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Bienvenue à Bowen, petite ville côtière du Nord-Est de l'Australie, abritant moins de 7 000 habitants. Si vous recherchez le calme, la bonne humeur et la joie de vivre, vous serez au paradis. Tous les habitants vous le diront, Bowen est l'endroit idéal pour se ressourcer. Et puis ne vous inquiétez pas pour l'intégration, ici tout le monde se connaît et les habitants adorent accueillir les nouveaux. › suite.

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 there ain't any words in this world that's gonna cure this pain (charlize)

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MessageSujet: there ain't any words in this world that's gonna cure this pain (charlize)   there ain't any words in this world that's gonna cure this pain (charlize) EmptyJeu 18 Aoû 2022 - 0:02

En trois ans, Leónel n’avait jamais osé assister à un groupe de soutien à Bowen directement. La peur d’y croiser quelqu’un qu’il connaissait était bien trop grande. La peur d’être en train de livrer toute sa peine et d’apercevoir un regard familier le paralysait. Il en avait mis du temps, aussi, douze mois, avant d’admettre que l’expérience des autres, le partage et l’écoute, pourraient l’aider à surmonter ses démons. Alors lorsqu’il avait finalement franchi le pas, il avait voulu que ce soit le plus loin possible, le plus loin possible du jugement, de la honte. Il n’était pas rationnel dans ses pensées, Leónel, mais si la seule façon de le convaincre de se rendre dans un groupe de paroles était de s’assurer que sa voix était la seule qu’il reconnaîtrait, alors il avait été prêt à franchir des kilomètres. Puis, les années s’étaient écoulées, et les kilomètres s’étaient envolés. Il n’allait pas encore dans les groupes de soutien de Bowen directement, mais à ceux de Heronvale, à vingt minutes de chez lui. C’était con, il n’était pas le seul à avoir cette idée, et il y avait croisé bien des visages déjà aperçus à Bowen. Le plus percutant avait été celui de Charlize Imogen Wojcik. Bien malgré lui, il l’associait à un échec professionnel. Et elle, la pauvre, devait l’associer lui à la perte de son mari. Leónel n’avait peut-être rien à voir avec la maladie de son défunt époux, mais il faisait partie des médecins qui avaient été incapables de le sauver, de trouver une cure miracle pour leur acheter des années de plus ensemble, l’éternité si cela aurait pu être possible. C’est ce que Leónel aurait voulu être capable de leur offrir mais il s’était buté aux mêmes conclusions que les autres médecins avant lui. Il n’était pas mieux, il n’était pas meilleur qu’un autre. Pire, encore, puisque ces échecs mis un à la suite de l’autre l’avaient sans doute conduit à abandonner, à renoncer, après cet événement traumatisant qui avait achevé sa foi en ses capacités. Cela faisait maintenant quelques rencontres auxquelles ils assistaient, parlaient devant le groupe, sans jamais s’aborder l’un et l’autre. Que des regards à la dérobée. Une distance inconfortable. À la fin du partage d’aujourd’hui, Leónel avait retrouvé Charlize à la machine à café. « Bonjour, Charlize. Je … j’imagine que vous vous souvenez de moi. » Comment oublier l’un des visages qui vous annonce qu’il n’y a rien à faire pour l’homme que vous aimez ? « Je n’ai pas osé vous aborder avant, je ne voulais pas que ça paraisse déplacé. Mais je tenais quand même à vous dire que … que si ma présence ici vous nuit dans votre démarche, je peux … On peut s’arranger pour ne pas assister aux mêmes groupes. » Proposa-t-il, attrapant un verre pour le remplir de café maintenant tiède.
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MessageSujet: Re: there ain't any words in this world that's gonna cure this pain (charlize)   there ain't any words in this world that's gonna cure this pain (charlize) EmptyVen 19 Aoû 2022 - 13:55

On disait que le temps apaisait les douleurs, rendait la peine plus supportable. C'était le genre de choses qu'on lui avait dit, répété, tellement de fois à une époque, que Charlize avait fini par détester ça, ces phrases toutes faites, ces pansements pour que le manque ou la perte soient plus acceptables. Ils ne savaient pas, ils ne vivaient pas son quotidien, sa détresse si vive, qui lui coupait si souvent la respiration. Pourtant ils avaient raison, elle avait fini par l'admettre, le mal n'était jamais parti, il était toujours là, même des années après la mort d'Axten, mais elle faisait son deuil et elle respirait à nouveau. Le temps avait adouci la douleur. Et ce qui l'avait aidé, plus que ces pilules qu'elle avalait comme des bonbons à une époque, c'était ces séances de thérapie de groupe. Au début elle détestait ça, sa psy l'avait forcé à s'y rendre sous peine de ne plus lui délivrer ses précieuses ordonnances, alors, sous la contrainte, elle avait poussé pour la première fois la porte d'un gymnase mal éclairé, pour aller écouter des inconnus déballer leurs malheurs. Les premiers temps elle ne s'était pas posé de questions, elle allait au plus près, par souci de praticité avec ses horaires impossibles et la garde de sa fille. Mais avec le temps elle avait fini par s'éloigner, parce que croiser les clients d'Imogen alors qu'elle racontait combien elle était au fond du saut, c'était plutôt gênant. Depuis un moment elle se rendait une fois par semaine à Heronvale, ce groupe avait une bonne dynamique et ce n'était pas trop loin, mais assez pour qu'elle soit tranquille. Enfin c'était ce qu'elle pensait, jusqu'à ce qu'elle croise pour la première fois le regard du docteur Orellana. Il y avait ce ces visages qu'on n'oublie jamais, de ces regards percutants qui vous clouent sur place, de ces voix qui vous laissent muet. Il était de ceux-là, même après des années, même si ses yeux ne brillaient définitivement plus de la même lueur, cet homme l'impressionnait. Jamais la pâtissière n'aurait cru le trouver dans ce genre d'endroit un jour, en de pareil circonstances. Lui qui était si sûr de lui à l'époque, il portait finalement le même type de fardeau qu'elle. Depuis des mois Charlize baissait les yeux pour ne pas affronter les siens, elle était lâche, ça ne lui ressemblait pas. Mais ce soir les choses allaient changer, il bouleversait leurs habitudes autour d'une banale machine à café, semblable à celle où elle lui avait déversé sa hargne et son chagrin, bien des années plus tôt. La vie ne manquait pas de surprises … Bonjour docteur. Par cette distinction elle lui confirmait qu'elle se souvenait de lui, oui. Mais elle n'osait pas encore le regarder en face. Elle serrait un peu plus fort son gobelet de café entre ses mains. Et puis, finalement, elle releva sur lui un regard bien plus doux que le dernier qu'elle lui avait jeté. C'est très délicat, merci. Mais j'imagine que nous avons tout autant besoin l'un que l'autre de ces meetings. Elle avala une gorgée de ce breuvage insipide. Vôtre présence ne me dérange pas. Et j'espère que la mienne ne vous est pas trop désagréable. Elle avait été si mauvaise envers lui, alors qu'en soi, il n'avait fait que son travail, il avait simplement fait preuve d'une honnêteté qu'elle n'avait pas voulu entendre et encore moins accepter. A votre avis, est-ce que c'est volontaire que les cafés soient toujours si infâmes dans ce genre de lieux où on doit faire face à l'insurmontable ? Elle voulait avoir l'air détaché, comme si elle faisait la conversation de façon banale, mais sa gorge était nouée d'une émotion qu'elle n'avait pas ressenti depuis longtemps.

