time won't wait past the moment (vega)

Il est vrai que faire croire que c’est lui le gars qui fait le ménage bien comme il faut dans notre appart et moi qui range rien, il faut réussir à pas mal baratiner pour que ça passe. Je ne suis pas maniaque non plus, j’aime même pas spécialement quand tout est bien rangé mais je crois que mon seuil de tolérance au bordel est moins élevé qu’Elmo. Et pour Jules, je ne sais pas trop pour l’instant. Il est encore nouveau alors on essaie de pas trop le faire flipper pour qu’il se barre comme tous les autres avant lui. Mo ajoute aussi que s’il veut draguer quelqu’un, il essaie de pas trop parler de moi, parce qu’évidemment sinon ça ruinerait son coup. Je sais que là-dessus je ne suis pas comme lui. Quand je drague, globalement je parle de ma vie, pas que ça je parle de la vie de l’autre personne en face de moi of course, et forcément comme il est mon coloc et mon meilleur ami, il pop souvent dans la conversation. J’ai jamais eu l’impression que ça fasse fuir qui que ce soit mais si ça se trouve je me suis rendue compte de rien. « Donc si tu veux en faire fuir une, t’as juste à parler de moi, bonne strat’. » je lui réponds en souriant. Enfin je pense pas que mon évocation fasse tant fuir les gens que ça, du moins j’espère que ce n’est pas le cas. Après tout c’est normal d’avoir des meilleurs amis, non ? Et je me dis que je devrais peut-être en changer vu comment Elmo semble plus intéressé par le travail que je fais et l’intérêt qu’il pourrait en retirer que par moi. Je ne risque pas de le voir débarquer à la bibliothèque de si tôt. « T’es vraiment un rageux. » Je lui dis en secouant la tête. On finit par aller dans un petit café pour goûter après notre séance de sport. Et là Elmo me parle de son visa et globalement du fait qu’il va devoir rentrer en Italie même s’il ne semble pas vraiment comprendre que c’est ce qu’il va devoir faire. Je lui dis directement que je pourrais aller en Italie avec lui. Ça serait à moi de gérer le visa et je suis un peu moins perdue que lui avec les trucs administratifs. « Tu sais j’ai atterri à Bowen parce que j’avais pas l’choix, j’ai pensé à partir plusieurs fois mais t’étais là, si t’es plus là je sais pas trop c’qu’il me reste là-bas. J’ai l’impression que cette ville me porte la poisse. » Bon avec l’Italie il y a juste un petit problème : je ne parle pas un mot d’italien. Enfin si, j’en parle deux ou trois mais pas de quoi réussir à vivre là-bas, à avoir un boulot et si j’ai pas de boulot, c’est mort. « Faudrait juste que tu m’apprennes l’Italien. » Vu que je parle déjà trois langues ça devrait pas être si dur d’en apprendre une quatrième, non ? « T’es sûr que tu peux pas renouveler ton visa autrement sinon ? » On sait jamais, je suis sûre qu’il ne s’est pas vraiment renseigné.

Vega avait vu juste dans les habitudes d’Elmo : s’il sentait que ça ne cliquait pas trop avec une fille, finalement, il pouvait toujours parler de sa colocataire et de toutes les soirées qu’ils faisaient, de leurs inside jokes, de leurs habitudes, de leur proximité. À coup sûr la fille allait se dire qu’en fait l’italien était grave amoureux de sa meilleure amie et que ça ne servait à rien d’aller plus loin. Elmo était donc débarrassé et tranquille puisque ce n’était pas lui qui avait eu à faire le mouvement de recul. Bon, maintenant qu’Elmo avait une ex-petite-amie cependant, il pourrait toujours utiliser la technique de parler de son ancienne relation. « T’as vu comment je suis futé ? Elles pensent que c’est elles qui prennent la décision d’me jeter mais en fait, nah-nah, c’est mon idée. » Il appuya son index contre sa tempe, tout fier. Brièvement, les deux amis parlèrent du nouveau job de Vega à la bibliothèque, lieu que ‘Mo ne fréquenterait pas plus souvent même si la bouclée y bossait. Il préférait dévorer des burgers que des livres. « Whatever. » Avait simplement répondu Elmo à propos d’être un rageux. Il en était un, quoi dire de plus ? Ils rentrèrent dans le petit café et à peine assis à la table et le plat commandé, le jeune homme se lança dans les confidences un peu plus sérieuse. S’il gardait ça plus longtemps il allait juste être fucking weird et Vega se serait doutée, de toute façon, qu’un truc clochait. À sa plus grande surprise, tout de suite, sa meilleure amie parla de rentrer en Italie avec lui lorsque l’Australie le foutrait dehors, faute de visa valide. « Pourquoi tu m’as jamais parlé du fait que t’as souvent voulu partir ? » Demanda-t-il en fronçant légèrement les sourcils. Ça le prenait vraiment au dépourvu. « Déjà t’apprendre l’italien ça va prendre du temps, hein, mais ensuite … tu ferais quoi en Italie ? Remarque … je ferais pas grand-chose de plus que ce que je fais ici moi non plus … » Lâcha-t-il. Elle pourrait toujours retourner bosser dans une chaîne de fast-food et tout le monde serait heureux. Vega tenta quand même de songer à des alternatives. « J’sais pas, le seul truc que je pensais c’était comme dans les films, quoi, j’sais pas si c’est comme ça en vrai, si c’est aussi con que juste de se marier à n’importe qui qui a la nationalité, mais … peu importe, clearly je vais pas te surprendre en te disant que Bella et moi on n’était pas rendus là mais pas du tout. La preuve aujourd’hui. » Ils n’étaient même plus ensemble depuis plusieurs mois, et si Elmo pensait pouvoir se rabibocher avec elle comme ils le faisaient toujours, plus le temps passait, plus la distance se creusait.

