wake me up inside, save me, call my name and save me from the dark (eflo)

Cela faisait un moment que la bombe avait explosé dans ton couple. Et tu t’en mordais toujours autant les doigts. Même si Elias et Azriel essayaient de te remonter le moral à l’appartement, t’étais toujours au trente-sixième dessous. Ils avaient élaborer de meilleurs planque pour l’alcool ou la drogue, ils faisaient toujours attention à ce que tu ne retombes pas dans tes démons les plus sombres. Sans eux, tu serais surement entrain d’agoniser sous un pont à cause d’une trop forte dose de cocaïne dans le sang. Mais non, tu étais fort, du moins tu essayais. A la place, tu ne mangeais plus, tu redevenais le Milo pâle et tout frêle d’avant. Celui qu’on prenait pour le drogué qui se pique à l’héroïne, ou le personnage principal dans le film The Machinist.

Tu suivais toujours Effy sur les réseaux sociaux, tu épiais ses moindres faits et gestes. Pourquoi ? Parce qu’elle te manquait. T’étais toujours aussi amoureux d’elle, voir même complètement raide dingue de cette fille. Peut-être trop ? Surement. Tu voulais lui parler. D’autant plus que tu avais entendu dire qu’elle fréquentait Levi de nouveau, et ça ne t’as pas vraiment plu. De ton côté, tu n’avais rien fais depuis cette séparation, tu étais seul et tu comptais être seul puisque tu avais fait cette erreur impardonnable. Tu te flagellé toi-même.

Cette photo t’avait marqué, celle qu’elle avait posté en ce huit décembre. Ce pont, non loin de la falaise où vous vous retrouviez souvent. Tu n’avais pas vraiment réfléchi, mais tu avais pris ton skateboard et ton courage à deux mains pour aller la rejoindre. « Salut Effy, j’ai vu que tu étais là et… non c’est naze putain » marmonnas-tu dans ta barbe alors que tu étais sur le chemin. Les passants te regardaient bizarrement, tu te parlais à toi-même. « Effy, faut qu’on parle… non ça aussi c’est nul » continuas-tu de dire. « Dammit, you suck bro » ajoutas-tu avant de finir par te taire.

Tu arrivais en quelques minutes sur ce fameux pont où tu avais vu la photo qu’elle avait posté, Effy. Et au loin, tu voyais sa silhouette. Ses longs cheveux noirs volants au grès de la brise, recroquevillée sur elle-même, tu la reconnaissais bien. Tu t’approchais doucement, te raclant un peu la gorge et cherchant quoi lui dire. Mais la première chose que tu faisais, c’était t’assoir à côté d’elle. Une fois assis, tu posais ton regard sur l’horizon. « J’pensais pas que tu viendrai ici sans moi » dis-tu simplement. Putain, c’est naze comme phrase de retrouvaille.

