#77 - run away , no sense of time

Minuit. Cette soirée là, je l'avais naturellement passée avec Archie. Il était devenu le centre de mon univers. En si peu de temps. Il m'avait happé dans son monde rempli de vices. J'étais sa prisonnière en quelque sorte, mais j'étais profondément heureuse d'être le centre de ses attentions. Il m'aimait, puissamment, mais c'était nocif, je ne savais au fond de moi. Chacune de nos séparation était douloureuse. Mais ce soir là, c'était acté. Je devais rentrer chez moi. Plus le temps avançait, plus j'espaçais ces retours à la maison. Tout simplement, parce que loin de lui, je suffoquais. J'étais devenu une sorte de zombie, accro à sa présence. Cela ne me ressemblait pas. Je m'étais éloignée de mes proches et de ma mère surtout. A qui je n'avais rien confié de cette nouvelle idylle. Parfois, je m'en voulais de tout lui cacher. Et puis la seconde d'après Archie posait ses lèvres sur les miennes et j'oubliais tout. Perdue. Déboussolée, seule dans son ombre.

J'avais dans l'idée de rentrer chez moi, furtivement, me glisser dans mon lit et me réveiller comme une fleur demain, pour faire une surprise à ma mère. Souvent, la nuit était réparatrice, elle régénérait mon esprit. J'avais fumé avec Archie avant de rentrer. Pas beaucoup, juste un ou deux joints. J'avais pris le soin de me doucher avant de partir. Pour être sûr que mon odeur de tabac et de weed ne me trahirais pas. J'entrais dans la maison, à pas de loup. Mes gestes étaient un peu ralentis par les restes de cannabis. La maison semblait calme. Ma mère devait dormir. Je me déchaussais et prenait la direction de ma chambre, dans le silence. J'avais besoin de dormir.

@Leewana M. Reynolds

Depuis quelques temps, j'ai perdu ma douceur et mon innocence. Elles sont toutes les deux bien enfouie, très loin dans mon coeur, ce dernier ne battant plus que pour les beaux yeux d'Archie. Ma vie part un peu en lambeaux ces dernières semaines, je ne réponds plus tellement à ma mère et j'ai même commencé à lui mentir. Je ne vais plus en cours, ou très peu, j'ai foiré mes examens la semaine dernière et je continue à lui affirmer que je travaille très fort sur un projet. Celui ci n'a jamais existé et parfois, je me sens mal de lui mentir. Nous qui étions si proches, si fusionnelles, je la mets totalement de côté et je sais au fond de moi que ce n'est pas bien. Pas bien du tout. Ma mère a tellement travaillé fort pour que notre relation soit aussi belle, elle m'a élevée avec beaucoup de tendresse et d'affection et j'envoyais tout valser, sans me rendre compte des inquiétudes que je pouvais lui procurer. Je m'éloignais. On se croisait que très rarement, parfois en coup de vent. Cette distance ne me faisait pas du bien, mais je savais que si ma mère était au courant de mes agissements, de ma relation avec Archie, elle ferait tout pour m'éloigner de lui. Et c'était là, la dernière chose dont j'avais envie.

J'étais rentrée cette nuit là, pensant passer inaperçu. Voulant lui faire une surprise au petit matin. C'était sans compter sur l'inquiétude maternelle de ma mère. Elle était debout, dans la cuisine, lorsque je rentrais. Tout était calme pourtant, je n'avais pas été assez attentive. La musique en fond, celle qui jouait tout le temps dans notre appartement, avait couvert le bruit de la bouilloire. Finalement, la voix de ma mère claqua dans le silence. J'étais dos à elle à cet instant. Je m'arrêtais. Je grimaçais dans la pénombre avant de me retourner vers elle. Je lui adressais un sourire, forte heureusement, l'obscurité pouvait masquer mes yeux légèrement rougit par le cannabis. "Désolée maman, j'ai pas vu l'heure, on a travaillé tard avec Coleene. Mais je voulais rentrer à la maison ce soir." Voilà encore un mensonge. Coleene n'existait pas. Ma mère ne tarda pas à demander à ce qu'on discute toutes les deux. Mon corps se raidit un peu. Ce n'était pas du tout le moment. Elle allait forcément voir que mon état n'était pas normal. Je secouais lentement la tête. "Tu veux pas qu'on parle demain plutôt ? Je suis fatiguée tu sais." Mais oui Maddie, un mensonge de plus, continue comme ça ma grande ! Je ne voulais pas affronter ma mère maintenant, je n'avais pas l'esprit assez clair. L'effet du joint risquait de me faire lâcher le morceau et je n'étais pas certaine que ma mère serait ravie d'apprendre que je sortais avec un mauvais garçon.

