i've got a brand new cure for lonely (ezekielle)

L’argent pour lequel il avait été acheté lui importait peu, ce qui était important, c’était qu’il avait permis à la recherche contre le cancer d’avoir un peu plus d’argent déjà. Même s’il savait que la totalité du montant accordé à la fondation grâce aux dons n’allait pas entièrement et directement à la recherche, mais même si ce n’était que quelques dollars, pour Maxence, c’était déjà un début. Et puis, le prix à payer de son côté n’était pas terrible ; il passait deux heures avec une jeune femme qui avait ouvert le carnet de chèques pour lui. C’était assez flatteur, en plus d’être une bonne action. Maxence était donc redescendu de la scène avec beaucoup d’enthousiasme en se dirigeant vers cette fameuse Ezekielle qui avait décidé de mettre son argent sur lui. Il n’avait aucune idée qu’il s’agissait d’une très bonne amie de la mystérieuse Vera qu’il avait embrassée hier, sous l’excitation du moment et du mystère. Il se rendit donc jusqu’à elle avec un sourire content et charmeur. Une fois à sa hauteur, il dit, en même temps que de poser ses lèvres sur chacune des joues de la blonde : « Enchanté Ezekielle, moi c’est Maxence. » Il se recula, la regardant plus attentivement. Elle était vraiment magnifique. « Je suis à ton humble service pour les deux prochaines heures. » Et Maxence ne passerait pas son temps à consulter sa montre, alors si le courant passait bien avec Ezekielle, les minutes ne seraient aucunement comptées.  

Trois cents dollars, ouaip. Comme elles avaient terminé la soirée entre copines la veille, Ezekielle et Vera s'étaient retrouvées pour la part two de ce salon de l'amour et de la séduction. Comme quoi ce salon n'avait pas qu'amené de l'amour et de la séduction, la nuit dernière! La blondinette était bien déterminée à se rendre à cette espèce d'enchères au profit de la recherche sur le cancer du sein. Si Ezekielle n'était pas une grande dépensière, elle ne calculait pas vraiment quand il était question d'êtres vivants. Ce genre de cause lui tenait particulièrement à coeur. Elle se disait que le cancer du sein pouvait frapper n'importe qui autour d'elle, et elle ne pouvait s'imaginer sa mère, sa soeur ou sa grand-maman Agustina en être atteinte. Et ce soir, alors qu'elle voyait les hommes défiler sous les cris des femmes excitées à l'idée d'avoir deux heures entières à passer avec l'un d'eux, Ezekielle en cibla un. Elle l'avait dans sa mire et elle ne lâcherait pas le morceau. Trois cents dollars, ouaip, c'est ce que lui avait coûté deux heures en compagnie de Maxence. Elle ne connaissait pas ce grand brun, ou du moins, tout ce qu'elle savait de lui, c'est qu'il avait été encore mieux qu'un gentleman avec sa copine et qu'ils avaient même échangé un baiser! Vera craquait, clairement. Alors ce dit Maxence se devait de passer le test Ezie. Bon, après il n'y avait pas vraiment de «test», mais la jeune femme souhaitait rencontrer l'homme qui, malgré les années qui le séparaient de Vera, lui avait fait vivre de tels sentiments la veille.

Le brun s'approcha ainsi d'elle, armé d'un charmant sourire, et se présenta tout en lui faisant la bise. «Enchanté Ezekielle, moi c’est Maxence.» Ça, clairement, elle le savait, qu'il s'appelait Maxence! Vera avait du lui répéter au moins mille fois, la nuit dernière. Ezekielle sourit et embrassa les joues de l'homme en retour. «Enchanté Maxence.» Ils se détaillaient chacun leur tour des yeux. Il avait un sacré niveau de charisme, Vera savait bien les choisir. Ezekielle ne portait plus vraiment attention aux hommes de cette façon, depuis qu'elle connaissait Isaiah. En fait, c'était surtout qu'elle n'arrivait plus à n'en voir aucun de la façon qu'elle le voyait, lui. Mais cela aurait été mentir que de dire qu'elle ne trouvait pas ce Maxence particulièrement bel homme. «Je suis à toi pour les deux prochaines heures.» Ezekielle lui sourit. La veille, lorsqu'elle avait prit connaissance qu'il y aurait des enchères, Ezekielle avait envisagé différentes options quant au programme de sa soirée avec l'homme gagné. Maxence lui paraissait être le genre d'homme très sérieux, probablement dévoué à son travail sans pour autant en perdre ses habiletés sociales. Ezekielle comptait bien le déstabiliser un peu, question d'apprendre à mieux le connaître. «Je nous ai organisé une agréable soirée. Tu es prêt à me suivre?» dit-elle toute souriante. Elle faisait allusion à son style de vie plutôt différent de la norme, mais en même temps, Maxence l'ignorait.

Cette jeune femme était vraiment jolie. Une beauté particulière, dans le sens où son regard avait cette douceur, cette luminosité, qu’il avait rarement retrouvées dans le regard d’une autre femme. Elle était vraiment belle. Maxence n’enchaîna pas tout de suite les compliments, toutefois, premièrement parce que ce serait trop, deuxièmement parce que la veille, le bal avait été assez mouvementé pour lui. Il avait eu sa dose de séduction et d’amour … si on pouvait vraiment parler d’amour. Avec Vera autant qu’avec Eleanor, Maxence avait vécu des montagnes russes d’émotions. Ça l’avait littéralement épuisé. Bon, Ezekielle n’avait payé pour rien, rassurez-vous. Il avait envie de s’amuser, de s’éclater. De ne pas trop penser à ses sentiments. Il espérait qu’Ezekielle n’avait pas trop d’attentes amoureuses par rapport à ce rendez-vous : son cœur était bien assez confus. Bref, suites aux présentations, Maxence affirma être au service de la belle blondinette pour deux heures. Un petit sourire en coin. La jeune femme lui répondit tout de suite avoir organisé une agréable soirée. Il fut agréablement surpris de voir qu’elle avait pris les devants. « Oui, je suis prêt ! Et j’ai bien hâte de voir ce qui m’attend … Est-ce que je devrais m’inquiéter ? » Demanda-t-il avec un sourire. Après tout, cette jeune femme semblait bien plus jeune que lui, si elle comptait l’emmener peinturer des graffitis sur les murs de la ville, Maxence perdrait tout d’un coup son enthousiasme. Bon, bien sûr, tous les jeunes dans la vingtaine n’étaient pas des rebelles, mais il se disait quand même qu’ils ne partageaient peut-être pas les mêmes intérêts. En tout cas, il allait essayer d’être assez ouvert à la nouveauté !