@Effy Shepperfield

Elle-même ne savait pas ce qu’elle était venue faire là, si ce n’était retourner un peu plus le couteau dans la plaie, comme pour s’empêcher volontairement de cicatriser. Cet endroit, cette jetée un peu ébranlée par les années qui s’enfonçait dans l’océan, c’était leur refuge et leur toit du monde, à Milo et elle. Ou du moins, ça l’avait été. L’Anglaise avait été prise de cette pulsion subite aujourd’hui, de venir se poster au bord, les jambes dans le vide, les coudes appuyés sur la dernière planche de la rambarde. Elle n’y était plus venue depuis des semaines. Elle n’y était plus venue depuis la dernière fois où elle avait vu le musicien, quand elle s’était fracassé l’âme contre ses mensonges. Depuis, elle avait soigneusement évité son chemin, les fois où il y aurait pu avoir un risque. Mais de manière générale, ça n’avait pas été difficile. Effy avait entrecoupé sont temps entre arpenter d’un regard vide les murs de sa chambre, traîner aux petites heures du matin dans une rave ou l’autre, les veines pleines de substances, ou pousser la porte du Wojna’s de temps à autres, surtout de nuit aussi. C’était pour aller aux bureaux du journal qu’elle faisait attention, enfin, quand elle s’y pointait. Elle n’avait plus mis les pieds au skate park non plus, trop effrayée par l’idée d’apercevoir les contours de sa silhouette. Et puis aujourd’hui, elle était juste venue s’asseoir ici, en bordure de mer. Sur un coup de tête, laissant ses doigts poster une ancienne photo d’eux ici, même si on ne pouvait les reconnaître. Ça pouvait sembler totalement insensé, et ça l’était d’ailleurs, de se faire du mal ainsi, mais Eff’ avait agi en mode automatique, sans réfléchir. Elle ne s’attendait cependant pas, après un certain temps à se laisser anesthésier par le son répétitif des vagues, à entendre une voix s’élever dans son dos. Inutile de chercher loin, quasiment personne ne venait ici à par eux. Et le tressaillement douloureux de son palpitant au son de cette voix, ne laissait aucun doute possible. Il était là. Le souffle coupé, la gorge bloquée, la belle brune avait tourné la tête pour le dévisager, longuement, silencieusement. Déjà parce que la douleur fut si violente qu’elle ne put broncher, le temps d’encaisser. Ensuite parce qu’elle vit immédiatement, dans les traits du garçon, qu’il n’était pas en meilleur état qu’elle. Ses joues s’étaient creusées, ses yeux cernés. Et ce fut un coup supplémentaire à encaisser, de le voir comme ça, même si elle se flagellait déjà mentalement d’éprouver la moindre compassion pour lui. C’était de sa faute, c’était à cause de lui qu’ils en étaient là. « Tu ne m’as pas trop laissé le choix. » rétorqua-t-elle, une fois sortie de sa torpeur, haussant un sourcil circonspect. « Et toi, t’y amènes pas ta nouvelle copine ? » Les yeux à nouveau rivés sur les vagues lointaines, l’attaque claqua dans l’air, avant même qu’elle ne puisse y réfléchir à deux fois. C’était incroyablement mesquin, elle en avait conscience, mais elle n’avait tout simplement pas pu s’en empêcher. Elle avait mal. Toujours aussi mal que trois mois auparavant. Rien n’avait guéri.

Tu te sentais miséreux, clairement. Heureusement qu’il y avait eu les histoires avec Manwë pour te changer les idées parce que tu ne pensais qu’à Effy et Freja. Freja et cet enfant qui allait naître. Effy et le couple que tu avais brisé. Ça en faisait des choses à penser pour un être instable comme toi. Tu étais à la limite de craquer, prêt à dégainer tes armes secrètes même si ton meilleur ami Azriel avait déjà débusqué tes cachettes de secours pour un flash ou un rail. Heureusement qu’il était là, lui aussi. 


Pendant que tu fendais l’air de Bowen sur ton skateboard, tu ressassais toutes tes péripéties avec l’anglaise et surtout comment tu allais pouvoir la récupérer. Si seulement c’était possible… Mais tu allais tout faire pour ça. Tu pensais à toutes les phrases que tu pourrais lui dire, toutes les excuses que tu pouvais lui fournir. « Si seulement ça suffisait » soufflas-tu alors que tu continuais ta route. C’est rapidement que tu arrivais au pont, au bord de la falaise. Cette photo faisait tellement écho en toi. Tu te souviens de ce jour comme si c’était hier. Et tu avais envie de revivre ce moment, de te sentir aimé de la part d’Effy mais aussi que votre couple reprenne de plus belle. Deux âmes déchirées qui se recousent ensemble…

Tu avançais à tâtons, pour ne pas l’effrayer ou quoi que ce soit. C’est gentiment que tu te glissais à ses côté pour lui sortir une phrase un peu naze et bateau. Mais tu ne savais pas quoi dire d’autre. Tu regrettais à la première seconde où tu l’avais dite. Elle te répondait froidement, tout ce que tu méritais à vrai dire. « I deserve that » marmonnas-tu dans ton coin avant de reprendre. « C’est pas ma nouvelle copine » soufflas-tu à son intention, passant une main sur ton front. Tu prenais dans ta poche un paquet de cigarette pour en prendre une et la coincer entre tes lèvres. Un briquet en suivant, tu allumais cette dernière et tu tirais une taffe sur ta clope, sans regarder ton âme soeur, en regardant le vide en face de toi.

