Alba me dire qu’elle avait peur de se retrouver seule, lorsque Jon quitterait le nid familial. C’était une crainte que j’avais aussi, recroquevillée dans un fond de mon cœur. « Non, je comprends ce que tu veux dire, t’en fais pas. On est tellement plein d’amour avec eux, on n’a même plus le temps de trop s’en faire avec notre célibat. Mais c’est vrai que ça risquerait d’être vide, silencieux, s’ils partaient et qu’on restait là, tout seul. » Je chassai ce sentiment bien trop triste qui m’habitait. Je ne voulais pas croire que dans dix-huit ou vingt ans, je serais encore un vieux célibataire endurci. « D’où l’importance de ne pas négliger notre propre vie sentimentale ! Tu rencontreras quelqu’un, j’suis même pas inquiet. » Lui dis-je avec un sourire. Une petite partie de moi avait envie de lui dire que peut-être que c’était justement notre rencontre qui pourrait tout changer à ça, que peut-être ce n’était pas anodin qu’on soit tombés l’un sur l’autre la dernière fois. Mais c’était trop tôt et je ne voulais pas qu’elle flippe totalement. De toute façon, nos deux petits monstres revenaient et ma petite démone gigotait dans mes bras. C’était l’heure de s’activer de nouveau. Je laissai Alba avec les deux gars le temps d’aller à la voiture pour changer et nourrir Lara. À mon retour, ils étaient tous les trois déjà bien installés à la table de bricolage. Je les rejoignis rapidement, prenant place à côté d’Alba. Évidemment, Max et Jon étaient un à côté de l’autre. En aucun cas je n’aurais pu me faire une place entre eux. J’enlevai Lara de son porte-bébé et la mit face à la table, afin qu’elle puisse toucher aux différents objets. Je la surveillais de près, il y avait beaucoup trop de trucs avec lesquels s’étouffer là-dedans. Je souris en entendant Jon appeler ma petite fille par son prénom et lui tendre une boîte. J’échangeai un regard conquis avec Alba. « Va falloir qu’on se fasse livrer du resto jusqu’ici, si ça continue. » Je n’aurais pas dû dire ça à voix haute. Jon et Max s’échangèrent un regard beaucoup trop heureux. « Oups. » Je ris. « Je vais en profiter pour me faire des décorations moi aussi, dans ce cas. Hein Lara, tu veux qu’on fasse une couronne de Noël à accrocher chez maman ? » Ce serait une belle attention, un petit cadeau de Noël en avance, pour Zelda ! Je m’attelai à la tâche.

Elle était bien placée pour savoir à quel point le lien entre une mère et son fils était fort. Ce qu’elle avait avec Jon était indescriptible, alors elle le croyait Conchobáhr. Mais elle n’arrivait pas à croire qu’il n’y avait rien entre lui et Maxwell. Dans le fond, Léo aussi avait eu dû mal à trouver sa place. Il était là depuis le début, mais les trois dernières années il n’avait eu le droit qu’à Jon quelques week-ends dans l’année. Sauf que l’amour que Jonah portait à son père n’avait en rien changé. « Un pas à la fois. Puis tu sais ce n’est pas parce qu’il aime Ally qu’il n’a pas de place pour toi. » Alba avait enfin compris ça. Jon avait été la seule personne qui avait montré à Alba qu’on pouvait aimé deux personnes et qu’elle pouvait partagée cet amour. Pour l’instant, il n’y avait que Léo, mais dans quelques années, il y aura des amis ou et la personne qui rendra dingue son fils. Ce jour-là, le partage serait plus difficile et au final Jon quittera son nid. « C’est ça ! Je ne peux pas concevoir ma vie maintenant avec une personne qui n’inclura pas Jon. » C’était inconcevable pour elle. Puis elle voulait aussi quelqu’un qui ne pense pas qu’il doit remplacer Léo, parce que jamais personne ne pourra être le papa de Jon à part le photographe. Elle ne pensait pas être aussi dramatique dans sa réflexion et Conchobáhr la fit sourire. « J’espère. » Disait-elle en souriant. Le danseur pourrait faire un merveilleux amant et un compagnon de vie. Il arrivait à faire oublier à Alba toutes ces promesses. Il avait l’air patient, doux, attentionné et avec lui elle se sentait en confiance. Sauf qu’il y avait Freja et cette promesse. Déjà elle s’en voulait presque de lui parler dans le dos de la norvégienne. Heureusement que les deux tornades arrivaient pour détourner l’attention des parents. Même Lara s’y mettait, elle qui avait été si sage depuis le début. Ils se séparaient, Conchobáhr allant changer et nourrir sa fille pendant qu’Alba s’occupait des monstres. Quand Conchobáhr revenait, les garçons étaient dans leur création, empêchant le père à s’installer entre eux. De toute façon, ils avaient tellement accroché qu’Alba redoutait le moment où il faudrait les séparer. Même Lara se mêlait à la créativité, touchant tout ce qui brillait sous l’œil protecteur de son père. Elle souriait quand Jon proposait à la petite fille des paillette. Conchobáhr parlait de repas et de livraison et en voyant la tête des deux garçons, la maman savait que c’était déjà trop tard. Elle riait. « On verra s’ils sont sages. » D’un seul coup les deux garçons se redressaient sur leur chaise voulant montrer à quel point ils savaient se tenir. Alba riait devant cette scène. Même Alba s’attelait à la création d’une boule de noël. « Tu fais un truc pour Charlie, elle sera contente de mettre une de tes créations sur le sapin. » Jon savait qu’il passait noël avec Charlie, Devon, Léo et elle. Maxwell cachait un peu ce qu’il faisait pour faire la surprise à son père et quand Conchobáhr voulait s’intéresser à ce que faisait son fils, Alba détournait son attention. « Et du coup tu as prévu quoi pour Noël ? » Au même moment Lara renversait une boîte obligeant le danseur à se baisser. Maxwell souriait à Alba de reconnaissance et la maman lui répondit par un clin d’œil, espérant que sa tentative de diversion ait fonctionné.