Si Ezekielle semblait avoir tout réglé leur soirée au quart de tour, en fait, ce n'était pas le cas. La blonde avait seulement envie de partager un moment de plaisir avec Maxence. Parce qu'on prenait bien trop peu le temps de s'arrêter, de se détendre et de s'amuser, dans la vie. Et Maxence semblait être l'image parfaite de l'homme d'affaires sérieux, qui joue un rôle important et qui a son lot de dossier à gérer. Ils partageraient ainsi deux heures ensemble, à rire, à se découvrir. La blonde lui avait demandé s'il était prêt pour cette soirée, comme si un planning de fou l'attendait. En fait, elle était seulement bien emballée à l'idée de cette soirée. «Oui, je suis prêt ! Et j’ai bien hâte de voir ce qui m’attend … Est-ce que je devrais m’inquiéter ?» Ezekielle rit doucement, le regard plongé dans celui de l'homme. «Non, non!», dit-elle, le sourire aux lèvres. Elle se savait un peu intense, dans la vie. Intense, dans le sens où elle prenait les choses à coeur, où elle était toujours prête à s'engager, à partir et à essayer de nouvelles choses. Intense, ne faisant pas les choses à moitié. Mais tout comme une médaille, elle avait deux côtés. Un côté plus doux, aussi. Plus paisible. «On dit de moi que je suis une femme intense... mais j'ai aussi un côté très calme, serein» avait-elle dit, un fin sourire sur ses lèvres, comme pour le rassurer qu'ils ne mangeraient pas une fondue chinoise tout en faisant un saut en parachute ce soir. Elle ne ressentait pas le besoin de se justifier, mais elle s'était dit que c'était peut-être mieux ainsi, question de ne pas le faire fuir en courrant. Pour la soirée, elle leur avait prévu une soirée throwback. Un deux heures d'amusement, de retour dans le passé. D'une part parce que l'homme lui parraissait âgé de quelques années de plus qu'elle, mais aussi parce que nous possédions tous un coeur d'enfant. Pour certains, il était bien caché dans un recoin de notre corps, de notre âme, alors que pour d'autres, il était fréquemment sollicité. Dans le cas d'Ezekielle, il était toujours là, non loin. Elle ne l'avait jamais vraiment laissé de côté, parce que cela faisait partie d'elle.

Ainsi, la demoiselle l'invita à poursuivre à l'extérieur de la salle, question de débuter cette soirée. «Tu as déjà fait du skateboard?» lui avait-elle demandé, les yeux brillants, alors qu'ils s'engageaient sur le trottoir. Le skatepark se situait dans un parc, non loin de la salle de fêtes de la ville. Ezekielle y avait laissé un sac, dans lequel elle avait déposé deux planches à roulettes achetées, plus tôt aujourd'hui, dans une boutique d'articles usagés. La planche à roulettes lui remémorait de bons souvenirs de son enfance à Portland. Thiago et elle avaient chacune une planche à roulettes, sur lesquelles elles se prenaient pour de vraies Tony Hark girls. Elle en gardait aussi un souvenir de leurs nombreuses égratignures sur les genoux. La voyageuse ne possédait pas vraiment de talent pour ce sport, mais elle s'était dit que ce serait amusant. Ils en feraient une quinzaine de minutes, riraient, puis s'arrêteraient pour discuter. Elle ne serait pas très cadrante quant à la suite de la soirée. Si Maxence appréciait bien sa compagnie, ils poursuivraient. Sinon, il pourrait bien la remercier et retourner vaquer à ses occupations. Ezekielle n'était là que pour le plaisir, et le plaisir de rencontrer une nouvelle personne. N'était-ce pas justement le but des enchères, après tout? Certes, il y avait une thématique d'amour, mais pour elle, cela n'avait aucune importance.

Le rire contagieux de la jeune Ezekielle le fit rire à son tour, même si elle n’avait pas encore répondu à son questionnement, à savoir s’il devait s’inquiéter ou non. Il hocha la tête avec un sourire en coin quand elle lui assura que non. Qu’elle était une femme intense selon certains, mais qu’elle avait aussi un côté très calme et serein. « Heureusement. Faut y aller en douceur avec moi sinon, parce que je suis totalement calme et serein, pas juste une partie de moi. » Avoua-t-il avec un léger rire. Il ne disait pas cela pour enlever tout espoir à Ezekielle de passer une soirée amusante, mais surtout pour la prévenir qu’il allait être difficile à décoincer si jamais c’était une activité hors du commun. « Je promets de faire un effort pour m’ouvrir à l’activité que tu as planifiée, cela dit. » Il n’allait quand même pas réduire au néant tous ses espoirs, non plus. Ils sortirent finalement de la salle pour s’éloigner du bruit et pour se diriger vers l’activité en question. La question de la blonde le prit par surprise. Il la regarda avec un air assez dubitatif. « Euh … non. Jamais. Même pas mis le pied sur une planche. » Avoua-t-il en sentant finalement la nervosité s’emparer un peu de lui. Pourtant, les yeux brillants de la jeune femme étaient si beaux à regarder, Maxence aurait dû être charmé et se foutre du reste. Mais non. L’être trop rationnel et sérieux qu’il était venait de déclencher l’état d’alerte en s’imaginant faire du skateboard. D’ailleurs, Maxence connaissait bien la ville, et le parc vers lequel ils se dirigeaient avec son skatepark. Honnêtement, ils auraient pu faire ça dans une rue sombre, loin des regards, ça lui aurait suffi. Mais là, il y aurait peut-être d’autres personnes et, surtout, ce n’était pas juste un terrain plat. Des descentes, des rampes, tout ça. Il espérait qu’Ezekielle ne s’attendait pas à ce qu’il lui fasse des figures impressionnantes. Il tomberait et mourrait. Ils arrivèrent finalement à destination, et Ezekielle sortit deux skateboards d’un sac caché non loin de là. « Et bien on peut dire que tu penses à tout, toi ! » Remarqua-t-il avec un rire tout d’un coup bien plus intimidé que lors de leur rencontre officielle. « T’as pas de casques ou de protections pour les coudes et les genoux ? » Demanda-t-il avec un rire gêné. « Je sais même pas si j’arriverai à tenir en équilibre là-dessus. » Il espérait vraiment être capable de se lâcher un peu, d’être fou l’instant de deux heures, question de ne pas décevoir Ezekielle et ses plans.  

Le brun semblait soulagé de savoir qu'il n'avait pas à s'inquiéter face à la soirée qu'ils passeraient ensemble. Si elle était susceptible, Ezekielle pourrait croire qu'elle effrayait les gens, dont Maxence. Ce n'était toutefois pas le cas. «Heureusement. Faut y aller en douceur avec moi sinon, parce que je suis totalement calme et serein, pas juste une partie de moi.» La blonde sourit à son tour à l'homme. Il était vrai qu'elle pouvait être très énergique, mais sa douceur et son calme étaient toujours les premières choses que l'on remarquait chez elle. Ça, et son sourire, à ce qu'on disait. «Tout en douceur, alors» glissa-t-elle, les yeux brillants. «Je promets de faire un effort pour m’ouvrir à l’activité que tu as planifiée, cela dit.» Ce Maxence faisait preuve d'ouverture, ce qui fit sourire Ezekielle. C'était charmant. Il aurait bien pu rester sur ses gardes et prendre les rennes en proposant une activité qui lui plairait davantage. Et ce, même avant de prendre connaissance de ce qu'elle avait prévu.

