Wrong Turn (manwë)

Si le Manwë de l’année dernière voyait l’homme d’aujourd’hui, il le bousculerait pour qu’il se sorte les doigts du cul. Les consommations d’alcool du luthier se multipliaient, les bagarres aussi. Il répandait sa rage, sa haine, le sang, dans les rues de Bowen. Il devenait exactement ce qu’il avait toujours redouté être un jour. On l’avait toujours pointé du doigt comme un violent, un monstre qui ne sait se servir que de ses poings, il n’avait jamais contredit les rumeurs, mais ne les avait pas non plus corroborées. Son comportement des derniers mois apportait confirmation de ces dernières.

Traîner dans les bars était son dernier rempart pour ne pas sombrer dans un alcoolisme plus profond, même s’il avait déjà commencé à boire seul dans son mobile-home. Il avait néanmoins choisi un bar miteux, occupé par des sales types qu’il pourrait amocher sans scrupules si on lui cherchait des emmerdes. Se battre, c’était bien là une manière malsaine de se sentir encore vivant. Tuer un homme à coups de poings ne l'avait pas apaisé. Il était encore en colère sans qu’il ne sache plus pourquoi… Il s’était vengé, il avait vengé sa mère et pourtant, la haine était revenue à l’instant où il avait remit les pieds dans cette ville. Peut-être aurait-il dû quitter sa ville, la laisser au monde de ses souvenirs douloureux.

Il eut cette femme en petite robe noire, tout le monde l’avait remarqué. Le brun n’y avait jeté qu’un bref coup d'œil, se disant qu’elle était probablement perdue. Il gardait une oreille attentive, au cas où elle soit en danger. Réflexe, même s’il se disait las de voler au secours des veuves et orphelins… Au moins, ces coups de poings servaient à quelque chose. Il se consolait ainsi, en se disant que ce n’était pas totalement de la violence gratuite. Il ne s’en prenait qu’aux agresseurs, aux mecs qui le méritent selon lui, mais il n’est pas la main de la justice, il le sait pertinemment, mais si ça pouvait l’aider… De toute manière, personne ne tenait les comptes, il frappait, mais il n’était qu’un homme de l’ombre, un invisible.

Il leva les yeux au ciel en entendant l’approche d’un pauvre type, parfois il aimerait bien être sourd plutôt que d’entendre des conneries pareilles ! Les yeux verts du luthier se posèrent sur le curieux duo qui venait de se former, la jeune femme ne bougeait pas d’un cil, ne répondait pas. Il connaissait cette ‘expression’ tétanisée qu'elle affichait. Il sentait que ça allait le foutre en rogne encore cette histoire-là. Il vit l’autre quarantenaire sourire, commencer à approcher sa main de la hanche de la jeune femme. “ Putain de connard de mon cul, tu vois pas qu’elle a pas envie ? Hein ? “ Au moins, ça avait stoppé le geste du gaillard qui reconnu le présumé assassin de Bowen, voilà de quoi calmer les ardeurs de n’importe qui.  “ T’as vu ta gueule ? “ Pas besoin de lui faire un dessin pour lui expliquer qu’ils ne jouent pas dans la même catégorie que cette très belle femme, lui non plus d’ailleurs, il le sait pertinemment. Son regard sévère sondait le type qui finalement recula d’un tabouret. " Bordel... " Courageux mais pas téméraire, tant mieux.

Il reporta son attention sur son verre, sans un mot pour la brune. Qu’est-ce qu’il pourrait lui dire ? Il se persuadait qu’elle aurait peur de lui et elle aurait sans doute raison…

L’affaire semblait réglée, il pouvait donc reprendre le cours de son activité, à savoir essayer de boire modérément et ne pas succomber chez lui à l’insatiable envie de se déboucher une bouteille. C’était malheureux d’en être arrivé là après toutes ces années de lutte pour ne jamais franchir cette ligne. Aujourd’hui, il ne se passait pas un jour sans qu’il ne boive plusieurs verres, il lui était déjà arrivé de boire un petit verre dès le matin, pour se donner du courage. Il vivait des sensations bizarres depuis qu’il avait commis l’irréparable et il ne voyait aucun mal à les anesthésier, même si ça devait l’achever. Foutu pour foutu, comme on dit.