Tout est allé très vite ces derniers temps. J’ai eu réellement la sensation de m’éloigner un peu plus chaque instant de mes proches. A commencer par ma mère. Nous étions tellement soudées, elle est moi. Très longtemps, je l’avais considéré comme une vraie confidente, elle avait instauré un climat de confiance puissance entre elle et moi, et je m’étais toujours promis de tout lui raconter, de ne rien lui cacher, parce que je savais qu’elle avait les clefs pour m’aider à avancer. Mais il avait fallu d’un petit changement dans ma vie. Pas si petit que ça finalement, puisque Archie prenait la place dans toutes mes pensées. J’étais convaincue que ma mère tenterait de m’éloigner de lui. Certainement parce que je savais au fond de moi qu’il était nocif. Et pourtant, je l’aimais. Profondément. Alors j’avais opté pour la silence, j’étais devenu un fantôme et je savais que le moment de la confrontation finirait par arriver. Je ne savais pas ce que je devais dévoiler à ma mère. Il y avait tant à dire et tant à taire aussi. Mon comportement n’avait pas arrangé les choses, car si je cachais des choses à ma mère c’est que j’avais des choses à me reprocher. Leewana était loin d’être idiote, et je savais qu’elle allait me demander des explications.

Cette nuit là, j’étais rentrée. Je n’étais pas clean. Le cannabis embrumait mon esprit et il aurait mieux fallu que j’aille dormir avant d’affronter ma mère. Mais elle en avait décidé autrement. Je regrettais presque d’être rentrée. J’avais tenté d’esquiver, prétextant la fatigue mais ma mère avait exigé que l'on discute, maintenant. Son ton était rude, je ne pouvais pas m’échapper. Je ne voulais pas que le ton monte entre elle et moi, mais je comprenais son inquiétude. Je soupirais alors, fortement, comme pour lui montrer que je voulais bien discuter mais que cela me coûtait vraiment de le faire. Je n’avais pas le choix. Elle se rendit dans la cuisine, qui était éclairée. Cette lumière allait très certainement révéler mes yeux rougit par le joint, mais je n’avais pas le choix. Je la suivie dans la cuisine et m’adossa contre le mur, juste à côté de la porte. Comme si cela me donnait une solution de sortie. Même si je me retrouvais face à ma mère, bien décidée à avoir des explications. Son ton s’était un peu radoucit. Elle voulait comprendre. Je ne savais pas quoi lui dire. Par où commencer ? Comment lui mentir sans lui faire de la peine. Je décidais de maintenir mon cap, les études, le travail. C’était ma seule solution. "J’y arrive plus avec les études. C’est trop dur. J’me sens submergée. J’perds le courage et en fait, il n’y a jamais eu de projets.. je fuis l’université." C’était déjà un bon début, je n’avais pas menti, j’avais seulement omis le fait que si je lâchais prise dans mes études, c’était pour les beaux yeux d’un garçon. J’espérais gagner un nouveau morceau de confiance de ma mère. Mais mon apparence physique me trahissait un peu. Mes yeux légèrement rougit et les petites cernes grisâtres sous mes grands yeux. Je n’allais pas pouvoir tenir face à ma mère, je le savais, mais je repoussais cet instant. Un peu plus loin.

