It's beginning to look a lot like christmas (concho)

Le 10 Novembre. Pour certains, c’était tôt, beaucoup trop tôt pour songer à Noël, à ses décorations, aux lumières, aux cadeaux qu’on souhaitait faire à nos proches. Pas pour moi. Pour moi, c’était pile le bon moment. J’étais dans les starting blocks depuis des jours, déjà. J’adorais Noël, et même si, ici, en Australie, les choses étaient différentes de ce qu’on pouvait voir dans les films traditionnels, j’aimais me mettre dans l’ambiance. Nous n’avions pas de neige, et il faisait bien trop chaud pour déguster du vin chaud ou du lait de poule, mais cela ne nous empêchait pas de célébrer les fêtes de fin d’année à notre manière. J’avais déjà sélectionné quelques magnifiques boules de Noël à ajouter à ma collection, et alors que j’en observai une autre, j’aperçus, du coin de l’oeil une silhouette familière. Un sourire naquit sur mes lèvres lorsque mes yeux se posèrent sur Conchobàhr, mon ami d’enfance, en pleine contemplation d’une décoration qu’il tenait dans un main. Je m’approchai doucement, sans me faire remarquer puis, arrivant dans son dos, je lançai :
— Tu comptes lire ton avenir dans cette boule ou elle te fait simplement de l’oeil ?
Quand mon ami se tourna vers moi, je lâchai un petit rire amusé. Le voir me rendit heureuse, il m’avait manqué.

@conchobáhr rosenbach

De mon côté, les lumières, les guirlandes et les décorations de Noël auraient été installées un peu plus tard qu’à la mi-novembre. Dans ma tête, la date minimale était le 1er décembre, après ça on pouvait se sentir un peu moins intenses de se mettre dans l’ambiance. Mais faire de la coparentalité avec Zelda ça signifiait aussi qu’elle m’entraînait dans ses idées et ses demandes un peu folles. Elle avait voulu que je l’aide à décorer sa maison. Et maintenant que Lara avait deux ans et qu’elle était en mesure de me faire comprendre certains de ses désirs, je compris bien vite qu’elle désirait que les deux maisons, autant chez papa que chez maman, brillent de mille feux. Je m’étais donc rendu au magasin, ce matin, pendant que Lara était chez Zelda justement. Maxwell, de son côté, était encore aux États-Unis et reviendrait en Australie pour le temps des Fêtes. Il avait déjà le billet d’avion et allait atterrir le vingt-trois décembre. Nous n’avions pu faire mieux, avec son horaire d’école. Bref, je me préparais quand même aux festivités, achetant ce qu’il manquait pour faire du #17 un grand royaume de Noël. C’est Penny qui allait être contente. Penny ET Perry, en fait. Deux enfants. Je pris dans ma main une boule de Noël, celles qu’on secoue pour que les flocons blancs se donnent des airs de tempête de neige. Mon regard se perdit sur les petites statuettes à l’intérieur, c’était un banc de parc enneigé avec un grand sapin derrière. Un faible sourire se dessina sur mes lèvres alors que je regardais la fausse neige envelopper le décor. Je sursautai tout légèrement quand on s’adressa à moi. C’était Pippa. Je levai la tête vers elle et un rire gêné s’échappa d’entre mes lèvres. « Hey, Pips. » Je redéposai la boule sur l’étagère. « Non, c’est juste que … ma mère avait la même. » Où était-elle, d’ailleurs ? Je ne l’avais jamais revue. Je n’avais pas revu grand-chose de cette maison de mon adolescence, en fait, qui avait été saisie pour remboursement de dettes.