Of course you deserve that. ne put-elle s'empêcher de penser, un léger froncement de sourcils venant marquer son expression, alors que le regard qu'elle posait sur Milo s'était durci. C'était difficile, cette balance de l'enfer entre le manque de sa présence, de sa chaleur, de cette bulle de réconfort qu'il représentait pour elle, et la colère sourde qui lui remontait immédiatement en travers de la gorge, allant de peur avec toute la souffrance qu'elle sentait pulser dans son corps. Comme tant de mini-ondes de choc récurrentes, Effy avait chaque fois l'impression qu'à la suivante, elle allait s'effondrer, son cœur se serrant, peut-être pour tenter de tenir ensemble les lambeaux meurtris qui se fanaient jour après jour. Tout comme cette rage violente était peut-être la seule chose qui la faisait encore tenir debout, flamme encore trop alimentée que pour que tout s'éteigne en elle. C'est pas ma nouvelle copine, qu'il disait. Dégoûtée, la brunette ne savait même pas quoi répondre, fronçant le nez alors qu'elle reportait elle aussi, son regard sur l'océan, élément en paix qui tranchait furieusement avec l'ambiance qui s'installait entre les deux âmes délabrées. « Yeah, whatever. » articula à peine la belle Anglaise, à un volume à peine audible. C'était horrible, comme position. Elle avait envie de s'effondrer en pleurs dans ses bras. De venir chercher le naufrage dans les effluves de son bourreau. Et à la fois, elle avait juste envie de lui cracher au visage. De lui faire mal, comme il lui avait fait mal à elle.

Tu méritais toute cette haine de la part de la britannique. Mais tu voulais te racheter, tu voulais recoller les morceaux et t’excuser du mal que tu as pu lui causer. Ça allait être dur d’entreprendre ce chemin et surtout de montrer que tu es sincère, et ça n’allait peut-être pas marcher. Mais tu voulais lui prouver ton amour, que tu étais raide dingue d’elle et que tu étais capable de tout pour la récupérer. T’étais même capable de prendre un rail, boire un verre, t’agenouiller, tout ce qui était possible. Tu te doutais que ses sentiments envers toi étaient partagés. Mais tu savais aussi qu’elle était partie se consoler dans les bras de quelqu’un d’autre récemment. « J’suis étonné que toi, tu sois pas là avec Levi » soufflas-tu en crachant la fumée de ta cigarette en face de toi. C’était mesquin et vil, mais tout de suite, c’est tout ce qui te venait à l’esprit. T’avais pas envie de toi aussi être ce genre de gars qui se fait passer par la victime, tu voulais juste lui montrer que ça t’avais blessé. Elle devait surement le savoir, que ça te blesserait si tu le savais. Tu l’avais appris, ça parle beaucoup à Bowen faut dire. Et quand tu avais su ça, ton coeur s’était encore plus brisé qu’il ne l’était sans elle.