Je me demande parfois ce que trouvent les femmes à Elmo. Il doit sûrement bien cacher son jeu lorsqu’il les rencontre, jouer les princes charmants. Il est quand même plutôt séduisant lorsqu’il fait un minimum d’efforts mais je le vois trop souvent faire aucun effort lorsqu’on est tous les deux pour avoir cette image de lui. C’est pas plus mal de toute façon, ça serait si weird sinon. « J’aurai plutôt dit lâche mais c’est une question de point de vu. » C’est vrai, essayer de faire fuir quelqu’un qui ne nous intéresse pas plutôt que de lui dire en face, c’est vraiment un manque de courage. Mais bon, est-ce que cela m’étonne vraiment de la part de mon meilleur ami ? Pas vraiment. Je sais que s’il y avait une attaque de zombies, je le prendrai pas dans ma team, il serait le premier à me sacrifier pour sauver sa peau. Mais bon ça va, il a quand même des qualités, par exemple...il joue plutôt bien de la batterie. Comme on n’a pas toute la journée, enchaînons. Après notre séance de patinage, nous filons dans un café pour prendre un bon goûter. Mo me parle de son visa qui arrive à expiration, ce qui veut dire qu’il ne pourra pas rester en Australie, ce qui veut dire qu’il va m’abandonner, parce que c’est comme ça que je prends les choses. « Parce que je te saoule déjà suffisamment comme ça, je voulais pas rajouter un truc de plus. » Il n’a pas que mes problèmes à gérer et je lui parle déjà de mon avenir professionnel complètement flou qui me déprime, de ma vie amoureuse qui est une catastrophe, je ne voulais pas en rajouter une couche avec mon potentiel départ de Bowen. Et puis j’avais aussi un peu peur qu’il me retienne pas, je préférais vivre dans l’ignorance de sa réaction. Je pourrais aller avec lui en Italie, apprendre l’italien, essayer d’avoir un visa. Bref ça serait galère mais bon, je ne tiens pas tant que ça à Bowen au final. « Je pourrais peut-être me trouver un bel italien ou une belle italienne ? » Pas super comme projet de vie, j’admets et clairement pas dans mes ambitions. Parce que je ne résume pas ma vie à trouver le grand amour et fonder une famille, je laisse ça aux autres. Comme je sais qu’Elmo tient un minimum à rester en Australie, je lui demande s’il n’a pas d’autres options pour rester. Il me sort le mariage et je ne peux pas m’empêcher de rire. C’est sur qu’avec Bella ça semble râpé. Enfin il peut toujours tenter mais ça me semble osé comme technique de réconciliation. « Elmo Santavenere, serais-tu en train de me demander en mariage ? » Malgré la tristesse de la situation, le possible départ de mon meilleur ami pour l’autre bout du monde, je ne peux m’empêcher de rire.

Quand Vega opta plutôt pour le mot lâche, Elmo haussa les sourcils en reculant légèrement la tête, gardant cette réaction pendant au moins cinq secondes avant de lâcher un : « Oooookkkk. » faussement offusqué. En vrai il était tout à fait d’accord avec Vega, autant ça relevait du génie comme méthode, autant c’était complètement lâche. L’italien n’avait jamais prétendu être bien courageux pour ce genre de truc, il préférait largement pouvoir se défiler dès qu’il le pouvait. Il était du genre à partir en plein milieu de la nuit d’un one night pour s’assurer de ne pas avoir à payer le brunch à l’autre. Heureusement avec Bella ça ne s’était plus posé comme problème, il pouvait juste lui faire des œufs et une tranche de pain le matin et elle l’aimait quand même. Sauf que maintenant qu’ils n’étaient plus ensemble, plus vraiment, Elmo risquait de devoir recommencer toutes ses tactiques de connard. Il risquait d’ailleurs d’avoir à les recommencer en Italie, c’est d’ailleurs l’inquiétude qu’il partagea à sa meilleure amie, puisque ça la concernait elle aussi, ils vivaient ensemble et il allait peut-être devoir quitter du jour au lendemain. Il ne savait pas trop comment ça se passait. Est-ce que des agents de l’immigration allaient débarquer à sa porte le matin même de l’expiration de son visa ? Who knows. La réponse de Vega le prit par surprise, de toutes les réactions, de tous les aveux, il ne s’attendait certainement pas à ça. Elle avait cherché à quitter Bowen, elle n’avait pas d’attache à cette ville autre que lui. Elle le suivrait jusqu’en Italie. C’aurait pu être romantique si on avait parlé de deux autres personnes qu’eux. « What the fuck, tu me saoules pas du tout Vega, ben, pas trop souvent. Pas assez pour que tu m’dises pas un truc aussi gros que ça. » Il était un peu déçu qu’elle n’ait pas partagé un tel sentiment avec lui alors qu’elle traînait ça depuis un petit moment déjà, visiblement. Il aurait aimé pouvoir l’aider à y voir un peu plus clair. « On sait en tout cas qu’les italiens sont plutôt charmants, t’as la preuve devant toi. Et les italiennes sont pas mal aussi. » Il sourit en se rappelant ses premières copines, si on peut appeler ça des copines. Quand même, le but de la conversation n’était pas de décider sur un coup de tête de repartir en Italie en amenant Vega avec lui. Il voulait rester en Australie. Il avait bâti des relations, ici, même s’il n’avait pas de plan de vie. Cette idée du mariage était un peu débile sans doute, inspirée des films, mais peut-être que ça fonctionnerait. « Comment tu sautes vite aux conclusions ! On dirait presque que t’attendais que ça ! » Lâcha-t-il alors qu’il n’avait parlé que du scénario impliquant Bella. Il réfléchit un moment. « Tu le ferais ? » Demanda-t-il ensuite, sérieux.

