never really over (ruby)

Entre son départ des bureaux de Jeffrey’s et l’heure d’aller récupérer ses filles à l’école et à la crèche, il restait à Perry un petit moment tranquille tout seul. Il aurait pu rester travailler plus longtemps mais faire des heures sup sans raison, ce n’est clairement pas dans ses habitudes. Tous les projets de l’entreprise avancent bien et il n’y a pas de grosse urgence à gérer. Il décide donc de faire un détour par la rivière pour s’installer dans l’herbe un moment et ne rien faire, son activité favorite, après le sexe peut-être. Il a troqué sa tenue de boulot sérieuse contre un short et un t-shirt, bien plus confortable. Tandis qu’il marche sur le chemin longeant la rivière, son skate sous le bras, il essaie de repérer un coin sympa où se poser mais avant qu’il n’ait pu repérer son point de chute, il remarque une jeune femme, sur le chemin, en face de lui. Il a l’impression d’avoir une hallucination, qu’il s’agit d’un mirage et pourtant il n’y a pas de doute. Il se rapproche tout en criant « Rub’ ? Rub’ ?! » Tout un tas de sentiments différents se mélangent en lui. De la joie, des doutes, un nombre innombrable de souvenirs, la plupart heureux, des souvenirs qui datent d’une éternité à présent. Un large sourire s’affiche sur son visage. Perry a tendance à prendre les choses du bon côté, il préfère penser à la joie de revoir son ancienne meilleure amie que les années sans nouvelles qui les ont séparées et les événements moins joyeux qu’ils ont pu vivre à l’époque où ils étaient encore tous les deux à Bowen.

Heureuse de terminer sa journée, Ruby avait quelques heures avant d’aller récupérer Luke à l’école. Elle était contente parce qu’elle avait prévu une soirée tranquille avec son fils. Ils avaient pas eu beaucoup de temps ensemble, à part leur vendredi canapé. Elle le voyait essayer d’être heureux et de s’intégrer dans cette nouvelle ville. Luke était formidable, toujours au petit soin envers sa mère alors que lui aussi subissait un deuil. Même s’il savait qu’Antoni n’était pas son père biologique, il considérait le polonais comme son père ou du moins un parent proche. Elle profitait de ces quelques heures pour se promener dans un des endroits qu’elle avait toujours adoré. Bowen River était un endroit qui l’apaisait, elle se souvenait de ses longues discussions avec son ami. Perry. Elle devrait aller le voir, mais à chaque fois elle faisait demi-tour. C’était peut-être le hasard ou simplement le karma d’entendre son prénom. En se retournant, elle le vit. Son ami, celui qui connaissait tout d’elle jusqu’à ce qu’ils ne se séparent et ne se parlent plus. Est-ce qu’elle lui en voulait ? Oui ! Est-ce qu’il lui manquait ? Il n’y avait pas un jour où elle ne pensait pas à lui. Et ce n’était pas juste parce que son fils lui ressemblait. Elle hésitait à partir en courant, après tout elle lui en voulait énormément. Jamais il ne lui avait donné de nouvelle. Il s’était rapproché. « Perry … » Son cœur se serrait en le voyant, il avait un peu vieilli mais il était toujours le même. « Je dois y aller ! » Disait-elle précipitamment.

Il se demandait s’il n’était pas en train d’avoir des hallucinations. Est-ce que la viande qu’il avait mangé le midi n’était pas avarié et ne lui donnait pas des mirages comme on peut en voir dans les films, lorsque les personnages sont restés un peu trop longtemps dans le désert ? Si c’est une hallucination, elle est quand même très réaliste. Le doute n’est plus permis lorsque la jeune femme lui répond. Oui c’est bien elle, c’est bien Ruby. Ou alors quelqu’un qui lui ressemble beaucoup et connaît son prénom, les chances sont quand même assez minces. La revoir le renvoie à tout un tas de souvenirs, certains heureux et d’autres moins. Il se souvient des nuits passées avec elle à discuter en attendant que l’orage s’en aille, les réveils peu délicats en sautant sur son lit et puis cette nuit, celle qui a changé leur amitié sans qu’ils se le disent vraiment, l’éloignement et finalement l’oubli. Il ne pensait jamais la revoir, comme s’ils étaient sur deux planètes différentes depuis tout ça. Mais non, elle est bien là, devant lui. S’il est heureux de la revoir, ça ne semble pas réciproque. Alors qu’il pensait qu’elle voudrait discuter un peu avec lui, elle lui dit directement qu’elle doit s’en aller. « Oh.. » dit-il, déçu. « Tu as même pas deux minutes ? Ou ton numéro pour que je t’appelle ? » demanda-t-il alors. Il ne compte pas le laisser filer comme ça. Qui sait, leur prochaine rencontre ne sera peut-être que dans dix ans, il ne veut pas laisser filer sa chance.

