Un samedi soir sur la terre [Baylee]

Ca n’est pas parce que Baylee n’était pas à Sydney, au plus près de son label, qu’elle avait cessé de travailler pour autant. Etant à Bowen depuis une semaine, pour une durée indéterminée, B. avait pris la décision de tenter de bosser à distance. Rien ne l’empêchait d’essayer de trouver des nouveaux talents, quitte à louer par la suite un studio d’enregistrement s’il le fallait. Et pour trouver les voix de demain, quel meilleur moyen que d’aller là où ils chantaient ? C’est donc pour cette raison que la jolie blonde avait pris la direction, ce soir, du Blue Cabaret, un charmant petit cabaret qui semblait avoir une affiche plutôt intéressante. Bay’ avait même essayé de convaincre Lounà de la suivre, mais celle-ci avait préférée rester dans leur chambre d’hôtel pour lire ou regarder la télé. La jeune australienne avait tentée de convaincre son amie de la suivre, mais rien n’y avait fait, Lou semblait décidée à rester toute seule ce soir. Baylee avait souhaité rester avec elle, peu désireuse de l’abandonner, mais Lounà préférait la voir sortir et s’amuser que tourner en rond en râlant dans la chambre. C’est ainsi que la jeune productrice rentra seule dans le cabaret, qu’elle examina tout en suivant un serveur jusqu’à une table libre. Elle y posa ses affaires, impatiente que le spectacle commence enfin. Son regard balaya alors la salle, observant les personnes qui s’y trouvaient déjà, et se figea sur un jeune homme qui était au bar. De là où elle était, elle ne le voyait que de profil, et, étrangement, elle avait l’impression de le connaître. Fronçant les sourcils, elle fouilla alors dans sa mémoire, essayant de se souvenir si, oui ou non, elle avait bien pu le rencontrer de par le passé.

Tout en sirotant son coktail, que le serveur venait de lui apporter, elle continua à chercher. Cela dura de longues minutes, et il est inutile de dire qu’à la longue, ça l’énervait. Il est toujours désagréable de croiser quelqu’un que l’on connait et d’ignorer où et comment... Et soudain, ce fut la révélation ! Si ses yeux ne lui faisaient pas défaut, il s’agissait de Sebastiàn Estevez, le fils d’un des plus proche ami de son père. Le verre de la jeune femme heurta brusquement la table alors qu’elle poussa un petit cri de victoire : elle avait triomphé de sa mémoire de poisson rouge ! Un sourire étira ses lèvres. Cela faisait près de 5 ans qu’elle ne l’avait vu, et ne s’attendait certainement pas à le croiser ici. Inutile de dire que, depuis le temps, il avait bien changé. Exit le jeune adolescent un peu fou-fou, et bonjour au jeune homme charmant. Se passant une main dans sa longue crinière blonde, elle décida d’aller le saluer, en souvenir du bon vieux temps, et pourquoi pas, pour prendre des nouvelles, de lui et de son père. Remettant sa veste sur ses épaules, et attrapant son sac à main ainsi que son verre, elle se dirigea vers lui. Une fois arrivée à sa hauteur, et assise sur un tabouret à ses côtés, elle s’écria, d’une voix amusée et chaleureuse : « Alors, Sebastiàn, tu traînes dans les cabarets, maintenant ? » Certes, il y a mieux comme salut, mais il s’agit de Baylee, et faire dans la banalité n’était clairement pas dans ses habitudes.

Le monde réserve parfois bien des suprises, et c'était sans doute l'une des choses que Baylee préférait dans la vie. Nul ne savait ce que la journée lui réservait, même si toutes les surprises n'étaient pas bonnes. Mais là, en l’occurrence, ça n'était pas le cas. Dardant son regard sur le jeune homme, elle ne pouvait s'empêcher de sourire en repensant aux moments passés en sa compagnie, lorsque les « adultes » voulaient être tranquilles. Son sourire se fit plus amusé en le sentant réfléchir pour se souvenir d’elle. Elle décida de s’en amuser en affichant un air ouvertement vexée qu’elle ne ressentait pas le moins du monde, n’ayant que trop conscience que les années avaient passés depuis leur dernière entrevue, et tous deux avaient donc changés. Lorsqu’enfin, il retrouva son prénom, Baylee acquiesça d’un signe de tête, continuant son petit jeu du « Je suis vexée que tu m’aies oublié » en poussant un soupir de soulagement.