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MessageSujet: Re: there ain't any words in this world that's gonna cure this pain (charlize)   there ain't any words in this world that's gonna cure this pain (charlize) EmptyVen 19 Aoû 2022 - 16:32

À chaque fois qu’il parlait, qu’à voix haute il déversait son chagrin, Leónel sentait les yeux de Charlize sur lui et pourtant s’il y avait bien une personne dont il n’avait encore jamais réellement croisé le regard dans ces groupes de soutien, c’était elle. Les souvenirs étaient encore trop vifs, sans doute, trop difficiles à laisser refaire surface. Il était un rappel constant de la perte, du deuil, dont elle tentait de se délivrer en prenant parole ici. C’est pourquoi le chilien avait rassemblé toutes les miettes de courage reposant dans le creux de son être et qu’il avait rejoint Charlize à la machine à café. Ils ne pouvaient continuer à baisser les yeux à chaque fois que l’un ou l’autre entrait dans le gymnase mal éclairé et bien trop grand pour contenir toutes leurs peines répandues entre les barreaux des chaises sur lesquelles ils prenaient place dans un rond imparfait. Imparfaits comme eux ; des âmes brisées à la recherche de la lumière. Ce n’était pas sain, une démarche au beau milieu de laquelle tremblait un fantôme. Elle le salua, l’appela docteur, ce qui confirma à Leónel que Charlize se souvenait effectivement de lui bien qu’il n’en ait jamais même douté. Il était sans doute de ces visages qui vous hantent, vous tirant sans cesse vers le bas vers le passé. Bien malgré lui, le quadragénaire était devenu pour elle la silhouette de la faucheuse, attendant que son mari arrive au bout de la ligne. « Oh, je … non, je ne suis plus docteur. Vous pouvez m’appeler Leónel. » Ou elle pouvait ne pas l’appeler du tout, elle pouvait fuir alors qu’il lui ouvrait cette porte-là. Elle pouvait accepter son offre de changer de groupe de soutien pour que plus jamais elle n’ait à voir ces images-là envahir ses pensées. Sans doute voulait-elle aller de l’avant et sans doute la retenait-il d’avancer, rien que parce qu’il avait été le énième médecin à lui confirmer la triste vérité. « J’imagine que je pourrais en trouver d’autres. » Il n’imaginait pas, Leónel, il savait. Il en avait tellement essayés, cherchant à chaque fois cette aide que sa psychologie jurait salvatrice. Il n’aurait qu’à aller vingt kilomètres au nord ou au sud, s’égarer un peu plus loin encore, et il poursuivrait sa quête. Charlize lui assura que ce n’était pas nécessaire, que sa présence ne le dérangeait pas. Espérant que la sienne ne le rendait pas non plus inconfortable. Il secoua la tête de gauche à droite, lentement. « Non, non … Pas du tout. » ll inspira en hochant la tête pour lui-même, avant de déclarer : « Dans ce cas, restons tous les deux. C’est le plus près de Bowen, mais assez loin à la fois, n’est-ce pas ? » Il esquissa un faible sourire, sourire qui s’agrandit un peu plus lorsque Charlize parla du café, infâme, tiède et jamais assez fort en caféine. « Je ne sais pas si c’est volontaire, mais en tout cas, j’ai besoin d’une vraie dose de café, pas de cette eau tiède … C’est peut-être le fait d’entendre autant de souffrance à chaque meeting, mais j’en ressors toujours complètement vidé … » C’est aussi qu’il y avait peu à prendre. Depuis plusieurs années maintenant la lumière chez Leónel était faible et son énergie au plus bas. Le drainer du peu d’espoir qu’il avait n’était pas une tâche ardue.
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MessageSujet: Re: there ain't any words in this world that's gonna cure this pain (charlize)   there ain't any words in this world that's gonna cure this pain (charlize) EmptyMar 23 Aoû 2022 - 15:55