Perry. Combien de fois Ruby avait espéré revoir son meilleur ami. Est-ce qu’il l’était toujours après toutes ces années ? Elle lui en voulait de ce silence radio alors qu’elle avait besoin de lui, il savait qu’elle était enceinte. Sauf qu’il ne lui a pas redonner de nouvelles pendant des semaines. Leur amitié pouvait-elle survivre après toutes ces années et un bébé ? Un bébé qui était grand et que Perry ignorait tout, même son existence. C’était un mélange de sentiment qui prenait Ruby. D’un côté, le revoir lui donnait envie de pleurer. Tout ces souvenirs revenir, les fous rires du soir, les apéritifs, les longues conversations et ces confessions. Mais elle avait aussi envie de lui donner un coup de poing pour le mal qu’il lui avait fait. Alors elle choisissait la fuite Ruby, comme à son habitude. Pas très courageuse le gynécologue. Il semblait triste et déçu mais elle lui avait déjà tourné le dos. Si elle avait deux minutes. « J’ai toujours le même numéro de téléphone. » Répondait-elle plus froidement qu’elle le voulait. Puis elle prit sa respiration, après tout il fallait qu’elle lui reparle, il fallait qu’elle lui pardonne parce que Luke devait connaître son père et inversement. « J’ai le temps pour un café si tu veux. » Elle ne souriait pas vraiment mais c’était déjà un bon pas.

De tous les scénarios qu’il aurait pu imaginer pour leurs retrouvailles, celui-là ne faisait pas forcément parti des éventualités. A aucun moment il n’aurait pu imaginer qu’elle ne soit pas heureuse de le revoir. Lui était surpris et heureux mais en voyant sa réaction, la tristesse commençait à prendre le pas sur le reste. Pourquoi n’est-elle pas aussi contente que lui ? Il préfère ne pas trop approfondir sa réflexion, ce n’est pas trop dans ses habitudes de toute façon. Il lui demanda son numéro, se disant qu’elle aurait peut être pu en changer depuis le temps mais Ruby lui répondit simplement qu’il n’avait pas changé depuis qu’il lui envoyait des gif à la con et qu’ils vivaient ensemble, il y a plus de sept ans maintenant. Il ne dit rien, jusqu’à ce qu’elle lui dise qu’elle avait le temps pour un café. Il esquissa un sourire, heureux de cette petite victoire. Même si Perry n’est clairement pas doué pour déchiffrer les émotions des gens, il connaît par cœur sa meilleure amie et il voit bien qu’elle n’est absolument pas enthousiaste à l’idée de passer du temps avec lui. « T’as pas envie de me voir ? » lui demanda-t-il alors. Il ne savait pas trop quoi attendre comme réponse. Un flot de reproches ? Un événement passé qui la rendait triste ? Rien de tout ça ?

Elle savait qu’un jour elle allait le revoir. Perry. Son Perry. Même si elle l’avait détesté et pleuré, il restait ancré en elle. Il était son meilleur ami, et en sept ans il n’y avait pas eu meilleur que lui. Antoni avait eu un peu ce rôle, mais c’était différent. Il ne la connaissait pas comme le youtubeur la connaissait. Elle était triste et en colère de ce silence pendant toutes ces années. Ils s’étaient quittés sur une grossesse imprévue et jamais il n’avait essayé de la contacter. Elle aurait pu lui dire qu’elle avait gardé l’enfant, mais à quoi bon ? Elle avait estimé que si son ami ne prenait pas le temps de prendre de ses nouvelles, rien que pour savoir comment c’était passé l’avortement, ça ne servait à rien de prendre contact. Est-ce qu’elle avait envie de le voir ? Certainement, au moins un peu. Mais la rancœur était toujours présente et elle les sentait ses larmes de tristesse et de déception monter. « Tu n’as jamais cherché à me voir auparavant. » Elle ne comprenait pas pourquoi cet enthousiasme soudain. « Du jour au lendemain, je n’ai plus existé. » Il ne servait à rien de mentir, il fallait que les choses soit dites, surtout qu’elle avait un autre cadeau à offrir à Perry et pas sûr qu’il l’accepte avec chaleur.

