GDPC - La vie est douce, la pente est raide et parfois glissante

15h30. Dans l'jardin botanique de notre quartier, on traîne. Toujours entouré de mes deux acolytes préférés (comment ça c'est ringard de dire "acolytes"?), j'me sens intouchable. J'sais pas pourquoi, quand je suis avec Elmo et Backham, j'ai l'impression que rien ne peut m'atteindre. J'suis au dessus de tout, j'oublie que j'fais partie d'une ville et que je dois me conduire en tant que citoyen responsable. Ca ne fait pas partie de notre vocabulaire. Déjà qu'individuellement, on est pas des saints, ensemble, c'est catastrophique. Alors on est là, posé dans l'herbe, alors qu'un immense écriteau annonce en lettre rouge "pelouse interdite". On l'a tous vu bien sûr, mais très sincèrement, on s'en tamponne le coquillart. Qu'est ce qu'on va nous faire? Nous mettre en prison parce qu'on est juste assis tranquille? J'crois pas non! (oui on dirait un adolescent de 15 ans et alors?) J'ai laissé au vestiaire mes principes et mon entendement, j'suis juste avec mes potes et j'veux qu'on me foute la paix. Laissez nous vivre bordel! J'ai rapporté une enceinte et on diffuse d'la musique, une bière à la main et on parle fort. Comme si on était seul au monde, comme si les familles qui viennent se balader ici était sur notre territoire. C'est dégueulasse vu de l'extérieur mais l'image qu'on renvoie et ce qu'on pense de nous, on s'en contre-fou. Le Gang des Petits Cons, c'est comme ça qu'on nous appelle dans notre entourage et bizarrement, quand on est ensemble, personne d'autre veut se joindre à nous. Comme si on leur foutait la honte. Tant pis. J'suis trop bien avec eux, on s'marre. J'm'allume une clope, le sourire aux lèvres, j'balance à mes deux potes: "bon alors, soyons sérieux deux secondes, est-ce que ça craint si j'ai bientôt trente-ans et que j'sois encore dans ... cet état?" J'me marre, les trois bières qu'on s'est déjà enfilées commence un peu à embrumer mon esprit, j'suis pas prêt de m'arrêter. J'adore cette sensation.

Le seul du trio ne fumant pas la cigarette, Elmo balayait la fumée de sa main, à chaque fois que Beck ou Elijah envoyait ça vers lui. Il n’aurait pas refusé un petit joint, cela dit, mais il n’en avait pas amené. Il ne savait pas trop à quoi il avait pensé, d’ailleurs, en n’apportant aucune provision du genre. C’aurait été de mise, avec cette petite bière, les jambes allongées dans l’herbe interdite - la pelouse, pas le cannabis, rappelons qu’il n’en avait pas amené et même s’il en avait, ça n’aurait pas été en quantité suffisante pour se rouler dedans. Il ne roulait pas sur l’or, Elmo, déjà il avait volontiers laissé Elijah leur payer la traite avec la bière, même si son pote ne faisait pas plus d’argent que lui. Il était en train d’avaler une gorgée du liquide froid et gazéifié quand l’aîné du trio sembla remettre en question sa personne. « Damn trente ans, j’oublie toujours que t’es vraiment un vieux croûton. » Sans répondre davantage à la question de son côté, l’italien écouta plutôt Beckham répondre, acquiesçant d’hochements de tête à chaque phrase prononcée, sauf, bien sûr, quand il mentionna que trente ans c’était encore jeune. Il rit, plutôt, arrêtant sèchement lorsque Beck lui jeta un regard en affirmant qu’il était sans doute d’accord avec. « Comme j’ai déjà établi, perso’ j’trouve que trente ans c’est plus si jeune, on va bientôt devoir t’aider à te relever quand on viendra chiller ici. » C’était surtout un reflet des peurs d’Elmo lui-même, qui n’avait franchement pas envie de passer le cap de la trentaine en n’ayant absolument rien accompli de sa vie. Il aurait tellement voulu que son groupe de musique, Monkey Squad, aille plus loin. Mais Milo, Manny et Aura avaient leur carrière, à côté, pour eux c’était qu’un passe-temps. Y’avait qu’Elmo qui aurait réellement eu besoin du fame pour s’aider dans la vie. « Mais clairement, t’es bien mieux comme t’es là que les autres trentenaires en veston-cravate qui s’font chier au travail à stresser pour tout, et qui reviennent à la maison pour continuer à stresser pour la maison, pour les enfants, pour … all of it. » Il secoua la tête de gauche à droite, le regard perdu vers ces jeunes mamans ou ces jeunes papas, justement, qui poussaient leur poussette en déambulant dans le jardin botanique.