Puis, ils sortirent de la salle et prirent direction du parc de planches à roulettes se situation non loin de la bâtisse ayant abrité, quelques heures plus tôt, la soirée du bal masqué. Ezekielle questionna son partenaire pour les deux prochaines heures, à savoir s'il avait déjà fait de la planche à roulettes. Il resta surpris de sa question, le regard nerveux posé dans le sien tout brillant. «Euh … non. Jamais. Même pas mis le pied sur une planche.» C'était à son tour d'être surprise, un brin. Ezekielle ne s'arrêtait jamais aux stéréotypes, aux clichés. De ses souvenirs d'enfance en Amérique du Nord, elle ne se souvenait pas d'un garçon n'ayant jamais touché à une planche. Ce sport était particulièrement favorisé, dans ce bout du monde. La majorité des jeunes filles aussi, avait, au moins une fois, tenté l'expérience sur un skateboard. Elle était donc, pour ainsi dire, heureuse à l'idée de permettre à Maxence de faire quelque chose de nouveau. Une chose qu'il n'avait jamais fait. Ce sentiment de faire quelque chose pour la première fois, ce sentiment unique, qu'on ressent si peu souvent... il aurait la chance de le vivre, le revivre, ce soir. «Tu pourras ajouter le skateboard à ta bucket list» dit-elle en souriant. Ils étaient tout près du parc, à présent. «Le sentiment de cocher un item sur cette liste est incomparable» poursuit Ezekielle avant de s'éloigner de quelques pas. Elle récupéra le sac contenant les deux planches dont ils auraient besoin. «Et bien on peut dire que tu penses à tout, toi !» avait lancé Maxence, le regard fixé sur le sac qu'elle portait à son épaule. D'un coup, il avait l'air encore moins certain de ce qui s'annonçait pour lui, pour eux. Ezekielle déposa le sac et en sortit les deux planches à roulettes, qu'elle présenta à Maxence. «Cette fois-ci, oui! Laquelle préfères-tu?» dit-elle en riant, le moins sérieux du monde. Ces deux planches avaient probablement appartenu à des adolescents, qui s'étaient amusés à remplacer les roues par des plus colorées et à décorer le dessous de la planche avec des autocollants. Lorsque son choix fut fait, Ezekielle lui tendit sa planche et posa la sienne par terre. «T’as pas de casque ou de protections pour les coudes et les genoux ?» ajouta le brun, suivi d'un rire nerveux. Ezekielle plongea sa main dans le sac à dos duquel elle sortit les items mentionnés par Maxence, des protecteurs pour les genoux et pour les coudes. «La dame du bazar me les a offert gratuitement lorsque j'ai acheté les planches... il faut croire qu'elle avait vu juste!» répondit la blonde, le sourire aux lèvres. Ezekielle invita le juge à le suivre sur la partie asphaltée du parc, près des rampes de skateboard. Elle posa sa planche sur le sol et posa un pied dessus. «Je sais même pas si j’arriverai à tenir en équilibre là-dessus.» Il se tenait à l'écart, craintif de ne pas y arriver. Ezekielle tendit la main au brun afin que celui-ci la rejoigne. «Si, tu y arriveras» dit-elle doucement, toujours aussi positive. Elle se plaça face à Maxence, la planche à roulettes se trouvant ainsi entre les deux jeunes gens, et elle lui tendit à nouveau la main afin qu'il pose les pieds sur la planche. «Et voilà!» lâcha la blonde, toute souriante. Ezekielle fit une courte démonstration à l'homme sur qui elle avait misé aux enchères, reprenant tranquillement contact avec ce sport. Elle roula doucement sur l'asphaslte, où ils firent quelques longueurs, le temps que Maxence soit plus à l'aise sur son skateboard. Puis, Ezekielle l'invita à tester, avec elle, une toute petite pente d'à peine trente centimètres, qui était parfaite autant pour elle que pour lui. Ils réussirent avec brio. Ezekielle fit un high five à Maxence, ravie qu'il ait accepté de tenter l'expérience. Ensuite, la blonde prit sa planche dans ses mains et grimpa au haut d'une rampe qu'on pourrait qualifier de bien trop haute pour Maxence et elle. Elle n'avait nullement l'intention de lui faire dévaler cette pente, ni de le faire elle-même. Elle lui fit signe de la rejoindre. «Bon allez, on passe aux choses sérieuses!» dit-elle en portant attention au regard du brun. Elle éclata de rire lorsqu'elle vit sa réaction. «J'blague, je ne la tenterais même pas moi-même!» ajouta Ezekielle avant d'inviter Maxence à la rejoindre, mais cette fois, pour y prendre une pause. Elle s'asseya sur le bout de la rampe, les pieds à moitié dans le vide contre la partie courbée de la rampe. Le soleil se couchait, laissant un filtre orangé planer sur cette soirée.

Pourtant, en Australie aussi, la planche à roulettes était un sport bien aimé des jeunes. Et puis, Maxence était certes un rat de bibliothèque depuis toujours, mais il aimait également le sport. Gamin, il était souvent à l’extérieur en train de jouer avec des amis. Il avait aussi fait partie de plusieurs équipes sportives, de football (soccer), de natation et waterpolo, de volleyball, etc. Il avait touché à plusieurs disciplines, et pourtant, le skateboard n’avait jamais été dans ses plans. Probablement parce que justement, Maxence avait toujours préféré les sports d’équipe. Rouler seul sur sa planche à roulettes, il n’en voyait pas trop l’intérêt. Et même si c’aurait été avec d’autres amis, ça n’avait jamais intéressé le jeune homme. D’autant plus qu’aucun de ses amis n’en faisait non plus. Sinon, c’aurait sans doute été différent. Bref, tout cela pour dire que Maxence était complètement novice et que pour cette raison, il était légèrement nerveux. Heureusement, Ezekielle était une personne très paisible, calme et rassurante. C’était agréable d’être avec elle. Il ne ressentait aucune pression, il n’avait pas le sentiment de devoir lui prouver quoi que ce soit. Décidément, il était tombé sur une bien charmante acheteuse. Dommage qu’elle soit un peu trop jeune pour lui, du moins de ce qu’il en déduisait. « Tu pourras ajouter le skateboard à ta bucket list ». Il rigola. « Faudra que je songe à m’en faire une, d’abord. » Répondit-il en parlant de la bucket list. Maxence n’était pas de ces personnes à vivre la vie au jour le jour, comme un fou, comme s’il n’y avait pas de lendemain, tout en s’assurant d’avoir vécu pleinement et de n’avoir aucun regret sur son lit de mort. Maxence était trop réfléchi, trop calme, trop terre-à-terre. Il s’interdisait à lui-même de rêver. Ce qui lui importait, c’était la stabilité, et pour ça, il se devait de bosser dur pour s’assurer une vie tranquille, rangée et sans tracas. C’était une triste façon de vivre une vie, me direz-vous, mais pour lui cette stabilité était bien plus agréable que la continuelle angoisse de ne pas trop savoir où on s’en va. À chacun son mode de vie. « Le sentiment de cocher un item sur cette liste est incomparable ». Il la regarda avec un sourire à la limite de l’attendrissement, en voyant Ezekielle aussi rêveuse et passionnée. C’était beau à voir aller, une personne comme elle, ça il ne pouvait pas le nier. « Et quel genre de choses se retrouvent sur ta liste, dis-moi ? » La questionna-t-il. Après tout, c’était une bien bonne façon de la connaître un peu mieux. De savoir ce dont elle rêvait de faire et de vivre au moins une fois dans sa vie.