Même si Elmo joue les mecs offusqués je sais qu’il sait que j’ai raison. Entre nous deux c’est moi qui ait le plus souvent raison d’ailleurs, même s’il ne l’admettra jamais parce qu’il a l’ego plus gros qu’une pastèque. On s’y fait. Au début c’est agaçant et petit à petit on arrive à passer au dessus de tous ses défauts, et ils sont nombreux ! Je crois que la première fois que je l’ai rencontré, je ne l’ai pas vraiment apprécié. Il faut dire qu’à première vu ce n’est pas franchement le type de personne que j’apprécie particulièrement, un peu trop agaçant à mon goût. Et puis au final, on se marrait bien tous les deux et les gens que je fréquentais au lycée n’était pas plus matures que lui alors ça ne faisait pas une grande différence. A la base j’allais en soirée étudiantes alors que je ne l’étais même pas encore pour rencontrer des gens un peu moins débiles que les gens du lycée et au final j’ai fini avec Elmo comme meilleur ami et Nikolaj comme copain, j’ai pas très bien réussi mon coup. Si je n’étais pas allée à ces soirées, à l’heure qu’il est je serai sûrement à Sydney à faire je ne sais quel boulot. A la place je suis en train de parler avec mon meilleur ami dont le visa expire d’un jour à l’autre et qui n’a évidemment rien prévu pour rester en Australie. Moi je ne tiens pas particulièrement à Bowen. J’aurais pu lui en parler, c’est vrai, mais j’avais déjà du mal à faire le point avec moi-même et puis c’est toujours compliqué de parler d’un truc sérieux tous les deux. « Tu m’aurais dit de rester et j’aurais fait ok parce que j’me serai sentie trop triste de partir sans toi. » C’est peut-être pour ça que je lui ai rien dit, parce que c’est à peu près la seule personne qui me retient ici alors ça n’aurait pas été très objectif. Moi je n’ai rien contre l’idée d’aller en Italie même si je connais deux mots d’italien et que je n’ai pas de visa. Je me dis que là-bas je pourrais peut-être me trouver quelqu’un. Quand Elmo se présente comme un italien charmant, je ne peux m’empêcher de rire. « S’ils sont tous comme toi, j’vais peut-être revoir mes plans. » Charmant n’est pas vraiment le premier adjectif que j’aurais donné pour le qualifier personnellement. Comme l’idée de l’Italie n’est pas retenue, il me parle de se marier à quelqu’un pour avoir la nationalité australienne. Je ne sais même pas si c’est possible. Vu qu’avec Bella c’est mort, je lui demande, en riant, si c’est avec moi qu’il compte se marier. « J’attends ça depuis des années. Ma robe est prête et les petits fours sont au congel ! » Je lui réponds en riant. « De toute façon tu vas pas me faire croire que t’as quelqu’un prêt à se marier avec toi dans ton répertoire ? » Enfin, ça m’étonnerait pas que ce soit le cas au final. Une conquête d’un soir prête à tout pour qu’ils se revoient par exemple. N’imaginant pas que son plan puisse être réellement sérieux, je me décompose lorsqu’il me demande, très sérieusement, si je le ferai. « C’est vraiment ça ton idée ? » Il pense donc sérieusement à se marier avec moi pour pouvoir rester. Je suis un peu perdue mais je lui réponds tout de même. « Si ça te permet de rester, oui j’le ferai. Mais attention, pas de nuit de noces ! » Je ne peux m’empêcher d’ajouter.