Il n’était plus docteur, ça aussi, Charlize le savait. Elle l’avait écouté plusieurs fois raconter les bribes de son histoire, elle savait pourquoi il était là, il était, tout comme elle, hanté par un fantôme qui l’empêchait d’avancer. La jeune femme était incapable d’oublier cet homme, elle l’avait cherché désespérément, celui qui serait capable d’un miracle. Elle l’avait trouvé à Bowen, il avait une excellente réputation dans sa spécialité, il n’était pas d’ici, il avait de l’expérience et la reconnaissance de ses paires. Elle avait fondé tous ses espoirs en lui, quand Axten n’y croyait déjà plus. Charlize se souvenait des mots de son mari : « après celui-là, on arrête, tu promets ? » et elle avait promis, parce que pour elle le docteur Orellana allait le sauver. Cette femme était du genre têtue, obstiné, elle n’acceptait pas la défaite, elle refusait d’arrêter tant que tout n’avait pas été tenté et il fallait l’admettre, après des mois à enchaîner les rendez-vous médicaux, ils arrivaient en fin de course. Le pompier était épuisé par les examens dont il connaissait inlassablement le résultat. S’il s’y soumettait sans broncher, c’était juste pour faire plaisir à sa femme, pour qu’elle ait le sentiment d’avoir tout tenté pour le sauver, alors que lui le savait qu’il n’y avait qu’une seule issue possible. Elle se souvenait de ce rendez-vous en particulier et de cet homme en particulier parce qu’il avait été celui qui avait donné la sentence finale, il fallait arrêter de s’obstiner, Axten était condamné. Ils devaient profiter des quelques mois, années, qu’il lui restait et essayer d’être en paix avec ça. Mais comment être en paix avec cette épée de Damoclès, comment vivre sa vie et en profiter alors qu’il allait mourir à même pas trente-cinq ans ? Et au-delà de ça, le verdict de ce neurologue engageait Charlize à respecter deux promesses insurmontables, arrêter de courir les rendez-vous médicaux. Et accepter de le laisser partir de la façon qu’il avait choisi. Elle n’avait vu cet homme qu’une fois dans sa vie avant de le retrouver ici, mais son souvenir était associé à tellement de peine qu’il lui était impossible de l’oublier. Pourtant ça faisait partie intégrante du processus de deuil, le pardon, l’acceptation. Peut-être alors faudrait-il réussir à lui pardonner à lui, en premier lieu, alors qu’il n’était réellement responsable de rien. Et ce jour-là, elle réussirait peut-être à l’appeler Leónel. Mais on n’en était pas encore là. Elle hocha la tête en fixant le fond de son gobelet. Puis elle esquissa un sourire, visiblement il venait parler dans ce groupe pour les mêmes raisons qu’elle. C’était un poids parfois difficile à porter que de faire un métier de service, Charlize ne pouvait jamais faire ses courses tranquillement sans qu’un client ne l’aborde, aller chez le coiffeur sans qu’on lui parle d’Imogen. Ce n’était pas un drame, elle aimait discuter avec les gens, mais lorsqu’elle venait déposer son chagrin, elle n’avait pas envie d’être une personne connue, elle voulait se fondre dans la masse. Oui, c’est exactement ça. Elle ressentait également le même vide au fond d’elle lorsqu’elle ressortait de ces échanges, elle se sentait lasse, les premiers temps elle avait réellement pensé que rien de bon n’en ressortait, elle semblait toujours autant déprimée, voir même plus, puisqu’elle avait connaissance du chagrin des autres, en plus du sien. Pourtant elle avait fini par en voir le bénéfice, ce partage, cette connexion avec ces inconnus, ceux qui étaient, en fait, les seuls capables de la comprendre sans la juger, sans en demander davantage. C’est sûrement un peu le but, se vider de toute émotion, positive ou négative, trouver une forme de paix. La paix, cette fameuse qu’elle n’avait encore jamais vraiment ressenti depuis plus de quatre ans. Elle observait le chilien, il avait vieilli, il avait les traits fatigués d’un homme lassé de tout. Cette fameuse fusillade où il avait tout perdu, elle ne l’avait pas vécu, elle était déjà partie de Bowen, elle ne pouvait qu’imaginer l’enfer que ça avait dû être. Elle soupira, hésitant une seconde. Ma thérapeute dit que j’ai encore trop de colère en moi pour pouvoir me reconstruire. Elle me parle souvent de pardon, de me pardonner à moi-même, de pardonner à mon mari aussi. Mais moi il m’arrive de penser à vous. Je vous tiens pour responsable de tellement de choses. J’ai déversé ma colère sur vous à l’époque. Alors que vous n’avez rien fait. Vous êtes sûrement la première personne à qui il faut que je pardonne. C’était aussi la personne à qui il était le plus simple de le dire, même si elle hésitait depuis des semaines, bien qu’elle n'aurait sûrement jamais osé faire le premier pas si lui n’était pas venu à elle.

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MessageSujet: Re: there ain't any words in this world that's gonna cure this pain (charlize)   there ain't any words in this world that's gonna cure this pain (charlize) EmptyVen 26 Aoû 2022 - 19:51

Rien n’aurait pu prendre une tournure différente pour Axten Callum Rose. Rien n’aurait pu le sauver. Le cancer du cerveau qui le grugeait depuis bien trop de temps avait déjà fait trop de mal lorsque le patient s’était présenté à Leónel. Et si Axten n’avait pas passé six mois à Baltimore pour un traitement voué à l’échec ? Et si Leónel avait pu le prendre en charge à la place, à ce moment-là ? Aurait-il pu être, encore aujourd’hui, aux côtés de Charlize, heureux et vivant ? Ce scénario Leónel se l’était souvent joué dans sa tête, lorsqu’il avait visité et revisité le dossier d’Axten, même après sa mort. La conclusion était que non. Axten marchait main dans la main avec la faucheuse depuis bien plus longtemps que ça. Ce n’était pas Leónel, la faucheuse. Il se l’était répété tant de fois. Il avait fini par se le pardonner et aller de l’avant. Ce n’était pas le fantôme d’Axten qui l’accompagnait aujourd’hui, même s’il était bel et bien ici dans le gymnase, pour quelqu’une d’autre. Pour son épouse, pour qui il était impossible de tourner la page et d’avancer. Pour Charlize, qui rappelait à Leónel que la fusillade sur la plage n’était pas l’unique instant dans sa vie où il avait failli à sa tâche. Sauver des vies. Il fallait se pardonner de nouveau. Mais ce n’était pas son propre pardon qu’il recherchait, au fond. C’était celui de Charlize. Aux machines à café ce n’est pas l’absolution qu’il recherchait mais bien une porte de sortie, pour elle ou pour lui. La porte se referma lentement, avec une certaine douceur malgré les non-dits, malgré les évitements de regard. « Vous la trouvez, cette forme de paix ? » Demanda un Leónel intéressé puisque lui en semblait incapable. Lorsqu’il ressortait de ces thérapies de groupe c’était avec des eaux troubles dansant dans sa tête. La jeune femme, après un bref silence, lui lança des mots auxquels il ne se serait pas attendu ce matin. Le chilien avait eu les yeux rivés vers les plats Tupperware remplis de biscuits jusqu’à ce que Charlize admette qu’il lui arrivait de penser à lui, qu’elle le tenait pour responsable de bien de ses malheurs. C’est à ce moment qu’il releva les yeux vers elle, osant enfin affronter ce regard face auquel il s’était si souvent défilé par peur d’y lire, en miroir, toute la déception qu’il ressentait envers lui-même. La main qui tenait son café faible et tiède tremblait, juste un peu, juste assez pour que le liquide brunâtre fasse quelques vas-et-viens imprévisibles dans le verre en carton. Le sentiment de Charlize n'était pas étranger au chilien. Lui aussi s'en était longuement voulu. Lui aussi avait du mal à se pardonner. Mais de l'entendre de vive voix, bien plus qu'un écho dans ses propres pensées, ça faisait mal. « Vous aviez tous les droits d’être en colère. Et c’était sans doute moins douloureux de m’en vouloir à moi. Vous le dites vous-mêmes, même si je sais fort bien que ce n’est pas ce que vous vouliez dire … Je n’ai rien fait. » Elle qui s’attendait à ce que le docteur Orellana soit son héros sans cape, elle qui s’attendait à ce qu’il soit celui à dire droite alors que tout le monde disait gauche. Il aurait voulu avoir ce pouvoir. Il aurait voulu avoir cette force hors de ce monde. «  Je n’ai rien pu faire. La condition de votre mari était cruelle, Charlize. J’ai eu beau prendre son cas sous tous ses angles possibles, même plus tard dans ma carrière … Le résultat était le même. » Conclut-il, espérant que cela puisse l’aider à trouver cette forme de paix, espérant qu’elle puisse y arriver, à ce pardon qui lui permettrait de se reconstruire, enfin.
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MessageSujet: Re: there ain't any words in this world that's gonna cure this pain (charlize)   there ain't any words in this world that's gonna cure this pain (charlize) EmptyMer 7 Sep 2022 - 15:25