Suite à cette discussion, Ezekielle alla chercher son sac contenant les deux planches à roulettes, et laissa le premier choix à Maxence. Il examina les deux, et en sélectionna finalement une. Il pointa un autocollant en la montrant à la blonde. « Rien que pour The Cure. » Un groupe qu’il écoutait depuis ses plus jeunes années, avec son père. Il était né en même temps que le groupe, à quelques années près. Suite à la demande de Maxence pour une protection quelconque, Ezekielle lui sortit des protecteurs pour les genoux et les coudes, et sans aucune honte, Maxence les enfila. Il préférait se montrer prudent, d’autant plus qu’il se connaissait, lui et son équilibre légendaire (ou pas). Ils étaient donc prêts à finalement essayer de rouler. Maxence suivit Ezekielle jusqu’à la partie asphaltée. Elle lui tendit la main pour l’aider à se mettre en position, et il rigolait nerveusement, un peu intimidé par tout ça. Lui qui était habitué de connaître bien des choses, là, il était pris au dépourvu. Ezekielle lui apprit quelques notions de base avant d’embarquer sur sa propre planche, et quand elle partit dans sa course, il la suivit dans ses mouvements et dans sa trajectoire. Il levait les bras dans les airs, à l’horizontal, essayant de se donner le plus de chances possible de ne pas tomber. La pente n’était pas très longue, mais assez pour que le cœur de Maxence saute quelques battements. Malgré tout, il arriva sain et sauf à la fin, et s’immobilisa avec un grand rire et un petit cri de satisfaction. Il avait le grand sourire tout en tapant dans la main de sa compagne de la soirée. « Wow ! T’as vu ça ? Comme un pro ! » Il éclata de rire ; il exagérait, bien sûr. Ezekielle, toujours souriante, alla finalement grimper jusqu’en haut d’une rampe. « Bon allez, on passe aux choses sérieuses! » Maxence la regarda faire, dubitatif, restant en bas, préférant plutôt une démonstration plutôt que de se risquer lui-même. « J'blague, je ne la tenterais même pas moi-même! » Il rigola donc, soulagé que ce ne soit qu’une blague. La voyant tapoter à côté d’elle, Maxence attrapa à son tour sa planche et vint la rejoindre là-haut. Ses jambes pendaient également dans le vide, une fois assis. « Aaaah, je dois avouer que je ne lâche que très rarement mon fou de cette façon. Tu me dirais que c’est pas bien fou, en fait, mais pour moi, ça l’est. Ça doit faire des années que je n’ai pas ressenti ce genre d’excitation, même. » Maxence fronça légèrement les sourcils en le disant, ne lâchant toutefois pas son sourire. Ça le faisait réaliser à quel point ses jeunes années étaient bien loin derrière. Il ne s’amusait plus vraiment, en fait. Pas de cette façon-là.
 

Si tout le monde n'avait pas nécessairement une bucket list, Ezekielle osait croire que chaque personne avait des rêves, parfois un peu plus fous, qu'elle aimerait réaliser. Et si ces objectifs n'étaient pas écrits, ils étaient bien ancrés dans la mémoire. Maxence rit, puis avoua qu'il n'avait pas de bucket list, mais qu'il devrait songer à s'en faire une. Ezekielle roula les yeux, le sourire aux lèvres. «Il t'en faut une, c'est inévitable!» Et en plus, il aurait déjà une action de réalisée sur sa liste. La blonde confia à son tour le sentiment que procurait le fait de cocher l'une des actions rêvées. «Et quel genre de choses se retrouvent sur ta liste, dis-moi ?» la questionnait-il. Ezekielle avait d'abord fait une bucket list pour le plaisir, avec une amie, avant de débuter son grand périple à travers le monde. Et finalement, elle s'était rendue compte qu'elle vivait pour de nouveaux défis. Que d'atteindre ces objectifs, ces rêves, étaient plus que satisfaisant. Si elle pouvait cocher entièrement cette liste avant 35 ans, elle pourrait mourir le lendemain, en paix, sans regret. En même temps, c'était quasi impossible, parce que la blonde rajoutait sans cesse des actions. Repousser ses limites, disait-on. «Oh, euh, bonne question... Il y a, disons, beaucoup de choses» dit-elle d'un sourire amusé. «Et beaucoup sont cochées, aussi. Disons que j'ai eu de la chance...» En effet, sans son métier de journaliste et photo-reporter, Ezekielle serait tout de même partie à la découverte du monde, mais ses allers et retours n'auraient jamais été pareils. «J'étais journaliste et photo-reporter. J'ai voyagé à travers le monde. Plusieurs de mes destinations se trouvaient sur ma liste.» Et depuis qu'elle avait rencontré Isaiah, plusieurs de ses nouvelles actions à cocher sur sa liste incluaient le brun. Vivre toutes ces aventures, avec lui, était le bonheur total.

Lorsque Maxence choisit sa planche en fonction des autocollants posés dessous, Ezekielle fit un pouce dans les airs, en approbation. Ils se mirent ensuite en action, Ezekielle guidant d'abord Maxence. Il semblait de moins en moins nerveux, plus il roulait. Celui-ci descendit finalement la petite pente. « Wow ! T’as vu ça ? Comme un pro !» dit-il en tappant dans la main de la blonde. «T'es trop génial, Maxence.» S'il avait d'abord été réticent, Ezekielle voyait maintenant le brun se détendre et s'amuser, ce qui la fit sourire. Elle grimpa ensuite au haut d'une grande pente, puis l'invita à passer aux choses sérieuses. Sa réaction valait clairement mille dollars. La planchiste improvisée précisa ensuite qu'elle blaguait, puis l'invita à la rejoindre sur le bord de la pente. «Aaaah, je dois avouer que je ne lâche que très rarement mon fou de cette façon. Tu me dirais que c’est pas bien fou, en fait, mais pour moi, ça l’est. Ça doit faire des années que je n’ai pas ressenti ce genre d’excitation, même.» Les yeux brillants, la blonde regardait son partenaire, le sourire aux lèvres. Même si elle était un peu triste de savoir qu'il ne prenait pas assez le temps de s'amuser, Ezekielle était heureuse de savoir qu'elle lui avait permit de vivre ce sentiment ce soir. «J'suis heureuse de l'entendre» souffla-t-elle. La routine, le quotidien, le travail, les affaires. Ezekielle était bien consciente qu'avec les années, les moments de plaisir et de simplicité pouvaient se faire moins nombreux. Elle craignait, un jour, de sombrer dans ce mode de vie. Et sombrer était le mot parfait pour décrire sa vision des choses. «Permets-toi de vivre de belles choses, Maxence. De vivre» dit la belle blonde, toujours aussi philosophique sur la vie. Elle était convaincue qu'il ne prendrait pas mal sa remarque. Ezekielle s'exprimait toujours en douceur, pour ne pas froisser les gens, pour leur transmettre un peu de sa vision.