« Ca va très bien », déclara-t-elle, souriante. « Et moi non plus je ne pensais pas te croiser ici ! Je dois avouer que Bowen n’est pas vraiment une ville faite pour moi, aussi y suis-je pour soutenir une amie. », dit-elle en soupirant. Elle ne regrettait nullement son choix qui l’avait poussé à suivre Lounà, si c’était à refaire, elle le referait, sans hésiter. Mais Bowen semblait trop calme à son goût. Apparemment, toutefois, cette ville était pleine de surprise. « Et toi, qu’est-ce que tu fais ici ? » Attendant la réponse du jeune homme, elle but une gorgée de son cocktail, essayant de fouiller dans sa mémoire pour savoir si, lorsqu’elle avait dit à son père qu’elle irait à Bowen pour quelques temps, celui-ci lui avait dit que le jeune homme y était. Mais elle n’avait guère eu la tête à écouter ses propos lorsqu’elle lui avait annoncée, devant gérer le fonctionnement de son label en son absence. La jeune femme n'était peut-être pas la personne la plus sérieuse au monde, mais cela changeait lorsqu'il s'agissait de son travail.

Ecoutant les explications du jeune homme, Baylee hocha la tête. Bien entendu, elle n’avait pas oublié les rapports tendus qu’il avait avec son père. Cela avait beaucoup marqué la jeune femme, car c’était tellement différent de ce qu’elle vivait avec son père. Elle avait en effet été très proche de son père, et surtout après la mort de sa mère. Alors comment aurait-elle pu oublier les confidences que lui avait faites Sebastiàn ? Même s’ils avaient un écart d’âge de 7 ans, elle avait toujours tâchée de se montrer à l’écoute de son entourage, ou, du moins, des personnes qu’elle appréciait. Bon, il faut être honnête, parfois, se retrouver avec lui dans ses pattes l’avait agacée, comme tous les enfants, elle aimait avoir ses moments en tête à tête avec elle-même, mais généralement, elle avait été contente de passer du temps avec lui. Elle était donc heureuse qu’il ait enfin pu prendre ses distances par rapport à son père, et espérait que cela allait adoucir leurs rapports, trouvant toujours dommage que des enfants aient des rapports aussi difficiles que cela avec leurs parents. Cela venait sans nul doute du fait d’avoir perdu sa mère très tôt... Vint ensuite le moment où la conversation rebascula sur Baylee, qui sourit de l’hésitation de son interlocuteur face au métier qu’elle pouvait bien faire. Il faut dire qu’à l’époque, elle avait pas mal hésitée : photographe, avoir un groupe de musique, architecte... Les idées de carrières s’étaient enchaînés dans son esprit presque aussi rapidement que ses conquêtes dans son lit, c’est pour dire !

« J’ai ouvert un label de musique depuis quelques temps », déclara-t-elle, non sans sourire, ressentant toujours une pointe de fierté en parlant de son boulot. « Donc, pour bosser, peu importe l’endroit où je suis, on fait de la musique n’importe où dans le monde ! Il me suffit d’être à l’écoute pour trouver les nouveaux talents ! » Et le plus drôle, dans l’histoire, était sans doute le fait que Sebastiàn soit le petit ami d’une jeune chanteuse qu’avait récemment repérée Baylee, à Sydney. Et qui allait d’ailleurs se produire ce soir (ce que Baylee ne savait pas pour le moment non plus.) « Et toi, que deviens-tu ? » Au cours de leurs conversations passés, Sebastiàn avait fait savoir à Baylee qu’il n’était guère enchanté à la perspective de suivre les traces de son père (Baylee l’avait d’ailleurs encouragé à lui tenir tête, après tout, elle l’avait bien fait, en assénant sans arrêt à son père que non, elle ne ferait pas médecine, ou enseignante...), mais ne lui avait jamais dit ce qu’il souhaitait vraiment faire.

