« Si tu pouvais seulement savoir à quel point tu me manques et que je suis perdue sans toi... » Aidan & Savannah

J'avais dû me lever aux aurores ce matin-là, ce qui ne m'avait pas particulièrement enchanté. J'avais perdu l'habitude de me réveiller tôt depuis que j'avais quitté l'université mais cette fois-ci, le jeu en valait la chandelle. En effet, après avoir enchaîné les flops en musique, j'étais tombé sur une petite annonce dans le journal plus qu'intéressante. Un groupe de musique, ayant sa petite réputation à Bowen, cherchait un guitariste et un deuxième chanteur. Il fallait que je saisisse ma chance. C'était le moment ou jamais de connaître ne serait-ce qu'un peu de succès. Et de gagner plus d'argent aussi (a). Je m'étais donc habillé de façon à être présentable, je m'étais rasé et j'avais tenté de me coiffer. Enfin, dans la mesure du possible quoi. Je m'étais donc rendu dans le studio de ce fameux Matthew, le leader du groupe. Sur le chemin, dans ma voiture, je n'avais pu m'empêcher de penser à Savannah, malgré moi. J'avais eu beaucoup de mal à ne plus prendre de nouvelles d'elle mais je m'étais dit que c'était mieux pour elle. Elle avait sans doute besoin de cette distance. Du moins, j'en étais convaincu depuis notre dernière discussion avant l'épisode de l'ascenseur.

Lors du rendez-vous (aux vagues allures d'entretien d'embauche), j'avais plus ou moins réussi à me sortir Savannah de la tête. Matthew fut complètement sous le charme de ma performance - du moins, c'est ce qu'il avait dit. Il m'avait promis de me recontacter dès demain pour qu'on commence à répéter ensemble. Je ne savais pas s'il était du genre à tenir ses promesses mais il me semblait franc alors on pouvait dire que ma journée commençait bien et que rien ne pourrait démolir ma bonne humeur. Je quittai donc le studio, la housse de ma guitare sur l'épaule, un bête sourire aux lèvres. J'avais envie de marcher un peu avant de reprendre la voiture.

Soudain, quelqu'un me heurta, laissant tomber son sachet à terre. Je levai les yeux vers la jeune femme. C'était Savannah. La croiser par le plus grand des hasards devenait une habitude, on dirait. Vu qu'elle ne semblait pas dans son assiette et un peu amaigrie, je fis comme si tout allait bien pour ne pas la stresser encore plus. « Décidément, on peut plus se croiser dans la rue sans se foncer dedans. Tu t'es pas faite mal ? » demandai-je en m'accroupissant pour ramasser son sachet. Une boîte rose en était sortie. Du dentifrice ? Je la ramassai et lus, sans trop le vouloir, l'indication : le test de grossesse le plus fiable et le plus simple d'utilisation ! Je pâlis. Savannah était déjà avec quelqu'un ? Elle avait pris un risque avec qui ? Elle prenait pas la pilule ? Des dizaines de questions se bousculaient dans mon esprit. Je posai un regard interrogateur sur la jeune femme, lui rendant son sachet. « Faut qu'on discute. » Je la pris par le bras, la traînant à l'écart de l'entrée de la pharmacie où l'on bloquait le passage. Lorsque nous fûmes un peu à l'écart, j'étalais à Savannah ma curiosité - tintée de jalousie masquée : « Attends... Tu crois que t'es enceinte de qui, ma belle ? T'as un copain ? Il est au courant ? T'es sûre que tu t'inquiètes pas pour rien ? Bref ! Raconte, quoi. »

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« J'ai pas envie d'en parler. » Je fus un peu surpris par la raideur avec laquelle Savannah m'avait répondu. Après tout, je me voilais peut-être un peu trop la face. Vu que je ne savais pas quoi faire pour prouver à Savannah que je l'aimais bien plus qu'une simple amie, je faisais ce que j'avais toujours su faire : être un meilleur ami. Mais comme un idiot, j'avais tout brisé entre elle et moi. Je ne serais plus jamais son meilleur ami et pourtant, je m'accrochais à cette façade comme si c'était la dernière chose qui me liait à Savannah. Et c'était le cas... « Ah... » murmurai-je, déçu.

