Arrivée - Tyler Jones

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J'avais laissé partir Rasperry, trop vieux et trop malade pour continuer de me suivre dans mes voyages. Comme l'avait fait d'autres avant moi, j'avais hiberné pendant des jours dans mon mini bus, avant de finalement accepter de mettre le nez dehors. Il pleuvait à Bowen, sans être froid, ni doux, il faisait chaud et il pleuvait, de quoi se marier à merveille avec mon humeur maussade. Noël approchait, pas particulièrement friande de fêtes de fin d'année, je m'étais dit que sans doute, trouver où mieux me garer, ça serait pas mal quand même. Je m'étais larguée là, au bord de l'Océan, sans grande conviction, et j'avais reçu la visite des flics pour m'indiquer que je ne pouvais pas tellement rester là. Impossible de me résigner à finir dans un camping, ou parking communal, ce n'était pas ma came. Je repris la route, pour suivre une piste, un fermier du coin louait un bout de terre avec de l'électricité, et même de l'eau qui sait ? J'avais appelé le gars dans la matinée, pour lui demander si je pouvais passer voir son installation, son bout de terre, et il m'avait dit de passer dans la journée.

Une jambe sur la pédale d'accélérateur, l'autre pliée contre moi, je conduisais comme ça à la cool, direction cette ferme pas loin de Bowen. A la radio passait un vieux tube des Beatles que je chantonnais tranquillement, avant de m'engager sur la route boueuse qui me menait à ce fameux Tyler Jones. Un prénom et un nom random, et une voix de jeune au téléphone, du moins c'est l'impression que j'en avais eu. Je me garais non loin d'une serre et d'une grande bâtisse de pierres et de bois. Portant un short en jean, un débardeur rouge et une paire de chaussures de marche, je descendis de ma maison sur roue, glissant mon portable dans la poche arrière de mon jean, allant m'attacher la tignasse qui me sert de chevelure, en une queue de cheval haute. Ne voyant pas venir quelqu'un, je m'avançais vers la maison, avant d'entendre du bruit vers la serre... Je passais par l'ouverture, les mains dans les poches, remarquant bien plus loin dans la serre, au milieu des hautes plantations de ce qui me fit penser à des concombres, un homme de dos.

- Hey... Salut... je... je cherche Tyler ? M'enquis-je en faisant porter ma voix, pas certaine de pouvoir avancer plus dans ses plantations. Je peux avancer ... Je peux... Je suis Lullaby Nangala, pour le bout de terrain ?

Je m'avançais sur un chemin hors terre, pour me rapprocher de l'homme, et il se redressa, grand brun tatoué visiblement... ses tatouages étaient tout aussi visibles que mes tâches de rousseur en somme.

- Hi... répétais-je en ancrant mon regard dans le sien, un sourire sur les lèvres, le gratifiant d'un geste de la main pour le saluer. Je suis Lully, enfin Lullaby en entier, mais Lully sinon... Je me suis garée entre la maison et la serre pour le moment... ça va ?