J'ai l'impression que je suis en train de franchir une à une chaque barrière de l'interdit et quand je me retourne, j'ai la sensation que la marche arrière est impossible. Je foire mes études, je n'ai plus de rythme de sommeil et la consommation de plus en plus importante de drogue avec Archie me fait perdre pied. J'ai l'impression que la petite Maddie si gentille, douce et innocente que j'étais, est en train de s'effacer, peu à peu. Et je me sens m'éloigner de ma mère. Au fond, ça me fend le coeur. Mais je sais que si je lui parle d'Archie, elle tentera de m'en éloigner. Leewana veut le meilleur pour moi, elle veut que je fasse attention, elle me protège, c'est bien normal. Mais je ne peux pas lui avouer ce que sa petite fille est devenue. Elle ne me comprendrais pas. Je n'ai pas envie de la décevoir. Malheureusement, c'est sur le point d'arriver. Je ne sais pas comment me tirer de ces mensonges, de cette absence. Je ne sais plus quoi lui dire, comment appréhender ce qui me tracasse en ce moment. Je ne sais plus quel masque porter pour garder la tête haute.

Dans la lumière froide la cuisine, j'ai l'impression que tout m'échappe. Ma mère ne me lâchera pas ce soir. Je le sais. Alors je lui donne des clefs, des mauvaises clefs enveloppées de mensonges, pour tenter de m'en tirer. Je remets tout sur le dos des études que je ne suis plus trop en ce moment. J'ai déserté les bancs de la fac. Je lui avoue ça, à demi mot. Sa réaction, c'est l'incompréhension. A cet instant, je me rends compte à quel point ma mère est une femme formidable. Elle ne cherche pas à m'accabler. Ses mots sont tellement doux, mais ils sont à mille lieu de couvrir mes maux. Elle m'apprend que l'université a appelé. Je me raidis. Je me sens encerclé de toute part. Comme un petit lapin pris au piège. Je secoue la tête. "Ca n'a rien à voir avec toi maman. C'est juste que.. je ne voulais pas t'inquiéter. Je pensais que ça finirait par s'arranger. " Ma gorge se serre. Je voudrais lui crier la vérité, lui parler d'Archie, mais je ne peux pas. J'ai l'impression de la décevoir, au plus haut point, et je sens mon coeur se serrer à mesure que je m'enfonce dans mes mensonges. La suite de ses mots finissent par m'achever. Ma mère, elle n'est pas bête, loin de là. Elle sait qu'il y a autre chose. Elle le sent. Elle est près de moi et à mesure qu'elle parle, sa main caresse mes cheveux. Je reste contrit dans le silence. Une larme déborde de mes yeux et vient rouler sur ma joue. Mes yeux sont baissés, rivés vers le sol. Je me rends compte à quel point je fais de la peine à ma mère. Ma main vers attraper la sienne. Je la serre fort. "Je suis là maman. Et je suis désolée." Ma voix, dans un murmure, a été étouffé par un sanglot. "Il y a tellement de choses dans ma tête en ce moment.. si tu savais." Je suis consciente que je suis à deux doigts de tout lui révéler. Mais comment trouver les mots sans briser à tout jamais l'image que ma mère à de moi. Je suis face à une montagne définitivement trop escarpée pour moi.

Mon coeur se serre en pensant au vide de l’appartement, le silence me tue plus que de raison. Je ne peux plus aller dans sa chambre le soir pour l’entendre respirer paisiblement, comme quand elle était bébé et que je voulais m’assurer qu’elle était toujours vivante. Ma fille, ma raison de vivre est en train de me glisser entre les doigts et j’ai l’impression de ne rien pouvoir faire pour la retenir. J’aurais envie de tenir sa main pour la tirer vers moi, pour lui faire comprendre que j’ai besoin d’elle. Mon univers s’écroule petit à petit sans elle, qui sera là pour partager ma voix, notre dernière conversation nocturne me paraît bien loin, à ce moment là je n’avais pas encore rencontré Theo, je n’ai rien pu lui dire de cette soirée, elle est absente, dans son monde à elle et j’ai l’impression de ne plus y avoir de place. Elle qui me disait souhaiter que je trouve un homme doux et bon, je n’ai pas pu lui raconter cette soirée magique, cette soirée qui m’a ouvert les yeux sur ma propre vie… Je veux lui dire qu’il est possible de trouver quelqu’un qui pourra la respecter et qu’elle doit ouvrir son coeur à l’amour, que la peur ne la fera pas avancer. Est-ce parce qu’elle a justement trouver un homme que je ne lui suis plus utile, qu’elle n’a plus besoin de moi ?

