Now I know that he speaks fluent liar ı Archie

Nom de dieu de nom de dieu, c’était pas possible ! Non mais, quelles étaient les chances pour que, tout à coup, tu retombe sur Val, que tu avais pourtant soigneusement évitée des années durant ? Avec le temps, tu t’étais même persuadé qu’elle n’était plus sur Bowen : après tout, elle aurait très bien eu les moyens de refaire sa vie sur n’importe quel autre continent; peut-être aussi quelques rebondissements dans sa vie auraient pu l’y pousser ! Mais non. Il avait fallu que la demoiselle reste tout aussi ancrée que toi à l’Australie. Là, face à elle, t’avais envie de mourir, de te barrer, de prétexter n’importe quel coup de téléphone – excepté le coup de « ma grand-mère est morte », celui-là, tu l’avais utilisé bien trop de fois, lorsque vous étiez jeunes, pour qu’elle puisse savoir que c’était un énorme foutage de gueule. Tu te contentais de te taire, lui adressant un sourire un peu gêné « comme quoi… ce qu’on croit, hein ... » banalité sans fond, tu n’arrivais clairement pas à mieux. Tu t’attendais à te faire défoncer d’une seconde à l’autre ; tu la connaissais. Le calme avant la tempête ; une tornade était en prévision, et toi, pauvre con, tu t’apprêtais à l’affronter en slip de bain. A sa remarque, tu mordillais ta lèvre inférieure : « ouais… je… j’ai pas mal été occupé... » bredouillais tu. Et pourtant, tu savais pertinemment que tout ça n’était que mensonge. Enfin, bien évidemment, il y avait eu ton poste de lieutenant ; ta vie avec Sasha, et puis, ce foutu coup de feu qui t’avait déchiré la poitrine. La descente, aussi dure et froide que le carrelage de tes WC, sur lequel tu avais passé bon nombre d’heures à pleurer et vomir, après qu’on t’ait tiré dessus : les moments où tu étais sobre se comptaient, à cette époque, sur les doigts d’une main. Aujourd’hui, tu allais bien mieux. Tu ne pouvais plus exercer ton métier de flic, mais tu t’y faisais : t’avais renoué avec tes premières amoures, et ça, ça n’avait pas de prix. Ta vie était beaucoup moins palpitante que ta vie de flic, mais finalement, un peu de calme n’était pas pour te déplaire. Hésitant, tu as fini par demander, plus par politesse que par conviction : « alors… ? qu’est ce que tu deviens … ? »

Depuis que tu étais parti sans te retourner, tu avais soigneusement passé ton temps à éviter Valentina. Oh, bien sûr, tu avais pensé plus d’une fois à elle, et à votre enfant. A cette vie à laquelle tu avais renoncé. D’abord persuadé que tu serais bien mieux ainsi, plus le temps passait, plus tu te posais des questions. Si tu t’étais toujours dit que la vie de famille n’était pas pour toi, tu avais, pourtant, ces envies. Mais tu te les interdisais. Après tout, comment être un bon père sans avoir eu aucun modèle ? Sasha y était bien arrivé, c’était un fait. Mais tu n’étais pas comme lui. Lui, était fait pour la vie de famille. Toi, t’avais toujours eu la lâcheté de barouder, par peur que l’horreur  soit dans tes gênes : tu préférais ne pas être père plutôt que d’en être un mauvais. Tout ça, tu avais eu mille et une occasion de l’expliquer à Valentina. Mais trop jeune pour prendre ton courage à deux mains, tu avais préféré partir du jour au lendemain, sans lui donner aucune explication. Tu avais honte. Bordel que tu avais honte. Tu étais conscient que vous ne pourriez jamais refaire le passé, mais pourtant, tu espérais, un jour, pouvoir au moins réparer ce que tu avais détruit. Hésitant, t’as soupiré, ton regard fixant tes chaussures « Val, steuplé. J’te demande pas de me pardonner. J’ai été con. Extrêmement con. Si je pouvais revenir en arrière, je le ferais. Crois moi. » tu retirais ton bonnet, grattant, nerveux, ta nuque. « c’est facile à dire. J’vais pas te faire des leçons après ce que je t’ai fait. Mais j’veux que tu saches que j’ai changé. J'me demande tous les jours, c'que notre enfant serait devenu si à l'époque, j'avais eu le courage d'assumer mes conneries. Ne pas te laisser affronter ça toute seule. J'suis désolé. Et si je pouvais faire quelque chose pour toi… mis à part disparaître… J’le ferais avec plaisir. » avais tu balbutié, tentant de calmer le jeu...