Lorsqu’il s’agit de choses sérieuses Perry est toujours un peu à côté de la plaque. Il n’y a qu’à voir avec Aisling, comment il a toujours été maladroit pour lui dire les choses et le temps prit pour reconstruire leur relation et qu’elle soit de nouveau à peu près amicale. Un peu trop naïf, il n’imagine pas tout ce que peut penser Ruby. Il ne pense pas avoir mal agit, lui ne lui en a jamais voulu de rien du tout. Il en veut rarement aux gens de toute façon. Voyant le peu d’enthousiasme qu’elle a de le revoir, contrairement à lui, il lui demande si elle n’a pas envie de le revoir. La jeune femme lui explique alors qu’avant aujourd’hui il n’a jamais essayé de lui reparler, que leur relation s’est arrêtée du jour au lendemain. Cette époque a été difficile pour Perry. Il avait avoué à Ruby avoir des sentiments pour elle, ou du moins ce qu’il pensait être des sentiments, mais ceux-ci n’étaient pas réciproques. Il avait alors quitté leur colocation et avait commencé à se droguer. A ce moment-là ils ne s’étaient plus parlé, malgré la grossesse de la jeune femme. Et puis il était parti en cure sans lui dire, à son retour elle n’était plus là. « J’ai voulu te voir mais tu n’étais plus là alors je me suis dit que c’était trop tard et que...tu étais passée à autre chose, que je faisais plus parti de ta vie. » expliqua-t-il tristement.

Ç’avait été une erreur ses quelques dérapages avec Perry parce qu’elle avait perdu son ami. Perry, il était le frère qu’elle n’avait pas eu. Il était cet homme doux, drôle, attachant et fidèle. Jamais elle n’avait vécu un telle amitié, même Antoni n’arrivait pas à cerner un minimum Ruby. Il suffisait d’un sursaut de sourcil pour que Perry comprenne ce qu’il n’allait pas chez Ruby. Leur façon de vivre avait toujours été belle. Cette grossesse avait mit fin à cette douce et simple relation. C’était surement de la déception qu’elle avait ressenti Ruby quand il était partit sans donner de nouvelles. Naïvement, elle avait peut-être pensé qu’il avait abandonné et qu’il la laissait tout gérer. Si seulement elle avait su qu’elle avait été une des causes de sa descente aux enfers, alors elle serait restée. Il avait toujours fait partie de sa vie et encore plus avec Luke qui souriait comme son père. « Tu étais mon meilleur ami Perry… » Il serait lié à elle pour toujours qu’il y ait Luke ou non. Il fallait qu’elle lui dise, c’était important. « Y’a pas un jour où je n’ai pas pensé à toi. » Disait-elle avec tristesse. Perry c’était son bouclier, son alter égo, son meilleur ami.

Revoir Ruby le projetait à des années lumières de sa vie actuelle. A cette époque là Siobhan n’existait pas encore, ni même Aisling qui ne faisait pas partie de sa vie, Concho non plus d’ailleurs. Presque personne de sa vie actuelle n’en faisait parti au moment où la jeune femme était dans la sienne. Ils avaient tout partagé, une coloc, un lit, une nuit qui n’aurait jamais dû arriver, un enfant même. Et puis après ça, plus rien le vide, la séparation, l’absence et à présent voilà qu’elle est de nouveau ici, de nouveau à Bowen et qu’il n’était même pas au courant. Il lui expliqua les raisons de son silence pendant toutes ces années, il aurait pu la contacter, ça avait été con de sa part de ne rien faire mais il savait qu’elle lui en voulait peut être de tout ce qui était arrivé entre eux et il n’avait pas voulu prendre le risque d’une déception. Elle aussi avait été sa meilleure amie et personne n’avait su la remplacer pendant toutes ces années, la place restant vacante. « J’espère que je pourrais l’être à nouveau. » dit-il avec un demi-sourire. « Moi non plus...je vis toujours au 17, je te vois partout. » Sa chambre a beau avoir connu d’autres habitants, être transformée, repeinte, il revoit souvent leurs souvenirs lorsqu’il se balade chez lui.

Perry faisait partie d’elle. Il était la personne en qui elle avait eu le plus confiance dans toute sa vie. Perry, il n’avait jamais cessé d’exister pour Ruby. Pourtant, elle avait été déçue, triste. Mais Perry ça avait longtemps été un pilier. Maintenant qu’ils ne se voyaient plus, il restait un doux souvenir. Le revoir, ça lui faisait quelque chose. Une certaine rancune réapparaissait mais il restait Perry. Elle soupirait Ruby, parce que le temps s’était écoulé. Elle avait eu Luke, Antoni, une vie bien remplie qui faisait que la jeune maman avait changé. « J’espère … mais tout à changé. » Puis, elle devait lui dire, lui parler de Luke. Les deux hommes avaient le droit d’être dans la vie de l’autre. Elle souriait timidement. « T’es toujours au 17 ! » Disait-elle impressionnées. Perry était une personne loyale et la preuve avec cet appartement qui avait été témoin de tant d’histoire. « T’as toujours la même chambre ? » Elle ne serait pas surprise si c’était le cas.