Je ressentis un bonheur presque physique de voir mon ami d’enfance, comme une chaleur enveloppante. Nous ne nous étions pas vu depuis plusieurs mois, la vie nous ayant gardé occupés, chacun de notre côté, et je réalisai à cet instant précis à quel point il m’avait manqué. Le surnom qu’il employa, soudain, me fit bizarre. Pips…c’était pourtant ainsi qu’il m’appelait, depuis toujours. Un surnom amical qu’il utilisait depuis que nous étions ados. Je n’aurais su dire pourquoi, cette fois, cela me sembla étrange. Je le taquinai au sujet de la boule qui avait retenu son attention, mais grimaçai légèrement en constatant que j’avais mis les pieds dans le plat. C’était moi tout craché, ça…
— Oh…euh…elle est jolie en tout cas.
C’était nul comme réponse, mais je ne savais pas quoi dire, ni si Cochon avait envie de s’étendre davantage, sur ce sujet-là, au beau milieu d’un magasin.
— Qu’est-ce que…tu deviens ?
Il y avait de la pudeur dans ma question, une pudeur qui ne me ressemblait pas vraiment. Quand je m’en rendis compte, je soupirai, avant de lâcher un petit rire.
— Ok…beaucoup trop formelle, on recommence !
En un instant, je réduisis la distance entre nous et vins l’enlacer pleinement, enroulant mes bras autour de son cou et collant mon buste au sien.
— Tu m’as manqué, soufflai-je dans sa nuque.

Nous ne nous étions que croisés, en fait, depuis cette nuit des plus étranges mais inoubliables, l’année dernière. Nous nous étions croisés à différents événements sans jamais nous retrouver réellement, tous les deux. Nous avions évidemment reparlé de cette nuit-là, mais dans le contexte des choses, nous en avions seulement convenu que ça avait été un beau moment, plein de tendresse, plein d’affection. Je n’avais pas pu avoir une autre conclusion que celle-là, en fait, puisque la semaine suivante Pippa se mariait à Liam sans que je sois avertis de quoi que ce soit. J’avais été invité, certes, mais tout s’était fait si vite. J’avais gardé un arrière-goût assez particulier de la suite des choses, mais ça, je l’avais gardé pour moi. Je n’avais jamais voulu faire de l’ombre au bonheur de mon amie d’enfance.

« Ouais, mais je crois qu’une décoration comme ça avec des enfants en bas âge, c’est pas très safe. » Elle allait se casser par terre et je ne savais pas trop quel liquide il y avait là-dedans, mais ça ne devait pas être une partie de plaisir à nettoyer. Pippa me demanda alors ce que je devenais. J’arquai un sourcil en la regardant, incrédule. « Ce que je deviens ? » Répétais-je, hébété. Elle lâcha un rire et moi aussi. Je l’accueillis contre moi et l’enlaçai, délaissant la poignée de mon panier d’achats. « Tu m’as manquée aussi, Pippa. » Ma main caressa doucement son dos avant qu’on reprenne nos distances. « Je te sens toute bizarre … t’es sûre que ça va ? » Je ne lui avais même pas demandé encore, en fait. Je la regardai avec une pointe d’inquiétude.

Cette nuit que nous avions eu ensemble était gravée dans ma mémoire, malgré l’alcool qui l’avait arrosé au départ et j’éprouvai une certaine culpabilité envers Concho. Mon mariage avec Liam, un an plus tôt, avait surpris tout le monde, ma famille et mes amis y comprit pour la bonne et simple raison que tout c’était passé si vite. J’en connaissais la raison, bien sûr, mais elle devait rester secrète. Et si au départ, ce mariage était un arrangement pour que Liam puisse rester en Australie, aujourd’hui, les choses étaient différentes. J’aimais Liam, et lui m’aimais en retour. Notre couple fonctionnait selon ses propres règles et cela n’était pas toujours simple, mais nous avions trouvé un équilibre. Malgré tout, j’avais le sentiment d’avoir loupé quelque chose avec Conchobahr, ce qui expliquait sans doute le malaise qu’il y avait eu entre nous.
Ses bras autour de moi, pourtant, me firent tout oublier. Je me laissai aller à cette étreinte rassurante, me nourrissant dans sa chaleur puis, alors que mon ami se détacha, un vide me saisit tout à coup. Concho fronça les sourcils et me demanda si tout allait bien. Je restai coite, ne sachant quoi répondre soudain. Un rire gêné passa la barrière de mes lèvres.
— Oui…oui, ça va. Tout va bien, dis-je avec précipitation. Comme tu le vois je…
Je dessinai brièvement mon panier, que j’avais laissé par terre un peu plus tôt.
— Je prépare Noël, alors…ça ne peut qu’aller !
Un nouveau rire feint s’échappa. Qu’est-ce qui me prenait ?
— Tu…tes enfants viennent alors ? Pour Noël, je veux dire…
Un inconnu aurait saisi ma tentative maladroite de détourner la conversation, Concho le remarquerait d’autant plus.