Des rêves, des rêves. Maxence en avait eus. Il avait passé bien des nuits à rêver. Jusqu’à ce qu’il les atteigne, ses rêves. C’était beau, en fait, qu’il ait réussi à toucher ses rêves et même plus encore : les vivre, jour après jour. Par contre, aujourd’hui, Maxence n’avait plus le temps de rêver, ou plutôt il ne le prenait pas. Il continuait de vivre sa vie jour après jour sans en espérer plus, sans en espérer mieux. À ses yeux, il avait atteint ce moment où il n’avait pas à vouloir continuer de grimper toujours plus haut. Tout ce qu’il manquait à sa vie, c’était une femme avec qui la partager. S’il pouvait en arriver là, Maxence n’était pas certain de ce qu’il voudrait de plus. Pourtant, quand il regardait Ezekielle, avec sa tête remplie de projets et de rêves, il en venait à se demander s’il n’était pas en train de se contenter de trop peu. S’il n’était pas en train de passer à côté de tellement de belles aventures. Après tout, Maxence était encore jeune. Trop jeune pour avoir déjà cessé de rêver. Trop jeune pour se conforter dans la vie qu’il menait actuellement sans jamais la changer, sans jamais lui-même évoluer. Voir plus grand. « Il t'en faut une, c'est inévitable ! » Avait déclaré la blondinette, et Maxence devait avouer qu’il était plutôt d’accord avec cette affirmation. Il n’avait jamais vraiment réfléchi à la question, mais l’attitude d’Ezekielle lui laissait croire que ce ne pouvait être que bénéfique pour lui. Il lui demanda alors quel genre de choses se retrouvait sur sa liste à elle, question de s’en inspirer, peut-être. Ezekielle hésita un moment, formulant sans doute sa réponse dans sa tête. « Oh, euh, bonne question... Il y a, disons, beaucoup de choses. Et beaucoup sont cochées, aussi. Disons que j'ai eu de la chance. J'étais journaliste et photo-reporter. J'ai voyagé à travers le monde. Plusieurs de mes destinations se trouvaient sur ma liste.» Maxence la regarda avec étonnement, il ne rencontrait pas souvent des gens avec un emploi aussi intéressant, captivant, et libre aussi. Décidément, cette femme était surprenante. « Faut dire, t’es chanceuse oui, mais t’as travaillé pour, aussi. » Maxence lui sourit. Selon lui, tout le monde faisait sa propre chance. Ce n’était pas tombé du ciel pour Ezekielle, il en était persuadé. « Et t’as déjà été dans des pays un peu … disons, dangereux ? Ou couvert des événements assez tragiques ? » Demanda Maxence, intéressé par son métier.

Ayant assez parlé pour le moment, Ezekielle et Maxence prirent une dizaine de minutes pour faire de la planche, quand même, puisque c’était bien le but de leur sortie ici. Après la première victoire du juge, ce fut déjà le temps d’une pause bien méritée, par contre, parce qu’il ne se voyait pas rouler pendant des heures. La belle blonde l’avait sans doute bien vite compris, à le voir aller. Ils s’installèrent donc en haut d’une pente, les pieds dans le vide. Maxence s’exclama qu’il y avait bien longtemps qu’il ne s’était pas autant amusé. Triste, mais vrai. « J'suis heureuse de l'entendre. Permets-toi de vivre de belles choses, Maxence. De vivre » Maxence la regarda, un sourire triste aux lèvres. Un sourire triste mais mêlé à l’espoir, aussi. « On dirait que j’ai oublié comment. » Avoua-t-il, en réalisant lui-même à quel point ces mots étaient forts. Il redressa les épaules, prenant un air un peu plus sérieux, et demanda à Ezekielle : « Voudrais-tu m’y aider, Ezekielle ? À vivre pleinement ? » Parce que seul, il ne saurait trouver ce chemin.

Maxence avait souligné que la chance n'était pas tout, derrière les expériences qu'Ezekielle avait pu vivre. Il y avait aussi du travail acharné et des heures incalculables pour arriver à ses fins. La blonde ne pouvait qu'être fière du chemin qu'elle avait parcouru pour se permettre d'aller poursuivre sa route autour du monde. «Et t’as déjà été dans des pays un peu … disons, dangereux ? Ou couvert des événements assez tragiques ?» Voyager, être journaliste, se déplacer en backpack, aller là où l'argent n'est utile à rien - ou presque - tellement elle est rare... Ezekielle en avait vu, des choses, au courant de sa courte carrière comme journaliste et photo-reporter. Toutes ces images plus intenses les unes que les autres l'avaient marquée jusqu'à la fin de ses jours. «À vrai dire... Oui. Sans être toujours intentionnel, je me suis parfois retrouvée à des endroits disons, moins recommandable.» Elle aurait pu se mettre en danger plusieurs fois, s'il n'avait pas été question d'elle-même. «J'ai un instinct de survie assez développé, je crois. Je ne me suis jamais mise en danger, de ce que je me souviens.» Ezekielle avait fréquenté des quartiers et des villages plus pauvres, parfois assez criminalisés, mais les contacts qu'elle établissait, elle le faisait parce qu'elle se sentait en confiance. On lui avait aussi souvent répété de ne pas traîner dans certaines rues tard le soir, ou de ne pas fréquenter tel ou tel boutique qui se trouvait en fait à être une façade à d'autres activités. Et parfois, elle avait été amenée à se transporter d'un continent à l'autre, pour couvrir des évènements uniques, où l'on nécessitait sa présence. «J'ai... un évènement que j'ai couvert, celui qui m'a le plus marquée...» Un frisson parcoura son corps en entier. Elle revoyait les images choquantes, terrifiantes, et combien tristes du jour où elle avait posé le pied au Québec. «47 personnes trouvent la mort lors d'un accident ferroviaire à Lac-Mégantic...» C'était le titre de l'article pour lequel elle devait prendre des photos. Le titre de la une pour laquelle elle devait rédiger un article. On avait cité en détails le déroulement du terrible incident, et Ezekielle avait tellement travaillé fort sur cet article. Elle refusait que ce soit écrit rapidement afin que le journal soit dans les premiers à publier l'article au États-Unis. Surtout quand elle eut rencontré Lou. Cet article se devait d'être parfait. Elle ne se l'aurait jamais pardonné, sinon. «Un convoi de 72 wagons-citernes de pétrole brut qui a déraillé, le centre-ville de la municipalité a été complètement détruit par les explosions et le feu.» Sans le vouloir, les larmes lui montèrent aux yeux. Elle ne s'imaginait plus vivre comme avant, depuis qu'elle avait visité la petite ville de Mégantic. Et pourtant, ce qu'elle pouvait vivre était incomparable au drame qu'avait vécu sa Lou. Elle essuya une larme de sa joue, regardant Maxence en souriant. «C'était affreux, de voir tous les décombres, les gens pleurer... mais j'y ai rencontré une femme extraordinaire. Revenir dans le temps, je n'aurais jamais refusé de couvrir l'évènement, sachant qu'une personne aussi spéciale m'y attendait.» Peut-être l'homme connaissait-il Lou, la belle Lou.

