i'd give it all just to have your eternity (aelya)

Elle sentait son coeur se fendre à chaque fois qu'elle dénotait dans son regard les bribes de tout ce qu'elle n'était pas, de tout ce qu'elle n'était plus, cette personne dont il semblait être éperdument amoureux et qu'elle semblait avoir oublié. Elle avait l'impression qu'il décrivait une autre personne, un sosie dont elle n'avait jamais eu vent, ce vertige émotionnel lui coupant trop souvent le souffle alors que la réflexion lui prenait toujours plus d'énergie. Elle se battait, tentant de travailler sa mémoire avec les praticiens qui la suivaient à l'hôpital, mais chaque jour, chaque rendez vous se soldait par un échec qui la privait un peu plus de lumière. Elle n'était plus elle, et il fallait peu à peu qu'ils se rendent tous les deux à l'évidence : ils devraient faire avec cette nouvelle version abîmée sur laquelle ils apposeraient de nouveaux souvenirs même si Aelya, dans cette réalité, elle ne se sentait pas de partager sa vie avec un homme, encore moins avec un époux. Elle n'était pas prête, et cette pensée la terrorisait. Loin de vouloir baisser les armes face à Niels qui se battait, elle avait accepté de retourner dans leur quotidien, cette maison qu'ils avaient acheté pour nourrir leur amour, ce refuge aux remparts immenses qui la laissaient un peu plus vide.

- J'suis connue ? Demanda-t-elle, toujours abasourdie de savoir ce qu'elle faisait dans la vie. Les gens avec qui je travaille ont été prévenus ? Ajouta-t-elle, ayant préféré laisser son portable de côté tant il lui inspirait toujours plus d'angoisse vis-à-vis de tous ses contacts qu'elle ne connaissait plus. Il est adorable en tout cas, ajouta-t-elle en souriant légèrement, ses mains passant sur la fourrure de l'animal avec surement moins de familiarité qu'à l'habitude. J'espère que ça se fera surtout, lança-t-elle en hochant la tête, démunie face à ses souvenirs absents, suivant Niels au travers des pièces qu'il avait commencé à lui présenter, ses déclarations lui soutirant des sourires. En même temps la vue est magique... Ca m'étonne pas qu'on ait choisi cet endroit du coup, c'est hyper reposant, admit-elle, charmée par la vision de l'océan qui se dessinait à travers la baie vitrée. J'ai jamais aimé la cuisine et ça a pas changé j'crois, pouffa-t-elle, rassurée de se reconnaître au moins sur ce point, suivant Niels jusqu'à la chambre, sentant la tension émotionnelle l'éteindre alors qu'il la laissa entrer en première. Elle est hyper jolie, la chambre, souffla-t-elle, son regard discernant les photos de leur relation placardées sur les murs. Ca va aller ? Demanda-t-elle en se retournant pour confronter Niels qui restait en retrait. J'dois quand même avouer qu'on va bien ensemble, sourit-elle doucement pour le rassurer.