Son regard émeraude se posa à nouveau sur la brune qui l’avait interpellé pour le remercier. Le remercier de quoi ? D’être assez monstrueux pour que tout le monde foute le camp dès qu’il lève le petit doigts ? C’est qu’avec le temps, il n’était plus vraiment lucide sur lui-même et ses propres actions. Il observait cette femme qui détonnait beaucoup avec l’ambiance du bar, elle semblait seulement s’être trompée d’adresse, de fête. Une erreur qui peut coûter cher et qu’elle faisait mine d’assumer, elle ne manquait pas d’aplomb malgré tout et c’était assez charmant, il devait bien l’admettre. Il appréciait sans doute plus cette qualité que les courbes que suggérait cette robe qui lui sied parfaitement. Il se souvenait enfin avoir croisé cette fille au Elm, avec son ami handicapé. Elle aussi semblait avoir une charge mentale assez lourde, il comprenait qu’elle avait besoin de souffler devant un verre.

Il esquissa seulement un faible sourire, rendant son visage bien moins tiré par les difficultés de la vie. Elle lui offrait donc son prochain verre, c’était un geste surprenant de sa part et ses sourcils se redressant légèrement lorsqu’elle lui fit savoir qu’elle n’avait que ça à lui offrir. Il hésite une seconde ou deux avant de lui répondre “ C'est déjà très bien, il y a un bail que l’on ne m’a rien offert. “ Même si la vie lui offrait parfois des sourires ou même un chien dernièrement, qui l’aurait cru ? Ce chien de poubelle était devenu une compagnie récurrente dans sa vie bien qu’il dira toujours que la bête ne lui appartient pas. La vie lui offrait surtout des coups durs, pour lui, mais lui déposait aussi sur le pas de sa porte les emmerdes des autres qu’il démêle par habitude, un peu comme il l’avait fait pour cette fille. “ Les gens viennent me voir parce qu’ils ont des problèmes, c’était bêtement un réflexe. N’y vois aucun geste chevaleresque de ma part. “ Il avait tant de mal avec l’idée que l’on puisse penser de lui du bien, qu’il soit un homme de bien, avec une morale, alors qu’il avait tué un homme à mains nues et même avant ça, à vrai dire… Il n’avait jamais accepté que l’on dise qu’il avait bon fond, parce qu’il avait sa propre définition de la justice et qu’il était celui qui protège, oui, mais pas de la meilleure des manières. Toujours plus violent, que ce soit les mots ou les coups. L’on sait le trouver quand l’on est dans ses bonnes grâces ou en difficultés, même s’il faisait peur à bon nombre des habitants de cette ville, d’autres savent qu’il ne s’en prend pas à n’importe qui. Il était comme ça, ça l’aidait à se sentir mieux quelque part.

Il détacha son regard de la jeune femme pour reporter son attention sur le barman qui écoutait bien sur absolument tout bien qu’il faisait mine de laver ses verres. Il sentit le poids du regard du brun et décida d’aller un peu plus loin voir d’autres clients. Voila pourquoi il préférait tant boire chez lui…