Charlize savait que les épreuves de la vie, les échecs aussi, nous rendaient plus fort, nous permettaient d’avancer, de nous remettre en question, ce n’était jamais totalement négatif. Elle le savait et normalement elle était de ces personnes qui vont perpétuellement de l’avant, qui ne se laissent pas abattre. Mais perdre Axten c’était différent de tout, c’était son Everst à elle. Elle avait grandi avec lui, mûri avec lui, ils s’étaient rencontrés au lycée, ils étaient encore des enfants à l’époque, ils ne connaissaient rien de la vie et elle avait imaginé passer le reste de sa vie avec lui, parce qu’il était son âme sœur. Elle était consciente de la chance qu’elle avait de l’avoir rencontré, alors que tant d’autres passent leur vie à la chercher. Lui, il avait été son évidence, seulement la vie en avait décidé autrement. Et elle avait haït cette vie de le lui arracher aussi jeune alors qu’ils avaient encore tellement à vivre ensemble. Et cette paix dont ils parlaient, elle n’arrivait pas à la trouver, pour cette exacte raison, elle n’arrivait toujours pas à concevoir de vieillir sans lui. Charlize esquissa donc un sourire désolé. Non, pas vraiment. Autant être honnête, malgré les séances de psy, les groupes de paroles, les médicaments, qui lui offraient un repos superficiel, son entourage, elle n’était toujours pas en paix. Parfois elle oubliait, lorsqu’elle profitait de sa fille, lorsqu’elle s’enfermait dans sa bulle de travail, parfois elle se sentait bien. Mais dès que la bulle se perçait les angoisses et la douleur revenaient à la charge, presque plus violement, comme pour lui faire payer qu’elle avait oser oublier. Finalement, après une courte hésitation, les mots finirent par sortir de la bouche de la pâtissière, elle ne s’en serait jamais crue capable, elle avait même l’impression que ce n’était pas elle qui parlait de pardon, de lui en avoir tant voulu, à tort. Lorsqu’elle se tut, après que leurs regards se soient rivés l’un à l’autre si intensément, elle détourna le sien, un peu honteuse, redoutant sa réponse. Je n’avais pas le droit de vous en vouloir, vous n’avez fait que votre travaille… Elle cilla lorsqu’il reformula ses mots, ce n’était pas ce qu’elle voulait dire, non. Et elle se sentit coupable qu’il semble s’en vouloir. Non ! Ce n’est pas… Mais il continua et ses mots le poignardèrent une nouvelle fois, Charlize retrouvait cet homme doux mais ferme, il ne prenait pas de gants même si son regard était bienveillant. Elle se souvenu combien elle était restée le regard rivé à ses lèvres ce jour-là, dans son bureau face à lui, combien elle avait attendu ses mots, fébrile, pleine d’espoir et combien ces-dits mots lui avaient fait mal. Aujourd’hui encore ses yeux débordèrent, preuve que la douleur était toujours aussi vive. Elle essuya ses larmes rapidement et soupira en osant le regarder à nouveau. Je sais que vous n’avez rien pu faire. J’espérais que vous soyez notre sauveur. Elle fronça les sourcils en le fixant un peu plus intensément. Plus tard dans votre carrière ? Elle ne comprenait pas, pourtant c’était évident, elle qui s’était évertuée à lui en vouloir, en le traitant même d’incompétent juste pour passer sa colère, elle ignorait qu’il avait une conscience professionnelle et que le cas d’Axten l’avait travaillé bien après leur rendez-vous.

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MessageSujet: Re: there ain't any words in this world that's gonna cure this pain (charlize)   there ain't any words in this world that's gonna cure this pain (charlize) EmptyJeu 22 Sep 2022 - 20:49