Cette soirée-là aurait rapidement pu passer dans les archives des nuits oubliées. La téquila avait quand même été avalée à grosses lampées, le tout motivé par une envie de faire pause sur nos vies, autant pour Pippa que pour moi. Par un tour de magie ou un coup du destin, ni elle ni moi n’avions oublié quoi que ce soit, pas une seule parcelle de cette soirée ne nous avait échappée. Avec du recul, je ne savais pas ce que j’aurais préféré, en fait. Je voulais me souvenir du goût de sa peau et de ses soupirs contre mon oreille. Mais ça avait été pas mal douloureux de la voir se marier à Liam alors que c’était aussi frais dans ma mémoire. Là, le temps avait passé, l’eau avait coulée sous les ponts. Quelque chose avait cependant changé à tout jamais entre Pippa et moi, c’était bien certain.

J’accueillis volontiers le changement de sujet, si le malaise pouvait en être dissipé.  « Ouais, je suis rassuré de voir que je suis pas le seul à m’y prendre aussi tôt. » Je regardai la rangée du magasin, déjà toute bien équipée en décorations de Noël. « Enfin, si y’a autant de stock déjà disponible, c’est évident que je suis pas le seul. » Me repris-je, toujours autant maladroit verbalement. Le magasin n’allait quand même pas se presser à sortir l’inventaire de Noël rien que pour moi. « Euh, ouais, ben, Lara, elle sera avec moi pour la moitié du temps des Fêtes, Zelda l’aura pour l’autre. Et Max’, l’année dernière il était là pour le Nouvel an du coup cette année je l’ai pour Noël, il arrive le vingt-trois et repart la semaine suivante, le 30. » Comme ça, il atterrirait juste à temps pour le réveillon du Nouvel an avec Ally. « Ahem. Et toi ? Tu fêteras Noël avec la famille de Liam, ou comment ça se passera ? » Demandais-je. Je n’avais pas eu l’intention d’être mal à l’aise avec Pippa, mais c’est comme si le malaise de Pippa déteignait sur moi.

Je détestais ce malaise qui semblait s’être installé entre nous, je détestais ne pas savoir quoi lui dire ou me retrouver bête face à lui, mon ami d’enfance, celui avec qui j’avais vécu tant de choses, eu les meilleurs fou rires. Je détestais cette distance qui s’était mise entre nous. Pour dissiper la gêne, Concho comme moi nous mîmes à échanger quelques banalités, comme s’il fallait en passer par là pour briser la glace.
— C’est super que tu aies tes enfants à tour de rôle, tu vas pouvoir profiter d’eux.
Concho était un papa génial, j’en étais convaincue. Il était du genre à tout donner et son coeur était grand et tendre. Mon coeur à moi, en revanche, se serra légèrement quand mon ami évoqua mon Noël, se demandant si j’allais le passer avec la famille de Liam ou non. Je pinçai les lèvres.
— Non, il y a peu de chance pour que cela se produise…c’est assez tendu avec nos familles. Je n’ai vu mes beaux-parents qu’une seule fois et, le père de Liam m’a qualifié de…puta. Et on est d’accord qu’il ne faut pas avoir fait douze ans d'espagnol pour comprendre ce que ça veut dire. Quand à mes parents…disons, qu’ils fêtent Noël et qu’ils nous convient bien sûr mais…Liam refuse d’y aller. Donc euh…c’est compliqué.