Elle poursuivait cette conversation, à son étonnement, elle le tirait vers la lumière, loin de ses plans moroses pour la soirée. Les gens venaient aussi la voir quand ils avaient des problèmes, elle explique être art thérapeute et il compris qu’ils ne parlaient pas vraiment des mêmes problèmes, bien que quelque part… Ça finissait toujours par se rejoindre. Lorsqu’elle s’approcha d’une chaise, ses yeux verts la détaillaient pour essayer de comprendre son geste, ce qu’elle attendait de lui, ce qu’elle lui expliqua en quelques mots. Cette naïveté qu’elle dégageait… C’était troublant. “ Manwë… Et je ne suis pas un altruiste. “ Bien sûr qu’il était altruiste, mais il prétendait toujours le contraire. L’on pouvait difficilement faire plus serviable et paradoxalement plus violent. “ On va dire que je suis tellement un enfoiré que ça fait même peur aux autres enfoirés. “ Être ‘le best’ des enfoirés, voilà ce qui inspirait la crainte et donc l'obéissance des autres mauvais gars. Il n’était pas l’alpha des bad boys, parce qu’il ne dirigeait aucun gang, Manwë était plutôt une sorte de renégat que personne n'approche parce que l’on savait qu’il n’avait rien à perdre et qu’il était capable d’aller très loin dans la violence.

Ses yeux verts dardaient la jolie brune, elle n’avait pas peur de lui, uniquement parce qu’il avait pris sa défense, mais si elle l’avait croisé un soir dans la rue, il sait au fond de lui qu’elle aurait changé de trottoir. “ Je suis du genre à suivre ma propre justice sans me soucier des conséquences pour moi même ou pour autrui, c’est bien ce qui effraie tout le monde. Mais t’as pas l’air d'être au courant de qui j’suis... Je doute que je puisse être qualifié de justicier, j’suis plutôt de l’autre côté de la ligne… “ Comment dire que vous êtes un criminel sans le dire ? Il avait toujours échappé à la justice, bien que la prison, il l’avait évité de peu. À la suite d’un bref séjour à l’ombre, il savait qu’étrangement, il aurait accepté son sort sans broncher.

“ Pour répondre à ta question, je suis luthier. Rien à voir avec la thérapie de quoi que ce soit. “ Il esquisse un léger sourire avant de reporter son regard sur sa boisson alcoolisée. Bien sur que son métier était une thérapie, pour lui. Et les instruments qu’il fabriquait et vendait servaient à composer de merveilleuses musiques qui rendaient le monde tellement moins triste. Il contribue à cet enrichissement, dans l’ombre. Ses doigts tatoués attrapèrent son verre pour en vider une bonne partie dans son gosier, c’est qu’il n’avait pas l’habitude de parler autant, surtout ces derniers temps, il ne se trouvait pas être de bonne compagnie.

Inconsciente ou naïve, il n’aurait sans doute pas dit mieux, mais il ne répondit à cette affirmation que par le silence. Le silence pouvait signifier bien des choses. Elle semblait fière de l’être, intrépide dans l’âme, il devait avoir que ça lui plaisait assez. Elle le surprit une fois de plus, en se montrant curieuse envers sa profession plutôt mal connue. Il ignorait si elle était véritablement curieuse, si elle le raillait ou si elle faisait cela par politesse. Personne ne s'intéressait vraiment à ce qu’il faisait, c’était une généralité sur laquelle il se basait. “ Tailler, sculpter du bois pour en faire quelque chose qui fait de la musique, réparer, vendre… Rien d'extraordinaire. “ Pour lui, c’était extraordinaire, mais il savait que pour les gens c'était d’un ennui mortel. Il avait cherché une période, un apprenti. Personne n’était venu frapper à sa porte. Il ignorait si c’était parce que le job était à chier ou si c’était à cause de lui, en tant qu’individu. Dans tous les cas, son magasin et son art allait mourir avec lui, c’était sa seule certitude. Tant pis.

Un rictus étira ses lèvres suite à son commentaire qu’il avait entendu maintes fois et qui malgré tout, l’amusait assez. “ Tous les hommes infréquentables ont une sorte de couverture, non ? Enfin… Pour ce que j’en sais. “ Beaucoup trop, il savait comment ça marche dans les gangs, son père avait toujours trempé dans des affaires louches, jusqu’à sa mort. Lorsqu’elle manqua de le qualifier de patient, il ne pouvait pas vraiment freiner cette envie de sourire un peu plus largement. Sérieusement ? Cette maladresse tout à fait charmante était assez irrésistible, il devait bien l’admettre.