J'avais l'impression d'être le papi du gang. Elmo et Beck possédaient une jeunesse qui m'avait échappé. Je ne saurais pas trop dire à partir de quand j'avais commencé à me poser des questions, peut-être était-ce la paternité de Perry et celle de mon grand frère qui m'avait rappelé à ma condition. J'avais trente ans et je n'avais rien construit. Cela dit, je n'avais pas spécialement envie de construire quoi que ce soit, j'étais bien là, à fumer des clopes affalé dans l'herbe, sans avoir l'angoisse de mon travail, du crédit de la maison à rembourser et des enfants à élever. J'me demandais bien si j'allais resté ainsi jusqu'à ma mort. Est-ce que je viendrais encore à 70 ans ici? Ca serait trop cool. Beck ne tarda pas à répliquer des mots qui faisaient du bien à l'esprit. Il avait raison bordel, j'étais tellement mieux là, sans me prendre la tête. Hors de question de devenir un zombie ou encore pire, un ringard. Les mots de Beckham résonnait dans ma tête tandis que Elmo prit la parole. Pour lui, trente ans, c'était pas si jeune. Je souriais à ses mots. "Salaud va! T'peux être sûr que j'te louperais pas le jour de tes trente ans!". Il avait un avantage sur moi, je serais toujours le plus vieux. Mais je préférais en sourire, ils avaient raison, et c'était pas mes potes pour rien. Ils n'essayaient pas d'me faire culpabiliser. Et en vrai, je n'aurais voulu être nul part ailleurs qu'ici. "Vous avez raison les gars, qu'est ce que j'prends la tête. Ca sert à rien." J'buvais un coup de bière et continuais malgré tout à réfléchir. "Vous vous voyez où dans dix ans?" Ouais, j'étais en mode question existentielle, la crise de le trentaine sûrement. Tandis qu'on continuait à discuter, un couple d'une cinquantaine d'année, qui n'avaient très probablement rien de mieux à faire que de venir faire chier la jeunesse nous interpella. "Hé, vous savez pas lire? La pelouse est interdite. Bougez vous de là!" J'restais interloqué, le sourire aux lèvres. Pour qui il se prenait lui ? Pas bagarreur pour deux sous, je n'aimais cependant pas qu'on vienne troubler ma quiétude.

