Les ringards de demain ft Carter Hamilton & Leónel Orellana

Theodore lâche un léger rire lorsque Leonel lui fit remarquer qu’il n’avait pas de juste milieu. C’était plutôt vrai, avec Theodore c’était souvent intense… Enfin, ça l’avait été. Désormais, il était bien plus mélancolique qu’autre chose. S’il s’écoutait vraiment, il se mettrait bien plus en danger chaque jour. Il le ferait ouais, s’il n’avait pas sa fille. Parce que désormais, sa vie lui semblait bien insignifiante et douloureuse. Carter le connaissait de loin, comme le p’tit frère intrépide et trop rêveur de Thomas, ça ne devait l’étonner qu’à moitié comme proposition. “ Ouais, ça serait dommage… “ Il n’en croyait pas un mot. Ce qui est dommage, c’est de vivre dans ces conditions, mais il allait se passer de le préciser.

Ils se mirent d’accord pour être des clichés et allèrent donc boire un verre ensemble. De toutes manières, avec ses antidouleurs, la combinaison lui permettra enfin de vraiment se relaxer… Il était gagnant dans tous les scénaris. Ils arrivèrent dans un bar et prirent place à une table. Jamais Theodore s’était retrouvé dans une configuration aussi… Déprimante ? Trois gars qui sortent d’un groupe de paroles qui viennent picoler dans un pub ? Ouais, et pourtant… Il avait besoin de ça le jeune Kelly. “ Vous faites ça depuis longtemps ? “ Demandait-il aux deux hommes, évoquant le cercle de parole, mais également l’activité d’alcoolisation qui en découle. “ J’sais que j’ai l’air d’un petit con prétentieux, en général.” C’était déjà ça, d’en avoir conscience. Il se rend juste pas compte qu’il a surtout l’air d’un mec complètement paumé dans la vie. “ Mais j’crois bien que je préfère me trouver ici avec vous deux que là-bas. “ Et ça ne lui semblait pas être les paroles de quelqu’un qui a envie de s’en sortir, et il se demande si ce genre de sentiment peut durer longtemps.

L’atmosphère détendue grâce à la blague (?) de Theodore et la réplique de Leónel à propos de son juste milieu (inexistant), les trois rirent de bon coeur, même si faiblement. Juste ça, juste cette légèreté, ça procurait un grand bien à Leónel qui n’avait pourtant jamais été le genre d’homme à ne jurer que par un petit groupe d’amis. Certes, il en avait eu des comparses, à l’époque, mais c’était surtout avec Selma et leur fille qu’il passait du temps. Ou avec des amis qu’ils avaient en commun, ensemble. Carter proposa de faire quelque chose de plus fun que de juste aller prendre une bière dans un bar, ce qui tout de suite généra un peu d’inconfort ou d’anxiété chez Leónel. Il n’était plus quelqu’un de très fun, avoir du plaisir le faisait rapidement culpabiliser. Il ne savait pas s’il serait de bien bonne compagnie s’ils prenaient une autre direction que le plan initial. « Je crois que je suis pas préparé mentalement aux idées que vous pourriez avoir … Une autre fois peut-être ? » Personne ne s’obstina, le malaise de Leónel avait peut-être bien été saisi. Ils se dirigèrent donc vers le premier bar qu’ils croisèrent et s’installèrent à une table. Le Chilien tassa une chaise pour pouvoir approcher le fauteuil roulant de Theodore à sa place. « Les groupes de parole, ou boire pour oublier que je vais à des groupes de parole ? » C’est que lui aussi retrouvait un semblant d’humour ! Il commanda une pinte de bière blanche à la serveuse qui passa à côté d’eux. Il se reconcentra sur Theodore. « Ça ne se compare même pas, je trouve. C’est déprimant, souvent, là-bas. » Ce n’était pas ce qui lui redonnait envie de mordre dans la vie à pleines dents, en tout cas.

Les réunions comme ça, c’était pas forcément ta tasse de thé mais tu avais réussi à sympathiser avec des personnes qui te faisait te sentir bien dans ce genre d’endroit. Leonel était devenu un partenaire de ce genre de réunion et Theodore le deviendrait peut-être aussi. Tu le connaissais par son frère, celui qui était un grand ami à toi. Vous aviez proposé de faire autre chose que d’aller boire un verre dans un bar mais bon, ça sonnait peut-être pas comme une bonne idée. « On fera ça une autre fois » dis-tu avec un léger sourire en coin. Vous vous dirigiez ensuite dans un bar pour vous installer et boire une bière. C’était presque une habitude maintenant, en sortant de ce genre de réunion d’aller dans un bar. « On va dire pour les deux que ça fait le même temps, parce que quand tu vas dans un groupe de paroles, t’as envie de boire pour oublier » soufflas-tu simplement avec un léger rire qui sortait de nul part. C’est vrai que c’est déprimant, il a raison le chilien. Une fois vos verres commandé, vous continuiez à parler tous les trois. « Ah ça, totalement déprimant. C’est un peu plus joyeux de discuter autour d’une bonne pinte que de répéter mille fois nos problèmes et nos histoires dramatiques » dis-tu en haussant les épaules.