La conversation que l’on s’apprête à avoir ne sera pas plaisante, je le sens déjà. Instinct de maman probablement, je l’ai tricoté, elle a grandi en moi, elle a entendu mon coeur battre de l’intérieur. Je la connais par coeur et elle me connait comme personne. Ce soir, je n’accepterais pas qu’elle se défile à nouveau, encore moins en voyant l’état de ses yeux à la lumière, mais je préfère ne rien dire à ce sujet pour le moment, un peu d’herbe n’a jamais tué personne. Je n’apprécie pas qu’elle consomme, mais il faut bien que jeunesse se fasse. L’école, c’est ça le problème ? Je ne veux pas qu’elle se rende malade à cause d’une histoire d’école, oui je bosse dur chaque jour pour lui payer ses études, mais peut-être que ce domaine ne lui convient pas. L’école m’a appelé, il faut quand même que le problème soit plus grave que ce qu’elle prétend. “Tu crois que ton silence ne m’est pas encore plus douloureux, qu’il ne m’inquiète pas davantage ? Maddie, on se dit toujours tout et puis maintenant c’est à peine si on se croise à la maison. Tu veux que j’appelle pour savoir comment on peux rattraper le tout ? Tu n’es pas seule Maddie, ne l’oublie pas je suis toujours là, ce n’est pas parce que je n’ai pas pu étudier que je ne peux pas t’aider. ” Je me mord la lèvre, me sentant coupable, je ne veux pas qu’elle pense que je lui en veux de ne pas avoir fait d’étude. J’ai dû tout arrêter en tombant enceinte d’elle, je n’ai pas pu terminer le lycée, mais jamais je ne lui en ai voulu. Je me rapproche d’elle, caressant sa magnifique chevelure. Une larme s’échappe sur sa joue, silencieuse et traître, mon coeur se serre encore plus. Sa main s’accroche à la mienne, je sens les larmes me monter aux yeux, ma gorge se serre alors qu’elle sanglote. Je la prends dans mes bras. “Ma puce, je suis là, dis moi ce qui ne va pas. Je ne supporte plus ce silence entre nous. J’ai besoin de t’entendre, je ne peux pas prendre le risque de te perdre. Je serais toujours là pour toi. ” Je la serre contre mon coeur, les larmes roulant sur mes joues, comme elle me manque, même si elle est dans mes bras, je la sens si loin de moi.

Que faire, que dire ? Je me sens perdue. Perdue dans mes mensonges, dans tout ce que j'essaye de cacher depuis plusieurs semaines maintenant. Je ne sais plus comment ouvrir le piège qui s'est refermé sur moi. Je suis tombé trop lentement pour me rendre compte de la profondeur du gouffre. Et aujourd'hui, j'étais au fond. Avec Archie à mes côtés. Lui qui me retenait là avec ses beaux yeux, ses mots romantiques et ses joints. Et je voyais, en haut, la lumière et ma mère qui me tendait la main, qui me suppliait de la rejoindre. Je savais à quel point je lui faisais du mal, à quel point elle ne me reconnaissait plus. Ma mère avait toujours été de nature inquiète pour moi, elle s'était toujours arrangé pour m'offrir le meilleur et aujourd'hui, c'est comme si je donnais un coup de pied dans tout ça, sans réfléchir. Je me retrouvais face à mes pires craintes, celle de devoir choisir entre l'amour et ma mère. Je savais qu'elle ne comprendrait pas. Elle qui m'avait toujours protégé des hommes, qui m'avait fait comprendre qu'ils étaient capable du pire. J'avais trouvé mon propre bourreau et je fonçais tout droit dans le mur. J'étais si loin de ma mère, je ne savais pas qu'elle avait rencontré quelqu'un, et je m'en voudrais terriblement de manquer tout ça, si un jour je me relève.