Le duo d'apprentis planchistes s'étaient installés au haut d'une rampe, le temps d'une pause. Ezekielle lui avait soufflé qu'il avait le droit, de se permettre de vivre de belles choses. Qu'était la vie si elle n'était pas vécue à cent milles à l'heure? Si elle n'était pas vécue pleinement? «On dirait que j’ai oublié comment.» Son sourire était triste, mais sincère. Ezekielle avait de la difficulté à se mettre à la place de Maxence, mais elle pouvait s'imaginer que ce soit difficile à assumer, à avouer. C'est d'un ton sérieux, qu'il retrouva l'attention de la blonde. «Voudrais-tu m’y aider, Ezekielle ? À vivre pleinement ?» Ses yeux se garnirent de petits brillants, un sourire se dessinant sur ses lèvres. C'était une demande bien spéciale, un défi qu'elle pourrait s'aventurer à relever. «Ce serait un plaisir, Maxence.» Il pourrait lui faire découvrir la ville, et elle, les joies de la vie. Le hasard avait bien fait les choses en formant ce duo. Ezekielle avait misé sur la bonne personne, ils se complètaient, au fond.

Loin de Maxence l’envie de faire remonter à la surface des sentiments négatifs pour Ezekielle, mais il s’intéressait à son métier, voulait en savoir plus sur ses expériences et son vécu. Le juge était un homme très curieux de nature, toujours prêt à en apprendre davantage sur le monde qui l’entourait. Un intellectuel, comme on les appelle. Il avait donc osé aborder un sujet plus sensible avec sa partenaire de la St-Valentin, se disant que si elle ne désirait pas en parler, elle le lui dirait, tout simplement. Il n’en serait aucunement vexé, puisqu’il savait fortement que c’était peut-être un terrain glissant sur lequel il venait de poser pied. Pourtant, Ezekielle se prêta au jeu, et répondit le plus honnêtement possible, au plus grand plaisir de Maxence qui avait soif d’en apprendre davantage sur ses aventures, aussi tristes que belles. « Heureusement. Il faut garder en tête que ce n’est qu’un métier, alors ça ne vaut peut-être pas toujours de mettre sa vie en danger … » Avait soulevé Maxence, pour appuyer les propos de sa compagne. Pourtant, sortant de sa bouche, il réalisait que ça sonnait si faux, comme conseil. Parce que même si ce n’était pas à même échelle et que dans le cas de l’homme c’était plutôt métaphorique, il mettait tout de même sa vie en danger à cause de son métier. Il voulait tellement maintenir sa réputation de juge au sommet, propre et sans tache, qu’il cessait de vivre sa vie comme il l’aurait voulu. C’était de mettre son existence en danger, ça, car s’il continuait sur ce chemin, il cesserait de vivre, un jour ou l’autre, tout simplement. Ezekielle lui parla ensuite d’un événement en particulier qui semblait l’avoir profondément marquée, comme une cicatrice qui ne s’efface jamais totalement. Elle lui racontait cet accident ferroviaire survenu à Lac-Mégantic, endroit qu’il ne connaissait pas, mais dont le nom laissait croire à un pays francophone. Elle parla du centre-ville qui avait été détruit par les explosions, de cette femme extraordinaire qu’elle y avait rencontré au milieu de ces gens en peine. Le cœur de Maxence se serra et des frissons le traversèrent, laissant une chair de poule sur la peau de ses bras. Il n’avait même pas la force de sourire avec compassion. Ces tragiques événements laissaient toujours un goût amer dans la bouche du juge. Il fronça les sourcils. « Ça a vraiment dû être difficile, de se trouver au milieu de toutes ces familles démunies. Au milieu de cette horreur, de ces décombres, de ces gens qui ont tout perdu. » Soufflait Maxence, ajoutant des qualificatifs au même rythme qu’ils lui venaient à l’esprit, davantage pour lui-même que pour Ezekielle. « Je n’avais pas entendu parler de cet accident. Pourtant, quelque chose d’aussi tragique, je me serais souvenu en avoir entendu parler dans les médias. » Peut-être était-ce loin, ou alors peut-être était-ce à un moment où Maxence n’avait pas eu la tête ou le temps de s’y attarder. Pourtant, il aurait dû, pour tant de vies perdues ou ravagées, prendre le temps de garder le silence pour eux.

Afin de ne pas se miner le moral alors qu’ils avaient encore une belle soirée devant eux, Maxence et Ezekielle parlèrent un peu plus de leurs rêves, de leurs objectifs de vie, ou plutôt de ceux de la belle blonde puisque visiblement le juge avait oublié que rêver était l’une des plus belles façons de continuer d’avancer. Il n’hésita d’ailleurs plus du tout face à Ezekielle, et il tenta le tout pour le tout en lui demandant de l’aider à vivre pleinement, à lui rappeler ce que c’était que de rêver. Avec un sourire et des yeux brillants, elle accepta. Maxence sourit à son tour, de cette même façon. « Je serais prêt à te suivre à bien des endroits, qu’ils soient rapprochés ou non, si c’est pour goûter à ce mode de vie que tu sembles chérir, et qui me donne envie. » Ajouta-t-il avec un sourire, pour lui faire comprendre que la planche de skateboard n’était qu’une première étape, et qu’il était prêt à aller plus loin que ça. Pour le moment, toutefois, il attrapa la dite blanche et la leva dans les airs. « On continue ? » Proposa-t-il. Il fallait bien commencer à quelque part. Cette folie était la bonne façon de briser la glace.