Leónel comprenait la douleur de Charlize. Il n’avait jamais voulu s’imaginer l’éventualité que Selma quitte ce monde. Il l’aimait trop pour songer à sa propre existence sans la sienne. Elle était la femme de sa vie. Et il l’avait perdue. La douleur de la savoir si près et si loin à la fois était déjà tellement douloureuse, il savait que celle de Charlize était bien plus grande encore. Axten, elle ne pouvait plus le voir, elle ne pouvait plus le toucher, elle pouvait certes continuer à l’aimer à distance mais cette distance n’était pas calculable. On ne savait d’où Axten la regardait désormais, si l’au-delà existait bel et bien. En demandant à la jeune femme si elle avait trouvé cette forme de paix qu’elle recherchait, il avait sans doute déjà sa réponse, Leónel. Elle lui confirmait seulement ce qu’il pressentait déjà. D’un sourire triste à son tour, il ajouta : « Ouais, moi non plus. » Ils étaient pourtant ici pour cela, tous les deux. Pour faire la paix. Avec eux, avec les autres. Avec la vie. C’était sans doute la tâche de toute une vie, pas d’une poignée de rencontres avec des personnes qu’il ne connaissait pas. Ou qu’il aurait préféré ne pas connaître, dans le cas de Charlize. Il aurait préféré qu’elle n’ait jamais à croiser son chemin, qu’elle n’ait jamais eu à faire appel à son expertise pour juger de l’état de son mari. Un état déjà bien trop avancé dans la maladie. Un état incurable. Un état qui ne laissait déjà plus que présager la fin, au moment où Leónel avait été mis sur son chemin. La pâtissière lui en voulait pour ça, parce qu’il n’avait pas su le sauver, parce qu’il n’avait rien pu faire de plus que les autres. Leurs regards s’étaient alors rivés l’un sur l’autre, dans une intensité qui laissa sa marque, son malaise, dans tout l’être du chilien. C’est elle qui flancha la première, baissant les yeux à nouveau, et la fin de cette tension soulagea le quadragénaire. « Même si bon nombre de mes collègues donnaient cette impression, et devaient même probablement le croire par moments … Les médecins ne sont pas des dieux. Ni des demi-dieux. » Souffla le chilien. « Y’en a qu’un, et je l’ai prié en pensant à votre mari. » Admit Leónel qui était un homme de sciences mais qui avait aussi été élevé dans la religion catholique. Lorsque plus rien n’avait de sens, c’est là qu’il se tournait. Charlize sembla accrocher à certains des mots de l’ancien neurologue, qui avait parlé de la suite de sa carrière, qui était demeurée teintée par le cas d’Axten. « Il y a eu des avancées. Des cas similaires, aussi. À chaque fois j’ai repensé à Axten et je rouvrais son dossier pour savoir si tel ou tel traitement aurait pu fonctionner. Mais non. Encore aujourd’hui, je n’aurais pas pu trouver le grand miracle pour le garder auprès de vous. » Et même si Leónel ne pratiquait plus il se gardait informé, la neurologie étant son plus grand champ d’intérêt, il n’avait jamais été capable de couper totalement les ponts.
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MessageSujet: Re: there ain't any words in this world that's gonna cure this pain (charlize)   there ain't any words in this world that's gonna cure this pain (charlize) EmptyMer 5 Oct 2022 - 15:53

Charlize avait eu une éducation catholique et même si elle n’était pas pratiquante, elle s’était raccrochée à cette foi pour les aider, son mari et elle, dans cette épreuve qu’était la maladie. Elle avait prié, souvent, se raccrochant au moindre signe que Dieu voudrait bien lui envoyer, le maudissant parfois d’être si impuissant, s’en voulant rapidement, d’avoir penser ainsi. Axten n’était pas croyant, il lui avait un jour proposé de l’imaginer danser nu sur les nuages en l’attendant, cette vision avait fait rire la blonde et chassé ses larmes, l’espace d’un instant. Elle songeait souvent à cette image, de son trublion d’époux, qui devait foutre un bordel monstre chez les apôtres et amuser son monde, comme il le faisait si bien quand il pensait encore qu’il avait la vie devant lui. Elle était persuadée qu’il avait trouvé la paix, lui qui ne voulait pas souffrir, qui voulait rester digne jusqu’au bout et décider de quand serait la fin, il avait eu ce qu’il voulait, au moins, lui était parti serein, sûr de son choix. L’un d’eux était en paix et ça l’aidait un peu à avaler la pilule, un peu. Parce que non, elle n’était pas en paix. Elle, Charlize, c’était celle qui restait, celle qui affrontait la vie sans lui et c’était terriblement difficile certains jours, même si, plus le temps passait, moins c’était éprouvant, peut-être qu’un jour elle la trouverait, cette paix. C’était effectivement terrible de se dire qu’ils se rendaient au moins une fois par semaine à leurs rendez-vous et qu’aucun d’eux ne semblait soulagé. Elle hocha la tête à l’attention du neurologue. Dans leurs confidences maladroites, dans leurs regards qui s’accrochèrent l’un à l’autre, comme deux personnes qui tentaient de ne pas se noyer, on pouvait lire toute l’intensité de leurs douleurs, elles étaient de natures différentes, mais elles se faisaient écho, ils étaient brisés tous les deux et à cet instant, malgré le fait que Charlize eut détesté cet homme à une époque, elle sentit qu’elle avait besoin de lui, qu’il la comprenait, lui mieux que personne, qu’il pourrait être capable de la soutenir, sans avoir la moindre idée du comment. Et que, peut-être, elle pourrait aussi rendre sa douleur un peu moins insupportable, comme si le pardon allait les soulager. C’était probablement illusoire, peut-être une alchimie éphémère qui se dissiperait trop vite. Elle baissa les yeux, il avait raison, à l’époque elle l’avait pris pour un dieu qu’il n’était pas. Puis elle reposa sur lui un regard plein de douceur. Merci. J’ai beaucoup prié aussi. Elle s’autorisa même un sourire. Il danse nu dans les nuages vous savez ! C’était idiot comme image, Orellana s’en moquait totalement, mais elle ça lui faisait du bien de l’imaginer heureux. Il lui expliqua comment il n’avait jamais totalement refermé le dossier de son mari et cela ne la soulagea pas, mais ça confirma qu’il était le meilleur et que s’il y avait eu la moindre chance, cet homme l’aurait trouvé. Vous êtes un grand médecin. Le corps médical doit vous regretter. Elle ne portait aucun jugement sur son retrait de la médecine, il avait fait son choix, il avait ses raisons. Si elle avait réussi à trouver refuge dans sa passion, lui avait dû s’en éloigner, elle ne cherchait pas à se mettre à sa place, mais elle en était navrée pour lui.

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MessageSujet: Re: there ain't any words in this world that's gonna cure this pain (charlize)   there ain't any words in this world that's gonna cure this pain (charlize) EmptySam 29 Oct 2022 - 18:31