C’est clair qu’en ayant Lara et Maxwell à tour de rôle, j’aurais du temps de qualité avec chacun d’eux. Mais j’aimais bien les avoir tous les deux en même temps, aussi, parce que je ne voulais pas que le frère et la sœur soient des étrangers. Ils n’avaient peut-être pas la même mère mais ils avaient le même sang du côté paternel, de mon côté, et pour moi, ça les liait tout autant. J’espérais tellement qu’ils puissent être proches et ce, malgré la constante distance. Jusqu’à maintenant, c’était plutôt difficile, Lara avait beau avoir des FaceTime avec Maxwell de temps en temps, c’était difficile pour elle de créer un lien. C’est pourquoi, lorsque j’avais mon fils, j’essayais de m’arranger avec Zelda pour que Lara soit plus souvent chez moi. Je comprenais évidemment qu’avec le temps des Fêtes, c’était plus difficile. Bref, je me contentai d’hocher la tête et de répondre un simple : « Ouais. » à Pippa, un mince sourire aux lèvres. C’était étrange, entre elle et moi. Je ne me sentais même plus à l’aise de lui sortir tout ce qui venait de me passer par la tête concernant Lara et Maxwell, comme si c’était de trop, comme si j’allais la déranger avec mes histoires alors qu’habituellement, le moulin à paroles Concho n’hésitait jamais à frapper, quand j’étais avec Pippa. Mais pas depuis son mariage. Pas depuis la nuit passée avec elle. Je fronçai les sourcils en entendant l’insulte de la part des parents de Liam. « Pourquoi ils penseraient ça de toi ? Et pourquoi Liam ne veut pas voir ta famille ? » Demandais-je, confus, et légèrement choqué aussi par ce que j’entendais. Et c’était bien la preuve que Pippa et moi nous étions éloignés. J’avais l’impression d’être un étranger à sa vie.  

Le sujet de Noël me touchait bien plus que je ne souhaitais l’admettre, bien plus que je ne me l’admettais à moi-même. Une boule se formait dans ma poitrine à mesure que je parlais. Je tentais de me raisonner la plupart du temps. Au fond, ce n’était pas si grave tout ça. Fêter Noël n’était pas une obligation, s’entendre avec sa belle famille non plus. Et si j’étais du genre à tout prendre à la légère, j’étais bien forcée d’admettre, cette fois-là, que je n’y arrivais. Ou du moins que j’y arrivais bien moins que ce que je le prétendais. Concho sembla aussitôt concerné et cela me toucha au point que je manquai de pleurer. Je me ressaisis toutefois rapidement, avant de reprendre mes explications.
— Disons que…les parents de Liam ne savait pas qu’on était marié et…enfin, bref, le pourquoi n’est pas vraiment intéressant. Liam m’a défendu, bien évidemment…mais ça n’a pas pour autant créer un bon climat entre mon beau-père et moi. Quand à ma famille…disons que Liam pense qu’il n’est pas apprécié là-bas. Je n’arrive pas à démentir. Mes parents ne sont pas toujours tendre avec lui…le peu de fois où ils le voient.
J’eus un petit rire nerveux malgré-moi.
— Et moi, bah…je me retrouve au milieu de ça. Avec Liam qui refuse catégoriquement de mettre les pieds chez mes parents. Puis…
Je soupirai longuement, évitant sans trop savoir pourquoi de croiser le regard de mon ami d’enfance.
— Il travaille pour les fêtes la plupart du temps, c’est même un miracle qu’il ait accepté de m’accompagner à Chamonix et de louper le nouvel an au club.