Si Vega ne semblait pas tenir beaucoup plus que ça à Bowen, c’était tout le contraire pour Elmo. Cela faisait cinq ans qu’il était ici, après tout, un peu moins longtemps que sa meilleure amie et pourtant il avait développé des amitiés et repères, dans cette ville à laquelle on ne s’attend pas. Il y avait également un peu d’orgueil là-dedans, faut dire. En convainquant ses parents de continuer à lui payer ses études et ses vivres même s’il quittait le nid familial, il avait promis que c’était pour vivre une expérience qui le ferait gagner en maturité et en débrouillardise. Pas du tout. On aurait même pu croire le contraire, tellement Elmo n’avait pas fait un seul pas vers l’avant depuis ces cinq années. Il ne voulait pas donner raison à ses parents, qui ne croyaient pas trop en son projet. Retourner en Italie, ce serait admettre qu’il était un échec et qu’il avait besoin de la compagnie de son père pour s’assurer une place stable dans cet univers. Il avait envie de faire son propre chemin, Elmo, il ne savait juste pas comment. Tout ce qu’il savait, c’était que c’était en Australie, ce pays qu’il considérait de plus en plus comme chez lui. Il aurait voulu que Vega partage un sentiment similaire pour qu’ils trouvent une manière d’y rester ensemble, mais elle semblait prête à le suivre jusqu’en Europe, à la place. « C’est sûr que j’t’aurais dit de rester ! J’t’aurais quand même pas encouragée à m’abandonner. » Dit-il en faisant la moue. « Mais j’aurais aussi cherché plein de façons de te faire aimer Bowen un peu plus. » Ajouta-t-il avec sincérité. Ils dérivèrent quand même sur cette idée de partir tous les deux pour l’Italie, même si clairement ça n’enchantait pas Elmo. Il pouvait quand même se projeter et se remémorer quelques souvenirs pas si mauvais que ça, au passage. « Y’en a des pires, tu sauras. » Se défendit le barista, n’acceptant pas cette pique gratuite et sans fondement. Plutôt que de continuer sur ce sujet, Elmo parla d’une option qui n’était peut-être pas très réaliste mais qu’on voyait souvent dans les téléromans. Se marier pour pouvoir rester dans un pays. Avec Bella, les chances étaient très minces et puis, s’ils se réconciliaient à Chamonix, Elmo n’allait quand même pas lui larguer cette bombe entre deux bisous de pardon. Il considéra l’idée de marier Vega et, honnêtement, ça ne lui sembla plus si fou que ça, plus ils en parlaient. Ils vivaient déjà ensemble, ça faciliterait les visites de suivi de l’Immigration. « J’espère que ce sont des petits fours full viandes et fromage ! Faut connaître les goûts du marié … » S’esclaffa-t-il en imaginant Vega convoiter sa robe de mariée à chaque fois qu’elle ouvrait sa garde-robe. « Elles font la file, tu sauras … » Dit-il à propos du répertoire de filles prêtes à le marier. C’était complètement faux. Il y avait plutôt de l’attente au niveau de la ligne pour le gifler. Plus sérieux, Elmo demanda à Vega si elle serait prête à faire ça, pour lui, pour qu’ils puissent rester ici ensemble. « J’en ai pas d’autres … » Admit le barista. Il n’avait pas envie de renouveler son visa étudiant, puisqu’un retour aux études n’était actuellement pas envisageable pour lui. Il avait peur de l’échec, encore. « Sérieux, oui, tu le ferais ? » S’étonna Elmo, qui ne manqua pas d’ajouter avec humour : « Tu sais pas ce que tu rates pour la nuit de noces. »

Je sais que pour certains sujets je n’ose pas vraiment en parler à Elmo. On peut parler de tout tous les deux, mais je le connais trop bien, pour certains trucs je sais exactement comment il va réagir. Comme quand je ne lui ai pas dit pour Bellamy et qu’il a fini par l’apprendre et qu’il m’a fait la gueule. Je savais qu’il allait réagir comme ça et s’énerver, je savais que j’aurais pas dû accepter de lui cacher notre semblant d’histoire mais bon, j’avais plus ou moins fait une promesse, je voulais pas la rompre. J’ai refait la même connerie un peu plus tard en gardant le secret de Bella. Heureusement, on arrive à passer au-dessus de nos conneries respectives, on ne se fait jamais la gueule bien longtemps. Mais là c’était un vrai sujet sérieux, un sujet qui pouvait mettre fin à notre amitié, en tout cas comme on l’a connu jusqu’à maintenant. C’est aussi pour ça que je lui ai pas parlé de mon envie de quitter Bowen. C’est aussi pour ça que je suis partie plus longtemps que prévu au Canada. A la base je devais y aller seulement pour Noël mais j’ai décidé de partir là-bas plus tôt, en même temps que ma mère. Le dépaysement m’a fait du bien. « Je suis en train d’imaginer des plans de coupe de nous dans tout Bowen à manger des glaces, à jouer à la fête foraine, une vraie comédie romantique Netflix. » Je lui réponds en riant. C’est comme ça que j’imagine la manière qu’il aurait eu de me faire aimer Bowen. Mais j’étais loin de m’imaginer que le côté absurde d’une comédie romantique me tomberait dessus avec son idée qu’on se marie pour qu’ils puissent rester en Australie. Je lui dis, pour rire, que j’imagine notre mariage depuis des années et tout ce qu’il pense évidemment c’est au goût des petits fours. « Ah non c’est que des légumes, faut croire que j’te connais pas si bien en fait. » Je lui dis pour l’embêter. Évidemment que si jamais j’avais des petits fours au congel’ pour notre mariage, ce qui n’a absolument aucun sens, ça ne serait pas vraiment des trucs équilibrés. Il y aurait forcément des burgers, des frites ou quelque chose de ce type là. Je lui demande tout de même s’il n’a pas d’autre idée pour rester en Australie, on sait jamais, mais visiblement c’est la meilleure qu’il a pu trouver, c’est dire. Je ne sais pas s’il a vraiment cherché de toute façon, le connaissant il a dû juste penser à ça et se dire qu’il n’y a rien d’autre sans même faire une simple recherche google. Mais bon s’il faut ça pour qu’il reste, je le ferai, ce n’est as grand-chose de toute façon, si ? Je me rends pas bien compte. « Oui, j’ferai à peu près n’importe quoi pour toi...sauf des trucs genre tuer des gens. » Parce que faut pas déconner non plus, je tiens un minimum à ma vie et à la passer en dehors d’une prison. « Pour t’avoir déjà vu en soirée, je sais très bien ce que je rate : toi complètement mort, qui ronfle encore tout habillé en travers du lit. » Parce qu’il n’y a absolument aucune chance pour qu’il soit suffisamment sobre pour une vraie nuit de noces. « Mais du coup si on s’marie, ça veut dire que j’vais devoir t’être fidèle et donc coucher avec personne jusqu’à ce que tout ça soit réglé. » dis-je en réalisant tout ce que ça implique.

