(mercedes) the path.

les pieds dans l’eau, les pieds glacés. le mal du pays, sans doute, qui chavire le cœur, fait tanguer le navire. l’envie de rentrer, innocente, mais pas sans lui. plus jamais. à présent qu’il est tout près, sahan se demande de quelle manière l’atteindre. s’il tend le bras, s’il fait un pas, il craint de le voir s’enfuir. à l’autre bout du monde. n’y est-il pas encore ? soupir vaporeux dans l’air frais du soir. il a vendu de nombreuses roses, porteuses d’espoir. les mains abîmées par les épines, les doigts écorchés par les branches ; les ongles noircis par le charbon de ses dessins. et pourtant, le voilà à danser près de la mer. elle qui est si belle lorsqu’elle se reflète dans ses yeux. elle qui brille quand il s’en approche, qu’il la fait glisser au creux de ses mains. sahan a mal et s’il ne se meut pas, il souffrira bien plus fort. bien plus encore. un an et demi passé séparés – un an et demi à tenter de se racheter. les erreurs du passé sont toujours les douleurs au présent. le devoir de les affronter. lui a-t-on donné toutes les armes qu’il lui fallait ? sahan déglutit, grimace quand son talon rencontre un caillou. mais il ne s’arrête pas. non ! ses mouvements prennent de l’ampleur à mesure qu’il autorise ses sentiments à s’extraire de ses pores. ici, personne ne le connaît. ici, personne ne viendra le chercher. il danse à s’en briser les jambes. il danse comme si rien d’autre n’existait. ses cheveux bruns ont commencé à bien repousser. il a pu en faire une petite attache. simple. un élastique, noir. accroché à sa chevelure dont quelques mèches caressent son faciès. le garçon venu d’ailleurs ne cesse de danser. encore et encore. plus haut, plus fort. la mélodie est seulement celle qui se joue dans son esprit ; qui lui hurle d’avancer. il l’entend, même les paupières à demi fermées. il aimerait seulement être capable de la comprendre. de la cerner. peut-être que la réponse se situe dans les cieux, obscurs. la nuit est déjà tombée. l’eau est glacée et, les pieds enfoncés dans le sable, sahan éclabousse le bas de son pantalon. le coeur et le corps en disgrâce, pourtant, qu’il est ravissant ;

( l’ange d é c h u ).

J'avais perdu l'enfant, j'avais déménagé de cette maison que j'avais en horreur et j'étais en train de régler l'achat d'une petite maison, avec deux chambres, pour pouvoir y recevoir Pénélope une semaine sur deux en attendant le divorce. Je n'étais pas spécialement enjouée, pas spécialement sociable, perdue dans mes pensées, le casque autour du cou, j'avais voulu aller courir et finalement je marchais, il n'y avait personne ou presque sur la plage.

Je regardais ce garçon, tremper ses pieds dans l'eau probablement fraiche de la plage, et je décidais de l'imiter, il semblait perdu dans ses pensées, dans son monde propre à lui. Le premier contact était gelé, et je grinçais des dents avant de m'habituer. Je n'avais pas réalisé, le garçon ne fait pas seulement trempette, il danse, il n'y a pas de musique, que sa musique intérieure, et il danse, il se moque du regard des autres, et il laisse l'air épouser les arcs de son corps.

Je ne suis pas une grande danseuse, et mon corps est encore rompu aux mauvais traitements de ces dernières semaines, mais je le rejoins, je dessine une bulle imaginaire autour de moi, et je tourbillonne dans l'eau et le sable froid, laissant libre court à sa folie douce pour soigner mon propre corps !

Je manque de tomber et sa main rencontre la mienne, je relève le visage vers lui et lui offre un sourire tendre et amical, je me redresse avec son concours, dansant encore un peu avec lui, et puis le corps tombe sur le dos, épuisé d'avoir fait ça, heureuse pourtant.