Retrouvant un peu d’apaisement dans le son des vagues, celles-ci, guère perturbées par tous ces déboires humains, Effy s’affaira à rouler une clope, comme concentrée sur autre chose le temps que l’orage passe. Mais la tempête n’en avait pas fini de les malmener. Malgré le temps qu’ils avaient laissé couler le long de leurs écorchures émotionnelles, le ciel tremblait encore dans leurs esprits, à la fois liés et si éloignés. Le mal fait par Milo semblait irréparable aux yeux de la brune. Elle restait pourtant bien incapable de résister à l’appel de sa présence, maintenant qu’il était là. Elle aurait pu se lever, partir, continuer à l’éviter. Mais son être l’appelait, son âme brisée ne semblait pas déterminée à le laisser s’échapper. Elle ne faisait que se taillader volontairement le cœur, en restant là, à se toiser tous les deux de mots durs et accusateurs, qui ne faisaient pourtant révéler leurs plaies à vif. Effy avait attaqué en premier, instinctivement, sournoisement. Elle aurait donc dû se préparer au retour de bâton, mais elle sentit son pouls dérailler quand le musicien mentionna Levi. Elle resta interdite un moment, prise au dépourvu. Elle avait maintenu les mentions de Milo au minimum avec l’Anglais, déjà parce que ça ne faisait que lacérer son myocarde un millimètre à la fois, et que la torture qu’elle s’infligeait ce faisant, éclaboussait aussi Levi au passage. Elle n’avait donc aucune idée de comment Milo était au courant, ni même de l’étendue de ses informations, mais elle n’avait aucune intention de nier. Surtout en sachant qu’il était mal placé pour lui faire des reproches, de toute manière. « Why would you say that ? » rétorqua-t-elle, l’expression impénétrable malgré la légère tension de ses muscles, qu’elle masqua derrière une bouffée de cigarette dédaigneuse.

Cet endroit était vraiment calme et apaisant. C’est pas pour rien que c’était votre endroit, que vous vous retrouviez souvent tous les deux ici. La tempête des vagues, le souffle du vent sur la peau, et le bruit de l’océan qui fait du bien aux oreilles. Depuis la rupture, tu n’avais pas foutu un pieds ici, parce que tu ne te voyais pas y aller sans elle. Mais aujourd’hui, elle était là. Et tu voulais lui parler. Tu ne pouvais pas faire la sourde oreille plus longtemps, tu te devais de parler et de te confier à elle. Il fallait surtout que tu lui dise ce que tu avais sur le coeur, que tu l’aimais toujours, que tu étais misérable sans elle mais aussi… que tu savais ce qu’il s’était passé avec Levi. T’es pas idiot, et tu as entendu des choses. Tu voulais juste une confirmation. « Parce que je sais que tu as passé du temps avec lui… » dis-tu en tirant une latte sur ta cigarette. Tu soufflais la fumée dans le vent, et tu ne te retournais pas vers elle. Tu savais qu’elle allait te faire du mal. Mais tu avais fait du mal en premier, c’était ta faute si tout ça se passait ainsi. Freja est enceinte, tu vas devenir papa, il y a tellement de choses qui se bousculent dans ton esprit. Mais une chose est sûr, c’est que tu veux que tout redevienne comme avant avec l’anglaise, même si ça prend du temps.

C'était probablement une des pires sensations qui soit, de le savoir si près et si distant à la fois. Elle aurait voulu lui prendre la main, mais dans le même temps, leurs échanges les emmenaient déjà bien loin de là, piquant Effy au vif. « Très bien, dans ce cas, raconte-moi ce qu'il se passe entre Levi et moi, vu que tu sembles si bien le savoir ? » rétorqua la jeune Anglaise d'un ton qui ne supporterait rien de moins que de l'honnêteté. C'était un nouveau revers mesquin, qu'elle semblait totalement assumer, mais à l'intérieur, son myocarde saignait. La présence de Milo brouillait tout ses sens, chamboulait ses pensées jusqu'au plus profond de son âme, et elle ne parvenait à maintenir son cap que par des réponses acides et des questions traîtres. Elle posa, dans ce même temps, enfin ses yeux d'un bleu intense, sans appel, sur le musicien, attendant sa réponse, comme une digue parant toutes les vagues, alors qu'au fond d'elle l'effondrement était tout proche. Tout ce qu'il lui restait, c'était ce regard accusateur et cette fausse confiance qu'elle affichait.