Un sourire amusé étira les lèvres de Baylee en entendant le changement que Sebastiàn avait effectué, par rapport à ce que son père avait prévu pour lui. Ca n'était pas plus mal, le jeune homme n'avait jamais semblé heureux de se voir obliger de suivre la piste tracée par son père. D’ailleurs, ça n’avait pas dû aider leurs rapports....

Baylee hocha la tête lorsqu'il évoqua les difficultés liées à son métier. Elle comprenait, elle -même n'avait pu se lancer que grâce à l'aide financière de son père. Elle voyait encore souvent des artistes, très prometteurs, qui avaient des difficultés à vivre de leur art. Etre dans le milieu artistique était une belle chose, mais loin d'être simple à vivre.

« Et c’est pour une représentation que t’es là ce soir ? », demanda Baylee intriguée. Et aussi parce qu’elle était curieuse de le voir jouer. « Et bah, et dire que je connais peut-être un futur grand comédien ! C’est cool ! », dit-elle. « Surtout si ça te plaît ! Bon courage en tout cas pour la suite ! Et si un jour, je peux t’aider d’une manière ou d’une autre, n’hésite pas ! Je connais pas grand monde dans ton milieu, mais j’ai quelques contacts quand même, qui sait, l’un d’entre eux pourrait t’être utile ! ». Certes, elle, c’était plus dans la musique, mais le monde artistique n’est pas si grand que ça, et les gens se connaissent pas mal entre eux. « Apparaître dans un clip pourrait t’intéresser, par exemple ? » En tant que productrice, elle avait en effet son mot à dire sur le casting des clips de ses artistes, tout comme elle avait son mot à dire ce tout ce qui concernait la production de leurs albums... Fouillant dans son sac, elle ajouta, en tendant une carte vers son interlocuteur : « Voici ma carte, au cas où. N’hésite pas ! », tout en accompagnant sa phrase d'un chaleureux sourire. Après tout, entre "collègues", ils devaient bien s'aider, non ?

A l’interrogation de Sebastiàn, Baylee lui adressa un sourire rassurant. Apparaître dans un clip pouvait être un bon coup de pouce, ça avait marché pour certains acteurs aujourd’hui très réputés, ce que la jeune femme s’empressa de lui faire remarquer, ne sentant que trop bien à quel point il semblait perdu : « Oh, tu sais, Penélope Cruz a commencée par là. Et l’avantage, c’est que tu peux t’y faire un carnet d’adresse », ajouta-t-elle, « et dans un tel milieu, avoir un bon carnet d’adresse est presque autant utile qu’avoir un talent immense doublé de la chance qui te fais être au bon endroit, au bon moment... » Attrapant son verre, la jeune femme but une gorgée, avant d’ajouter : « Sans oublier que certains réalisateurs de films ont commencés par tourner des clips. Qui sait, si tu joues dans un clip, tu tourneras peut-être avec le futur Spielberg, et qui, de fait de votre première collaboration fructueuse, fera appel à toi lorsque viendra le moment de tourner son premier film ! » Cela pouvait paraître trop optimiste, mais Baylee préférait voir les choses ainsi, essayant de voir le bon côté dans chaque situation. Elle faisait également partie des gens qui pensaient que travailler dans le domaine artistique ne pouvait aboutir qu’avec l’apparition d’un coup de pouce du destin. Hors, le destin, on devait le bousculer pour qu’il daigne se pencher sur votre existence. C’était comme ça qu’elle avait réussit à obtenir son stage dans un gros label, et ainsi également qu’elle avait trouvé ses 1ers gros artistes : un peu de chance, du culot, et de la persuasion qu’on lui laisse montrer ce dont elle était capable. « Je ne te garantis pas que ça fera de toi le futur acteur le plus en vu, mais ça ne peut que t’aider ! »