« Écoute, je suis fatiguée, je dors mal depuis quelques jours, et non je ne suis sûre de rien... » Je hochai doucement la tête, n'étant pas certain que mes paroles la ferait changer d'avis. Je soupirai lourdement. « Excuse-moi, je dois rentrer... » Je la sentais filer entre mes doigts. Je savais que vivre ma présence était la pire des tortures pour elle mais moi, c'était son absence qui me déchirait. Je m'approchai doucement d'elle avant de lui laisser le temps de s'en aller. J'approchai ma bouche de son oreille pour lui souffler : « Je sais que c'est difficile à entendre et à croire mais tu me manques, Savannah. Si tu préfères que je te laisse tranquille, dis-le moi maintenant s'il te plaît... Parce que là, j'aimerais au moins être là pour toi. Je vois bien que t'es pas bien et j'ai pas envie de te laisser seule dans un moment pareil. »

Je me redressai doucement, laissant ma main glisser dans celle de Savannah. Qui sait ? C'était peut-être la dernière fois que je pourrais la lui prendre... « C'est comme tu préfères. Je veux pas te forcer à quoi que ce soit. » Si Savannah n'avait plus envie que je fasse partie de sa vie, je devais le savoir maintenant. Elle était peut-être enceinte et si elle voulait toujours de moi, je devais me rattraper, être là pour elle,... J'avais besoin de faire quelque chose de bien pour elle après avoir enchaîné les conneries. « Enfin... Tu dois être pressée donc on peut en parler un autre jour, si tu veux... » C'est vrai que si elle avait acheté un test de grossesse aujourd'hui, c'était pas pour le faire dans dix jours. Puis, vu sa réaction, je ne m'attendais pas à ce qu'elle me sorte dans l'immédiat : aucun souci ! faisons la paix ! d'ailleurs, si j'suis enceinte, ça te dirait d'être le parrain de mon bébé ?

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« Je... J'ai des trucs à faire... Mais tu peux passer ce soir si tu veux... » Maigre consolation. Mais c'était mieux que rien... À cet instant même, j'étais envahi par les remords et le malaise. Qu'est ce qu'elle me manquait... Si seulement elle pouvait me dire ce que je pouvais faire pour que tout redevienne comme avant, pour remonter le temps, pour qu'elle ne me voit plus comme l'objet de ses souffrances... Mais je supposai qu'en réalité, il n'y avait rien à faire. Je devais assumer.

Je soupirai en me pinçant les lèvres. « Je passerai... Je t'enverrais un message avant de quitter mon appartement. À ce soir. » Je posai un baiser sur sa joue, pivotant sur mes talons avant de m'éloigner pour remonter dans ma voiture. Moi qui croyais que rien ne pourrait gâcher ma journée, c'était raté. Enfin, je l'avais gâchée tout seul. Il y a quelques semaines d'ici, croiser Savannah dans la rue aurait été un réel festival de joie. Pourquoi avait-il fallu que je tombe amoureux d'elle, bordel ? J'aurais dû me jeter par la fenêtre à l'apparition des premiers sentiments parce que les conséquences de mes conneries, avec le recul, devenaient franchement invivables.

J'étais donc rentré chez moi, quelque peu perturbé et mélancolique. Matthew m'avait rappelé dans l'après-midi pour me dire qu'il n'avait pas pu attendre et qu'il voulait qu'on répète tous ensemble dès demain matin, dix heures. J'acceptai, sans vraiment parvenir à me réjouir. J'avais raccroché pour aller m'installer dans le sofa, zappant de chaîne en chaîne en attendant le soir. Finalement, vers vingt heures, je me décidai à envoyer un message à Savannah. Elle devait avoir fini de manger - si elle avait retrouvé l'appétit - donc, techniquement, mon arrivée ne la dérangerait pas.