Pas le temps de répondre qu’il la vit s’étrangler avec son verre d’alcool, il se pinça les lèvres avant de laisser échapper un rire de celles-ci. Il avait un rire communicatif, peu de choses le faisaient rire pour tout dire, mais elle avait réussi à obtenir ça de lui en quelques minutes. “ Je ne voulais pas me moquer, mais ça t’apprendra à me regarder comme un patient, hein ? Bordel, ça doit pas être facile de s’faire des amis avec ce genre d’habitude, pas vrai ? “ Lui non plus, n’était pas un expert pour se faire des amis, c’était toute l’ironie de son propos, la bienveillance qui se cachait sous ses mots. Il avait un sale caractère, de très mauvaises habitudes, lui aussi ne se faisait pas que des amis, non… Mais il s’en foutait bien. Il ne cherchait pas vraiment de compagnie, à part certaines nuits, il était un homme après tout. Le côté sans lendemain séduisait beaucoup de femmes, assez pour qu’il n’ai pas à s’infliger de devoir se mettre un jour en couple…

Ses yeux verts se posèrent sur le barman “ Qu’est-ce que tu attend Ducon, sers lui un verre d’eau, du jus de papaye ou un lait de chèvre, j’en sais rien… Bouge ton cul. “ Il faut tout leur dire bon sang, c’est pas croyable… Par provocation, il aurait pu descendre son propre verre, mais il avait déjà pas mal bu et il devait essayer de rester un peu lucide. “ Et puis merde… “ Dit-il a mi voix avant de l’imiter avec son verre, sans s'étouffer bien sûr. C’était très brulant néanmoins, il devait l’admettre. “ Si tu veux j’t’accompagne dehors, jusqu’à ta vraie soirée et nos chemins se sépareront… C’est ça non ? Tu t’es trompée d’adresse ? Ça serait con que tu parte seule et qu’il t’arrive un truc en chemin après que j’ai menacé ce connard, j’ai une réputation d’enfoiré à tenir, hein ? “ En fait, il avait aussi envie de se casser d’ici, il n’avait pas envie de se mettre la tête à l’envers, pas encore une fois…

Face à ses yeux de biche écarquillés, il se demanda s’il n’avait pas dit une grosse connerie, après tout, il lui avait juste proposé de rejoindre sa soirée de manière safe, rien d’extraordinaire selon lui. “ Hm. “ dit-il, un point dubitatif lorsqu’elle affirme ignorer où elle se rendait. Il ne voulait pas faire de cliché, mais elle lui semblait trop bien habillée pour être venue là par hasard. Enfin, c’était probablement parce qu’il n’avait pas l’habitude de voir des nanas dans son genre, pas que ça ne lui plaisait pas, bien au contraire, mais il tapait plus souvent dans les filles un peu sauvages, au moins, elles ne s’attachent pas et n’ont pas un soupçon de romantisme. “ J’peux te faire sortir d’ici. “ Il sourit de nouveau. C’était un peu amusant comme situation, comme s’il était un passeur à la frontière mexicaine ! Il ne se sentait pour sa part pas en danger dans ce genre d’endroit et au moins ici, personne ne le regardait de trop, même si franchement, ça n’était pas un endroit qui lui était agréable… Peut-être que dans le fond, il était juste venu ici pour voir s’il ne pouvait pas cogner un connard ou deux. L’issue de cette soirée était bien différente de ce qu’il avait imaginé.

“ C’est vrai que je me montre admirablement serviable ce soir, ton jour de chance on dirait. “ Ou pas, puisqu’elle était ici, avec lui… En quelques sortes. Il savait qu’elle se moquait gentiment de lui, elle ne mesurait probablement pas à quel point il était un homme dangereux. Elle l’avait dit elle-même, elle était naïve.