Les querelles à propos de Bellamy, de Bella et des secrets, c’était passager, Elmo et Vega se rabibochaient vite parce qu’ils partageaient tellement de choses ensemble. Ils auraient été incapables de se faire la gueule plus de vingt-quatre heures. La logistique de partage de logement deviendrait juste bien trop complexe et ils n’avaient pas la force de se faire la tête en vivant entre les mêmes murs. Mais s’ils n’étaient plus sous le même toit, et même, plus dans le même pays, qu’est-ce qui les attendait ? Ce questionnement faisait peur à Elmo, d’autant plus qu’il avait vécu les amitiés à distance en quittant l’Italie pour l’Australie, et qu’il savait trop bien que peu de ses amitiés dans son pays natal étaient encore intactes. La distance s’était fait sentir dès la première année et lentement, les nouvelles avaient été prises de plus en plus rarement. Le barista ne voulait pas que ça se produise avec Vega, eux qui avaient désormais l’habitude de se parler à tous les jours, en fin de soirée au moins, avant d’aller se coucher, ou bien le matin devant un café avant que leurs journées respectives ne débutent. C’était pour ça, d’ailleurs, qu’Elmo était étonné d’apprendre que sa meilleure amie n’avait pas un fort attachement à Bowen. Ils avaient eu tellement d’occasion pour en parler. « Mais grave ! La grande séduction, version australienne. » Lâcha Elmo qui aurait pu en surprendre quelques-uns par sa culture cinématographique de films canadiens –uhuh. Bon, dans ce film il n’y avait pas vraiment d’objectif romantique, et sans doute qu’avec Vega non plus puisqu’ils étaient platoniquement amis. Dans le regard des autres cependant, cela pourrait porter à confusion. La prochaine idée aussi, allait entraîner pas mal de rumeurs. S’ils se mariaient réellement pour que l’italien puisse rester, ça ferait jaser tout leur entourage. Et ils allaient devoir garder ça secret. Elmo pouvait avoir confiance en Vega pour ne le dire à personne, en tout cas, vu comment elle avait été douée pour lui mentir à propos de Bellamy. Le jeune homme allait répliquer mais le serveur revint avec leur plat. Il le laissa déposer les assiettes et s’éloigner à nouveau avant de reprendre, à propos des petits fours : « Tu fais juste ça parce que tu sais que sinon il n’en resterait pas pour les invités … » Sa colocataire le connaissait mieux que quiconque, ils ne pouvaient même pas prétendre le contraire. Et ils feraient effectivement à peu près tout l’un pour l’autre. « Et si c’est moi qui tuais la personne, tu m’aiderais à cacher le corps ? » C’était peu probable mais quand même, généralement c’était LA manière de savoir si quelqu’un nous aime vraiment (ouioui). La jeune femme semblait remettre en question la superbe nuit de noces qu’elle aurait pu passer avec lui. « Tu m’as vu en soirée mais pas dans le lit. Ça ressemble plutôt à … » Il chercha dans son assiette et attrapa la petite fleur d’oignon frit qui accompagnait son burger pour commencer à embrasser langoureusement le milieu de l’oignon, qui pouvait ressembler à des parties féminines si on se concentrait bien fort. L’assaisonnement était un peu épicé alors il s’étouffa ensuite. Il le redéposa, rit un petit peu de sa propre démonstration, et continua à parler des implications de ce faux mariage. « Ça, ou bien on s’arrange pour que ça ne se sache pas … Si plein de gens arrivent à se tromper incognito, on devrait réussir à cacher nos relations faussement extraconjugales. »