“ Bonsoir ! Je voulais juste te prévenir que j'allais bientôt quitter mon appartement. À tout de suite ♥ ” Je pris ma veste, enfonçant mon portable dans ma poche et sortis de l'immeuble sans plus attendre. Je fis le chemin à pied. J'avais besoin de marcher. De réfléchir. Savannah avait vraiment refait sa vie avec quelqu'un d'autre ? Ça sonnait faux. Pourtant, elle ne pouvait pas être tombée enceinte - si elle l'était - par magie. Enfin... Pas à ma connaissance.

Sur mon chemin, je passai devant ma confiserie préférée. À cette heure, elle était fermée mais la gérante, que je connaissais bien, était en train de faire les comptes. Je frappai doucement sur la vitre et elle s'empressa de m'ouvrir la porte. Je lui demandai un petit sachet de pralines que je payai avant de partir en la remerciant de m'avoir fait cette « faveur ». Je comptai les offrir à Savannah. Je ne m'y sentais pas obligé mais elle m'avait fait tellement de fois à manger qu'en quelque sorte, je lui devais bien ça.

J'arrivai devant son immeuble, grimpant les escaliers avec la boule au ventre. Hors de question que j'emprunte l'ascenseur. Si je m'y retrouvais coincé sans possibilités de contacter Savannah, je supposai qu'elle m'en voudrait bien plus de ne pas être venu plutôt que de m'être présenté chez elle malgré tout, en faisant comme si de rien n'était. Sur son palier, je frappai doucement sur sa porte, m'écriant : « Savannah, c'est Aidan. Tu viens m'ouvrir ? »

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« Viens, entre... » Je m'exécutai bien que Savannah n'ait vraiment pas l'air capable de soutenir mon regard plus de trente secondes. Espérant lui remonter un peu le moral, je lui tendis la boîte de pralines. « Tiens, c'est pour toi. Je me doute que t'as plus trop l'appétit mais tu pourras toujours les manger quand t'iras mieux... » J'essayai de sourire même si le malaise, plus que pesant, rendait toute marque de joie - simulée ou non - mal placée.

Je soupirai. Savannah finit par reprendre la parole. « Tu veux boire quelque chose ? » Je remarquai que ses mains s'étaient mises à trembler alors je posai mes doigts sur ses poignets pour tenter de mettre fin à ses tremblements. Je posai mes yeux sur le visage de Savannah, pâle, joues creusées, cernes violacées,... Je la menai jusqu'au sofa et la contraignit à s'asseoir. Je remis en place une de ses mèches blondes derrière son oreille. « Je n'ai pas soif, merci. Toi, par contre, tu devrais manger ou boire quelque chose. Je trouve que t'as pas mal maigri depuis la dernièr... » J'avais tourné la tête et mes yeux s'étaient posés sur la table basse du salon. Sur celle-ci reposait une petite boîte rose. Celle que j'avais ramassé un peu plus tôt dans la journée.

Sans me gêner, je l'ouvris et en sortis le test de grossesse. Il n'y avait aucun indicateur sur le cadran. Je me tournai vers Savannah. « Tu l'as toujours pas fait ? » Je fronçai les sourcils, ne comprenant pas pourquoi elle attendait. Je savais qu'elle détestait quand je lui faisais la morale mais là, ce n'était pas quelque chose d'anodin. « Si tu es enceinte, je ne sais pas quels étaient exactement tes projets mais je pense pouvoir affirmer que cette grossesse n'était pas prévue dans ton planning. Si tu ne comptes pas garder l'enfant, il vaudrait vraiment mieux que tu saches si t'es enceinte avant que tu ne dépasses le nombre de semaines autorisées pour avorter. Pas vrai ? »

Je lui tendis le test de grossesse. Je n'allais pas la lâcher tant qu'elle ne l'aurait pas fait. Elle n'était pas obligée de me dire le résultat ou qui était le père si elle n'en n'avait pas envie mais je ne pouvais pas la laisser faire une boulette qui pourrait lui gâcher la vie à jamais. Je savais qu'elle avait l'habitude de fuir ses problèmes mais si elle était vraiment enceinte, elle allait bien devoir affronter la vérité en face un jour ou l'autre. « Allez, va faire pipi sur ce truc, s'il te plaît. Sinon, tu seras privée de bisous et c'est pas une blague. » annonçai-je sur un ton plus doux, espérant que ça rendrait Savannah plus coopérative. Je pris sa main, la retournai, paume vers le ciel et y déposai le test. Je me levai, incitant la jeune femme à en faire de même.