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arrivée
@Lullaby Nangala

Une jeune voyageuse m’avait appelé dans la matinée pour savoir si j’avais un emplacement de passage disponible pour son mini van. Mon exploitation disposait de tout le confort d’un camping pour les saisonniers qui venaient souvent avec leur propre véhicule, alors j’avais accepté sans poser de questions. Je ne faisais jamais payer l’hébergement, juste un peu d’aide à la ferme en échange et j’offrais le gîte et le couvert volontiers. Les gens de passage, le partage de leurs histoires, j’adorais ce genre de rencontres, maintenant que moi-même j’étais devenu plus sédentaire. Parfois, je regrettais ma vie de nomade en Californie de ma vingtaine et j’adorais m’en remémorer les bons souvenirs. Le prénom de la jeune femme m’avait échappé, mais alors que le plastique de l’entrée de la serre se froissait, je sus que ce devait être elle. Un sourire s’affichait sur mon visage alors qu’elle semblait peu assurée d’entrer. J’étais en train de repiquer des semis de tomates cœur de bœuf et je ne me relevais pas tout de suite en l’entendant, concentré sur ma tâche.
— Entre ! Je suis au fond ! Enchanté moi c’est Ty’. Répondis-je du fond de la serre.
Son prénom m’échappait encore, j’espérais qu’elle se rapproche et le répète, sinon j’allais avoir l’air d’un ermite bougon. Ce qui n’était pas très loin de la vérité en ce moment. Mercedes m’avait largué il y a quelques jours et j’étais depuis d'une humeur massacrante. Pas que la pilote et moi nous nous étions promis la lune, mais me faire larguer par texto m’avait quelque peu échaudé. Ou peut-être est-ce simplement parce que j’avais une fois de plus l’impression de retourner à la case départ. Le réveillon de Noël que j’avais passé seul à tenter de réparer la pompe du puits de l’exploitation n’avait rien arrangé. Mais je n’avais pas pu faire autrement, sans eau c’était la catastrophe assurée.
— Je suis à toi dans cinq minutes. Ajoutais-je. Si tu as besoin d’électricité et d’eau, tu pourras t'installer sur le terrain de mes saisonniers. Je vais prendre le quad pour te guider.
Une fois mes semis achevés, je retrouvais la jeune femme devant qui me répétais à nouveau son prénom et je lui souris en le comprenant enfin. Blonde, aux tâches de rousseurs comme des constellations qui illuminaient son visage, des jambes interminables, même dans mes fantasmes les plus fous ne l’auraient pas imaginé comme ça. J’attendais une pseudo hippie avec du poil aux pattes habillée en baggy informe et au lieu de ça j’avais une bombe sous les yeux. Du calme Tyler. Elle n'est là que pour quelques nuits.
— Lullaby. Quel joli prénom. Tu viens d’où ?
Ma main se serrait dans la sienne en guise de bonjour et j’allais grimper sur mon quad juste sur le côté.

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Il me sourit, en glissant sa main vers la mienne et tandis que nos paumes entrèrent en contact, je reçus un rapide coup au coeur. Furtif pourtant, et qui s'éteignit rapidement, pour que mon esprit reprenne le chemin de la réalité. Hochant la tête, pour le suivre, alors qu'il montait sur son quad.

- Je viens de Colombie, de Perth, du Bush, de Canberra, et de bien d'autres lieux sur terre. Répondis-je simplement, en me grattant l'épaule.

Je lui adressais un sourire et un hochement de tête, marchant vers mon mini bus, pour le suivre sur son terrain, un peu plus loin, il y avait assez d'espace, des prises d'extérieur, et tout ce qu'il fallait pour un minima de confort. Personnellement dans le bush, pas de portable, pas d'internet, pas d'eau courante... j'avais parfaitement survécu. Bien qu'en arrivant à Bowen, je me sois glissée chez une esthéticienne avec plaisir, et chez un coiffeur aussi !

Je coupais le moteur, garée non loin, et j'allais tirer une prise rangée sous le mini bus, que j'allais ficher dans le plug en face.

- C'est top... ça va me changer la vie de pouvoir regarder un bon film ce soir. Dis-je en rigolant légèrement. Après des mois dans le bush, sans rien, ou si peu, c'est le ritz ici. Merci. Et toi tu viens d'où ?

Je sortis deux tasses, et je servis deux verres de kéfir maison, je lui en tendis une, il devait avoir soif après le travail, une pause pourrait lui faire du bien.

- C'est quoi le loyer déjà ? Tu fonctionne au travail échangé ou compensation nature...

En parlant compensation nature, je ne pensais bien sur pas à quelconque échanges sexuels, mais souvent les hommes que j'avais rencontré, avait cette mentalité étriqué, dicté par les films pornos dont ils s'abreuvaient... lui était il comme ça ? Aucune idée.