Je lève un sourcil lorsqu’Elmo évoque le film la grande séduction. S’il avait été grand amateur de cinéma canadien je pense que je le saurais depuis le temps. J’ai vu ce film quand j’étais petite, c’était un peu l’occasion pour moi de me rapprocher de mon pays natal que je n’ai jamais connu. Et puis ma mère adore les comédies alors je n’ai pas pu y échapper. Mais pour qu’Elmo tombe dessus, je me demande bien comment il a fait. Ou alors il a regardé le remake italien, ça semble bien plus logique en fait. Je souris avant de revenir au sujet principal à savoir le mariage et plus particulièrement les petits fours. Comme un signe du destin, nos plats arrivent à ce moment-là, un bon goûter bien sucré, de quoi un peu me changer les idées après toutes ces nouvelles. Je lui fais croire que pour notre hypothétique mariage il n’y aurait que des petits fours à base de légumes alors que je sais très bien qu’il déteste ça. « Mince, toi tu me connais trop bien. » Je réponds en riant. L’avantage avec Mo c’est que les moments dramatiques ne le sont jamais vraiment très longtemps. Il vient quand même plus ou moins de me demander en mariage pour pas avoir à partir à l’autre bout du monde tandis que moi ça me dérangerait pas de me barrer et on se retrouve à parler de petits fours comme si de rien n’était. Je lui assure tout de même que je suis prête à me marier avec lui, en toute amitié, pour lui permettre d’avoir la nationalité australienne parce que je ferai presque n’importe quoi pour lui. Elmo ne serait pas Elmo s’il ne me questionnait pas davantage sur toutes les choses que je serai prête à faire pour lui, comme par exemple cacher un cadavre. « J’pense que si tu tues quelqu’un c’est mieux que j’sois pas au courant sinon je risque de flipper h24. Et puis bon toi t’es pas déjà prêt à ranger tes affaires sales pour moi alors le reste, n’en parlons pas ! » Même si je suis sûre que si j’avais vraiment besoin de lui, il serait là, enfin j’espère. Après les petits fours, la nuit de noces, pour garder son ego intact il essaie me convaincre qu’il ne serait pas juste un déchet humain et il me fait même une démonstration avec un morceau d’oignon. J’exagère mon air dégoûté face à cette scène qui n’est pas franchement excitante. « Si j’avais eu la moindre envie avant là c’est sûr que c’est mort de chez mort ! » Je lui réponds en riant. Je reviens à quelque chose de plus terre à terre à savoir la fidélité qu’implique notre futur mariage. « Mouais...t’es pas toujours très discret. » Même si avec Bella il m’a caché les choses un moment, c’est qu’il doit être capable d’être un minimum discret, même si j’avais capté qu’il y avait un truc. « T’as pas intérêt à tout faire foirer en te faisant griller ! » Déjà que je suis bien sympa de l’aider mais si en plus notre plan foire parce qu’il se fait prendre par un des types qui doit juger de la crédibilité de notre relation, ça va pas le faire. « Tu crois qu’on devra aller dans un bureau et prouver qu’on s’aime ? »

Un rictus plus tard, Elmo faisait le fier d’aussi bien connaître sa meilleure amie. Leur relation était un peu ce qu’il avait fait de mieux, ici à Bowen. Elle était celle avec qui ça durait le plus longtemps. On ne parlait peut-être pas d’amour mais ce qu’ils avaient y ressemblait quand même. Ils vivaient ensemble, s’enduraient, partageaient énormément de trucs. Et quelques années de colocation plus tard ils se supportaient encore, au point même de songer à se marier pour qu’ils ne soient pas séparés par un océan, un bout de continent et une mer. Ça faisait beaucoup de choses à se dresser entre eux, à mettre une distance entre eux, et pour le moment il n’était pas question de laisser ça arriver. Même un cadavre ne parviendrait pas à mettre une distance entre eux – enfin, c’est ce qu’Elmo chercha à savoir. « So tu vas m’laisser flipper tout seul h24 ? J’vais devenir tellement parano et penser que j’ai la police au cul, c’t’impossible que tu remarques rien. Tu me forceras à t’le dire parce que tu seras trop curieuse. Tu pourras pas m’en vouloir après hein ! » Se défendit-il par avance, même si bien franchement, la possibilité qu’il tue quelqu’un était assez inexistante, à moins d’un terrible accident. « Pis, si c’était une question de vie ou de mort, j’les rangerais mes affaires sales. Là, elles font de mal à personne. » Elles ne faisaient peut-être pas de mal physiquement mais il savait que parfois il risquait que Vega vire folle à cause de lui et de ses traîneries. Il ne faisait quand même pas plus d’effort que ça, elle avait raison. Sa paresse l’emportait sur le bien-être de sa coloc’. La scène de l’oignon frit plus tard, Elmo redéposa le pauvre aliment torturé dans son assiette. « AH ! Alors y’a déjà eu une envie auparavant ? » Évidemment que c’est là-dessus qu’il accrochait, sans toutefois relever le ton très hypothétique de Vega. « Si j’ai à l’être, j’sais l’être ! J’parie que y’a plein de fois t’as jamais remarqué que je ramenais une fille pour la nuit. J’ferai rien foirer du tout. » À la question de sa meilleure amie, il haussa les épaules. « Si c’est le cas, ça devrait pas être trop difficile, non ? Après tout, on s’aime, en quelque sorte. » Ils connaissaient déjà tellement de choses sur l’autre et avaient une forte complicité, alors aux yeux d’Elmo c’était déjà dans la poche.