Ma mère se tient dans la cuisine, près de moi. Elle tente de comprendre. Je bafouille des excuses relatives à la fac. Elle sait que je mens. Si c'était si peu grave, je lui en aurais parlé. Je ne sais plus comment sortir de cette impasse. Ces mots, je les écoutes mais je secoue lentement la tête, comme pour les refuser. Mes yeux sont toujours rivés vers le sol. Je me ses honteuse. La pire fille du monde. "Je ne savais pas comment te le dire. Je ne suis pas allé en cours depuis un mois. J'ai tout abandonné. Je sais que tu es là maman, je le sais mais j'avais trop honte de te dire tout ça." J'ose enfin dire la vérité. Une partie du moins. Je me sens un peu plus légère. Mais je n'ai pas encore tout dit. La pire partie reste encore dans l'ombre. Comment lui dire que je passe mon temps chez Archie, qu'on se défonce, qu'on sort, qu'on reste ensemble, nuit et jour, que je mets mon corps à rude épreuve. Je ne sais pas trouver les bons mots. Je me contente de rester silencieuse et de pleurer. C'est mon moyen de défense naturelle. Je sens qu'elle s'approche encore un peu plus de moi, je plonge ma tête dans son cou, mes larmes continuent de rouler sur mes joues. Je l'écoute, elle et ses mots rassurants. Je respire son parfum. Je dois lui dire. Je vais lui dire. Mais comment. Je tourne et retourne dans ma tête les bribes de phrases qui s'entrechoquent. Je n'arrive pas à faire de l'espace dans mon esprit encore embrumé par la weed et la tristesse. "Tu ne me perdras pas maman, je suis toujours là. C'est que ..." Je suis à deux doigts de parler, mais je me ravise. Je sanglote à nouveau. Je suis intimement persuadée que ma mère ne comprendrait pas. J'entends la voix d'Archie dans mon esprit :"ils veulent t'éloigner de moi". Je tente de chasser ces mots mais ils sont bien ancrés. Au plus profond de mon être. Je relève ma tête, je plonge mon regard dans celui de ma mère. "J'ai fais tellement de choses de pas biens ces derniers temps." Je sais que c'est la pire des choses à dire mais je ne peux me résigner à dire la vérité. Je quitte l'étreinte réconfortante de ma mère, je m'éloigne un peu, à la recherche d'un verre d'eau. J'essuie les larmes d'un revers de manche. Je me tiens face à l'évier, tournant le dos de ma mère, je fuis son regard. Je regrette déjà d'avoir dit ça.