N’en manquant jamais une, à la réplique d’Elijah sur les trente ans de l’italien, Elmo répondit : « T’es sûr que tu me louperas pas ? Tu risques d’être mort de vieillesse quand j’arriverai là ! » Il continua à rire tel le gamin immature qu’il était, un doigt sous son nez plissé, avant de prendre une gorgée de bière qui lui força un semblant de sérieux. Lui aussi manqua de s’étouffer, comme Beckham, à la question d’Elijah. Où est-ce qu’il se voyait, dans dix ans ? Damn, il avait l’impression que la réponse à cette question changeait à toutes les semaines, dans son cas. Avant, il s’imaginait bosser à l’hôpital comme infirmier, et draguer toutes les infirmières de la place. Maintenant qu’il avait lâché les études, il s’était pendant un temps imaginé devenir une rockstar, le futur nouveau best drummer of all time. Mais puisque Monkey Squad ne prenait pas son envol, pas plus loin que Bowen en tout cas, il s’était dit que c’était juste un rêve, plutôt inaccessible. Il y avait aussi eu son histoire d’amour avec Bella et il s’était surpris à s’imaginer la marier, lui faire des enfants, la grosse affaire qu’il fuyait, maintenant. Elle était partie, après tout. Et maintenant, dix ans, ça lui semblait si loin et si près à la fois. Ça le faisait un peu flipper parce que des plans de vie, il n’en avait plus vraiment. Beckham répondit le premier, logiquement, vu tout le temps de réflexion d’Elmo. « Pareil … Et pis avant j’faisais des plans pour le futur et ils ont toujours fini par foirer, alors … J’préfère ne plus être déçu. Ne plus me mettre de pression. J’serai là où j’serai, dans dix ans, c’est tout. » C’est alors qu’une voix de personne âgée s’éleva jusqu’au trio. Ils tournèrent tous la tête vers le couple d’une cinquantaine d’années. Vif d’esprit, Beckham fit semblant de s’être échappé d’un centre psychiatrique ou un truc du genre. Elmo embarqua dans la blague en posant ses deux mains contre sa tête. « Oh non, oh non, oh non. On est perdus ! » Elmo se tourna vers Elijah et agrippa ses bras. « TU NOUS AS KIDNAPPÉS LARRY ! POURQUOI TU NOUS AS FAIT ÇA ? » Cria-t-il.

Je rigole à la réplique d'Elmo et j'lui envoie un joli doigt d'honneur accompagné d'un large sourire. Nan mais oh! Un peu de respect pour les anciens! C'est vrai que j'suis le vieux de la bande, mais à nous voir de l'extérieur, on fait gamins, il n'y a pas à dire. J'aimais bien poser des questions existentielles auxquelles personne n'avait la réponse. Dans dix ans. Autant dire que j'ai le temps de mourir dix fois. Les réponses d'mes deux potes confirment mes pensées. Impossible de savoir. Déjà que le futur est quelque chose d'impalpable, pour nous trois, petits cons impétueux, l'avenir est encore plus indécis. Je souris. Alors que j'allais entamé une tentative de réponse sûrement pour ne rien dire de plus que Beck et Elmo, un vieux et sa femme nous interpèlent. La pelouse est interdite. Bah oui, bien sûr qu'on le sait. Et non, on ne va certainement pas bouger de là. Beck a une idée de génie. Il feint la folie, il aurait pu être acteur bordel! Je ravale un fou rire, j'ose même pas le regarder dans les yeux. J'suis à deux doigts d'exploser et Elmo en rajoute une couche. J'enfouie mon visage dans mon hoodie pour rigoler discrètement. Puis, je ravale ma salive et j'redeviens sérieux. J'peux pas laisser mes potes dans la panade. Alors j'regarde les deux vieux et je joue la comédie. "Eh bah voilà, vous êtes contents? Vous les avez troublé pour la journée là! J'ai décidé de sortir mes deux amis de l'hôpital pour l'après-midi, on passait un bon moment et maintenant il va me falloir des heures pour les récupérer! J'vous félicite pas!" J'me tourne vers Elmo et Beck et j'leur prend les mains. J'leur parle lentement, posément mais suffisamment fort pour que les deux inconnus m'entendent. "Tout va bien, on est au parc, vous savez, pour la journée. On va bientôt rentrer et Meredith vous donnera vos cachets, d'accord?" J'retourne mon regard vers les vieux. "Cassez vous avant qu'ils deviennent violents!" J'étouffe un rire. Bordel, qu'est ce qu'il faut pas faire pour avoir la paix!