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Ça faisait plus de vingt minutes que Savannah était dans la salle de bain. À ce que je sache, il ne fallait pas autant de temps pour faire un test de grossesse. Je quittai le sofa pour aller frapper doucement sur la porte de la salle de bain. « Savannah ? Tout va bien ? » Silence. Elle s'était pas enfouie par la fenêtre, quand même ? Ce calme plat commençait à m'inquiéter sincèrement alors sans réfléchir, je poussai la porte. La jeune femme était étendue sur le sol, inerte. Je me précipitai sur elle, la secouant pour qu'elle reprenne ses esprits, sans succès. Je l'appelai mais aucune réaction. J'essayai de me calmer pour ne pas empirer la situation même si le rythme de ma respiration trahissait mon angoisse. Je plaquai ma main dans son cou pour essayer de sentir son pouls. Son coeur, heureusement, battait toujours. Les mains tremblantes, je sortis mon portable de ma poche en une série de gestes hachés et maladroits. Je composai le numéro des urgences et c'est une femme qui me répondit. Je ne lui laissai pas le temps de prendre la parole que je déversai un flot d'informations à travers le combiné. Comprenant ma panique, elle m'assura qu'une ambulance était en route et me demanda de rester en ligne.

Moins d'une dizaine de minutes plus tard, l'alarme d'un véhicule de secours hurlait en bas de l'immeuble, réveillant tout le quartier. J'allais ouvrir aux ambulanciers qui se précipitèrent dans la salle de bain. Ils me posèrent quelques questions auxquelles j'eus du mal à répondre. À vrai dire, mon esprit était embrouillé et mes idées plus très claires. C'était un peu trop d'émotions d'un coup dans la même journée. Les secouristes traversèrent la pièce avec Savannah couchée sur un brancard. L'un d'entre eux m'invita à les suivre jusqu'à l'hôpital à bord de l'ambulance. Je ne résistai pas. Le véhicule fila à toute vitesse dans les rues et au bout de quelques minutes, un infirmier finit par poser son regard sur moi. « C'est un simple malaise, vous en faites pas. » Facile à dire.

L'ambulance s'arrêta devant l'hôpital et les médecins menèrent le brancard jusqu'à l'intérieur de l'immeuble. Je suivis le défilé de blouses bleues et blanches lorsque l'infirmier de tout à l'heure me demanda d'aller m'asseoir sur un siège. « On la prend en charge. Vous ne pouvez rien faire de plus alors attendez ici. » Le brancard était déjà bien loin alors je ne pouvais que m'exécuter. J'attendis une heure. Deux heures. Deux heures et demi. J'en eu assez alors je m'avançai vers la réceptionniste. « Excusez-moi. Une jeune femme a été transportée en ambulance jusqu'ici... Savannah Lockwood. Ça fait deux heures que j'attends et personne ne se décide à me donner des nouvelles. » La réceptionniste sembla complètement exaspérée par ma demande. Pourtant, elle prit la peine de consulter quelques dossiers pour me répondre. « On l'a amenée dans une chambre il y a un peu plus d'une heure. Mais seule la famille peut la voir. Elle a besoin de calme, ordre du médecin. » Là, c'est elle qui m'exaspéra complètement. Sans réfléchir, je décidai de mentir. Après tout, j'avais attendu deux heures alors on n'allait pas me reprocher un petit mensonge. « Je suis son fiancé. S'il vous plaît, je suis vraiment inquiet. » Elle posa sur moi un regard suspicieux avant de se décider à lâcher le morceau. Elle me donna le numéro de la chambre et je me précipitai jusqu'à l'ascenseur sans remercier la réceptionniste. Je trottinai dans les couloirs jusqu'à ce que je trouve la chambre de Savannah. Je frappai avant d'ouvrir la porte, pressé de savoir comment elle allait.