C’était dur, tu te sentais mal. T’avais envie de hurler à quel point tu l’aimais, à quel point tu voulais te faire pardonner. Mais faire un enfant dans le dos de quelqu’un, c’est quelque chose d’impardonnable et tu le savais. « J’ai cru comprendre que vous passiez pas mal de temps ensemble, like old times » dis-tu simplement en crachant la fumée de ta cigarette. Tu levais les yeux au ciel comme si ça allait t’aider à continuer de lui parler mais non. Au contraire, tu étais encore plus perdu, tu étais encore plus paumé dans ce que tu devais dire pour la récupérer mais aussi pour garder cette relation avec Freja et ton futur enfant. Quelle idée de se partager comme ça ? C’est pas comme si tu avais déjà assez de problèmes à gérer ta sobriété, il fallait que tu te rajoutes des difficultés. Là, tu ne voulais qu’une chose, rester là avec elle à t’enfiler une bouteille de bourbon ou fumer un pétard pour avoir ce sentiment de légèreté, celui qui fait que tu te sens tranquille, sans soucis et que tu peux vivre paisiblement. Mais non, tu devais affronter tes soucis sobre, sans une touche d’artifice. Et ça, c’était le plus dur, puisque tu t’enfonçais toujours dans des merdes les plus compliquées les unes après les autres.

Il savait, donc. Elle pouvait entendre la peine et l'exaspération dans son ton, du reproche, qu'il tentait vainement de masquer. Elle n’allait pas creuser plus loin pour connaître l’étendue des informations détenues par le garçon. Peu importe ce qu’il savait exactement, elle n’était pas du genre à nier ou à mentir. Pas sur ces choses-là, en tout cas. Un ouragan d’émotions venait déjà faire trembler son être, maintenant que les langues se déliaient. Si l’idée que les sentiments de Milo avaient pu être blessés par cette nouvelle, lui arracha de prime abord un pincement au cœur et un sentiment de culpabilité au goût de cendres, ça lui passa bien vite. Tout fut balayé par une colère sourde, qui prenait la forme d’une tornade à mesure que les secondes passaient, amplifiant sa force destructrice. « Are you fucking kidding me ? » le prit-elle d’assaut. Ça partait mal. La jolie brune pouvait sentir ses muscles se tendre, sa mâchoire se crisper alors qu’elle tentait désespérément de garder sa haine enfouie au fond d’elle. La cigarette se consumant entre ses doigts ne pouvait même plus faire diversion, il fallait qu’elle sorte ce qui l’empoisonnait depuis des semaines maintenant. « Tu me trompes, tu me mens et tu me l'annonces juste parce que t'as mis la fille enceinte, parce qu'en plus se protéger aurait été trop demandé, mais t'as le fucking culot de me clouer au pilori pour Levi ? » siffla-t-elle, appuyant bien sur la dernière partie, ses yeux azur durement plantés dans ceux du garçon, le foudroyant du regard. Elle était presque à bout de souffle, elle de nature taciturne, elle qui parlait rarement pour ne rien dire. Elle qui préférait envoyer tout péter avec un seul doigt d'honneur comme réponse, plutôt que de s'époumoner dans sa souffrance. Mais là, elle s'emportait, réellement, comme elle le faisait rarement. Agressive, vindicative même. Elle voulait lui faire du mal. Et ça la rendait malade de savoir que peu importe comment elle s’y prendrait, elle ne parviendrait pas à lui faire autant de mal que ce qu’il lui avait causé à elle. L'Anglaise savait qu'elle n'avait pas toujours été facile à vivre, qu'elle avait sa part de torts, une grande part même, dans son lien avec Milo. Elle l'avait blessé aussi auparavant. Mais pas comme ça. Pas d'une façon aussi cruelle et irréversible.