Je voyais bien que le sujet était délicat pour Pippa, qu’elle n’était pas forcément à l’aise d’en parler ou bien que de laisser sortir ces paroles-là, à voix haute, lui faisait bien plus de mal que prévu. Je grimaçai légèrement en l’écoutant, c’était horrible le comportement des parents de Liam, d’utiliser un mot outrageux de la sorte afin de définir l’épouse de leur fils. Cependant, à propos du fait qu’ils ne savaient pas pour le mariage, je ne pus m’empêcher de répliquer : « Ouais disons que ça a pris pas mal de gens par surprise, votre mariage, hein. » Je n’avais aucune idée qu’ils allaient se marier, même … qu’ils étaient amoureux !? avant de recevoir une invitation quelques jours à peine avant le mariage. Quelques jours à peine après notre nuit torride et inoubliable malgré la quantité de téquila dans nos corps. « Mais ça ne les excuse de rien. Ils devraient faire l’effort d’apprendre à te connaître et verraient que leur fils aurait pas pu mieux tomber. » Lâchais-je avec sincérité, même si c’était encore difficile à admettre après le sentiment de trahison que j’avais eu avec toute cette situation, l’année dernière. « À sa place j’essaierais de faire la Grande séduction auprès de tes parents, au contraire. Ça crève les yeux que ça te rend malheureuse qu’ils ne s’entendent pas. » Mais je n’aurais même pas eu besoin de le faire, les parents de Pippa savaient déjà qui j’étais. Et ils m’appréciaient, à ce que je sache. « Ah tu vas à Chamonix ? J’aimerais y aller aussi, si j’arrive à régler le casse-tête des horaires de vol de Maxwell. » Déclarais-je, éclipsant totalement le sujet de Liam qui avait finalement accepté de louper le nouvel an au club afin d’accompagner Pippa en France.

Les mots de Concho me serrèrent le coeur, ils touchaient juste et réveillaient une culpabilité à laquelle j’avais évité de penser jusqu’à présent. « Ce mariage a surpris tout le monde » « À sa place, j’aurais fait ça »…L’intuition que j’avais depuis le début et que j’avais fait taire, préférant me draper dans quelque chose de doux, était en train de refaire surface. Ce n’était ni le baiser échangé quelques années plus tôt, ni même la nuit que nous avions passée ensemble l’an dernier qui rendaient les choses difficiles et maladroites, aujourd’hui, entre Concho et moi. Il y avait un acte maqué. Il y avait la sensation d’être passé à côté de quelque chose de beau et de réel. L’émotion me submergea mais je retins mes larmes. J’étais la fautive dans l’histoire, j’avais blessé Concho, j’en prenais pleinement conscience aujourd’hui. « Ca crève les yeux que ça te rend malheureuse ». Personne n’avait jamais exprimer si sincèrement les choses avec moi. Cela me fit mal. Vraiment mal. Et pourtant…peut-être avais-je besoin de l’entendre. Incapable d’aligner un mot, je me contenter d’hocher la tête, puis, quand vins le sujet de Chamonix, je parais mon visage d’un sourire.
— J’espère que ça pourra le faire, dis-je simplement.
Je levai les yeux vers mon ami d’enfance et le contempler un instant, puis me raclai la gorge.
— Je t’offre un café ?
C’était presque une supplique, davantage qu’une banale invitation en réalité. J’avais besoin de prendre du temps avec lui, de lui parler, de m’excuser aussi. Nous sortimes du magasin et j’achetai de café à emporter au première coffee shop que je dégotai sur notre chemin. Je tendis le sien à mon meilleur ami, puis bus un gorgée en silence, d’abord.
— C’était pas rien pour moi, cette nuit-là, dis-je avec sincérité. Elle a compté…je veux dire.  

