It's beginning to look a lot like christmas (concho)

Je réalisais, au moment des excuses de Pippa, que ce n’était pas ça que j’attendais depuis plusieurs mois, finalement. Pas des excuses. Des explications. Je voulais comprendre. Comprendre comment elle avait pu, une nuit, s’abandonner à nos jouissances à plus d’une reprise, s’égarer sur mon corps de ses doigts et de ses lèvres, pour ensuite se marier à Liam la semaine d’après. Qu’avais-je été ? Un trait ? Le trait qu’elle tirait sur Juliann pour mieux passer à autre chose ? Et ce autre chose n’avait pas été moi. Je n’avais pas été assez. Liam avait mieux à offrir. C’est ce que j’avais conclu, au fond, sans jamais me l’avouer à voix haute – pas même dans mes pensées d’ailleurs. J’aurais voulu entendre Pippa me le confirmer, bien avant que ça me torture tout ce temps. « Tu ne peux pas tout me dire ? » Demandais-je d’un rire qui n’en était pas un, pas vraiment. « On parle de mariage, pas d’un acte terroriste. » Répondis-je sans trop réfléchir à la comparaison. En même temps, ce mariage avait quand même bombardé mon cœur, quand je les avais vus se passer les bagues à leurs doigts. Pippa m’affirma encore que pour elle cela avait signifié quelque chose, qu’elle voulait se souvenir de ce moment qui avait été beau. Je soupirai par les narines. « J’aurais voulu me souvenir de ça aussi, Pippa. Moi aussi j’ai trouvé ça beau. Et je ne m’attendais pas à ce que ça aille plus loin, c’est pas ça qui fait tant mal … Parce que je le savais bien, ce que c’était, que c’était juste … juste une pause, dans nos vies, dans nos peines d’amour. Toi de Juliann et moi de Freja. » De Juliann. Pas de Liam. « Mais ça a été de réaliser que c’était pas tout à fait la vérité de ton côté, qui m’a fait mal. Tu m’parlais de Juliann mais t’avais déjà Liam pas rien qu’en tête mais dans ton cœur aussi, si tu le mariais la semaine d’après. C’était sûrement déjà organisé, même, cette cérémonie. Est-ce que tu pensais à lui en couchant avec moi ? Est-ce que j’étais ton last one avant la vie d’épouse ? Le petit écart que vous vous étiez autorisés ? » Demandais-je d’un débit rapide. Je vomissais enfin tout ce que j’avais sur le cœur depuis leur mariage.

Je me mordis l’intérieur de la joue. Je comprenais le sarcasme de mon meilleur ami, bien sûr. Il n’y avait rien de pire que de recevoir un « ce n’est pas ce que tu crois, mais je ne peux rien te dire », en particulier lorsque des sentiments avaient été engagés. Je me détestais d’avoir à lui sortir une chose pareille. Concho n’était pas n’importe qui, c’était ce qui rendait la chose plus difficile encore. Il avait raison, il avait droit à des explications mais je n’étais pas certaine de pouvoir les lui donner, pas complètement en tout cas. J’écoutai Concho, l’estomac serré, lâcher la rancoeur qu’il avait gardé jusqu’ici. Est-ce que tu pensais à lui en couchant avec moi ?, cette phrase me heurta de plein fouet.
— Non…, dis-je doucement, mais Concho continua son laïus.
Il déblatéra ce qu’il avait sur le coeur et je le laissai faire. Il avait besoin d’évacuer, besoin de me dire ce qu’il avait garder en lui de long mois.
— C’était organisé oui, mais ce mariage n’avait rien de traditionnel. Il n’a toujours rien de traditionnel d’ailleurs. Liam était même amoureux d’une autre femme à ce moment là. Et moi…j’étais complètement perdue, comme tu le sais et…cette nuit que nous avons eu était…imprévue et tellement…C’était tellement de choses auxquelles je ne pouvais m’autoriser à rêver. Je savais que je devais épouser Liam la semaine d’après. Je t’ai mis de côté, oui, c’est vrai. Pour me protéger, et je me rends compte que ce n’était pas juste du tout.
Ma voix tremblait et mon coeur tambourinait dans ma poitrine, mais je m’autorisai un regard vers Concho, et je faillis fondre en larme, mais je me retins.
— Je pourrais bien me taper tout Bowen, si ça me chantait…ou avoir un amant différent chaque jour, tout comme Liam pourrait multiplier les femmes. Je me fiche et lui aussi. On a passé un accord tous le deux. Un mariage libre, en quelque sorte, qui n’avait rien à voir avec l’amour au départ. Alors oui, j’aurais pu revenir vers toi mais…ça n’aurait pas été juste.
Je m’arrêtai et repris ma respiration.
— T’es pas juste un mec de passage, Concho…
Je me coupai à nouveau, puis inspirai longuement.
— Ca aurait été beaucoup plus simple. Juste du sexe, sans implication…je peux le faire avec d’autres. Pas avec toi. Je pourrais pas t’offrir ce que j’ai envie de t’offrir. Ni te demander d’accepter que je sois mariée à un autre homme.