Ils se levèrent donc, le brun suivait la jeune femme. Son regard clair balayait la salle et ceux qui oseraient les regarder partir. Ils se retrouvèrent devant le bar, quelques fumeurs se trouvaient là et prirent sur eux pour ne rien dire à la vue des jambes de la thérapeute. “ C’est par là. “ Il lui désigne une rue pas trop éclairée, mais c’était de loin le plus rapide pour rejoindre des allées plus festives. Elle ne risquait rien à ses côtés et puis Bowen ce n’était pas Harlem non plus. Alors ils arrivèrent sans encombre à destination, impressionné qu’elle l’eut suivi malgré tout. “ Eh bien voilà, tu as l’embarras du choix… J’te conseille le Elm, le patron est un gars sûr. “ Forcément, puisqu’il s‘agissait de son plus vieil ami : Marcus.

Il plonge sa main dans sa poche pour sortir un paquet de clopes, il avait une trotte à faire avant d’arriver chez lui, mais ça ne le dérangeait pas de marcher, ça l’aidait à réfléchir, à trouver la quiétude nécessaire pour ne pas partir en vrille. “ Bonne soirée, Rosemary. “ Et contre toutes attentes, il ajouta avec un haussement d’épaules : “ Merci de m’avoir sorti de ce trou à rats, j’veux dire… J’avais pas vraiment de finir complètement cuit ce soir, dans l’fond… “ Pourtant, ça avait été clairement le projet. Ça ou se battre avec quelqu’un, au moins ce soir, il se tiendra tranquille, c’était toujours ça. Il lui adressa un pauvre sourire avant d’allumer sa clope.

Il avait simplement esquissé un faible sourire face à ses remerciements, il avait abandonné de lutter et de dire : pas de quoi. Si ça fait plaisir au gens, si ça leur donne bonne conscience face à une probable dette, qu’est-ce qu’il en sait ? Lui, il ne remercie jamais personne. C’était probablement quelque chose qu’il disait bien moins que pardon, c’est vous dire ! Alors, qu’il ait remercié la jeune femme d’avoir amélioré sa soirée malgré elle, c’était assez rare pour que ce soit notifié.

Le brun repartait déjà, il n’était pas à côté de chez lui, mais au moins, il avait mis cette fille en sécurité et il n’allait pas finir la tête à l’envers…

Une bien meilleure soirée qu’il ne l'aurait imaginé.

Il ne s’attendait pas à entendre encore cette voix s'adresser à lui. Elle disait bien des choses confuses ce soir, des peut-être et des laisses tomber. Ses yeux verts l'observaient patiemment, il ne savait pas vraiment ce qu’elle voulait lui dire et il ne cherchait pas vraiment à jouer aux devinettes. Elle venait de lui tourner le dos, il était resté là, à l’observer. L’espace d’un moment, il se demandait si elle n’avait pas été droguée à son insu, bien qu’elle ne présente pas les signes… Il y avait tellement de nouvelles drogues.

“ Le risque de se marrer un peu… “ Est-ce qu’elle avait la même définition que lui de cette proposition, ok il n’était pas comme le type qu’il avait menacé plus tôt, mais si clairement c’était une proposition pour s’envoyer en l’air, il n’était définitivement pas le genre d’homme qui dise non. Un mec facile ? Certainement oui, du moment que c’était sans lendemain. “ Ok, mais laisse tomber pour la grenadine, j’crois que j’ai vraiment un petit penchant pour l’alcool. “ C’était glissé sous couvert de l’humour, mais il avait un sérieux problème avec ça, un problème qui n'intéressait absolument personne.