T’avais lâché la bombe. T’avais enfin dit à Effy que tu étais au courant pour son aventure avec Levi. Du moins, tu l’avais sous-entendu. Et tu savais très bien comment ça allait finir. C’était toi qui avait commencé ça, c’était ta faute si vous en étiez là tous les deux. Alors tu n’avais qu’à t’en mordre les doigts. Tu le savais dans le ton de sa voix accusateur. Elle avait raison après tout, tu n’avais rien à dire. Vous n’étiez plus ensemble, tu avais tout fait pour. Mais ça te faisait mal, comme elle avait du avoir mal quand tu lui avais dit pour ton aventure avec Freja, pour cet enfant qui est né de votre nuit tous les deux. C’était même difficile pour toi, d’encaisser ça. Et tu pouvais même pas blâmer l’alcool puisque tu étais encore sobre. « J’énonce juste des faits, Effy ! J’ai rien dis d’autre » dis-tu en haussant le ton de ta voix tout comme elle. En effet, t’avais pas dis ça d’un ton accusateur, t’avais juste dit que tu étais au courant, c’est tout. Même si tu étais brisé de savoir ça, tu n’avais rien dis de plus. Mais sa réaction était plus que normale, tu savais de toute façon qu’elle allait réagir ainsi et tu n’avais rien à redire. Alors tu sortais une énième cigarette de ton paquet pour l’allumer. Comme si elle allait te soulager, t’aider à réfléchir et à parler avec Effy.

« Juste des faits. » répéta-t-elle un ton plus bas, mais on sentait l’acidité de sa rage derrière ce ton qui n’était calme qu’en apparence. Il se foutait d’elle ? Tout ça n’était donc que juste des faits pour lui, sa trahison, le fait qu’il allait être père, avec une autre femme ? La hargne pulsait sous chaque centimètre carré de sa peau, elle ne comptait pas s’arrêter là. « Tu veux savoir pourquoi j’ai revu Levi ? Peut-être parce qu’en plus de ne jamais m’avoir trompé, il accepte tout ce que je suis, en entier. » rétorqua froidement la brunette. Elle était dure, trop dure, et elle franchissait une ligne de plus à chaque phrase. Consciente qu’envoyer de tels coups de poignard ne les aidait en rien, elle prit une inspiration pour tenter de contenir l’hostilité qui grandissait depuis ses entrailles, ravalant le venin qui lui brûlait les lèvres. Elle traçait déloyalement les contours d’une compétition entre les deux seuls hommes qui avaient le pouvoir de faire trembler son âme jusque dans ses fondations, alors qu’il n’en était rien. La question n’était pas là. « Un jour on a été partenaires, Milo. Et je sais pas pourquoi, quelque part à un moment dans cette histoire, j'suis devenue ton fucking projet humanitaire. » cracha-t-elle sans vergogne. Elle le détestait à ce moment, parce qu'elle se rendait compte que ce qu'elle venait d’énoncer était vrai. Et qu'elle le percevait dans les fibres de son être depuis un long moment, mais que dans sa quête pour trouver un équilibre et accepter le bonheur, elle avait fermé les yeux sur cette intuition. Les larmes venaient border le coin de ses yeux de ce bleu incomparable, alors qu'elle se rendait pleinement compte de cette réalité. La haine et la peine se mélangeaient dans son cœur. Tout à coup, elle eut l'impression d'avoir perdu sa relation de complicité inébranlable avec Milo depuis longtemps. Que le jour où cette amitié où l'un ne rattrapait jamais l'autre, où ils se tiraient allègrement vers le bas dans leurs meilleurs vices, avait pris fin pour finalement se transformer en autre chose, quelque chose de pourtant beau, précieux et fort, ils avaient définitivement perdu cette connexion. Parce que Milo ne la voyait plus comme sa partenaire, mais comme une personne à sauver. Que ce qui les avait un jour rapproché de toutes les façons possibles, était devenu ce qui creusait un fossé grandissant entre eux. Les larmes débordèrent, même si aucun son ne sortait de sa bouche. Il ne l'acceptait pas comme elle était. Pas vraiment. Il voyait en elle un oiseau fragile aux ailes brisées, qu'il fallait réparer mais ne surtout pas encourager à voler trop haut. La garder dans un périmètre de sécurité, docile, rassurante. Mais Effy n'était ni un oiseau, ni brisée. Ça aussi, il lui avait fallu du temps pour s'en rendre compte. Sa brève cure et son travail avec Jolene l'y avaient amenée, doucement, à petits pas. Effy n'était pas brisée. Elle était ce qu'elle était, sans honte ni regrets. Libre et insaisissable, un chat sauvage qui allait où bon lui semblait. Elle n'était pas que ténèbres. Elle était un équilibre entre ses démons, sa soif d'évasion et sa lumière. Elle pouvait sauter d'une phase à l'autre, comme un chat de toit en toit. Mais avant tout, elle devait accepter que ce qu'elle était, était amplement suffisant. C'était un travail de longue haleine, mais elle y parvenait. Ce n'était pas le cas de celui qui lui faisait face. Savoir que le garçon, autrefois son meilleur ami, ne la voyait plus comme ça depuis belle lurette, creusait des sillons sanguinolents dans son cœur.