D'abord pris par surprise par une déclaration aussi légère, inattendue aussi, Leónel fronça les sourcils. Ça ne dura que deux secondes, tout au plus, avant qu'il ne s'autorise un sourire amusé et étonné à son tour. Son regard brilla tout légèrement, pas tant pour l'image d'Axten dansant nu sur les nuages, mais pour la douceur et l'éclat dans les yeux de Charlize. Le rire, la joie, le bonheur, même éphémères, ce n'était pas des concepts qu'ils retrouvaient souvent dans les traits de l'un et de l'autre. Et d'aucune autre personne de ce groupe de discussion. « Ah bon ? » Demanda simplement Leónel avec légèreté, ne sachant pas quoi ajouter de plus.  Il avait été doué, autrefois, pour renchérir. Pour trouver quoi de bien à dire. Aujourd'hui il ignorait quelle était sa place dans le monde et cet inconfort se reflétait dans ses paroles, souvent vides, souvent absentes. Il ne se permettait plus de simplement exister, sans se poser mille et une questions vaines. Il laissait la lourdeur du passé l'écraser un peu plus à tous les jours. Et s'accrocher à des échecs, comme le dossier du défunt mari de Charlize, n'aidait probablement pas. Mais il ne pouvait s'en empêcher. C'était la zone de confort qu'il avait toujours connue, même s'il avait sans doute changé de zone depuis, sans que son esprit ne suive le mouvement. « J'ai eu la chance d'enseigner, un peu, à ceux qui prendraient ma place. Je sais que le corps médical australien est entre de bonnes mains. » De biens meilleures que les siennes, qui tremblaient désormais d'hésitation et de peur rien qu'à l'idée d'avoir une vie entre elles. L'ancien neurologue goûta de nouveau à son café, réprimant à peine une autre grimace. « Ah, non, je ne peux pas. Il est vraiment trop infect. » Lâcha-t-il avec conviction, jetant le verre en carton dans la poubelle, laissant le liquide brunâtre s'échapper sur le reste des déchets. « Je vais m'arrêter en chemin pour quelque chose d'un peu plus respectable. » Il passa deux doigts dans sa moustache, enlevant quelques gouttes de café qui y perlaient. Il n'avait certes pas beaucoup d'argent, Leónel, en raison du faible montant des rentes d'invalidité qu'il recevait, mais ce n'était pas une raison pour se forcer à boire un café qui n'aurait même pas dû en porter ce nom.
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MessageSujet: Re: there ain't any words in this world that's gonna cure this pain (charlize)   there ain't any words in this world that's gonna cure this pain (charlize) EmptyJeu 10 Nov 2022 - 15:02

Aussitôt dit, aussitôt regretté, cette remarque très personnelle sur ce que faisait très probablement son défunt mari au moment même ne regardait pas Leonel, elle ne regardait qu’eux. Ça lui avait échappé, sans qu’elle sache pourquoi, elle ne chercha pas trop à y penser, sinon elle en rougirait de gêne. Prendre les choses à la légère, rire, même un peu, c’était comme une petite bouffée d’oxygène, comme l’impression de sortir furtivement la tête de l’eau, avant de replonger, inévitablement. Elle revenait toujours trop vite, cette sensation de se noyer dans son chagrin. Alors pour ne pas alimenter la gêne sur le sujet, elle se contenta de hausser les épaules en hochant la tête avec un faible sourire. Axten était tellement meilleur qu’elle pour mettre les autres à l’aise, lui il n’avait honte de rien, il prenait la vie comme elle venait, comme si elle pouvait s’arrêter demain. Et pour cause. Jamais plus Charlize n’avait mis les pieds dans un service neurologie depuis sa rencontre avec le docteur Orellana et elle espérait ne plus avoir à le faire, bien qu’elle sache qu’un jour sa fille, Romy, aurait besoin de faire des examens pour s’assurer qu’elle ne risquait pas de développer la tumeur de son père. Les chances étaient quasi nulles, mais il valait mieux ne prendre aucun risque, la petite fille était encore trop jeune pour ce type d’examens alors sa mère ne voulait pas encore y penser, elle appréhendait trop de revivre ce parcours. Cependant Elle savait, Charlize que l’Australie était dotée de très bon spécialistes, ce qui n’empêchait pas que le neurologue puisque manquer à ses paires. Je n’en doute pas. Visiblement, il semblait être en paix avec sa décision alors qu’en dire de plus ? Wojcik allait avaler une nouvelle gorgée de café lorsque son compagnon d’infortune déclara forfait de son côté. Elle le fixa une seconde, interdite, avant de pouffer d’un rire, franc celui-ci, dans son gobelet en carton. Avant de le suivre dans son geste, si elle avait horreur de gâcher, elle réalisait en regardant Leonel qu’il n’y avait aucune raison pour qu’elle se fasse du mal à boire ce breuvage infâme. Une fois les gobelets à la place qui leur revenait, au fond de la poubelle, elle releva la tête vers lui. Je dois passer chez Imogen prendre des papiers. Je vous invite à goûter quelque chose de meilleur ? Promis vous y gagnerez au change. A cette heure avancée de la journée le café était fermé mais elle aimait se prendre un thé derrière les rideaux tirés dans la salle vide, elle en appréciait le silence et la tranquillité dans ce lieu familier.

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MessageSujet: Re: there ain't any words in this world that's gonna cure this pain (charlize)   there ain't any words in this world that's gonna cure this pain (charlize) EmptySam 19 Nov 2022 - 16:15

Il le sentit, le regret, dans le regard de Charlize. Il ne fallait pas. Il ne fallait pas regretter cet instant de légèreté, de bonheur bien qu'éphémère. L'éclat dans son regard avait réussi à faire sourire Leónel et ça n'arrivait pas à tous les jours qu'on lui en décroche un, vrai sourire. Qu'elle s'accroche à des images ridicules de l'au-delà, ça importait peu, si c'était le genre de pensées qui lui faisait du bien. Qui l'ancrait. Leónel ne la rassura cependant pas là-dessus, d'abord parce qu'elle n'avait rien laissé savoir de sa gêne, ensuite parce que ça ne le regardait pas. Ça ne lui appartenait pas. Elle haussa les épaules et lui garda le silence, tout simplement. Et l'histoire se répéta par rapport au départ de Leónel du corps médical. Parfois c'était tout ce qu'il y avait à faire. Entretenir le silence. Préserver les mots pour éviter qu'ils perdent leur sens à force de les utiliser hors contexte. Il n'avait donc qu'hoché la tête quand Charlize avait affirmé ne pas douter que les australiens étaient entre les bonnes mains de la relève. Il avait décidé de se rabattre sur son café, grossière erreur, ce dernier était imbuvable. Leónel avait pourtant pris l'habitude de se contenter des aliments bas de gamme, puisque ses rentes d'invalidité ne permettaient guère le train de vie auquel il s'était habitué quatre ans plus tôt. Mais ce café n'avait rien à voir. Ce café n'était pas pour la consommation. Il le jeta donc à la poubelle, ne lui laissant pas de seconde chance. Il regarda Charlize avec surprise lorsqu'elle imita son geste, jetant à son tour son gobelet. Elle releva la tête vers lui et l'invita à goûter quelque chose de meilleur à son salon de thé que Leónel connaissait déjà, Imogen. Il esquissa un sourire. « C'est gentil. J'apprécie l'offre, et ... ce serait avec plaisir. » Il était un peu mal à l'aise, Leónel, mais l'appel d'un thé chaud et d'un peu de compagnie, étonnamment, était fort. Il suivit Charlize à l'extérieur du bâtiment. Il aurait peut-être le temps de changer d'idée entre Heronvale et Bowen, en vingt minutes les pensées de Leónel pouvaient rapidement vriller. Surtout qu'ils s'y rendraient chacun par leur propre moyen, inévitablement. L'ancien neurologue supposa que la blonde avait sa voiture garée à quelque part non loin d'ici. « Vous vous rendez à quelle succursale ? » Il y en avait maintenant plus qu'une, à Bowen, il le savait même s'il n'avait pas eu la chance, ou plutôt les moyens, de visiter les nouvelles boutiques.
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MessageSujet: Re: there ain't any words in this world that's gonna cure this pain (charlize)   there ain't any words in this world that's gonna cure this pain (charlize) EmptyJeu 24 Nov 2022 - 15:17