La photographie et le journalisme avaient toujours occupé une grande place dans la vie d’Ezekielle, mais l’homme avait tout de même raison. Elle connaissait ses limites et jamais elle ne se serait volontairement mise en danger simplement pour atteindre des objectifs ou des demandes professionnelles. La vie avait une bien trop grande valeur pour elle. «L’important c’est de se connaître, de connaître ses limites. D’être capable de reconnaître le danger potentiel pour l’éviter.» En même temps, le danger courrait les rues à tous les jours, et il était bien plus probable de mourir en traversant la rue qu’emporté par une catastrophe naturelle. Évidemment, certaines catastrophes sont inévitables, comme celle vécue par sa tendre amie Lou. Une catastrophe inimaginable, une erreur humaine, une énorme. Rien ni personne n’aurait pu la prévoir, malgré qu’elle ait été ô souvent crainte. «Ça a vraiment dû être difficile, de se trouver au milieu de toutes ces familles démunies. Au milieu de cette horreur, de ces décombres, de ces gens qui ont tout perdu.» Ezekielle écoutait chacun des mots prononcés par Maxence. Il arrivait à décrire la scène exactement telle qu’elle l’avait vue. Et ces images ne l’aidaient en rien à faire cesser les larmes qui coulaient sur ses joues. «Ce l’était. J’ai été appelée à me rendre sur les lieux moins de vingt-quatre heures après l’accident et… et c’était exactement ce que tu décris. C’était lourd, de tristesse, de vide.» La journaliste se souvenait que la nouvelle avait fait la une – ou presque – de plusieurs journaux et site internet en Amérique du Nord. «Je n’avais pas entendu parler de cet accident. Pourtant, quelque chose d’aussi tragique, je me serais souvenu en avoir entendu parler dans les médias.» Elle n’était pas surprise que la nouvelle ne se soit pas rendue jusqu’en Australie, et même, elle irait jusqu’à dire que c’était mieux ainsi. Cette histoire en avait renversé plus d’un, mais l’Australie avait aussi ses problèmes. «Le Canada c’est loin, tu sais. L’Amérique du Nord en a fait la manchette, mais je ne crois pas que cette histoire soit sortie de cette partie du continent.» La voyageuse essuya les larmes qui avaient coulé sur ses joues, se concentrant sur un sujet plus joyeux. Ou presque. Maxence lui fit alors une demande bien particulière, une demande qu’elle n’aurait jamais osé imaginer qu’on puisse lui faire. Il voulait pouvoir vivre un brin de sa vie, de ses rêves. Il voulait profiter de la chance qu’il avait d’être sur Terre, il voulait savourer chaque instant et rêver comme elle. Jamais elle n’aurait pu refuser ce qu’il lui demandait. «Je serais prêt à te suivre à bien des endroits, qu’ils soient rapprochés ou non, si c’est pour goûter à ce mode de vie que tu sembles chérir, et qui me donne envie.» Ezekielle retrouva son sourire, heureuse d’avoir pu raccrocher à la vie une âme qui s’en était un peu égarée. «Ça me fait vraiment plaisir, Maxence. Je suis heureuse de savoir que tu n’as pas envie de perdre une seconde de plus et de voir la confiance que tu m’accordes.» Ses yeux brillaient de nouveau, un sourire tendre accroché aux lèvres. «Décidément, contrairement à ce qu’on pourrait en dire, cette soirée n’avait pas de prix.» Certes l’argent misée servirait pour une bonne cause, mais rencontrer Maxence et l’accompagner dans cette quête était d’une valeur inestimable pour la blonde. Il attrapa d’ailleurs sa planche, prêt à reprendre le cours. «Évidemment!» La jeune femme se mit rapidement sur pieds, la planche dans les mains, puis descendit retrouver la terre ferme. Maxence était décidé à s’amuser, mais elle jugeait que l’énorme pente sur laquelle ils étaient assis n’était pas de leur niveau pour le moment. Elle lui fit donc signe de la rejoindre un peu plus loin, sur la partie asphaltée plane, là où ils avaient débuté. «On fait la course?» lui lance-t-elle, le sourire aux lèvres, pointant des lignes peinturées au sol.

Loin de Maxence l’envie de faire pleurer Ezekielle, surtout durant une soirée où elle avait dépensé bien de l’argent pour s’offrir sa présence. En même temps, ils parlaient de choses sérieuses, de choses vraies, et ses larmes ne rimaient pas forcément avec tristesse face à cette soirée en particulier, mais plutôt avec chagrin et souffrance face à ce qu’elle avait pu voir. Certes, se replonger dans ses souvenirs devait être douloureux pour elle, et ça ne faisait probablement pas partie de sa planification de la soirée mais, en même temps, ils apprenaient à se connaître d’une toute autre façon. Bien plus profondément que beaucoup d’autres couples formés par cette soirée, sans doute. Ils n’avaient pas eu peur d’aborder les vraies choses, les vrais tabous, les vraies histoires qui comptent. Ezekielle avait vécu cette tragédie, même si c’était de loin, même si c’était indirectement, et ça avait contribué à faire d’elle qui elle était aujourd’hui. Maxence la comprendrait mieux grâce à ces confidences. « Moins de vingt-quatre heures … ce devait encore être la panique, le chaos. » Des corps encore en recherche, sans doute. Maxence frissonna rien qu’à penser à cela. Il s’imaginait attendre des nouvelles pour savoir si les gens chers à son cœur étaient vivants ou non, et il sentit son cœur s’emballer alors que ce n’était que son imagination. Pour toutes ces personnes, ça avait été réel. D’horribles heures de réalité dure. Maxence avoua ensuite ne jamais avoir entendu parler de cet événement, malgré l’horreur démesurée que ça avait dû être. Il hocha la tête aux paroles d’Ezekielle. « C’est vrai, c’est loin … Mais quand même. Parfois aux nouvelles ils passent des conneries alors que partout dans le monde ce genre de tragédie se produit à tous les jours. » Maxence détestait les médias, mais il s’arrêta dans sa tirade parce qu’Ezekielle travaillait tout de même dans ce domaine, alors il ne voulait pas inutilement débuter un débat, même s’il se disait qu’elle partagerait peut-être son point de vue. Il avait envie de retrouver une conversation plus légère, là, s’ils ne voulaient pas passer la nuit les yeux plein d’eau, la lune reluisant dans ceux-ci. Alors Maxence se lança et demanda à Ezekielle de lui montrer à vivre comme elle le faisait, prétextant être prêt à la suivre dans ses folles aventures pour seulement même effleurer ce goût de la liberté dont il rêvait de plus en plus. Quand elle parla du fait que cette soirée n’avait pas de prix, le sourire du juge s’élargit. « Je suis vraiment ravi d’avoir fait ta connaissance, Ezekielle. J’ai l’impression que t’es un vent de fraîcheur qui arrive pile au moment où j’en avais le plus besoin. » Avoua-t-il, lui ouvrant son cœur sans trop de retenue, parce que ça leur ferait plaisir à tous les deux. Puis, ne voulant pas attendre à demain pour commencer sa nouvelle vie, Maxence demanda à ce qu’ils roulent encore sur ces planches. Encore un peu. Avec grand plaisir, la blonde accepta et s’empara de sa planche pour redescendre en bas de la pente et retrouver le sol plus stable. « À vos marques, prêts, partez ! » Cria Maxence en riant, sa façon d’approuver la course, et tous les deux partirent au signal, se donnant des élans avec leurs pieds et glissant sur l’asphalte en riant. Maxence leva les bras dans les airs, manquant de perdre l’équilibre mais il s’en foutait, il était libre. Ils firent une vingtaine de course dans le genre, Maxence les perdant à tous les coups, mais s’abandonnant toujours un peu plus à ce plaisir trop fou pour lui. À la fin, épuisé par tous ces rires et ces coups de pieds sur le sol, le trentenaire reprit sa planche dans ses mains et s’arrêta, riant encore par habitude. Lui qui n’avait auparavant eu pour habitude que de froncer les sourcils, pincer les lèvres ou encore fixer les gens jusqu’à lire la vérité en eux.

