#381 Because when you play the fool now, you're only fooling everyone else + Woodéo

Si Léo n’était pas débarqué aujourd’hui, Woody aurait continué sur cette lancée, ou plutôt sur cette descente, une descente aux enfers qui étaient maintenant sa zone de confort, en quelque sorte. Woody était davantage à l’aise avec ses démons, avec sa noirceur, qu’il ne l’était avec l’amour et la lumière. Il avait oublié comment on faisait, pour être heureux. Alors quand il s’en rapprochait trop, il s’arrangeait pour retrouver son confort. Ou alors, la vie s’en chargeait pour lui, comme ça avait été le cas pour ce bébé qui ne verrait jamais le jour. La vie et la mort pour une fois avaient eu un projet commun, ramener le trentenaire dans le noir, dans le vide. Alors la vie avait chuchoté à l’oreille de la mort et la mort lui avait pris cet espoir naissant. Léo était là pour lui rappeler qu’il lui restait encore Charlie mais ça, Woody n’avait pas besoin qu’on le lui rappelle. Il savait. Il savait qu’elle l’attendait, qu’elle pleurait dans le silence en se demandant pourquoi lui ne pleurait pas avec elle, dans ses bras, pourquoi ils ne traversaient pas cette épreuve ensemble. Ils ne la traversaient pas ensemble parce que Woody était incapable de dealer avec tout ce qui tourbillonnait dans sa tête et dans son cœur. Il avait envie de s’éteindre. Et il ne voulait pas que la femme qu’il aimait le voit ainsi. « Ouais, ok … » Admit l’homme à propos de la douche. Lui ne le ferait que pour Charlie, peu importe le respect de soi dont parlait Léo. Il essaya de se lever mais après une semaine chaotique, avec une nutrition des plus défavorables, avec peu de mouvement, avec beaucoup de drogues et d’alcool, le corps de Woody n’en avait plus rien à faire de se bouger, lui. « Un peu d’aide ? » Demanda l’homme en tendant la main vers Léo. Une fois debout, extirpé de ce canapé qui aurait pu l’avaler tout entier, Woody se dirigea lentement, difficilement, vers la salle d’eau où il ouvrit le robinet de la douche. La porte entrebâillée, il se déshabilla et se glissa sous l’eau froide, il n’avait pas envie du luxe d’une eau chaude, il voulait juste continuer de s’engourdir l’esprit, de changer le mal de place.

Léo refusait de se voir en sauveur, il n’en était pas un. Il était simplement venu remuer un peu son vieil ami pour lui montrer que même si la vie était une chienne, il fallait des fois savoir se relever. Woody avait un terrain pour l’autodestruction, ce n’était pas la première fois qu’il se retrouvait dans un état aussi minable et ce ne serait peut-être pas le dernier. Mais il avait une femme qui l’aimait et qui l’attendait à l’extérieur, une femme que Léo aimait comme une sœur et qu’il refusait de voir malheureuse alors que l’amour pourrait vaincre. Il n’avait peut-être rien gagné à faire ça, ça n’aiderait peut-être personne et peut-être perdrait-il définitivement celui qui avait été son meilleur ami, mais il avait eu envie de tenter, de mettre un coup dans la fourmilière et de voir ce que ça donnerait. Woody ne serait sûrement jamais capable d’accepter que cette future vie ne verrait pas le jour, il le verrait sûrement comme un échec de plus. Et ça, personne n’y pourrait rien, il n’avait pas soutenu Charlie dans cette épreuve, il avait fait comme il avait pu. Emerson savait à quel point Jules haïssait Woody pour ça et il le comprenait, seulement on n’était pas tous égaux face au deuil. Mais un jour, Rutkowski reviendrait peut-être vers Charlie et ils se relèveraient, à leur manière, avec leurs blessures, ça n’appartiendrait qu’à eux, Léo n’avait pas besoin de savoir. Pour l’heure, chaque chose en son temps, il acceptait de prendre une douche et c’était déjà une petite victoire, ils le savaient tous les deux. Le photographe aida son ami à se lever, il lui donna une petite tape sur l’épaule pour l’encourager et le laissa se diriger vers la salle d’eau. Cette douche ne servirait pas qu’à le laver, il allait y rester longtemps. Pendant ce temps-là, Léo rangea la maison comme il put, puis appela un restaurant pour leur faire livrer un repas chaud et consistant qu’il disposa sur la table propre. Et ils dinèrent ensemble, sans grande discussion, ce qui ne gêna personne, ils n’avaient pas besoin de s’encombrer de mots en de pareilles circonstances. Peut-être qu'un jour, si Léo se retrouvait dans une situation identique, il aurait besoin lui aussi d'un ami qui agit plus qu'il ne parle.