À son tour le rire d’Elmo redoubla d’ardeur quand il vit le doigt d’honneur que lui lançait fièrement Elijah. Ce dernier devait bien savoir qu’il se moquait juste de lui, même s’il était vrai que l’italien pensait que la trentaine, c’était assez vieux. Il aurait voulu demeurer dans la vingtaine éternellement. Heureusement, il lui restait encore quelques années devant lui avant de devoir passer ce cap qui le ferait sans doute culpabiliser, lui aussi, sur son avancement dans la vie. C’est un peu pour ça qu’Elmo avait décidé de ne plus faire de plans dans la vie, comme il l’affirmait à ses deux amis. Il finissait toujours par merder, par se mettre en échec, par dévier de la trajectoire. Il ne voulait pas être déçu, dans dix ans, alors la meilleure façon d’éviter ce sentiment, c’était de ne rien prévoir. N’avoir aucune attente, ni envers la vie ni envers lui-même. Surtout pas envers lui-même. Beck et Elijah n’eurent pas le temps de surenchérir puisqu’un couple de vieux décida de ne pas se mêler de leurs affaires en se prenant pour la police de la pelouse. C’est Beckham qui lança cette scène complètement débile, et le barista s’en donna à coeur joie dans ce nouveau rôle qu’on venait de lui offrir sans prévenir. Il se retint pour ne pas rire, en voyant Elijah se marrer dans son hoodie et en entendant les conneries que lançait Beckham. À son tour, Elijah rentra dans son rôle d’intervenant ou whatever ce qu’il était supposé être pour eux deux, pauvres fous. Son ami leur prit la main et il avait beau essayer de le regarder dans les yeux en l’écoutant les rassurer, c’était im-po-ssible de garder son sérieux. Il s’esclaffa sans même s’en cacher, entraînant une réaction des deux personnes âgées, qui secouèrent la tête. « Viens, Jeannette, ces gamins ne sont pas biens. » Ils s’éloignèrent sous les cris d’Elijah qui leur disait de se casser avant que ses amis ne deviennent violents. Elmo se permit de rire un peu plus franchement. « Non mais sérieusement ! Ils faisaient quoi eux quand ils étaient jeunes, ils lisaient tranquillos du William Shakespeare à la bibliothèque en se tenant la main ? » Il s’allongea de nouveau dans l’herbe, les mains en-dessous de la tête, pendant que Beckham roulait un joint qu’il comptait bien lui subtiliser un moment. « Absolument. Et comme ça s’ils repassent par ici, ça va les achever. » Il esquissa un sourire. Ce n’était pas très gentil comme pensée mais bon. Ils n’avaient pas été particulièrement gentils non plus.

J'ai envie de chialer de rire en voyant mes deux potes faire les débiles. D'ailleurs j'suis à deux doigts de craquer. Bien sûr que les deux vieux nous ont capté. C'est pas crédible. Mais on est suffisamment gênant pour qu'ils finissent pas décamper. Ils pourront jamais gagner contre la jeunesse et l'insouciance... et la connerie aussi. Avec Beck & Elmo, j'me sens invincible, au dessus des lois. Une fois le couple de râleurs partis, Beck sort du matos très intéressant. J'me rassois dans l'herbe, presque allongé, me tenant sur les coudes, j'regarde Beck allumer le joint tandis que Elmo imagine les deux vieux plus jeunes. J'fais genre de vomir, le sourire aux lèvres. "Putain l'angoisse. Et quelle vie d'merde pour avoir envie de faire chier les autres." Je soupir puis on passe au joint. La partie la plus intéressante de l'après-midi. C'était pas forcément prévu mais il n'était pas rare qu'on s'envoie une petite dose de fumette de temps en temps. Ca détend et c'est très bon pour la santé parait-il. "Ils devraient en fumer aussi eux, ça les détendrait." J'attends sagement mon tour pour tirer sur le joint tandis que l'odeur agréable de la weed se répand autour de nous. "Bon, vous avez ken de la zouz récemment?!" J'me marre à ma propre intervention, Elmo et Beck savent parfaitement que c'est pas du tout mon genre de faire ce genre de choses. C'est de l'autodérision et puis aussi histoire de savoir où en sont mes potes. Bah quoi, ça m'intéresse de savoir qui couche avec qui!