Charlize avait appris à apprécier le silence. Longtemps, après la mort d’Axten, la blonde s’était réfugiée dans le bruit, non pas le brouhaha, ça pouvait être une musique de fond, la télévision à la maison même si elle ne la regardait pas. Et surtout, elle était effrayée par les blancs dans les conversations, les pauses qui pouvaient en dire long, parfois gênantes, ou qui laissaient à l’esprit le loisir de vagabonder. Elle avait peur que le silence prenne trop de place, alors elle ne lui en avait longtemps laissé aucune, elle s’était révélée volubile, bavarde, souvent pour ne rien dire, mais pour éviter le vacarme du néant. Puis, grâce à sa psy et aux différents groupes de paroles, elle avait compris que ça ne servait à rien de combler le vide, que c’était plus épuisant qu’autre chose mais que ça n’empêcherait pas la gêne ou pire, la solitude. Depuis, elle prenait toujours ses médicaments pour s’endormir, elle en avait besoin pour calmer les angoisses tapis dans le noir, mais elle ne redoutait plus les conversations, elle acceptait de ne rien avoir à dire, souvent, elle comprenait que le silence était par moment la plus douce des réponses et elle détestait moins la gêne que certains avaient envers elle ou celle qu’elle ressentait régulièrement, elle vivait avec, ça ne tuait personne. Ce soir tout était emprunté avec Leónel, elle sentait qu’il avait fallu un effort surhumain au neurologue pour faire le premier pas et qu’ils étaient embarrassés l’un comme l’autre. Pour autant cette conversation lui faisait un bien fou, elle n’avait plus envie de penser à lui avec colère, elle n’avait plus de ressentiment envers cet homme. Et voilà qu’en plus il était son égale, lui aussi trainait son mal et peut-être, finalement, contre toute attente, pouvaient-ils s’apporter un peu de douceur mutuellement, au moins du soutient et un peu de compréhension. La pâtissière remarqua qu’il était surpris par son invitation, il hésitait même et c’était tout naturel, elle ne savait pas ce qu’il l’avait prise à lui faire une telle proposition. Elle sourit alors pour l’encourager et fut sincèrement heureuse qu’il accepte de la suivre. Charlize ignorait tout de la situation financière d’Orellana, ce n’était donc en rien de la pitié de sa part. Je vais en ville, près de la place principale. C’est mon premier magasin, c’est là que j’ai mon bureau. Elle hocha la tête pour le saluer avant de monter dans sa voiture. Il pourrait effectivement se raviser, décider de prendre un autre chemin, c’était envisageable, Charlize ne s’en formaliserait pas tellement, peut-être serait-elle piquée, mais elle ne lui en voudrait pas. Cependant elle se prenait à espérer qu’il soit au rendez-vous pour prolonger leur échange, pour ne pas rentrer trop tôt chez elle et retourner à sa solitude. Elle se gara devant l’enseigne, ouvrit la porte à clé et ne referma pas derrière elle. Elle ne vérifia pas non plus si Leónel l’avait suivi, au risque d’être déçue. Après tout, il n’aurait qu’à pousser la porte si le cœur lui en disait.

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MessageSujet: Re: there ain't any words in this world that's gonna cure this pain (charlize)   there ain't any words in this world that's gonna cure this pain (charlize) EmptyVen 25 Nov 2022 - 19:11

C'est dans le silence qu'une réponse est belle (Fred Pellerin - Tenir Debout). À trop chercher les bons mots on se perd. À trop vouloir les bonnes réponses on s'égare. On perd son sens. Leónel en avait cruellement manqué, de sens, dans les dernières années. Il avait eu beau se revirer la situation dans sa tête, sous tous les angles possibles, il n'y avait aucune justification à ce qui s'était passé. Aucune logique à la tragédie. Alors, son refuge était devenu le silence. Le silence dans sa tête. Le silence autour de lui. Ce n'était pas toujours facile dans un monde où tout va trop vite, un monde au rythme effréné où on ne prend jamais le temps de s'arrêter, mais le Chilien avait essayé. C'était un apprentissage de tous les jours que d'apprendre à apprécier le silence et à en retirer tous ses bénéfices. C'était aussi un soulagement de côtoyer des personnes qui ne comblaient pas l'absence de son, à tout prix. Charlize lui amenait une certaine quiétude, elle qui avait pu déclencher en lui des tempêtes de doutes et de regrets, autrefois. Ils évoluaient, chacun de leur côté, et aujourd'hui était la preuve qu'il leur était possible de laisser certaines émotions derrière eux. Laisser le passé au passé. C'est sans doute cette douce impression qui poussa Leónel à accepter l'offre de Charlize d'aller déguster une boisson bien meilleure que ce café fade, à la pâtisserie dont elle était propriétaire. « Ok. À tout à l'heure. » Déclara-t-il lorsque le lieu de rendez-vous fut éclairé. Il hocha à son tour la tête, la saluant avant de monter dans sa voiture. La lumière de carburant allait s'allumer d'un kilomètre à l'autre mais il tenterait d'en étirer la durée le plus possible. Il ne pouvait généralement se permettre qu'un ou deux pleins d'essence par mois et il n'était qu'à la mi-août. Ce stress supplémentaire-là faillit le faire bifurquer de sa route, optant pour le chemin menant à sa caravane, mais il se surprit à demeurer sur l'autoroute jusqu'à la prochaine sortie, celle du centre-ville de Bowen. Il se stationna dans la rue, devant l'enseigne et derrière la voiture de Charlize, qu'il reconnaissait maintenant. Il resta quelques secondes en suspens, assis, le moteur allumé, avant de prendre une bouffée d'air et d'arrêter le courant. Il sortit et franchit la distance le séparant de la porte d'entrée. Le séparant de Charlize qui se tenait déjà derrière le comptoir. Il regarda autour de lui, les mains dans les poches. « Ça faisait longtemps que je n'étais pas rentré ici. » Admit-il. Il avait l'habitude de venir avec Selma et Isidora. Aujourd'hui il n'avait plus trop les moyens, pas même pour faire plaisir à sa fille avec une délicieuse pâtisserie.
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MessageSujet: Re: there ain't any words in this world that's gonna cure this pain (charlize)   there ain't any words in this world that's gonna cure this pain (charlize) EmptyLun 28 Nov 2022 - 11:06