Il s’efforçait à garder la tête hors de l’eau, craignant de s’enfoncer dans les tréfonds de sa peine qui le faisait suffoquer quand il voyait qu’aucun des souvenirs de son amour ne se restaurait. Tous les jours, il entrait dans sa chambre, le regard terni par un voile de nostalgie qu’il ne parvenait plus à dissimuler, constatant avec peine cette absence de souvenirs qui s’éternisait. Il avait peur de ne plus jamais la retrouver, de ne pas savoir la reconquérir, de ne plus jamais voir ses yeux le regarder avec amour, comme si un mur de pierres s’était érigé entre eux, empêchant leurs âmes de se lier comme elles l’avaient toujours été. Il s’était rendu à l’hôpital à l’heure, comme à son habitude, pour la sortie d’Aelya, désirant être présent pour cet instant plus que spécial, lui qui appréhendait néanmoins son retour dans leur cocon, incapable de prédire ses réactions. « Disons que ton visage revient souvent dans les magazines. Y’a pas mal de monde qui t’admire, oui. » Ajouta-t-il pour nuancer ses propos pour ne pas l’apeurer davantage, conscient à quel point tout cela devait être abasourdissant pour elle qui devait incarner le rôle d’une femme qu’elle ne reconnaissait pas. « Oui, j’me suis occupé de ça. » Répondit-il, lui qui avait eu la lourde tâche d’annoncer le coma de sa femme à son entourage, vivant au gré des nouvelles de l’hôpital, des avancées d’Aelya. Son regard se planta sur les retrouvailles entre son amour et leur chien, comme un bond dans le passé qui emballa les battements de son cœur sans qu’il ne puisse le contrôler, Niels esquissant un faible sourire aux mots d’Aelya. « J’espère aussi. » Confia-t-il dans un souffle, la guidant au travers des pièces pour qu’elle puisse s’en imprégner et découvrir leur lieu de vie, celui qui avait autrefois accueilli leur amour. « C’est toi qui as craqué pour cette maison. On est passés par un appart’ un peu miteux puis une maison qu’on a rebâtie avant de venir ici. » Raconta-t-il, bercé par toutes ces étapes de leur vie qui les avaient forgés pour les faire devenir ce qu’ils étaient aujourd’hui. « Tu t’es pas mal améliorée j’trouve. En tout cas, j’suis toujours pas mort, même après cinq ans de relation. » S’amusa-t-il, s’accrochant à ce premier échange complice qui le fit esquisser un sourire, Niels redescendant de son nuage lorsqu’ils prirent la direction de leur chambre qui lui paraissait beaucoup trop vide sans elle. Il resta silencieux à ses premières remarques, la laissant découvrir les recoins de leur cocon, relevant les yeux vers elle à ses mots pour hocher faiblement la tête, jusqu’à ce que son coeur ne se mette à tambouriner lourdement dans sa cage thoracique à ses dernières paroles. « Tu trouves ? » Lâcha-t-il presque innocemment, un sourire étirant faiblement ses lèvres. « En vérité, j’me suis toujours demandé ce qu’une fille comme toi faisait avec un mec comme moi. » S’amusa-t-il, faisant quelques pas vers elle, retrouvant son regard. « Tu sais, tout ce que tu vois là, j’peux comprendre que ça puisse te perdre un peu. Parce-que toi et moi, on est partis de rien, on a ramé et pas qu’un peu, on a plus connu des galères qu’autre chose. » Dit-il, tentant de lui faire comprendre qu’ils n’avaient jamais réellement appartenu à un monde fait de paillettes, à l’image de leur villa. « On a d’autres chambres d’amis… Tu seras pas obligée de dormir ici si t’en as pas envie. »

Elle avait tout perdu, regardant les bribes de son présent s'effondrer tout autour d'elle, comme si elle était à même de regarder son futur se dissiper dans les méandres de son être qui l'avait tout en entière, déchiquetant en même temps l'espoir de se retrouver un jour dans cette peau qu'elle ne reconnaissait guère. Tout lui tournait la tête, et si elle était ravie d'apprendre qu'elle avait une amie fidèle, un mari attaché à elle, elle avait du mal à joindre les bouts de ces informations pour paraître aussi naturelle qu'eux dans ces relations qu'elle ne concevait plus dans son esprit. Elle haussa les sourcils à sa déclaration, elle qui peinait à comprendre cet attrait soudain pour la célébrité, elle qui ne se serait jamais vue poser entant que modèle, parce que dans sa tête, elle sortait à peine de prison, la confiance en elle encore éraflée par ce périple.

- C'est bizarre, ça me ressemble pas, avoua-t-elle, perdant un peu plus le fil entre celle qu'elle était et celle qu'elle avait laissé de côté malgré elle. Ils sont venus me voir ? Demanda-t-elle curieusement, ne sachant comment sa carrière était censée continuer dans ces conditions bien qu'elle se voyait faire des efforts pour la récupérer, peinant à imaginer que Niels les voyait surement d'un mauvais oeil puisque c'était ces fréquentations qui l'avaient conduit à perdre la mémoire en la faisant sombrer dans l'enfer de l'addiction, tous deux traversant les pièces alors qu'il lui présentait la villa, comme dans une première fois. Ah oui, on a fait beaucoup de choses ensemble, ça a du beaucoup compté pour moi aussi tout ce qu'on a fait, admit-elle pour le rassurer. C'est toujours ça, sinon j'aurais encore fini en taule j'ai du progresser pour pas y remettre les pieds, pouffa-t-elle avec amusement. Cinq ans de relation ? Ah oui, je me suis surpassée avec toi, ajouta-t-elle, surprise de sa propre fidélité qui mettait en lumière l'amour qu'elle lui avait voué jusqu'ici, elle qui rentra dans l'antre de leur amour, son regard détaillant chaque recoin comme si elle cherchait à s'abreuver de l'ambiance qui ranimerait peut-être ce qui était mort en elle, sans succès, sa voix se voulant rassurante alors qu'elle sentait sa tension dans son dos. T'es trop dur avec toi, ou trop modeste. Mais j'imagine que c'est pour tout ça que je me suis attachée à toi ? Lança-t-elle, touchée par ses mots, par son comportement qui traduisait la bonté de son âme. Me connaissant ça m'aurait étonné que tu me dises que tout a été facile, ouais. Ca me perd mais en même temps, j'crois que j'suis assez contente de comprendre que malgré tout, j'ai réussi à m'élever un peu dans mes objectifs... Avoua-t-elle en captant son regard. Ca te gènes pas... ? Lança-t-elle à sa proposition, se mordant la lèvre, gênée de devoir admettre qu'elle préférait aller dormir ailleurs. C'est un peu trop tôt pour moi, tout ça, mais... Je lâche rien, promis, ajouta-t-elle, venant doucement presser son bras. Faut que je prévienne mon père aussi, il est toujours en taule j'imagine, lança-t-elle de manière lasse.