Depuis que tu l’avais quittée, tu avais eu tout le temps de réfléchir et, bien souvent, tu te demandais ce qui t’était passé par la tête. En réalité, lorsqu’on y regardait de plus près, cette situation dans laquelle vous étiez était incompréhensible : vous vous aimiez, vous aviez tout pour être heureux, et il avait suffit d’une simple annonce pour que tu ne prenne la poudre d’escampette… Et cette annonce, elle allait changer vos vies, pour les années qui vous restaient à vivre. Sur le moment, la fuite t’avait semblé être la meilleur décision. Toi, le gosse de prostituée, toi, qu’avais jamais vraiment connu ton père autrement qu’à travers les récits de ta mère, ou une silhouette dans la cuisine lorsque tu rentrais de l’école, t’avais paniqué. Parce que tu savais ce que pouvait être une mère, belle, douce, volontaire comme la tienne, qui avait continué ses passes pour vous nourrir, ton frère et toi. Mais en ce qui concernait un père, t’avais aucune putain d’idée de ce que ça pouvait être. Tu savais qu’il pouvait avoir de longues jambes, ou de Noël, à la rigueur, ne pas prêcher, comme le chantait Madonna, mais pour le reste… mystère. Tu n’avais pas eu de figure paternelle, comment t’en faire une idée ? Non. Tu mentais. Pour être honnête, tu avais eu bien trop de figures de ce style, si bien que tu ne savais pas ce qu’un père pouvait être. Et plutôt qu’en être un mauvais, tu avais préféré ne pas en être un du tout.
Tout ça, tu l’avais expliqué des milliers de fois à Valentina dans tes rêves les plus dingues. Mais lorsqu’elle demeurait là, face à toi, tu te tétanisais. C’avait toujours été ainsi. Vrai à cette époque, ce qui t’avait d’ailleurs poussé à prendre la fuite, incapable d’ouvrir ton coeur, cette affirmation était toujours autant d’actualité, et ça t’agaçait : merde, aligner deux mots, c’était tout de même pas si compliqué après tout ! qu’est ce qui ne tournait pas rond chez toi ?! Pas le temps de trouver une réponse, qu’elle te flanquait une énorme tarte en pleine face. Bordel. Celle là, tu ne l’avais pas volée. Sans un mot, tu baissais ton regard à présent brillant, passant ta langue à l’intérieur de ta joue, avant de la frotter, tentant de retrouver une sensibilité quelconque au niveau de tes nerfs. « soulagée? » avais tu demandé essayant tant bien que mal de ne rien laisser paraître.Ta joue te brûlait, mais pouvais tu lui en vouloir ? Une vague de colère montait peu à peu en toi. Tant bien que mal, tu tentais de te contenir, mais intérieurement, ton monde s’écroulait. Ses mots, justes mais durs te faisaient l’effet d’un coup de poignard et, en colère contre le jeune connard que tu étais, tu jetais ton téléphone qui s’écrasait au sol « Putain! » tes mâchoires se crispaient et ton regard, de plus en plus brillant fuyait le sien : tu avais trop peur de ce qu’elle pourrait voir au fond de celui-ci. Malheureux comme une pierre, tu fis un tour sur toi même, mains jointes, comme pour implorer un dieu auquel tu n’avais jamais cru : « J’me déteste. J’me déteste de t’avoir fait ça, et de lui avoir fait ça. » explosais tu. « j’suis sérieux. J’veux pas te baratiner Valentina. Je regrette le sac à merde que j’ai pu être. Mais j’referai pas le passé. Tu l’as dit : j’peux que vivre avec mes remords et fermer ma gueule. Et devine quoi ? c’est ce que je fais. » tu soupirais, passant une main sur ton visage, tentant de stopper au vol ces larmes qui ne demandaient qu’à te libérer : hors de question de pleurer. Bordel, t’avais d’ja pas l’habitude de confier ce que tu avais sur le coeur, t’allais pas, en plus, faire dans le sentimentalisme ?! Difficilement, tu déglutissais, avant de récupérer ton téléphone défoncé dans le vol qu’il venait de se prendre. dommage collatéral. tu soupirais, levant les yeux au ciel, tandis qu’un rire nerveux franchissait tes lèvres. « putain... » tu humectais tes lèvres, le temps pour toi de trouver tes mots, avant d’avouer : « pas en vouloir ? Contre toute attente, c’est là que tu te trompes, Val. J’étais heureux à l’idée de fonder quelque chose avec toi. C’était pas vous le problème. C’était moi. » tes mains se fourrant en poings dans tes poches, tu haussais les épaules « j’ai jamais connu mon père. Tu sais combien ça m’a coûté. J’voulais juste… éviter d’être un mauvais père. Quitte à ne pas en être un. » la gorge serrée, tu te tus, occupé à enfoncer ton bonnet sur ta tête : t’aurais voulu disparaître, encore plus lorsque tu réalisais qu’à ne pas vouloir être comme ton géniteur, t’étais devenu sa parfaite réplique. ça te dévastait.