Malgré le temps, les années, Perry a toujours envie d’être ami avec elle, qu’elle redevienne sa meilleure amie. Celle qu’il va voir la nuit lorsqu’il n’arrive pas à dormir pour la passer dans son lit à discuter de leurs vies respectives, celle qu’il appelle quand ça ne va pas et qu’il a besoin de parler. Concho a pris un peu ce rôle là même s’il n’accepte pas vraiment de partager son lit avec le jeune homme, mais il aimerait bien les avoir tous les deux. « Y’a certaines choses qui changent pas. » lui répondit-il avec un sourire. Il pensait à leur amitié, qu’ils ne devaient pas avoir tant changé tous les deux et toujours aussi bien s’entendre. Il lui révéla ne pas avoir bouger de l’appartement où ils s’étaient connus, il y a un peu moins de dix ans. Ruby lui demanda s’il avait toujours la même chambre. « Oui, j’ai gardé la même. Les autres ont bien changé, je suis le seul qui reste notre époque. » Poppy avait déménagé et Dasha également. Leur coloc d’un homme entouré de femmes s’est petit à petit changé en coloc de deux pères célibataires entourés d’enfants. « Si jamais tu as envie de revenir un jour, j’ai prévu d’agrandir l’appart, je peux te trouver une place. » Il a ce projet depuis des années, sans qu’il ne l’ait lancé pour l’instant.

Elle n’était pas forcément si surprise que Perry soit toujours au 17. C’était ce qu’elle avait aimé chez lui, cette loyauté envers ses proches et sa vie. Il ne l’avait juste pas été avec elle, l’abandonnant avec ce bébé – dont il ignorait l’existence. En même temps, Ruby non plus n’avait pas prit de nouvelle. Il devait la connaître la brune, sa rancune était tenace. « Je vois ça ! En même temps, il y en a eu des bons souvenirs au 17. Tu dois avoir des centaines d’anecdote à raconter. » Disait-elle avec un léger écart, comme si s’imprégner de cette ambiance allait lui faire mal. Ça lui avait manqué, ses amis à Bowen et Perry surtout. « Tu n’as jamais voulu prendre un truc rien que pour toi ? » Ruby ignorait qu’il avait eu un deuxième enfant. Penny elle l’avait à peine rencontré, mais elle connaissait son existence. Elle n’était pas la seule à avoir sa petite surprise. Son sourire se tarissait un peu. Une place pour elle et pour Luke … Il fallait déjà qu’elle lui en parle. Elle ne s’ennuyait pas mais elle regardait sa montre. « Je dois vraiment y aller, ça m’a fait plaisir de te revoir. » Elle lui souriait avant de tourner les talons. Mais son courage prit le devant. « Tu aurais le temps dans les prochaines semaines ? Je voudrais te parler d’un truc… » Ce n’était pas sympathique de lui balancer cela ainsi et le laisser attendre. Mais ainsi elle n’avait pas le choix de lui parler de Luke.

Des souvenirs au 17 il en a c’est certains, pour la plupart heureux et d’autres un peu plus sombres mais il n’y pense presque jamais, se concentrant sur les bons moments plutôt que les mauvais. Et puis il y a les souvenirs des gens qui sont passés par l’appartement, si Concho et Freja ne s’y étaient pas installés, se seraient-ils rencontrés et mis ensemble ? Bon, au final ils ont fini par se séparer mais Perry sait qu’ils ont eu de bons moments tous les deux. « Je pourrais écrire un bouquin ! » dit-il en riant. Il n’a absolument aucune compétence en écriture alors il ressemblerait sûrement à rien mais peut-être qu’un jour il s’y mettra. Il écrira ses mémoires, en essayant d’oublier le moins de choses possibles. Enfin, il en oubliera sûrement vu comment il ne retient pas chaque personne avec qui il couche. Ruby lui demanda s’il n’a jamais voulu déménager et se prendre un appartement ou une maison juste pour lui. « Non j’aime trop vivre avec des gens. » Et même s’il a des filles, il a besoin de gens à qui raconter certains trucs dont il ne peut pas parler avec ses filles. Finalement la jeune femme lui annonça qu’elle devait partir, ce qui attrista Perry qui aurait voulu que ces retrouvailles durent plus longtemps. Elle lui demanda s’il aurait le temps pour qu’ils se revoient et qu’ils parlent d’un truc. « Oui, oui, envoie-moi un message ! » dit-il sans trop s’attarder sur ce que pouvait être ce fameux truc. Il a juste hâte qu’ils puissent à nouveau discuter.