Longtemps, la jeune femme avait pris le médecin pour son ennemi, elle avait choisi le mauvais coupable dans l’histoire, celui qui était le plus simple à blâmer et à détester. Elle avait nourri une rancœur qui n’avait pas lieu d’être, puisqu’il n’y était pour rien. Aujourd’hui, Charlize comprenait son erreur, elle acceptait que le destin tragique de son époux, étroitement lié au sien, ne soit en rien la faute d’Orellana, ni de quiconque en vérité, c’était bien là toute la subtilité, là où tout basculait, il s’agissait du destin et celui-ci pouvait allègrement se jouer de nous, nous ne pouvions rien y changer, ni nous ni personne. Elle se sentait ainsi plus légère, en revoyant l’histoire sous cet angle, c’était une simple question de point de vue en somme. C’était donc sur cette nouvelle base qu’elle se sentit capable d’inviter Leónel à la suivre. Ils semblaient tout autant surpris l’un que l’autre de l’issu de ce premier échange maladroit mais visiblement ils n’avaient pas envie, ni l’un ni l’autre, de rentrer chez eux. Ce soir, Charlize serait seul dans sa maison, Romy passait la nuit chez sa tata pour une soirée Disney. La jeune maman avait horreur de rentrer alors que sa maison était vide des rires de sa fille, mais elle ne voulait pas la priver de ces moments précieux avec sa marraine. Ainsi, même si elle avait mille choses à faire, elle traînait des pieds pour retourner chez elle, mais le fait que Leónel la suive lai rendait un peu plus légère, cela repousserait le moment de se retrouver seule. Une fois dans son magasin, sa deuxième maison, la pâtissière se sentit bien, en sécurité, ici elle pouvait retrouver le sourire, ce lieu l’apaisait toujours. Elle était passée derrière le comptoir pour regarder ce qu’il restait comme douceurs dans la vitrine et le tintement joyeux de la porte d’entrée la fit sourire, il ne s’était pas dégonflé. Elle se retourna alors pour le regarder avec douceur et l’écouter. Vous étiez client à une époque, je m’en souviens, je vous ai aperçu quelques fois avec votre famille. Elle mit la machine à café en route. Qu’est-ce qui vous ferait plaisir, un café, un latte, un thé ? Il avait le choix. Et une fois que celui-là fut fait, elle s’afféra à leur préparer leurs boissons. C’est depuis l’incident ? Depuis votre séparation ? Que vous avez arrêté de venir ? Ou pour éviter de la croiser elle, peut-être, qui sait … Ici, chez elle, Charlize se sentait bien plus en confiance pour laisser aller les confidences, c’était plus simple qu’auprès d’étrangers dans un gymnase impersonnel.

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MessageSujet: Re: there ain't any words in this world that's gonna cure this pain (charlize)   there ain't any words in this world that's gonna cure this pain (charlize) EmptySam 24 Déc 2022 - 16:58

Une vague de souvenirs, doux mais douloureux tout à la fois, submergea Leónel lorsqu'il pénétra dans la pâtisserie qu'il n'avait pas fréquentée depuis plus de quatre ans. Faute de moyens et faute d'amour, aussi. Il n'avait plus Selma et Isidora à y emmener. Certes, sa fille aurait certainement été ravie si un jour son père lui avait proposé d'aller déguster une pâtisserie chez Imogen. Malheureusement, son papa ne lui proposait plus grand chose, dernièrement. Son papa s'était éteint. C'était généralement Isidora qui proposait à son père des activités, qui tentait de le tirer de sa torpeur. Elle serait sans doute ravie de savoir qu'aujourd'hui, il avait accepté de se lancer dans l'inconnu. Il avait accepté de sortir de sa tête, de sortir de lui-même, et de se laisser un peu bercer par la lumière d'une autre personne. Elle aurait probablement préféré que ce soit elle, Isidora, ou alors Selma. Mais ça ne se contrôle pas, le moment où on s'extirpe un peu de sa carapace. Ça vient, et puis ça s'en va. Leónel profitait, malgré sa gorgée nouée, de ce petit moment hors de sa triste routine. Charlize se souvenait de ses visites avec sa petite famille. Il la regarda avec un peu d'étonnement, avant de sourire tout légèrement et d'hocher la tête. « Oui, je venais avec ma femme et ma fille. C'était une petite tradition, au moins une fois par mois, de se rendre ici le dimanche matin. » Depuis quatre ans, des traditions, le Chilien en avait laissé pas mal s'évanouir dans le passé. Saurait-il un jour reprendre les rennes de sa vie et recréer ces moments magiques ? Il l'espérait. Il espérait que tout ça n'était pas perdu. « Un café, bien corsé, ça ferait bien mon affaire. » Dit-il en s'installant sur l'un des tabourets du côté client. « Merci. » Dit-il alors que la blonde s'affairait déjà à leur préparer leurs boissons chaudes. Elle osa lui demander depuis quand il avait arrêté de venir, et au fond ce n'était même pas indiscret, elle savait presque tout de ses états d'âme, en raison de leur groupe de paroles. C'était étrange, pour Leónel, de pouvoir en parler aussi librement, aussi honnêtement, dans un cadre tout autre qu'un cercle de coeurs esseulés, d'âmes estropiées. « Depuis l'incident ... Mon épouse a bien voulu garder les habitudes en vie, mais ... je n'avais plus envie de sortir et de venir faire semblant, au beau milieu de tout le monde, que ça allait. Il y a beaucoup de lieux qu'on a arrêté de fréquenter. C'est ce qui l'a poussée à vouloir se séparer de moi, j'imagine. On ne faisait plus rien. » Et lui s'éteignait, toujours un peu plus à tous les jours. Ce n'était sain pour personne. Il valait mieux qu'il se laisse glisser seul et en silence, ça faisait moins mal aux autres. Ou quelque chose comme ça.
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