Ezekielle percevait beaucoup d'empathie chez Maxence, ce qu'elle ne pouvait qu'apprécier. Si bien que de décrire les évènements de la tragédie de Lac Mégantic lui paraissait moins difficile en sa compagnie. Les heures suivant le drame, Ezekielle avait pu voir chez l'être humain des émotions qu'elle n'aurait jamais imaginées rencontrer un jour, des émotions profondes. Décrire ces dernières avait été l'un des plus grands défis de sa carrière de journaliste, parce qu'Ezekielle ne souhaitait pas raconter la tragédie en peignant un triste tableau. Elle avait voulu être transparente et montrer au monde la réalité telle qu'elle l'était. «C’est vrai, c’est loin … Mais quand même. Parfois aux nouvelles ils passent des conneries alors que partout dans le monde ce genre de tragédie se produit à tous les jours.» Ezekielle sourit à ces mots, à cette réalité insignifiante. «En même temps, on rêve tous de savoir ce qu'a fait l'une des soeurs Kardashian ce matin et où Justin Bieber a été vu les fesses à l'air le week-end dernier...» finit-elle en riant. Le journalisme à potins était loin d'être son truc, pour elle c'était surtout qu'elle ne voyait pas cela comme du journalisme. Elle se permettait ainsi d'en rire. La voyageuse lança alors que cette soirée n'avait pas de prix, malgré ce qu'elle était réellement, puisqu'Ezekielle en tirait que du bien. «Je suis vraiment ravi d’avoir fait ta connaissance, Ezekielle. J’ai l’impression que t’es un vent de fraîcheur qui arrive pile au moment où j’en avais le plus besoin.» Elle sourit tendrement à Maxence, ses prunelles brillantes. «Je ne regrette pas du tout d'avoir misé à cet enchère, j'en suis tout autant ravie.» Ça faisait un peu partie d'elle, au fond, ce désir et ce plaisir de faire voir la vie différemment aux gens autour d'elle. Elle n'avait pas besoin qu'on lui demande pour que naturellement, elle permette aux autres de voir à quel point de simples choses pouvaient être plus grandes qu'on ne les voyait. Les deux jeunes gens s'aventurèrent alors dans une multitude de courses de planches à roulettes, échangeant des rires et des souvenirs que ni un ni l'autre n'oublierait. Lorsque Maxence s'arrêta, Ezekielle le regarda, sourire aux lèvres. Il riait et ses yeux en disaient long sur le petite moment de joie qu'il venait de vivre. La jeune femme prit sa planche dans ses mains et s'avança vers lui. «Bien joué», lança-t-elle en lui faisant un clin d'oeil. Pour elle, le but n'était pas de perdre ou de gagner, mais de s'amuser. C'était kitsch, mais à quel point vrai. «La nuit commence à tomber, que dirais-tu qu'on délaisse nos planches contre une crème glacée?»

« En même temps, on rêve tous de savoir ce qu'a fait l'une des soeurs Kardashian ce matin et où Justin Bieber a été vu les fesses à l'air le week-end dernier... » C’était drôle, dit comme ça, mais c’était aussi tristement vrai pour la majorité des gens. La section des potins du journal était bien plus feuilletée que celle de l’actualité internationale. Le nom de Justin Bieber était bien plus connu que celui d’Erdoğan. Les médias avaient cette façon bien à eux de faire sensation sur certains sujets ciblés, pour en délaisser d’autres qui méritaient tellement plus de visibilité. « Bieber a eu les fesses à l’air le week-end dernier ? » Demanda-t-il en feignant un intérêt démesuré, avant de rire en secouant la tête. Lui-même ne lisait jamais les revues à potins et ne suivait pas de très près l’actualité hollywoodienne et, pourtant, il savait exactement de qui parlait Ezekielle et était au courant du buzz autour de ces célébrités. Bien malgré lui, Maxence entendait lui aussi parler d’eux à la radio, à la télévision, sur les annonces des transports en commun. Certaines personnes devaient pouvoir réciter toutes les chansons par cœur de ces chanteurs sans pour autant pouvoir dire qui était Malcolm Turnbull.

Bref, de savoir qu’Ezekielle avait une meilleure vision du journalisme, qui pourrait changer les choses, faisait en sorte que Maxence l’appréciait encore plus déjà. Il ne tarda d’ailleurs pas à le lui en faire part, la comparant à un vent de fraîcheur. « Je ne regrette pas du tout d'avoir misé à cet enchère, j'en suis tout autant ravie. » C’était facile d’oublier qu’ils s’étaient effectivement rencontrés en raison d’une enchère. Pourtant, cela ne remontait qu’à quelques heures auparavant, mais le courant passait tellement bien entre tous les deux qu’on pouvait aisément croire qu’il n’y avait pas que le hasard qui était responsable de cette croisée de leurs chemins. « Ça me donne toujours l’impression d’être un homme-objet, de t’entendre parler comme ça. » Il riait, surtout amusé et pas vexé le moins du monde. Après tout, en s’inscrivant à cette activité de la Saint-Valentin, Maxence était conscient de ce que ça représentait. C’était pour la bonne cause, et ça encourageait le contact humain. C’était beau, au fond.

Trêve de discussions philosophiques, les deux adultes en revinrent à leur activité principale pour quelques dizaines de minutes. Une panoplie de courses plus tard, Ezekielle proposa de délaisser les planches pour les troquer contre une crème glacée. Maxence consulta sa montre et constata qu’il se faisait effectivement tard. Il avait toutefois encore le temps de payer une glace à la blonde. Ses dossiers attendraient le lendemain. Après tout, elle avait bien dit qu’elle essaierait de le faire vivre au maximum. Pourquoi ne pas commencer dès ce soir en décidant, pour une fois, de suivre ses envies plutôt que sa raison ? « Avec grand plaisir ! » Maxence la suivit et tous les deux prirent la direction de la crèmerie la plus près, sans doute connaissaient-ils aussi bien le quartier tous les deux. Arrivés à destination, Maxence consulta le menu qui se trouvait au-dessus de leurs têtes. « Qu’est-ce que tu me recommandes ? » Demanda-t-il avec un petit sourire en coin.