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arrivée
@Lullaby Nangala

La jeune voyeuse avait l’air excitée de l’emplacement de camping que je lui montrais à peine descendu de mon quad. C’était inattendu. Les équipements étaient plutôt sommaires et habités par des hommes. Ils restaient ici pour la saison et repartaient pour d’autres terres. J’espérais qu’elle ne se baladerait pas en petite tenue à l’orée de la nuit, sinon elle pourrait s’attirer des ennuis. Je n'engageais pas de psychopathes et j’avais confiance en la plupart d’entre eux, mais il suffisait de poser ses yeux sur son corps de déesse pour savoir qu’elle attirait les regards.
— Je t'en prie ce n’est pas grand chose. Je suis originaire de Perth, mes grands-parents avaient un élevage de kangourou dans le bush. Tu y as vécu longtemps ? Sinon j’ai vécu une dizaine d’années en Californie, j’avais un mini bus un peu comme le tien et j’ai beaucoup bougé, au gré des petits boulots et des spots de surf que je trouvais.
Une époque d’insouciance. Mais je ne la regretterais pas vraiment. La colère et la tristesse m'avaient fait fuir mon pays, être loin m’avait donné le temps de réfléchir et de pardonner. A présent, j'étais un chef d’entreprise accompli et j’en étais fier. J’avais encore du travail, mais je pris le temps de m'asseoir pour échanger avec Lully prenant le verre qu’elle me tendait.
— Merci. D’ailleurs je vois que tu as une planche. Dis-je en voyant son van ouvert. Si ça te dit on pourra se faire une vague ensemble demain matin.
C’était toujours un plaisir de partager ma passion pour l’océan et la ferme n’en était pas loin. La blonde avait l’air singulière, peu embarrassée des convenances habituelles. N’importe quelle femme aurait été gênée de parler d’ « avantages en nature » mais elle dît ça tellement naturellement que je comprîs de suite qu’il n’y avait pas une once de sous-entendus.
— Si tu ne restes que quelques nuits, je ne demande rien. Ces emplacements sont pour mes saisonniers, mais entre les fêtes beaucoup sont rentrés dans leur famille, alors il y a de la place. Et si tu cherches du travail, j’en ai toujours ici. En plus des champs, j’ai des poules, des chèvres et une boutique à faire tourner ! Qu’est-ce qui t’emmène à Bowen au fait ?
Je me surprenais à penser que j’aimerais que son séjour ici ne soit pas que temporaire. Histoire de mieux la connaître.

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-Mais c'est dingue, on a... beaucoup en commun alors ! Ma mère habitait pas dans un élevage de kangourou, mais mon père australien de son état, vit dans le bush depuis... toujours, et travaille avec des diables de Tasmani, il vit avec une tribu. C'est fou... J'y suis restée 9 mois, à travailler avec lui, je suis une dingue d'animaux.

Il attrape mon verre, et m'indique la planche de surf.

- Ouais, elle est pas sortie depuis plus d'un an, mais j'ai appris à surfer avant de marcher... selon ma grand mère colombienne. Nonna.

Le contact est simple et dénué de drague lourdingue, j'apprécie sa simplicité. Et souris de plus bel à la proposition.

- Pas qu'une. Je suis pour.

Je bois mon verre, assise à 'l'ouverture de mon van, et le regarde, tout en posant quelques questions d'ordre pratiques mine de rien.

- Okay, ben écoutes, je partirais quand tes saisonniers reviendront. Je suis venue rien y faire en particulier, j'ai atterrit ici... heum... mon chien Rasperry était malade, et il s'est éteint ici après 10 ans sur les routes avec moi. Mais je suis preneuse d'un job, je parle plusieurs langues, sociable comme tu l'auras noté, je suis capable de vendre. Et puis j'ai une passion inaltérable pour les animaux et le travail dans la nature.

J'haussais une épaule en lui décochant un sourire en coin. Prions pour qu'il accepte que je bosse là, je déteste aller chercher du taf dans les villes, la mentalité est tellement superficielle et codée !

- Ah et ta boutique est ouverte là ? Parce que j'ai mangé des racines de manioc, et autres baies du désert depuis des mois, je tuerais pour une tomate !