Tu savais comment ça allait se passer, même si tu n’avais pas envie que ça se passe ainsi. C’est pour ça que tu avais lâcher la bombe Levi. Alors elle s’énervait, la britannique mais toi aussi tu bouillonnais. Alors tu ne disais rien, tu la laissais parler pendant que tu tirais sur ta clope nerveusement, que tu tapais tes doigts contre ta cuisse en attendant qu’elle ai terminée de parler. Parce que oui, tu voulais qu’elle devienne la meilleure version d’elle même sans toutes ces drogues parce que tu ne pouvais plus te contenir, parce que toi aussi tu voulais replonger et égoïstement, c’était pour ça que tu le faisais. Alors tu te levais, une fois qu’elle avait fini et c’était à ton tour d’exploser. « Tu sais quoi ? J’en ai marre. J’ai voulu t’aider, j’ai voulu te sauver mais bordel tu veux même pas qu’on t’aide à faire quoi que ce soit. J’ai fais ça parce qu’avec toi j’ai envie de replonger, j’ai envie de reprendre quoi que ce soit et ça t’y a jamais pensé » dis-tu en levant un peu la voix. Tu tirais une dernière latte sur ta cigarette avant de la jeter par terre et de l’écraser. « T’es pas un projet humanitaire, c’est juste que tu comprends pas que moi, j’peux plus suivre ta cadence. J’ai failli en crever, Eff, j’ai failli en crever deux fois. Une fois en attentant à mes jours et une fois à cause d’une overdose mais ça je crois que t’as pas compris à quel point ça m’avait affecté parce que j’ai l’impression que tu t’en fou complètement » continuas-tu de dire sur le même ton. Les larmes te montaient aux yeux, t’avais pas été aussi honnête depuis un moment. Mais tu te devais de l’être, t’avais besoin toi aussi de vider ton sac. « Alors t’sais quoi, j’voulais rattraper les choses, faire tout pour m’excuser mais j’en ai assez de penser à toi avant de penser à moi. Maintenant c’est fini, j’en peux plus, j’suis à bout » dis-tu avec les larmes aux yeux. Tu pleurais sans le sentir, les larmes coulaient toutes seules le long de tes joues.