Pippa ne répondait pas à mes piques sous-entendus, qui visaient à la fois leur mariage inattendu que l’attitude de Liam dont elle me faisait part. Peut-être étais-je injuste. Peut-être n’était-ce pas ma place de commenter sa relation. En même temps, c’est Pippa qui m’avait mêlé à ça sans que je le veuille. Elle m’avait fait vivre un truc complètement hors de ce monde, une nuit à laquelle j’aurais voulu m’accrocher même si au fond, on savait très bien tous les deux que ce n’était qu’une parenthèse. Mais ce matin-là, quand elle était repartie, je pensais qu’elle repartait en ayant encore Juliann en tête. Je pensais, naïvement sans doute, que lorsque nous aurions eu le temps de nous reconstruire chacun de notre côté, peut-être y avait-il entre nous quelque chose à faire fleurir. Je ne m’imaginais pas qu’une semaine plus tard, elle se marierait, et pas à Juliann. À Liam dont j’avais à peine entendu parler. Et moi dans tout ça ? Je m’étais senti mis de côté. D’apprendre que par-dessus tout cela, Liam ne faisait pas les efforts que j’aurais fait à sa place pour combler Pippa, ça me désolait. Pour elle. Mais aussi pour moi. N’ajoutant rien à ce propos, on parla plutôt de Chamonix. Apparemment nous allions y être tous les deux. « J’espère aussi. » Conclus-je à propos des vols de Maxwell qu’il faudrait prévoir en conséquence. Pippa m’offrit un café et bizarrement, j’eus comme l’impression de ne pas avoir le choix. Je n’avais pas envie d’avoir le choix, non plus. C’était comme si je savais, au fond de moi, que plus qu’un café m’attendait à l’issue de cette rencontre. « Ouais, bien sûr, ouais. » Je reviendrais plus tard pour les décorations. Rien ne pressait. Je sortis du magasin en compagnie de Pippa et la laissai nous acheter nos cafés. Elle connaissait par cœur ma commande. Je pris le café qu’elle me tendait. « Merci. » Dis-je avant d’oser une gorgée, toute petite, pour ne pas me brûler au cas où. On marchait, d’abord en silence, jusqu’à ce que la blonde revienne sur cette nuit-là. Une conversation que j’aurais voulu avoir bien avant. Bien avant que tout me semble brisé. « Visiblement pas assez. T’as marié Liam la semaine d’après. » Lâchais-je, las.

Le café, c’était surtout pour m’occuper les mains, pour ne pas les voir trembler, car je savais que la discussion qui allait suivre n’allait pas être, pour Conchobahr comme pour moi. Mon ami d’enfance avait toutes les raisons du monde de m’en vouloir, pourtant, j’aurais tout donné, à cet instant précis pour qu’il me pardonne tout. C’était égoïste, oui. J’en avais bien conscience, je savais que je mérité qu’il m’en veuille au moins un peu. En vérité, il aurait très bien pu me balancer en pleine figure que j’avais été une vraie bitch avec lui, je n’aurais rien eu à répliquer. Je n’avais pas voulu le faire souffrir, mais cela ne changeait rien. Je le compris quand Concho répliqua, au moment où je confessais que la nuit que nous avions passé ensemble comptait pour moi, qu’il doutait que ce soit suffisant, au vu de mon mariage avec Liam qui avait suivi. Je reçu cette réplique comme un coup. Je ne l’avais pas volé, en réalité. La morsure douloureuse de la culpabilité me saisit à nouveau. Je bus une gorgée de café et me brûlai la langue pour détourner mon attention de cette douleur que j’avais dans la poitrine.
— Je t’ai blessé, Concho…je le sais. Et je m’en veux tellement.
C’était facile à dire, bien trop facile, je l’admettais. Mais j’étais terrifiée à l’idée de prerdre Conchobahr.
— Je sais que ce mariage…je sais que ça a surpris tout le monde et…oui, c’était pas prévu, mais…Liam…
Je me stoppai net, réalisant que ce n’était pas correct de parler de mon mari, alors que Concho avait souffert de notre union. J’attrapai le bras de mon ami d’enfant et, prenant mon courage à deux mains, je lui fis face.
— Je suis désolée que tu te sois retrouvé au milieu de ça. Je n’ai jamais voulu te faire du mal, mais…je l’ai fais. Et je pourrais jamais réparer ça. Pourtant je ne regrette pas cette nuit…je ne la regretterai jamais.