Tous les trois avaient repris leurs positions et leurs aises, nullement impactés par l’intervention des deux personnes âgées. Ils n’allaient quand même pas obéir à deux touristes offensés pour un rien. Elmo et Elijah s’étaient tous les deux étendus de nouveau sur la pelouse pendant que Beckham leur proposait un joint qu’il s’empressa d’allumer et de fumer. « Va leur en proposer, tiens. » Suggéra le barista à Elijah, ce dernier se disant que le vieux couple devrait en fumer aussi pour se détendre. Il sourit rien qu’à s’imaginer leurs airs effarés, à la suite de cette proposition inconvenante. Beckham se lança alors dans un grand discours sur le fait que tout le monde devrait fumer. « Pire que des adultes, eux, ils sont à l’article de la mort et vivent probablement juste sur des regrets, ça les rends aigris et voilà ce que ça donne … » Il secoua la tête en attrapant le joint que Beck lui tendait. « Tuez-moi avant que j’me rende là, please. » Il tira quelques taffes, fermant les yeux pendant que la fumée se répandait en lui, avant de la recracher et de passer le joint à Elijah. Elmo fit passer le tout avec une gorgée de bière, pendant que l’aîné des trois demanda s’ils avaient “ken de la zouz” récemment. Il éclata de rire face à cette expression. « Ouais, j’me souviens ! Elle était canon. Tu m’avais même pas dit que tu lui avais refilé ton numéro ! » S’emporta-t-il en lui donnant une légère claque derrière la tête, avec sa casquette retirée momentanément. Il vint remettre ladite casquette en-dessous de sa tête, pour pouvoir l’utiliser comme oreiller. « Lullaby … elle t’a chanté une petite berceuse après, pour que tu t’endormes ? » Se moqua-t-il, avant de se concentrer sur son propre cas. Ses amis savaient que sa rupture avec Bella, il y avait plus d’un an, avait été difficile à encaisser. Il en avait mis du temps, avant de se relancer dans les histoires d’un soir. Maintenant il était passé à autre chose et il s’en donnait à coeur joie. « Y’a une cliente du café qui est restée après la fermeture … Deux fois. » Il esquissa un sourire. « Mais j’espère qu’elle va pas revenir, j’ai pas envie que ça devienne a thing et qu’elle s’imagine qu’un jour je vais lui offrir plus qu’un café et des orgasmes. » Il n’était pas prêt à s’engager à nouveau dans cette voie-là. « Et toi, Eli ? »

Les rires retombés, on se reposait tranquillement dans l'herbe, le couple de vieux étant partis. On débattait à présent de leur manque cruel de fun et de leur incroyable énergie déployée pour simplement faire chier une bande de jeunes, assis tranquilles. En vrai, on faisait de mal à personne hein. C'était pas si terrible de s'allonger dans une pelouse, aussi interdite qu'elle soit. J'approuvais ce que disait mes deux potes d'un hochement de tête. "Jamais j'leur proposerais un truc aussi délicieux que le joint. Faudrait pas gâcher une telle marchandise!" C'est vrai quoi, c'est si bon de fumer de temps en temps, d'se laisser se détendre. Mais Beck avait raison, si les gens fumaient plus, on aurait moins d'emmerdes, le monde serait plus cool. Sans aucun doute. Alors que le joint circule, il arrive à moi, je le prends délicatement des mains d'Elmo et je le porte à mes lèvres. Finalement, je lance les hostilités en parlant de meufs. Bon, ouais, j'suis pas le gars le mieux placer pour lancer le sujet mais ça m'intéresse de savoir c'que mes deux idiots de potes font de leur... enfin vous voyez quoi. Beck commence le premier et Elmo ne tarde pas à faire des commentaires. Moi j'les écoute amusé. Leur vie est vraiment différente de la mienne bordel. C'est moi qui suis boring ou quoi ? Je prends quelques lattes du joint laissant échapper un grand nuage de fumée blanche. Je secouais la tête à la proposition de Beck. "Nan nan, garde tes meufs pour toi, j'en ai pas besoin." Ma vie sentimentale et sexuelle était un vide sidérale depuis deux ans. La séparation d'avec Primrose n'était visiblement pas encore tout à fait digéré. Elmo quant à lui, avait réussi à passer à autre chose après Bella. Je rigolais à ses mots. "Tant que pour toi c'est clair, son avis à elle, tu t'en tapes." Si je n'étais pas très porté sur la chose, j'étais cependant convaincu que rien n'était décidé par avance. Tant pis si quelqu'un devait souffrir. C'est ce que j'avais fait en quittant Primrose quand notre histoire devenait trop sérieuse. Je haussais les épaules lorsque Elmo demanda des nouvelles de mes histoires. Je souris tout en tendant le joint à Beck. J'me posais un peu plus allongé sur le dos dans l'herbe, reposant sur mes coudes pour me maintenir. "Bah moi .. rien. Du tout. J'ai pas trouvé une fille assez bien pour moi pour coucher avec." Je ris doucement, mes potes savent bien que je ne pense pas ce que je dis. Mais bon, autant essayer de se mentir à soit-même, ça peut peut-être fonctionner. A cet instant de ma vie, je n'avais pas encore re-fauté avec Primrose, j'étais bien loin de m'imaginer quel foutoir ça allait mettre dans mon esprit.