C’était aussi douloureux qu’attristant de remarquer l’égarement dans ses iris qui avaient autrefois brillé, comme si Aelya semblait à la recherche de ses repères, incapable de s’accrocher à Niels qui cherchait désespérément à la ramener à lui. Il craignait de ne pas savoir la retenir, elle dont les souvenirs s’étaient arrêtés dans une autre dimension, dans un univers où Niels n’avait jamais eu sa place. Le cœur à l’agonie, il tentait de respirer comme il le pouvait, pensant toujours à ce qu’Aelya devait ressentir alors qu’elle s’immisçait dans un cocon qui ne lui rappelait rien. « Si tu veux tout savoir… Ça t’est tombé dessus un peu par hasard, tu venais d’arrêter la danse et t’as eu cette opportunité. Et comme t’es super douée dans tout ce que tu fais, t’as réussi le pari haut la main. » Ajouta-t-il, cherchant à lui fournir des explications complètes, comme s’il espérait que le moindre petit détail puisse éveiller quelque chose en elle. Il baissa légèrement les yeux à ses mots, conscient qu’il se devait d’être honnête avec elle. « Non… J’ai refusé qu’ils viennent. » Souffla-t-il, lui qui éprouvait encore une haine incommensurable envers l’entourage professionnel d’Aelya, ne pouvant s’empêcher de penser que c’était à cause d’eux si son amour avait sombré. Il hocha la tête à ses mots suivants alors que la visite se poursuivait, lui qui frissonnait en revivant leurs nombreux souvenirs ancrés dans les murs. « Crois-moi qu’on y a remis les pieds un petit nombre de fois avant de s’assagir un peu… » Grimaça-t-il, se remémorant les ennuis qui les avaient suivis de nombreuses fois. « C’est la réflexion qu’on se faisait souvent. Faut croire qu’on a changé en se trouvant. » Admit-il, eux qui n’avaient jamais laissé place à une quelconque exclusivité avant leur rencontre, se laissant aller à cette relation inédite qui les avait complètement bouleversés. Il resta silencieux en passant la porte de leur chambre qui avait perdu de sa splendeur en son absence, la laissant découvrir cet aspect de leur intimité, là où avait fulminé leur passion amoureuse. « J’espère que tu sauras répondre à tes propres interrogations par toi-même dans quelques temps… » Murmura-t-il, lui qui aurait aimé la voir comprendre pourquoi ils s’étaient choisis envers et contre tout, pourquoi leur amour avait résonné comme une évidence depuis le départ. « Ce qui fait ta force, c’est que t’abandonnes jamais. Tout ton parcours le prouve, et j’ai toujours été hyper admiratif de ton courage. T’es une battante. » Ajouta-t-il pour parler d’elle, de son évolution fulgurante, de sa manière d’appréhender la vie qu’il avait toujours admirée. Il prit les devants pour lui faire savoir qu’il ne désirait en aucun cas la voir se forcer pour lui, comprenant aisément combien la situation pouvait être délicate pour elle. « L’inverse t’aurait gêné toi, et j’ai pas envie que tu te forces à quoique ce soit. » Répondit-il avec un faible sourire, baissant légèrement le regard en hochant la tête. « T’en fais pas, j’peux être patient… » Souffla-t-il, frémissant au simple contact de sa main sur son bras, lui qui aurait aimé l’enlacer et la garder contre lui jusqu’à son dernier souffle. « Hm… ouais. Je… On a eu quelques soucis avec lui et ses hommes, ce qui a fait que tu as pris tes distances vis-à-vis de tout ça, de lui… » Lui avoua-t-il, cherchant ses mots pour ne pas que cette annonce ne soit trop brutale, lui qui savait combien sa relation avec son père avait compté pour elle. « Tu dois être crevée par tout ça… Tu veux que j’te montre les autres chambres ? » Demanda-t-il, gêné à l’idée de devoir lui balancer des informations primordiales dont elle n’avait aucun souvenir, détestant la violence avec laquelle ces nouvelles allaient la percuter.