La vingtaine. C’était approximativement l’âge que tu avais lorsque la nouvelle t’était tombé dessus, comme une épée de Damoclès.A cette époque, tu étais fidèle à une seule femme, avec qui, même si tu avais eu peur de te l’avouer, tu aurais probablement pu terminer ta vie… en tous cas, tu t’y voyais bien, à l’époque. Vous deux contre le reste du monde. Mais lorsque « vous deux » avait risqué de devenir « vous trois », t’avais flippé. Mort de trouille, en panique, tu n’avais pas tout de suite montré quoique ce fut. Pire encore, tu n’avais pas tout de suite parlé de ton histoire, sur fond de drame familial à celle que t’aimais pourtant sincèrement. Mais à mesure que le temps passait, tu avais vu l’heure approcher : bientôt, ce petit allait voir le jour, et l’idée de devoir t’en occuper t’avait tétanisé. Pas parce que tu ne voulais pas faire. Un bébé, t’avais toujours trouvé ça mignon, surtout depuis l’arrivée de Rory, dont tu aimais t’occuper, malgré ce que tu pouvais assurer à ton frère. Par fierté ou par lâcheté, t’avais préféré ne rien faire que de mal faire… Et disparaître.
Bien sûr, cette version de l’histoire, seuls ton frère et toi la connaissaient. Parce que Sash’ avait l’avantage de te comprendre sans parler. Parce qu’en tant que bons jumeaux, vous étiez peut-être insensibles à la souffrance de certains, mais lorsqu’il s’agissait de vous, tout était exacerbé. Dans le fond, c’était d’ailleurs rassurant. Toi qui avais souvent préféré jouer les connards déconnectés pour ne pas souffrir ; cette connexion entre ton frère et toi était encore probablement la preuve que tu étais capable de cette empathie, lorsque tu le voulais. Et étrangement, tu la ressentais également bien plus que tu n’aurais voulu l’admettre, lorsqu’il s’agissait de Val. Le coeur serré, les yeux vissés sur tes pompes, tu sentais les larmes monter mais tu tentais le tout pour le tout. Surtout, ne pas en verser une. Face à elle, tu t’étais pris une claque, véritable. D’abord, au sens propre. Elle n’y était pas allée de main morte et pour tout avouer, il était très probable que la marque distincte de chacune de ses phalanges ait décoré ta joue d’un rouge cramoisi ta joue endolorie que tu avais tenté de revitaliser en la frottant – sans succès. Silencieux, tu ne répondais pas. Tu savais que cette claque devait la démanger depuis des dizaines d’années maintenant, et tu comprenais qu’elle n’ait pas jugé bon de bouder son plaisir. En fait, tu te sentais tellement mal par rapport à cette histoire qu’avec du recul, tu l’aurais probablement incitée à te frapper. Mais tu n’avais aucune envie :

1) de souffrir
2) de passer pour sado maso.
Seconde claque : sa souffrance, à peine masquée derrière ses mots. Sa recherche infructueuse de cette enfant que tu aurais toi aussi eu envie de rencontrer. Tout à coup, tu réalisais. Tu ne t’étais pas seulement puni toi, mais t’avais privé une mère et une enfant du bonheur d’être ensemble. Ca te retournait. Tu blêmissais, ta main se portant devant ta bouche que tu cachais. Ne pouvant plus les retenir, tu déversais quelques larmes, prenant une grande inspiration pour faire partir la nausée qui s’emparait de toi : t’avais l’impression de tomber de plusieurs étages, tu pouvais déjà ressentir cette douleur de l’écrasement qui t’attendait quelques mètres plus bas… peut-être moins douloureux que ces mots qu’elle continuait à prononcer. Abasourdi, tu reculais. Tu savais qu’elle avait raison. En fait, ça n’était même pas la question. Mais tout ça te faisait tellement mal… T’aurais aimé lui dire de se taire, la supplier d’arrêter, mais tu restais là, abruti, à la regarder, vidé de toute substance. L’étincelle dans ton regard ? Éteinte. T’aurais aimé mourir plutôt que d’avoir cette discussion. Tu l’observais, triste comme une pierre, et les larmes glissaient le long de tes joues, de plus belle. Tu hochais la tête, aveu de ton accord avec la brunette, et sans réfléchir, tu la pris dans tes bras, la serrant contre toi « j’suis désolé. Pour tout ce que je t’ai fait vivre. Et surtout pour tout ce que je n’ai pas fait. Cet accouchement, t’aurais pas du le vivre seul. Cette gamine, elle devrait être là, entre nous et pas... » tu marquais une pause, réalisant que quelque chose clochait. C’était pas comme d’habitude. Entre vous, il n’y avait pas votre fille, mais… tu portais ton regard sur son ventre arrondi, réalisant d’où venait cet inconfort lorsque tu l’avais prise contre toi. Coup de massue. Tu relâchais ton étreinte, fis un pas en arrière, et grimaçais, essuyant tes larmes avant de conclure « tu mérites le meilleur Val. J’aurais pas du vous abandonner. Sincèrement. J’suis content qu’t’aies retrouvé quelqu’un. » avais tu soufflé, montrant par la même que tu avais compris ce qui se tramait : tu n’avais plus quatre ans.