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arrivée
@Lullaby Nangala

Les paroles de la colombienne me firent penser à une de mes balades en forêt. J'étais tombé nez à nez avec une famille de diable de Tasmanie, je ne sais comment je n’ai pas perdu un orteil ou un doigt ce jour là, je me souviens juste avoir couru tellement vite pour me percher dans un arbre que j’ai dû atteindre la vitesse d’un coureur de fond.
— Les diables de Tasmanie, les plus belles saletés que j’ai jamais rencontrées en randonnée, ta famille a l’air d’avoir une sacrée trempe !
Plus Lully me racontait son histoire, plus je devenais admiratif. Elle n’avait rien des jeunes femmes que je rencontrais habituellement. Sauvage, naturelle et complètement détachée de tout attachement matériel. Son esprit me rappelait la communauté autonome dans laquelle j’avais vécu quelques mois en Californie. Sauf que les membres féminines, n’avaient pas le charme de la blonde devant moi. Loin de là.
— Je suis désolée pour ton chien. Dis-je sincèrement en caressant le labrador au pelage doré qui venait de nous rejoindre pour se frotter contre mes jambes. Si tu aimes les chiens, Dolly va venir te tenir compagnie souvent alors, j’ai aussi trois chats qui trainent ici et là. Le refuge pour animaux m’appelle régulièrement pour être famille d’accueil quand ils débordent et puis certains restent parfois avec moi.
Je les soupçonnais même de m’envoyer les plus mignons pour que je craque, et souvent ça marchait. Je ne pouvais résister devant la bouille esseulée d’une bête, et particulièrement ces derniers temps depuis que je vivais seul, j’avais adopté en plus Tom et Jerry, deux chats au pelage roux qui s’étaient approprié la ferme au bout de quelques jours à peine. J’espérais que la jeune colombienne reste un peu dans le coin, l’idée d’avoir une nouvelle voisine me plaisait bien.
— Viens je vais te montrer la boutique alors. J’ai bien besoin qu’on me relaie en ce moment, j’ai plein de commandes pour les fêtes et ça se bouscule à certaines heures. J’allais me préparer une salade composée pour le dîner, je t’invite si tu veux !
Je lui montrais l’enseigne de la boutique qui était accolée à la maison pour qu’elle puisse me rejoindre dès qu’elle serait prête. Je regagnais la partie principale et en profitais pour servir les quelques clients de dernière minute qui attendaient devant et je la vis arriver peu après passant derrière le auvent.
— Choisis tout ce qui te fait plaisir dans les étalages et on va aller se préparer ça !
Des tomates de toutes sortes, des carottes, des concombres et des salades cendrées, le choix était vaste et j’étais fier de lui présenter les produits d’ici.

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- Une famille dysfonctionnelle normale pourtant. Répondis-je simplement en haussant les épaules.

Un beau labrador vint renifler son maître avant de venir récupérer une caresse de mes mains.

- C'était mon meilleur ami... je m'attendais pas à ce qu'il me quitte de suite. J'hochais la tête lorsqu'il parla refuge, et chats, alors que je papoullais la fameuse Dolly.

Je me levais, pour me regarder de la tête aux pieds.

- Je veux bien, mais je te rejoins là bas, je voudrais faire un brin de toilettes, et enfiler des fringues propres...

Il partit et je le regardais faire, jusqu'à tourner sur moi même, pour aller chercher le sac d'eau de pluie, que je posais au dessus de l'entrée. Je tirais un rideau, fabrication maison et me mis en petite culotte simplement, pour me doucher avec le tuyau de cette poche d'eau. Quelques coups de savon plus tard, je passais des sous vêtements propres, un jean à taille haute, et une brassière imprimée fauve. Ma paire de chaussures au pied, j'entrais dans sa boutique, et le regardais sourire à ses clients, être simple et sympathique. Et quand nous fûmes seuls, il m'invita à me servir.

- Ce n'est pas tombée dans l'oreille d'une sourde.

J'observais les étales, et pris quelques tomates ananas, du radis violet, de la salade cendrée, un concombre et quelques champignons. Je revins avec tout ça dans mes bras, et les posais sur son comptoir.

- J'insiste pour payer... Je sortis quelques dollars australien de ma poche arrière et souris de plus bel, trop heureuse de partager un repas aussi spontanée.

Je le suivis en haut, alors que la boutique fût fermée, et découvrais un espace décoré avec goût, assez cosy, pas trop rustique comme on pourrait s'y attendre.

- Tu as vécu ton enfance dans un élevage à Kangourous du coup ? Lui demandais-je en attrapant les tomates, pour l'aider en cuisine.

Il me tendit un couteau, et je m'appliquais pour couper des tranches et des cubes, picorant avec délectation. Je poussais un gémissement de pur contentement en sentant le goût juteux de la tomate dans ma bouche.

- Mon dieu... c'est le pied, elles sont trop bonnes ! Lui dis-je. Pas sûre qu'il en reste pour la salade, je vais avoir du mal à me retenir...

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