J’ai pas franchement envie de penser à l’éventualité qu’Elmo tue quelqu’un pour savoir ce que je ferai dans de pareilles circonstances. Je sais que je flipperai de fou parce qu’il n’a rien d’un psychopathe, ce qui du coup serait encore plus flippant. Je sais que je serai en grand conflit intérieur parce que clairement mon sens de la justice prime à peu près sur tout, même sur notre amitié mais il m’en voudrait à vie et j’aurais pas franchement envie qu’il vienne me tuer ensuite. « Nan mais tu vas tuer personne donc tout va bien y’a même pas besoin d’y penser. » Je réponds pour tenter de clore le débat. « Et si je glisse dessus et que je meurs hein ? Elles ont l’air de petites chaussettes innocentes mais elles peuvent être très dangereuses ! » Quitte à parler de mariage et que ça n’ait aucun sens, pourquoi pas de chaussettes tueuses, je trouve ça un peu moins glauque qu’un hypothétique crime de mon meilleur ami. Mais je sais que si j’étais un peu plus insistante sur le rangement, en mode j’invite quelqu’un et j’ai pas envie qu’il ou elle voit des caleçons sales de mon coloc traîner partout, il pourrait faire un effort, enfin je pense. Peut-être que je vois Elmo un peu trop bien par rapport à ce qu’il est. C’est peut-être ça qu’on appelle l’amour ! Mais pour moi pas l’amour de type amoureux c’est certain. Justement il me demande si j’ai jamais eu envie de faire quoi que ce soit d’un peu plus qu’amical avec lui, vu que ma phrase n’était pas suffisamment clair. « Temps qu’on est aux confidences, allons-y ! Quand j’t’ai rencontré, j’t’ai trouvé plutôt mignon les deux premières minutes en mode, why not finir la soirée avec lui et puis j’ai vu à quoi tu ressemblais en fin de soirée et depuis je n’ai plus jamais eu envie de quoi que ce soit avec toi. » Je lui réponds avec un grand sourire. Je sais pas si lui s’est déjà imaginé des choses mais ça me va bien qu’il ne se soit jamais rien passé, surtout quand je vois comment ma vie amoureuse a toujours été un carnage. Il tente de me convaincre qu’il sait être discret quand il faut. « Ouais mais c’est pas avec moi que tu dois être discret, j’m’en fous que t’ailles voir ailleurs. » Je suis une future épouse très chill sur la fidélité, enfin uniquement parce que c’est pour de faux sinon je serai pas comme ça. Je m’inquiète plus pour les personnes qui vont devoir évaluer le fondé de notre mariage pour accorder la nationalité australienne à Elmo. Lui ça semble pas franchement l’inquiéter. Enfin est-ce qu’il y a des trucs qui l’inquiètent des fois ? J’en doute. « Oui, j’m’en fais pas trop pour ça, on s’connaît suffisamment. Mais c’est plus genre si faut s’embrasser quoi, j’ai pas ultra envie de me retrouver à la place de ce pauvre oignon que tu as sans doute traumatisé à vie. »

Visiblement Vega n’était pas très à l’aise avec ce débat hypothétique et même si ça ne prenait pas de réponse sérieuse, puisqu’on ne peut jamais savoir comment on va réagir avant que ça se produise, elle voulut quand même clore le sujet. Elmo haussa les épaules, elle avait à peu près raison, il ne comptait pas tuer qui que ce soit. Mais un accident ça arrive et l’italien assumait si peu ses responsabilités qu’il flipperait peut-être si ça arrivait et essaierait de fuir ou de cacher l’événement. Ce serait son genre. Tout comme c’était son genre de laisser traîner ses vêtements sales partout malgré la désapprobation de Vega. « Bah tu vois je vais tuer quelqu’un, toi-même tu dis qu’tu vas mourir par ma faute ! » S’empressa-t-il d’ajouter, profitant de cette porte ouverte pour bondir dedans. « Qui va m’aider à cacher le corps si c’est toi le cadavre ? » Se plaignit-t-il alors que ça, franchement, c’était peu probable. Si Vega mourrait parce qu’elle glissait sur ses chaussettes, c’est parce qu’elle était vraiment trop fragile. Une petite poupée de porcelaine. Et Elmo savait bien qu’elle n’était aucunement de la porcelaine, c’te bout de femme-là c’était du fer, ou peu importe quelle matière était la plus résistante. Pas pour rien qu’elle avait la tête dure, Vega. Ce fut d’ailleurs assez étonnant qu’elle considère sérieusement cette idée de mariage pour qu’Elmo puisse rester au pays. Et après cette simulation de cunnilingus sur un oignon frit, elle le surprit encore plus en admettant l’avoir trouvé mignon lors de leur première rencontre. Un smirk satisfait et fier plus tard, l’italien ajouta : « Moi aussi j’ai pensé finir la soirée avec toi quand on s’est rencontrés. C’était ça le plan. » Mais tout comme elle, leur amitié avait pris le dessus, apprenant à connaître trop bien l’autre sous toutes ses coutures. « Mais à la place de t’avoir dans mon lit t’as carrément ramené ton lit chez moi, j’ai merdé. » Le pire c’est que c’était le contraire, c’était Elmo qui avait emménagé dans le logement qu’occupait d’abord Vega, imposant toutes ses mauvaises habitudes. « Ouais mais si je sais être discret avec toi j’saurai l’être avec d’autres. » Il faudrait juste qu’il arrête de faire son grand coq un temps, à se vanter d’avoir couché avec telle ou telle fille. Il n’avait pas pensé cependant qu’il faudrait que Vega et lui s’embrassent, se tiennent la main, fassent vraiment des trucs de couple quoi. « Et tu penses que j’ai envie d’embrasser ton haleine de brocoli le matin, moi ? » Il n’était certes pas parfait mais elle non plus !