Un homme en blouse blanche se tenait devant un lit dans lequel Savannah était couchée. Elle semblait assoupie. L'inconnu - un médecin - me tendit spontanément la main avec un de ces sourires qui se veut à la fois rassurant et inquiétant. « Bonjour, je suis le docteur Howard, vous êtes ? » Je m'approchai du lit de Savannah, me penchant sur elle, étant à peine préoccupé par ce que racontait l'autre type. Je relevai la tête vers celui-ci, repensant à ce que j'avais raconté à la réceptionniste. « Aidan, son fiancé. » Si ça avait marché une fois, ça marcherait deux fois. « Eh bien, Aidan, votre fiancée a fait un malaise. Il semble qu'elle ait quelques carences. Elle mange bien ces jours-ci ? » Ça faisait bizarre d'être le fiancé de Savannah pour de faux. En tant que tel, j'étais censé tout savoir d'elle... Mais c'était déjà le cas... « Non, elle va pas très bien en ce moment. Elle a un peu perdu l'appétit. » Le Dr. Howard m'annonça, dès lors, que si elle ne faisait pas plus attention, elle allait perdre le bébé. Le bébé ? Elle était donc bien enceinte..? Je pâlis mais il ne sembla rien remarquer. Il me tendit une carte avec le numéro d'un psychologue, si Savannah ressentait le besoin de parler, un de ces jours. Il me rassura en concluant qu'elle pourrait quitter l'hôpital demain mais qu'elle devait malgré tout passer la nuit ici. Il me serra à nouveau la main avant de quitter la chambre.

Je jetai un coup d'oeil à la grande fenêtre de la chambre. La nuit était déjà tombée. Il devait être tard. Je me rapprochai du lit, profitant de l'état de Savannah pour la toucher. Éveillée, elle aurait protesté, c'était certain. Je caressai doucement sa joue creusée. J'étais inquiet pour elle... Et toujours sous le choc. Enceinte ? On peut dire que c'était le coup de massue pour elle. Et ma présence ne devait rien arranger à la situation. J'aurais peut-être dû partir là, maintenant ? Je ne savais pas ce que j'étais censé faire, ce que Savannah voulait vraiment... Je me laissai tomber sur le siège derrière moi, à côté du lit. Je le rapprochai légèrement, essayant de trouver une position confortable. Je croisai mes bras sur un bord du matelas et y plongeai mon visage. Je soupirai. La nuit allait être longue.

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Je sentis Savannah s'agiter légèrement mais je ne bougeai pas. À vrai dire, j'étais sur le point de relever la tête lorsque je sentis la main de la jeune femme se balader dans mes cheveux. Je me figeai puis me laissai faire. Dès lors, je me mis à douter. Elle me détestait ou pas ? Elle avait besoin de moi ou non ? Je m'agitai légèrement et elle retira immédiatement sa main. Au bout de quelques secondes, je relevai la tête, faisant mine de me réveiller. « Salut... » marmonnai-je d'une voix rauque en m'étirant. Je remarquai que quelques larmes avaient coulé sur les joues encore humides de Savannah. Je soupirai.

J'étais fatigué de toute cette tristesse, de ce malentendu qui avait fait basculer nos vies du jour au lendemain. Parfois, j'avais juste envie de lui dire que j'étais désolé, de l'embrasser et de lui demander de reprendre tout à zéro, à partir du soir du réveillon... Du moins, avant que je sache qu'elle était enceinte. Peu importe à qui était cet enfant, je n'étais pas concerné par ce nouvel événement qui bousculait le quotidien de Savannah. C'était trop tard pour que je tente de réparer mes erreurs...

Je me levai, tirant un mouchoir du paquet qui traînai sur la table de nuit. J'essuyai les joues de Savannah, le regard vide. D'habitude, je lui aurais demandé comment elle allait. Mais là, il était évident qu'elle n'allait pas bien et que ma question paraîtrait stupide. Je préférai donc ne rien dire. Enfin si, le stricte minimum nécessaire. « Le médecin est passé pendant que tu dormais encore. Il a dit que tu avais sans doute fait un malaise parce que tu n'avais pas assez mangé ces derniers jours. Et que, si tu continuais comme ça... » Par réflexe, je ne pus m'empêcher de jeter un coup d'oeil au ventre de Savannah. Je me raclai la gorge. « Tu pourrais perdre le bébé. Il a confirmé que... tu étais enceinte. » Et je grimaçai.