Les explications de Pippa ne faisaient aucun sens pour moi. Call me old school mais pour moi, un mariage, c’était bourré de signification, d’amour, de promesses. Un mariage c’était de dire à l’autre je vais t’aimer pour toujours, peu importe les démons qui passeront en toi, c’était de promettre de se battre pour l’autre, de l’aimer sous toutes ses coutures même celles abîmées. Je ne comprenais pas qu’elle puisse avoir marié un homme qui en aimait une autre qu’elle, juste parce qu’elle se sentait perdue. « Mais pourquoi ? Mais pourquoi l’avoir marié si vous ne vous aimiez pas ? S’il en avait une autre dans la tête ? Je sais que t’étais perdue, Pippa, je me rends bien compte que t’étais aussi complètement perdue en couchant avec moi. Mais tu l’as marié, fuck c’est pas rien. Et je comprends pas, je comprends juste encore moins, avec les explications qu’tu me donnes à moitié. » M’emportais-je. C’était peut-être ma vision du mariage, un peu sacrée, qui teintait mes réflexions. J’attendais la femme avec qui cela fonctionnerait sur plusieurs années, j’attendais celle pour qui ça me viendrait à la fois comme une évidence, à la fois parce qu’on traversait le temps ensemble. Pippa semblait avoir pris cette décision sur un coup de tête, un peu comme sa décision d’avoir passé la nuit avec moi, au fond. Et ça me heurtait encore plus que ce que je croyais. Elle m’expliqua qu’il s’agissait d’une union libre, cette relation qu’elle entretenait avec Liam. J’étais peut-être vieux jeu mais pas imbécile, je savais ce que c’était, j’avais déjà vu des couples opter pour cette formule. Je soupirai discrètement en l’entendant me dire que moi, je n’étais pas qu’un mec de passage, en d’autres termes pas un mec qu’elle aurait pu continuer à se taper en dehors de son mariage, juste comme ça, pour le plaisir. « Je l’accepterais pas, de toute façon. » Répliquais-je un peu sèchement. Je relevai cependant une autre partie de son discours : « Mais si t’avais envie de m’offrir quelque chose, quelque chose de plus … pourquoi tu ne nous as pas laissé le temps ? Pourquoi tu ne m’as rien dit ? » Elle n’avait pas encore la bague au doigt, à ce que je sache, quand ça s’était produit entre nous. Si elle avait eu des doutes quant à un potentiel nous, pourquoi le faire taire ? Pourquoi se marier pour oublier ? « J'étais peut-être complètement perdu moi aussi, accroché à Freja, mais maintenant j'suis là, j'suis devant toi Pippa, j'suis encore là et j'aurais pu ... On aurait pu ...  » Je secouai la tête, haussai les épaules, soupirai. On aurait pu se donner une chance. On aurait pu, éventuellement, s'aimer et se marier pour de vrai, elle et moi.

Il y avait beaucoup de « Pourquoi » dans le discours de Concho, et je ne pouvais pas lui en vouloir. Ces bribes d’histoire que je lui racontais étaient absurdes, je m’en rendais bien compte. Mais je me sentais bloquée, je ne pouvais pas aller plus loin, cela ne m’appartenait pas d’aller plus loin. Et le prix à payer était ici la souffrance de mon meilleur ami, la mienne aussi, mais ça, je savais l’encaisser. Entendre la douleur de Concho dans sa voix me faisait mal, très mal et je n’arrivais pas à le supporter. La gorge nouée, je peinais à avaler ma salive et je parvenais à peine à parler.
— Je sais…
Je me sentais mal, vraiment mal et je ne savais pas quoi dire pour apaiser Conchobahr, la vérité n’étant, ici, pas une option. Je me retrouvais dans un entre-deux profondément désagréable et j’avais la sensation de ne rien pouvoir faire, ou dire de plus qui ne ferait pas souffrir mon ami. Quand je lui expliquai le deal qui existait entre Liam et moi, ou du moins une partie, sa réponse sèche me scia. Elle me frappa comme un coup en pleine poitrine. Concho n’aurait jamais accepté de continuer d’avoir, avec moi, des rapports charnels sous ces conditions. Je le savais, bien sûr, c’était la raison de mon grand dilemme, mais l’entendre de sa bouche me fit mal. C’était mérité, néanmoins.
— Je n’avais pas ce temps-là, confiai-je les larmes aux yeux.
Au moment où Concho et moi nous étions trouvé, au hasard de cette nuit de trouble, mon mariage avec Liam était déjà prévu. Je savais que je n’aurais jamais pu accorder à Concho le temps qu’il méritait. Mon ami d’enfance continua, me livrant ce qu’il avait sur le coeur sans filtre et le mien se brisa à ce moment-là. Les larmes que j’avais retenues jusqu’alors coulèrent sur mes joues au moment où je levai le regard pour croiser le sien. Dans ma poitrine, je sentis comme une pression, une douleur vive qui enserrait mon coeur. Je serrai les poings et la mâchoire, et je me mordis l’intérieur de la joue pour tâcher de reprendre une consistance. Je tentai un sourire, embué de larmes toutefois.
— Tu as raison, on aurait pu…et je suis persuadée que…
Je m’arrêtai, submergée par l’émotion et repris mon souffle. Je fermai les yeux un instant puis les rouvris pour plonger à nouveau dans ceux de Concho.
— …que ça pourrait être plus qu’un « what if », nous deux. Et…j’aimerais te dire que c’est à cause de ce putain de mauvais timing mais, j’ai ma part de responsabilité et je ne peux pas la nier. Je suis désolée, Concho…et c’est peut-être égoïste de ma part, mais j’ai cette conviction profonde que toi et moi, ce n’est pas fini…
Instinctivement, je m’avançai, comme si j’allais l’embrasser, puis, le regard fixé sur ses lèvres, je me détournai finalement, me resaisissant au dernier moment pour bifurquer sur sa joue.
— Me déteste pas, soufflai-je avant de m’éloigner, le coeur en miette.

end