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outfit ) la tristesse sur le visage, sahan resserre doucement son étreinte autour du corps fragile de leioh. garçon abîmé, les plaies béantes qui suintent par les pores de sa peau. sahan ne veut plus lui faire mal ; il essaie de ne pas l’étreindre trop fort
de peur de le voir
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se briser. )
alors il se recule d’un pas, ou deux. le cœur émietté par les nombreux sentiments qui hurlent sous sa poitrine. si leioh est bien là, palpable sous ses doigts noircis par les peintures, il a déjà compris que son esprit est probablement ailleurs. perdu quelque part. sahan veut lui tendre la main, le rattraper. lui dire qu’il est désolé.
est-ce que ça changerait le cours des choses ?à présent, il tapote sur l’écran de son téléphone portable. il commande de quoi manger pour ce soir. juste un peu. il se doute de l’appétit absent de son aimé. avant, leioh préparait de bons plats, il les goûtait avec cet air satisfait sur le visage. son sourire habillait ses tâches de rousseur.
sahan déglutit, absorbé tout entier par le malaise évident qui s’est désormais installé entre eux.
il acquiesce au choix retenu par leioh, finalise et paie la commande avant de le rejoindre dans le salon. il l’a observé durant une brève seconde, de dos, tout droit, assis au bord de l’assise. ça lui fait peine à voir mais il ne le dira pas. il ne peut pas le dire. il craint que ça ne brise encore plus leurs retrouvailles.
ensemble, ils choisissent un film avant que la livraison ne sonne à la porte. sahan se relève pour la récupérer, remercier la personne, dépose le tout sur la table basse devant leioh. il sert deux verres d’eau, reste attentif aux gestes et aux rares bouchées qui sont prises. lui ne mange pas autant qu’il l’aurait pensé non plus. la boule dans la gorge.
— maybe we could go to the theater on another day, if you want to.dès que les muscles se décontractent des deux parties, que les mains de leioh encadrent son bras, sa tête sur son épaule. sahan lui a déclaré ceci en un murmure, presque semblable à une promesse, qui signifie se revoir. encore et encore. même si c’est douloureux, même si ça fait mal.
sahan a moins mal que lorsque leioh n’est pas à ses côtés.
égoïste.il sait pourtant qu’il est celui qui a brisé leur relation. qui a plongé la tête la première dans la drogue, incapable de supporter la célébrité.
ne me regardez pas, gardez seulement mes tableaux.mais un gamin de vingt ans, si élégant, ça attire tous les yeux.
sans même qu’il ne s’en aperçoive, sahan se blottit doucement contre la silhouette de leioh. il ferme un instant les paupières, et puis le film s’arrête, leioh s’en va. une énorme fatigue submerge sahan.
— d’accord.la tendresse s’invite, brève sensation de répit, avant que la présence de leioh ne soit plus qu’une illusion.
il le raccompagne, frôle ses doigts en saisissant le papier, le numéro de téléphone qu’il composera plus tard. il lui donne le sien.
— tell me when you’ll be back home.il choisit de le voir partir pour cette nuit seulement. sahan a besoin de reprendre des forces. de songer que ces retrouvailles ont vraiment eu lieu. il se doute que si leioh a manifesté son désir de s’en aller, c’est que c’est réciproque.
pourtant, un court instant, sahan ne se voit pas agir et il attrape le poignet de son interlocuteur. il glisse ses doigts entre sa peau et sa manche. relève les yeux vers les siens ; s’y noie.
y croie.
— take care, my angel.ça échappe, ça réchauffe.
sahan referme la porte derrière lui et s’accroupit sur le seuil.
mais qu’est-ce que ça fait mal.