Elmo en est toujours à savoir si je l’aiderais à cacher un cadavre mais le problème est que si c’est moi le cadavre, ça devient plus compliqué et j’ai pas franchement envie de penser au fait qu’il pourrait me tuer, même involontairement. « Sérieux ? C’est le seul truc qui te vient en tête ? Même pas la peine immense que tu vas ressentir ? » Je suis pas sûre de vouloir qu’il réponde à ça, parce que je sens qu’il va me dire que bon, la peine elle va passer en deux minutes quoi. Dire que j’envisage très sérieusement qu’on se marie pour pas qu’il ait à retourner en Italie, je suis vraiment une trop bonne amie pour lui, il ne me mérite pas ! On revient sur notre rencontre et ce moment où on aurait pu finir ensemble dans un lit alors qu’au final on a juste fini par devenir colocs et meilleurs amis. « J’me doute bien que c’était ça le plan ! J’te connais, t’aurais pas été capable de résister à mon charme. » Sauf que la soirée s’est déroulée autrement. Je ris à sa réflexion sur le fait de ne pas m’avoir mis dans son lit. « Oh t’exagères on a déjà dormi plusieurs fois ensemble. » Je lui dis pour le taquiner. Sauf que j’imagine bien que quand il parle de me mettre dans son lit c’est pas pour passer une nuit à discuter et rire ensemble. Si quand je l’ai rencontré, la toute première fois, l’idée de coucher avec Elmo me déplaisait pas, elle a vite disparu et aujourd’hui ça me paraît juste impossible que ça arrive. « J’attends de voir. » Je lui dis à propos de sa discrétion pas franchement légendaire. Je pense ensuite à l’aspect un peu plus pratique de la chose à savoir être un faux couple crédible, c’est à dire se connaître très bien, ça ça va, et avoir l’air amoureux, ça c’est plus compliqué. J’ai pas envie de l’embrasser et lui non plus. « Nan mais on va pas s’embrasser quand y’a juste nous de toute façon. On va essayer d’éviter ça, on fera des câlins ça ira très bien. » Et au pire si vraiment il faut un bisou et puis voilà.

« Bien sûr que j’aurais de la peine ! Mais avant ça je serais aussi très très paniqué, ça prendrait le dessus sur tout le reste. » Se défendit le barista. Après tout, qui y croirait, à cette histoire de glisser sur des sous-vêtements ? On accuserait Elmo du crime, ça ne faisait aucun doute, et il était incapable de se défendre verbalement c’était bien connu. Même à son avocat il serait incapable de justifier l’incident. Elmo il n’était doué pour parler que lorsque l’objectif était de mettre une fille dans son lit. Enfin, ça avait plus ou moins fonctionné avec Vega à leur première rencontre. Plutôt que de coucher ensemble, ils avaient emménagé ensemble quelques mois plus tard. Sur une base purement amicale. Ouais, c’était un échec cuisant. Mais finalement il était plutôt content de la tournure des événements. « Ouais ton charme il s’est rapidement envolé tho. » Il esquissa un sourire. Elle était jolie, Vega, canon même, c’était pas ça le truc. Ils se connaissaient juste trop bien, maintenant. « Tout habillés, ça compte pas. » Rétorqua Elmo à propos de toutes les fois où ils avaient dormi ensemble pour des raisons x ou y. Au moins, ça les avait pratiqués pour les fausses nuits à venir, même si en vrai Elmo ne voyait pas trop comment les autorités pourraient évaluer s’ils faisaient chambre à part ou non. Faudrait-il emmener tout le stock de la chambre de l’un vers la chambre de l’autre, et transformer la pièce vacante en bureau ou de quoi du genre ? Tellement de technicalités dans cette mauvaise idée de mariage ! « Même les câlins quand on est seuls c’est pas nécessaire, hein. » À moins qu’ils positionnent des espions aux fenêtres ? Non, quand même pas. Elmo termina déjà son assiette, disons que le concept de déguster, il ne connaissait pas trop.

J’ai aucun mal à imaginer Elmo paniquer avant d’être triste, je pense que je serai pareille ou bien les deux en même temps. Mais ça me rassure un peu qu’il serait triste que je sois morte. Enfin c’est normal puisqu’on est quand même censés être meilleurs amis mais Mo c’est pas franchement le meilleur quand il s’agit de dire qu’il aime les gens. Enfin là il m’avoue que la première fois qu’on s’est rencontré on avait tous les deux la même idée en tête mais qu’au final il ne s’est rien passé. Peut-être un signe du destin qui a vu notre futur si cette soirée s’était fini dans le même lit et comme ça menait à la fin du monde il s’est dit qu’il valait mieux pas qu’on couche ensemble. Je fais la moue quand il me dit que mon charme a rapidement disparu. « Le tien aussi je te rassure. » Je lui dis pour me venger, même si c’est vrai. Le moment où je l’ai trouvé mignon et charmant n’a pas franchement duré longtemps, pas suffisamment du moins pour qu’on s’embrasse. Il me dit que dormir ensemble tout habillés ça compte pas. « Des fois on n’était pas tout habillé mais bon t’étais trop bourré pour t’en souvenir. » Je lui dis avec un sourire en coin. Il n’y a absolument rien de sexuel là-dessous, déjà parce que profiter de quelqu’un qui a bu ça me donne envie de vomir et ensuite parce que globalement c’était plutôt dormir à côté de lui qui est en caleçon pour pas potentiellement salir ses vêtements de vomi. Je le rassure en lui disant qu’on s’embrassera pas, à part en cas d’extrême nécessité parce que moi non plus ça m’enchante pas des masses. « Mais moi je veux des câlins. » Je lui dis avec une petite voix triste. « Tu m’fais plus de câlins maintenant. » Je lui dis en boudant.