Je n'aurais trop su dire pourquoi, ça me faisait mal de savoir Savannah enceinte. Je ne savais pas de qui était cet enfant mais ça pouvait très bien coller entre ce type et Savannah. Peut-être qu'il était moins con que moi et que, lui, avait su saisir sa chance quand il en avait eu l'occasion.

Je jetai à la poubelle le mouchoir que j'avais utilisé pour essuyer les larmes de Savannah et me rassis dans mon siège. J'évitai son regard. En fait, j'avais peur qu'elle devine ma peine, que quelqu'un d'autre que moi se rendre compte que j'étais pas si fort que ça. Je soupirai à nouveau, passant une main nerveuse dans mes cheveux. « Tu... Tu as besoin de quelque chose ? Ou... Si tu préfères rester seule, je peux repasser demain matin pour venir te chercher ? Sinon, je reste. À toi de voir... » En fait, je craignais de craquer devant Savannah. Si elle me demandait d'aller lui chercher un simple verre d'eau, sortir un peu m'aurait vraiment soulagé. Mais ça, j'étais trop fier pour le lui dire.

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« Rentre... Et ne t'inquiète pas pour moi, je prendrai un taxi pour rentrer demain matin, je suppose qu'ils ne me laisseront pas partir ce soir » Elle caressa ma joue et, bien que ce geste me surprit, je ne me retirai pas. Ça arrivait tellement rarement en ce moment aussi... Il fallait que j'en profite un peu. « Heureusement, ce serait de l'inconscience, sinon. Bon, je vais te laisser te reposer alors... Si t'as un souci, t'as mon numéro. » J'embrassai sa main avant de la déposer sur le matelas. Je quittai la chambre sans me faire prier. En fait, j'étais incapable de rester plus longtemps dans cet endroit qui empestait les remords et les regrets.

Quelques jours plus tard.

Je ne pouvais pas me permettre d'éviter Savannah toute ma vie. De toute façon, à Bowen, c'était presque impossible et à chaque fois que j'avais tenté d'échapper à sa présence, je l'avais heurtée en pleine rue. Je décidai donc de provoquer les choses, de la voir, d'aller vers elle... De faire face à mes problèmes, quoi. Cependant, je n'étais pas certain de pouvoir encore faire semblant. Je pressentais que l'un de nous deux allait exploser d'un moment à un autre. Tant pis. C'est que les choses devaient se passer ainsi, et peut-être que ça irait mieux après. Je pris donc mon courage à deux mains ce soir-là pour prendre mon téléphone portable et composer son numéro. Je lui proposai d'aller boire un verre, un de ces jours, quand elle aurait le temps. D'un côté, j'avais besoin de me sentir utile dans sa vie. D'un autre, l'idée de passer cinq minutes en sa compagnie me faisait suffoquer.

Quelques jours plus tard (encore).

Seize heures. C'était l'heure à laquelle nous avions décider de nous retrouver aujourd'hui dans notre café habituel. J'étais quand même anxieux de venir dans cet endroit avec Savanah. Après tout, la dernière fois, je lui avais annoncé mon départ ici. J'espérais que cette fois-ci, nous n'allions pas nous séparer définitivement. Notre relation était fragile, elle était en suspension sur un fil qui tanguait dangereusement. Encore plus depuis que j'avais appris pour la grossesse de Savannah.

Nerveux, je me préparai donc pour notre rendez-vous, l'esprit embrouillé par le doute. Je quittai mon appartement en essayant de me convaincre que tout se passerait bien. Y avait pas de raisons... Je marchai une dizaine de minutes avant d'arriver au café. En fait, sans m'en rendre compte, mon allure s'était faite plus rapide que prévu à cause du stress, si bien que j'étais arrivé avec quelques minutes d'avance. Je m'étais déjà installé à une table, attendant Savannah, sans savoir si j'étais impatient ou si je redoutais plus que tout de la voir.

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