Je suis à deux doigts de tout lui dire. J'sens au fond de moi que j'ai besoin de reconnecter avec ma mère. Elle me manque. Les semaines ont défilé à une vitesse incontrôlable, je me suis égarée, j'ai cessé de manger correctement, la consommation de weed régulière m'a fait perdre l'appétit. Je ressemble à un peu à un spectre, perdu dans l'obscurité. Et pourtant, je ne veux rien lâcher. Je ne veux pas prendre le risque de perdre Archie. Je suis accro à lui, comme je le deviens à la drogue que je consomme avec lui. Je me perds, je m'éloigne. Et je sens la détresse dans le regard de ma mère. Elle a peur. J'finis par lui avouer à demi mot que j'ai lâché la fac. C'est une petite vérité qui cache une réalité plus rude. Mais j'veux pas, j'peux pas tout lui lâcher comme ça. Elle a déjà beaucoup à digérer avec cette nouvelle. Un mois que j'ai déserté les bancs de l'université. Je m'attendais à trouver de la colère et encore une fois, ma mère fait preuve d'une douceur extrême. Elle me rappelle à quel point c'est une femme extraordinaire et à quel point j'ai eu tord de la laisser de côté pendant aussi longtemps. Elle me demande si elle m'a mis trop de pression. Je secoue la tête, reniflant une nouvelle larme. "Je voulais juste pas te décevoir. Tu ne m'as jamais mis la pression, j'ai juste.. pris les mauvaises décisions." Je commence à me livrer de plus en plus. Je suis sur un fil. Je suis à deux doigts de faire marche arrière, je ne sais pas comment lui raconter ce qui m'arrive en ce moment. Finalement, je commence une phrase, et je ne la termine pas. Je sais que ça va inquiéter encore plus ma mère. Mais j'me ravise. J'ravale péniblement ma salive et je m'éloigne. Je me terre dans le silence, me plaçant devant l'évier, dos à elle. Mon coeur tambourine dans ma poitrine. Je sens que je voudrais laisser exploser tout ce qu'il contient, je vais le faire. Je fini par lui dire que j'ai fais des choses qui ne sont pas biens. C'est un bon début mais s'en est sûrement trop pour ma mère qui rapproche une nouvelle fois de moi. Son ton est plus ferme. Je ne peux plus jouer avec ses nerfs comme ça. Ce n'est pas juste pour elle. Elle qui tente de me parler, elle qui souhaite tout partager avec moi. Je relève le visage, fixe une seconde le vide devant moi, j'inspire profondément. "Je ne veux pas que tu te fâches, maman, s'il te plait." Je m'apprêtais à lui raconter ce qui m'avait fait perdre pied ces dernières semaines, c'était dur et je ne savais pas par où commencer, comment aborder les choses sans me mettre trop à défaut. C'était mission impossible. "Il s'appelle Archie. On s'aime. Mais.." Je marque une nouvelle fois une pause. "J'veux que personne m'éloigne de lui. C'est pas un mauvais garçon." Je m'embrouille un peu dans mes mots, ma mère ne doit pas tellement comprendre grand chose. Je poursuis. "J'ai découvert le monde de la nuit avec lui, sous toutes ses formes." Voilà, ça, ça me paraît clair. Mais j'pense que ma mère voudra en savoir plus. Je m'arrête là. J'en ai déjà beaucoup dit, elle va peut-être s'imaginer le pire mais malheureusement, je me rends compte, que le pire qu'elle imagine fait partie de ma réalité aujourd'hui , vice, drogue, alcool, luxure. Je n'ose pas la regarder. Je garde la tête levée, regardant fixement devant moi. Mon coeur bat la chamade dans ma poitrine, j'ai peur de sa réaction.

Je sens que le monde entier s'arrête de tourner. Le temps d'un instant. Celui où je réalise que je suis sur le point de raconter des choses que je m'étais promis de taire à jamais. Mais je ne peux pas résister. J'peux pas une fois encore me dérober face à ma mère. Elle m'a imposé cette confrontation et j'craque. Je ne pensais pas qu'un jour je serais capable de faire autant de mal à ma mère, ça me fend le coeur. Ca me fait mal. J'ai l'impression d'avoir tout simplement écraser la confiance qu'elle avait en moi. J'ai l'impression de me dévoiler, de montrer mon vrai visage et je sais que ma mère ne va pas aimer ça. J'suis maladroite dans mes propres, j'peine à trouver les mots, j'les sors sans vraiment d'ordre, j'marque des pauses qui sont synonymes d'inquiétudes plus grande pour ma mère. Mais j'finis par lâcher le morceau. Elle se tient près de moi. Elle porte sa main à son coeur, je vois que mes mots sont comme un coup de poignard. J'ai envie de mourir, de disparaître. De ne pas affronter la déception de ma mère. Mais je ne pouvais pas lui mentir plus longtemps. Je la vois qui s'effondre au sol, les larmes coulent sur ses joues. Je sens une nouvelle vague de sanglot qui grimpent dans le fond de ma gorge, je les ravale péniblement. Je reste debout, je n'ose même pas aller près de ma mère. Je suis paralysée. J'ai baissé le regard. Je me sens si mal. Je la laisse ainsi, dans le désarroi. Elle finit par se relever, je plonge mon regard brillant de larme dans le sien. "Voilà pourquoi je ne voulais pas te le dire. Je ne voulais pas que tu me juges." C'est un peu petit de ma part, de tout remettre sur son dos. Mais j'ai tellement peur qu'elle m'éloigne d'Archie. Je suis sous l'emprise de cet homme que je trouve absolument génial, hypnotisant, merveilleux. "Je l'ai rencontré il y a quelques semaines, presque deux mois." Je parle, mais ma voix est contrit par les larmes. "J'avais besoin d'me sentir grande. De quitter l'enfance. Mais j'vais bien tu sais." J'lui mens encore une fois. Mais j'me mens à moi même aussi à cet instant. J'me mens pour ne pas voir la réalité en face. La réalité de ma situation aujourd'hui, incapable d'avoir une vie saine, amoureuse d'un mauvais garçon qui m'entraîne dans les tréfonds de l'obscurité. Une larme s'échappe du bord de mes yeux, je viens l'essuyer, rapidement.