Il avait sans doute raison de s’emporter ainsi, après tout, elle ne faisait rien pour l’épargner. Et lui aussi, avait des vérités à énoncer. Celles que la belle brune avait vu venir à des kilomètres, mais avait toujours nié, les reléguant à un vieux bouquin oublié dans un coin. Elle garda le silence alors qu’il se levait, crachant ce qu’il avait sur le cœur, encaissant ce qu’il avait toujours eu besoin de lui dire, et qu’il assumait enfin. Il avait raison, elle le savait, au fond. Non, elle ne s’en fichait pas, mais il était évident que chacun d’eux avait de la rancœur plus que légitime l’un envers l’autre, bien qu’ils aient toujours évité de l’exprimer. Elle avait toujours voulu ce qu’il y avait de mieux pour Milo, c’était pourquoi elle s’était volatilisée à de multiples reprises. Mais à la fois, pouvait-elle nier qu’elle espérait de lui qu’il redevienne comme avant, quand ils n’étaient que de stupides adolescents ? Non. Elle voulait lui offrir cette vie saine et normale sur laquelle il travaillait, mais elle s’en pensait bien incapable, et peut-être qu’elle se blâmait même pour ça. Elle se détestait de le tirer vers le bas, de cette façon qu’il venait si bien de décrire. Et elle le détestait lui à la fois, de s’éloigner d’elle, de ne plus la suivre dans tout ce qu’elle était. Mais c’était vrai. Elle était égoïste. Elle pensait à se sauver avant quiconque d’autre. Et à la fois, elle saignait tellement sans dire un mot, pour toutes ces personnes qu’elle tenait si proche de son âme. Les mots de Milo étaient des couteaux lancés vers ses côtes, qu’elle encaissait tant bien que mal, acceptant la part de vrai, acceptant la part d’elle qui les reniait aussi. Cet équilibre totalement instable n’aurait jamais pu durer de toute façon. « Très bien. Te tirer vers le bas est donc une raison suffisante pour aller faire un enfant avec une autre dans mon dos. » assena-t-elle, de cette voix calme qu’elle savait prendre, mais qui ne leurrait personne. Le dédain et l’ironie dans son ton étaient plus que perceptibles. Et tout à coup, elle eut cette image d'eux deux en train de se déchirer, toute trace de leur complicité de toujours, envolée. Plus de confiance, plus de larmes. Les derniers mots du musicien confirmèrent ce qu'elle avait toujours craint. la percutèrent de plein fouet. Juste de la hargne venimeuse, des langues prêtes au combat. Et ça la frappa. Elle allait le perdre. À la fraction de seconde où elle réalisa cette possibilité, elle sentit cette douleur lancinante percer ses entrailles. Celle qu'elle avait déjà ressentie quand il lui avait tout avoué, celle qu'elle avait bloquée puis distillée pour la subir en continu mais à petites doses, plutôt que tout à la fois. Là, elle la subissait dans son entièreté, mais en trois fois pire. Elle avait tellement de colère et de rancœur en elle, d'autant qu'elle voulait hurler à l'injustice. Mais la possibilité de perdre Milo imposa un retour au calme instantané, et souffrant, sanguinolent. Cette idée lui était insupportable. Arrêtée net, elle avait l'impression qu'on lui pelait le cœur morceau par morceau et qu'on lui brûlait les entrailles à la fois, la laissant mentalement par terre, plus vulnérable et abattue que jamais. Elle ne pouvait pas perdre Milo. C'était inimaginable.

T’étais hors de toi. Là, ce qu’il te fallait c’est un verre et un pétard mais c’était plus possible maintenant. Alors tu manageais ta colère comme tu le pouvais. T’essayais de lui faire comprendre que c’était de trop, que tu ne pouvais plus vivre comme ça. Mais elle te rebalançait l’histoire avec Freja dans la tronche. Ok, tu le mérites, évidemment. Mais tu ne sais pas combien de fois tu vas devoir lui expliquer que c’était une erreur. « Laisses-le en dehors de ça » soufflas-tu d’un ton sec. T’avais eu un fils, oui un fils. Pour un enfant, avoir un enfant c’est pas anodin. Mais il restait avec sa mère, tu n’étais pas en état de t’occuper de lui. T’avais trop de problèmes dans ta vie, notamment des problèmes avec Effy que tu n’arrivais pas à gérer. « Je sais pas combien de fois je dois te le dire mais je vais me répéter » dis-tu en levant les yeux au ciel. T’étais excédé mais tu ne pouvais rien dire, elle avait raison, tu n’avais pas à faire ça. « Je t’aime, de tout mon coeur, je suis désolé d’avoir couché avec Freja, je mérite la mort, je mérite le pire je le sais » soufflas-tu en baissant les yeux ensuite. Tu connaissais ta sentence, c’était de ne plus être avec l’anglaise et ça te brisait le coeur. Mais tu voulais quand même lui faire comprendre à quel point tu étais désolé, à quel point c’était tout aussi dur pour toi. Mais peu importe, elle ne veut rien entendre. « J’ai compris, j’te laisse vivre tranquille, t’aura plus à te soucier de moi » dis-tu en te levant et en attrapant ton skateboard.