J’hochai la tête à la réplique d’Alba. C’était quelque chose que j’avais appris récemment, oui. Qu’un cœur ne se divisait pas pour offrir tout son amour, mais qu’il se multipliait plutôt, pour le répandre plus encore. « J’sais bien, je l’ai compris en ayant Lara. J’aimais Maxwell de tout mon cœur et j’pensais pas pouvoir aimer un autre enfant autant mais elle est arrivée et j’sais pas comment mon cœur peut encore tenir à sa place sans que j’explose mais c’est le cas … » Expliquais-je maladroitement, un sourire aux lèvres. J’imaginais que c’était la même chose pour un enfant envers ses parents. Et un jour, Max aurait quelqu’un dans sa vie et son cœur s’agrandirait encore. En tout cas, j’espérais bien qu’il n’aimerait pas ses parents moins. Parce que ce jour-là, je me sentirais encore plus seul, déjà qu’il serait sur le point de quitter le nid familial sans doute. Surtout qu’il serait peut-être encore bien loin de moi. « Ah, moi non plus, quand une femme tombera amoureuse de moi faudra qu’elle aime mes enfants aussi, c’est non négociable. » Je n’avais pas peur pour Alba, cependant. Elle était géniale. Elle trouverait rapidement un homme qui la prendrait comme elle était, avec Jon. Quand même, j’ajoutai : « Plutôt que BBT on devrait s’partir une application de rencontres pour les parents célibataires de la région. Comme ça, c’est réglé. » Plaisantais-je. Mais c’était con, j’avais déjà devant moi mon match parfait pour ce genre d’app, en fait. Je n’avais pas besoin d’aller chercher plus loin. Pourtant, j’étais incapable de me mouiller auprès d’Alba. J’avais trop à perdre, si j’allais trop vite. Et sans doute n’étais-je pas tout à fait prêt non plus, si je me retenais autant. Nos deux petits monstres coupèrent court à mes interrogations en revenant du conte. Tout contents, ils ne mirent pas de temps à se diriger vers la prochaine activité, accompagnés d’Alba, pendant que je retournais à la voiture rapidement pour m’occuper de Lady Lara. Je revins rapidement vers notre petit groupe inattendu, m’asseyant avec eux pour décorer des boules de Noël, des guirlandes et autres décorations festives. Je ris en voyant Jonah et Maxwell se redresser, tout droits sur leur chaise, pour montrer qu’ils étaient sages. Ils le voulaient, leur resto ! « Qui est Charlie ? » Me permis-je de demander doucement, m’intéressant à leur petite vie. À sa petite vie. Par la suite, mes yeux tentèrent de voir la création de Max et directement quand je m’avançais sur la table pour mieux voir, Alba me posa une question, me ramenant dans ma position initiale. Mon mouvement brusque entraîna la chute de la petite boîte que tenait maladroitement Lara. « Oups. » Je me penchai, ne voyant absolument rien de leurs manigances en haut. Je ramassai tant bien que mal les fines décorations que je remis dans la boîte en utilisant ma main comme un balai. Je me relevai, ayant complètement oublié mon essai de voir ce que faisait Maxwell. J’y reviendrais plus tard. Pour le moment, je redéposai la boîte un peu plus loin et je répondis à Alba. « On va passer le réveillon avec Zelda, la maman de Lara. Et le lendemain matin, dépouillement des cadeaux chez moi avec la famille de mon coloc’ Perry. On va se faire un gros brunch, ça va durer des heures sans doute. » Surtout que les enfants voudront jouer avec leurs cadeaux, et les papas allaient goinfrer tout en buvant des mimosas. « De votre côté ? » Demandais-je en jetant également un coup d’œil à Jonah.