Je ne sais pas exactement ce qui se passe dans la tête de ma mère à cet instant, mais je peux aisément imaginer qu'elle se sent trahit, en colère, déçue. Et de savoir que c'est mon comportement qui provoque tout ça me fait me sentir tellement mal. J'ai envie de pleurer, de hurler, j'ai envie de tout envoyer valser. Mais j'suis pétrifiée. J'en reviens pas que j'viens d'avouer à ma mère ce que je faisais. Cela dit, je n'en ai pas tellement dit. "Le monde de la nuit sous toutes ses formes." Ca veut dire beaucoup de choses. Je ne sais pas ce qu'elle peut imaginer mais malheureusement, il y a fort à parier qu'elle n'est pas loin de la réalité. Drogue, alcool, sexe, un trio explosif qui n'augure rien de bon pour la suite. Et pourtant, je suis totalement amoureuse d'Archie. Il me fait vibrer. Mais c'est destructeur. Il est possessif, dominateur, mais je suis aveugler par l'amour et l'admiration que je lui porte. Je n'aurais jamais pensé tomber aussi vite dans le gouffre, je me pensais vacciné des hommes. Ma mère ne m'avait jamais poussé à m'en éloigner, mais je savais qu'ils étaient capables du pire. Et malheureusement, mon chemin avait croisé celui d'Archie, pour mon plus grand plaisir mais aussi pour ma plus grande peine. Je sentais ma mère fébrile, ses larmes ne cessaient de couler et les miennes finirent par déborder de mes yeux. Je lui avoue que ça fait deux mois que je suis tombée entre les griffes d'Archie, mais je ne veux pas qu'elle m'éloigne de lui. A cet instant, je suis persuadée qu'il est bon pour moi. Je sens que la colère monte un peu en moi. Les mots de ma mère sont rudes, je sens son agacement, la désillusion que j'ai provoqué en elle. "J'ai plus 12 ans. Et j'ai pas tout lâché. J'aimais pas mes études de toute façon. Il m'a ouvert les yeux." Pas sûr que ça arrange ma situation, mais j'voulais plus être la petite fille fragile. J'étais grande. C'est comme ça que je me sentais. La suite de ses mots claquent dans le silence. Ils font mal. Très mal. Elle me parle de confiance, de liens brisés et j'essuie une nouvelle larme qui coule le long de ma joue. Ma mère s'en va prendre une cigarette qu'elle allume au balcon. Un peu plus loin. Je n'aurais pas l'affront de lui en demander une. Même si j'en ai envie. J'm'approche d'elle, mais j'reste un peu distance. J'me pose contre l'encadrement de la porte fenêtre. J'la regarde fumer en silence. "J'voulais pas t'en parler parce que je sais que t'allais vouloir m'éloigner de lui." Je marque un silence. Ma voix est petite, mes yeux toujours rivés vers le sol. "J'reste toujours ta fille. Mais tu dois m'laisser grandir. Et puis, c'qu'on fait ensemble, c'est pas la mort. On s'aime, voilà tout." M'ouais, difficile à croire j'en conviens bien. Mais j'voulais pas qu'elle imagine le pire. J'essayais d'la rassurer, et d'me rassurer moi, par la même occasion.