C’est clair, la marchandise serait gâchée, chez ces deux personnes âgées qui ne sauraient l’apprécier à sa juste valeur. Les trois gars, eux, étaient beaucoup mieux placés pour profiter de chaque seconde, de chaque bouffée. Ce joint était exactement ce dont Elmo avait besoin cet après-midi, pour s’engourdir l’esprit bien comme il faut. Ça, et la présence de ses potes. Heureusement qu’il pouvait compter sur eux pour le tuer si jamais il devenait un vieux con comme ces deux-là. « Ok deal. On en profitera pour s’offrir une mort épique, style on s’tire en même temps, comme deux cowboys. » Tant qu’à mourir, autant mourir en se donnant en spectacle, comme ils le faisaient à tous les jours de leur vie à peu près. Elijah les lança par la suite sur un tout autre sujet, mais pas moins intéressant : les filles. Elmo n’avait actuellement rien de sérieux et c’était très bien comme ça. Même s’il avait des crush par-ci par-là, il n’avait aucun sentiment réel pour qui que ce soit et son coeur s’en portait bien mieux. « Et ce serait quoi le titre sur ta carte d’affaires ? Ça va te prendre un slogan aussi … Master Beckham, le jambon qui donne des becs partout où vous le voudrez … » Ce dialogue ne faisait aucun sens puisqu’il aurait fallu être francophone pour penser à une telle chose et comprendre l’idée, ce que l’italien n’était aucunement capable de faire, mais la joueuse derrière Elmo avait envie d’une petite plaisanterie glissée par ici. Le barista fronça les sourcils en regardant Elijah, qui affirmait ne pas avoir besoin des meufs de Beck. « Pas besoin ? Tu dois avoir une main vraiment très efficace. » Elmo avait connu cette passe-là, à ne coucher avec aucune fille parce qu’il avait longtemps été incapable de se remettre dans la game après sa rupture d’avec Bella. Et il savait que ça pouvait devenir frustrant de se sentir aussi seul tout le temps. Le sujet ne fut détourné que le temps pour Elmo de parler de la cliente au café, mais rapidement il revint vers Elijah pour demander comment ça se passait, vraiment, de son côté. Était-ce le vide total qu’il sous-entendait ? Beckham fut le premier à réagir à la réponse. « Ne refais plus jamais d’imitation du genre, please. » Elmo rigola tout en prenant le joint des mains du blond. « Mais c’est vrai quand même, Eli, tant que la fille te plaît physiquement, si tu cherches qu’à faire changement de la main, un peu, on s’en fout du reste. » Il tira une latte et recracha la fumée au-dessus d’eux. Il écouta le reste des échanges à ce propos, et répondit à Beckham lorsqu’il parla de Bowen Bow Tie : « Ouais j’y suis mais ça demande beaucoup trop d’assiduité, j’oublie souvent de répondre à la fille … Genre, c’est trop de conversation, trop longtemps. C’est pas assez straight to the point pour moi, même si on ne met que le noeud pap’, tous les deux. » Elmo, ou la loi du moindre effort.