Je n’avais jamais compris, en fait, comment Pippa avait pu s’autoriser à vivre avec moi une telle expérience, à la fois physique et émotionnelle, si elle savait qu’elle se marierait à un autre homme la semaine suivante. Je ne comprenais pas pourquoi elle m’avait donné de tels espoirs, fait vivre de telles émotions, si c’était pour ensuite réduire en poussière tout ce que j’avais pu m’imaginer ensuite. Elle savait très bien, en plus, que j’avais déjà été amoureux d’elle, qu’elle avait fait battre mon cœur lorsque nous étions plus jeunes, et que je m’étais toujours demandé ce que nous aurions pu être si nous avions eu la chance de nous ouvrir le cœur l’un à l’autre. Elle le savait parce que nous avions eu cette sérieuse conversation une année auparavant. Alors pourquoi, fuck, pourquoi fallait-il qu’elle revienne foutre le chaos dans mon cœur pour ensuite fuir vers les bras d’un autre, y glissant un anneau dans le doigt tant qu’à y être ? « C’est de l’histoire ancienne, Pippa, ça fait déjà un an de ça, c’est juste que c’est la première fois qu’on en reparle, plus que juste quelques mots, alors … Ça fait ressortir les sentiments que j’ai essayé d’enfouir loin. » Pippa continua en me disant que ce mariage avec Liam avait surpris tout le monde, qu’il n’était pas prévu, mais elle s’arrêta dans ses explications à propos de son mari. De toute façon, si c’était une histoire de coup de foudre ou un truc du genre, je n’avais pas vraiment envie d’en entendre parler non plus. Pour me protéger, surtout. Pippa posa sa main sur mon bras, nous forçant à nous regarder en face. « Si tu ne la regrettes pas, alors pourquoi ? Pourquoi tu m’as juste mis de côté et marié un autre sans rien me dire ? » Je pensais au moins avoir mérité quelques explications, à l’époque. Pas juste une invitation et le silence radio de sa part. J’avais assisté à leur union avec un goût amer, accentué par la présence de Freja et de Woody à ce mariage. Ça avait été un moment horrible à vivre, et les souvenirs qui remontaient actuellement dans ma tête ne me plaisaient pas.

De l’histoire ancienne. Concho avait beau prétendre que ce qui s’était passé était de l’histoire ancienne, je ressentais encore pourtant une piqure bien vive. Aujourd’hui, on venait gratter la croute et réveiller la blessure. Peut-être à tord, je ne saurais le dire. J’avais besoin, pourtant, de parler à Concho, de lui dire qu’il comptait pour moi, mais je me sentais gauche et j’avais le sentiment de faire plus de mal que de bien. À moi y compris.
— Je suis désolée, fut tout ce que je trouvais à dire.
C’était peu, c’était maladroit…c’était déplacé. J’en ressentis une honte immédiate. Mais je me sentais désespéré. J’avais fais du mal à Concho et je me prenais ce constat en pleine figure aujourd’hui. Il voulait des explications, et c’était bien normal. Cependant…il y avait des choses que je ne pouvais pas dire, des choses qui concernait Liam et notre mariage, des choses qui devait rester secrète, quoiqu’il m’en coute.
— Je…je ne peux pas tout de dire.
Les larmes perlaient au coin de mes yeux, et mon coeur se serrait affreusement.
— Je me sens horrible de t’avoir fait vivre tout ça, mais je ne veux pas que tu crois que ça signifie rien, que je m’en fiche, que…je sais pas.
J’avais envie de dire plus, mais je me rendis compte que ce qui allait franchir la barrière de mes lèvres était affreusement égoïste et je n’avais pas le droit de faire plus de mal à Concho. Alors je dis ce qui me semblait le moins égoïste de tout ça.
— Ce qui s’est passé entre nous était…inattendu, mais c’était beau. Je veux me souvenir de ça.