Ses yeux verts observaient les devantures lumineuses et aveuglantes des bar à leur disposition, il n’avait aucune envie de traîner au Elm pour sa part. Il évitait les O’Brian, parce qu’il leur devait beaucoup trop d'explications. Il désigna du menton l’enseigne la plus proche : “ Le hendrix, c’est sympa aussi. “ Ni vu, ni connu. Ils étaient censés se marrer un peu, pas se prendre la tête avec le gérant d’un bar, enfin, surtout lui. Quoi qu’il en soit, il prit la direction de ce bar, même si cette fois, ils pourraient tomber sur des gens inquiet de voir une femme comme elle trainer avec un gars comme lui. “ J’vais t’faire un aveu, j’suis pas l’type le plus bavard de la ville, mais j’crois que ça m’plairait de t’écouter. “ Il ne savait pas trop pourquoi, juste pour se faire une idée de ce que c’est la vie, quand on n’est pas juste persona non desiderata. A quoi ça ressemble, les problèmes des gens…. De quoi ça a l’air, de vivre… Tout simplement.

Manwë ne savait pas pourquoi il avait accepté, sans doute pour la même raison qui l’avait conduit dans ce bar… La solitude lui pesait, quoi qu’il en dise, au bout d’un moment cela rendait fou et tout simplement malheureux… Parce qu’il avait toujours prétendu préféré être seul, c’est seulement que c’est bien compliqué d’être avec les autres. Les autres, ils n’ont clairement pas le même code, le même langage que lui. En fait… Les autres ne jouent pas avec les mêmes règles du jeu dans la vie, voir… Pas du tout le même jeu.

Les deux protagonistes se rendaient donc au Hendrix, un bar assez populaire à Bowen où il n’avait pas tout à fait sa place, mais pourquoi pas… Les choses se sont probablement un peu tassées depuis ? Non… Pas vraiment. Il n’y avait qu’à voir certains regards qui se posaient sur lui à peine franchi la porte. Lui, ne baissait pas les yeux. Défier les autres, c’était finalement l’unique contact qu’il avait su préserver avec le reste du monde.

Il n’était pas doué pour bavasser, mais pour écouter il l’était particulièrement. C’était un type attentif, qui apprenait bien plus de choses que l’on ne pouvait se l’imaginer. “ Parfois, c’n’est pas plus mal d’pas tout savoir. “ affirmait-il avec un léger sourire, parce qu’elle lui retournait un peu la tête avec le sien, de sourire.. “ Mais si t’as une question ou deux, on verra si j’ai envie d’y répondre. “ Ou plutôt, s’il peut se permettre d’être honnête ou pas.

La première question tomba presque aussitôt. “ J’ai une assez bonne prédisposition à tolérer l’alcool. “ Ouais, une prédisposition génétique, il ne doute pas qu’elle comprendra. Il n’avait jamais autant bu qu’au cours de cette année, jusque là, il avait tout fait pour lutter. Il n’avait plus vraiment de motivation à le faire désormais. “ T’as pas à t'inquiéter, jusque là j’m’en suis toujours sorti seul et puis… J’te ferais pas d’mal, si c’est ce qui te tracasse. “ Il comprendrait après tout, un homme de mauvaise réputation, il n’avait aucune animosité envers elle. Il trouvait ça logique même, qu’elle puisse se méfier de lui.

Le grand méchant loup.

Il lui désigne un coin un peu tranquille où il tourne stratégiquement le dos aux gens, pour qu’ils ne le dévisagent pas. C’est qu’avec le temps, il prend quelques habitudes pour avoir la paix. “ Il doit me rester quelques piasses en poche pour te retourner la politesse. “ Même si franchement, il n’avait pas les moyens, il s’en fichait. L’argent, c’est fait pour circuler selon lui. Manwë fixait la belle brune de ses yeux verts brillait d’une lueur timide d’espièglerie. “ Eh bien, j’crois que ça fait déjà deux questions. Alors en voici une pour toi… “ Toujours sans jugement, de la curiosité toujours, évidente, parce qu’il se demande bien malgré tout, ce qui cloche chez cette fille pour qu’elle se retrouve là, en sa compagnie. “ Pourquoi t’es seule ce soir ? “ Il était persuadé que la réponse à cette question allait lui en apprendre beaucoup sur cette mystérieuse Rosemary.