Un sourire fleurit sur les lèvres de Baylee à la question de Sebastiàn. Ca pourrait être drôle que ça se passe ainsi. Et ça donnerait peut-être envie à Baylee de produire autre chose que de la musique. Idée à réfléchir, par ailleurs ! « Va savoir ! Ca serait plutôt drôle, je trouve ! Mais, plus sérieusement, si je peux t’aider, ça sera avec grand plaisir ! » Elle n’avait certes pas vu le jeune homme jouer, mais ça ne la découragerait pas pour autant. Bon, ça serait peut-être le cas si elle s’apercevait qu’il était très mauvais, mais pour l’heure, elle n’en savait rien. En entendant Sebastiàn accepter, même s’il semblait sceptique, Baylee lui adressa un clin d’œil, contente d’elle. « Et si jamais ça ne me marche pas, tu peux te réconforter en te disant que je vais pouvoir t’embêter comme avant. Et que je ne compte pas m’en priver ! », s’amusa-t-elle comme une enfant, allant même jusqu’à ébouriffer les cheveux de son interlocuteur. Comme elle s’amusait à le faire bien souvent les multiples fois où ils s’étaient vus, plus jeunes. Ce faisant, elle lâcha un petit rire, alors que la représentation commençait. Elle but une autre gorgée avant de se tourner vers la scène, curieuse de voir ce que les artistes leur avaient prévus. La troupe s’installa sur scène, commençant à chanter. Et le 1er réflexe de Baylee fut de tendre l’oreille, à la recherche de voix qui se démarquaient, qui sortaient du lot. Posant sa tête sur sa main, son bras replié sur le comptoir, elle ne perdit pas une miette de ce qui se passait sur scène. « Plutôt pas mal », souffla Baylee au bout de quelques minutes.

Arquant un sourcil, Baylee réalisa qu’une des voix ne lui était pas inconnue. Et pour cause, elle réalisa, en observant un peu plus attentivement la scène, qu’une chanteuse lui était familière : il s’agissait de Tia Okland, une jeune chanteuse qu’elle avait croisée quelques mois plus tôt, à Sydney. Epatée par son brin de voix, la productrice s’était rendue dans les coulisses pour la rencontrer, et lui laisser sa carte, tâchant de la convaincre de signer avec son label. La chanteuse n’avait pour l’heure rien décidée, Baylee préférant lui laisser du temps pour réfléchir à ce qu’elle préférait faire. En creusant un peu sa mémoire, Baylee se souvint que Tia lui avait dit être originaire de la petite ville de Bowen. Et, jusqu’à ce soir, cette info lui était sorti de la tête. La jeune femme fut sortie de ses pensées par la voix de Sebastiàn, qui lui montra son bras, et sa chaire de poule, ponctuée d’une phrase qui arracha un sourire moqueur à Baylee. « Waouh, impressionnant », déclara-t-elle, amusée. « Tes poils sont visiblement un peu trop rapides, par contre. » Elle arqua l’un de ses sourcils, sans perdre son sourire, avant d’ajouter : « Il paraît que c’est mauvais signe pour le reste ! » Elle haussa les épaules, l’air sceptique. Et oui, elle n’avait pu laisser échapper l’occasion de partir en vrille, en même temps, au vu de la réplique que Sebastiàn venait de sortir, il ne pouvait en aller autrement ! Certaines personnes n’auraient sans doute pas oser sortir ça, gênées de le faire devant quelqu’un qu’ils venaient tout juste de retrouver, ou alors qu’ils avaient considérés comme un petit frère. Mais Baylee n’était clairement pas comme ça, sans oublier que parvenir à considérer actuellement Sebastiàn comme son petit frère, sans avoir de lien de sang avec lui, relevait de l’impossible. A moins d’être aveugle. Ou de n’être attirer que par les filles. Hors, Baylee n’entrait dans aucune de ces deux catégories.