Wrong Turn (manwë)

Il écoutait la jeune femme, sans être particulièrement surpris. La dépression était quelque chose qui frappait bien plus de monde qu’on ne le pense, peut-être bien tout le monde dans le fond. La tristesse, tout le monde connait ça, mais la peine profonde de l’âme est plus répandue qu’on ne l’imagine. Lui-même l’avait expérimenté, longuement, en silence. Chose qu’il n’avait jamais été en faire, contrairement à cette courageuse belle brune, c’est en parler. Il ne dit rien, parce qu’il sentait qu’elle avait encore des choses à dire, le silence ne le dérangeait pas, lui. Il la fixait, sans la juger. Elle pouvait aussi bien changer subitement de sujet que de poursuivre cette curieuse confession. Il savait qu’il avait ce truc, qui poussait les gens à lui faire confiance, à lui parler alors que lui, ne disait jamais rien. Ou trop peu.

Il esquisse un sourire à sa question. “ Pas vraiment, j’évite de trainer en ville en temps normal… Mais j’me dis que c’est plus raisonnable de s’asseoir boire un verre que d’acheter une bouteille. J’suis pas alcoolique, j’sais que c’est ce que disent tous les alcooliques… “ Il sait sa d’expérience, il en a connu une, sa mère, mais il ne s’étendra pas sur le sujet ce soir. “ J’bois pas tous les jours, mais quand j’m’y met j’essaie d’pas abuser. “ Il essaie, c’était rarement une réussite. Il faut avouer que c’est tellement agréable, d’être alcoolisé, de se laisser aller en dehors de ses pensées et de s’endormir parfois en paix. “ C’est normal qu’ils me regardent, ils ne veulent pas de quelqu’un comme moi dans un endroit qu’ils aiment, où ils se sentent en sécurité. “ Il fait figure de menace dans un endroit réconfortant où chacun s’amuse, se libèrent des tracas de la journée. “ Ils ont juste peur. “ Certains expriment leur peur avec des regards, d’autres avec des insultes, de l'agressivité pour le faire partir ; comme si lui, ça allait le faire fuir. “ J’me méfie davantage de ceux qui n’ont pas peur… Bien que parmis eux s’cachent des gens comme toi, qui ont apparemment aucune idée d’savoir pourquoi les autres ont peur. “ Bien que cette peur du grand méchant Manwë allait finir par se tasser, dans les prochains mois, à cet instant, c’était encore difficile d’y croire, de seulement l’imaginer.

Le brun prend son verre qui vient de leur être porté, il vérifie l’absence de crachats, bien qu’il n’avait jusque là trouvé personne d’assez courageux / fou pour oser le faire. “ Tu te sens rassurée auprès de tes patients, alors selon toi… La sécurité serait de n’avoir aucun secret ? Mais toi, tu ne trouve pas ça confortable dans l’fond ? D’avoir tes petits secrets… “ C’est quand même bien plus simple que d’assumer certaines choses, et parfois même, d’impliquer les personnes que l’on aime dans des histoires atroces. Dans le fond, l’unique détenteur de notre sécurité, c’est nous mêmes. Manwë ignorait encore quel effet ça pourrait faire d’être accepté, d’être aimé, malgré ce qu’il a fait. Il n'espérait rien de la vie, mais s’il le devait, à l’heure actuelle, il ne pouvait qu’espérer que quelqu’un puisse tenir à lui en dépit de ces rumeurs, d’ignorer cette part de lui et non pas l’accepter tout bonnement. “ On trinque à nos p’tits secrets ? “ Qu’il propose avec un sourire inconsciemment charmant.