- C'est... c'est... c'était tellement bien... Dis-je à l'intention de mon voisin d'ange des sables. Merci...

ah ! ivresse invincible d’un instant hors du temps. et si le corps tangue sous les remous de ses propres sentiments, la main saisit, l’instant d’une seconde, la caresse de la silhouette qui s’éveille à ses côtés. ils ne se connaissent pas et leurs musiques sont différentes. elles ne résonnent pas de la même manière dans chacun de leurs mouvements, au cœur de leur valse. ensemble, et pourtant seuls. deux ombres qui tournoient dans l’obscurité, se tendent vers la lumière de l’astre lunaire au-dessus de leurs têtes. les pieds continuent de s’animer dans des gestes insensés ; à quoi pensent-ils chacun de leur côté ? frémissement imperceptible qui épouse l’échine du garçon au faciès venu d’ailleurs. c’est alors qu’il l’aperçoit s’allonger, se perdre dans le sable. alors sahan stoppe sa danse, s’arrête là, dos à la mer, face à la jeune femme qui le remercie. il ne comprend pas et il le lui dit. — je n’ai rien fait. et c’est vrai. rien fait d’autre que de danser dans un but purement égoïste ; pour lui-même. au départ. ou peut-être un peu pour leioh aussi. même s’il n’est pas là pour le voir. sahan aimerait à nouveau se mouvoir pour lui. lui montrer qu’il n’a pas changé et qu’en même temps il est devenu quelqu’un d’autre. sahan déglutit, passe une main dans ses cheveux bruns pour les repousser en arrière. mais avec le vent, ça ne dure pas longtemps. alors il se tourne légèrement, se met en biais pour la voir elle, à ses pieds, et la voir elle, à l’horizon. — pour quoi est-ce que vous dansez ? question qui brûle les lippes gercées par le froid qui s’installe quand le myocarde conserve la chaleur de la danse. il y a tellement de raisons propres à tout individu. et ce soir, sahan est curieux de découvrir ce qui a entraîné la jeune femme à venir s’élancer près de lui.

@Mercedes Hendrix

Pourquoi je danse... Me mordant la lèvre, mon regard se fige sur le ciel au dessus de nous.

- Je danse pour évacuer une pesante tristesse, un puissant désespoir de vie... Je ne suis pas une bonne danseuse, je dessine mieux que je danse, et je chante mieux que je ne danse. me confiais-je.

C'était agréable, après des nuits de solitude absolue, ou des nuits partagées avec Pénélope, pour la rassurer et donc perdre toute liberté, c'était agréable de parler avec un inconnu. Je n'avais pas spécialement besoin de connaître son prénom, son âge et son métier, il était à l'image des étoiles dans le ciel, un astéroïde lumineux, échoué à côté de moi, aimantant quelque part sa mélancolie à la mienne. Quelque chose dans ce goût là.

- Et vous ? Pourquoi danser comme ça ? tout Seul ?

Je me redresse, je n'en ai pas envie, je serais bien restée allongée sur le sable humide encore quelques temps, mais c'est plus poli, que d'échanger assis non ?

les jambes fléchissent, la silhouette du garçon s'accroupie au bord de l'eau. les pieds mouillés, il perd sa main dans les remous qui l'atteignent. ses prunelles vont de la jeune femme au ciel qu'elle observe. les réponses s'enchaînent, se déploient dans l'atmosphère comme pour permettre à la mer de les emporter dans son courant. sahan sourit à peine, entend les maux plus que les mots. les passions sont celles qui offrent une certaine capacité à s'en sortir. rebondir quand la vie est trop dure. il acquiesce en silence. ses pieds s'enfoncent dans le sable mou. se faire engloutir. il connaît. — parce que je ne peux pas encore danser pour lui. leioh. comme s'il n'était pas tout à fait prêt. peut-être qu'il a simplement honte de ce corps qu'il a connu différent. de ses doigts aujourd'hui abîmés par les heures passées à servir un pays comme sevrage. sahan déglutit, se souvient du goût que ça avait. il n'avoue pas que, parfois, ça lui manque encore. entrer dans un univers parallèle pour se cacher de la réalité. — j'aime aussi dessiner. peindre. les traits au fusain, les couleurs en aquarelle ; souvent en noir et blanc depuis ces derniers mois. — mais je ne sais pas chanter. il s'en amuse vaguement, se redresse et vient enfin s'asseoir non loin de son interlocutrice. deux âmes face à l'immensité de l'océan. cela ressemble probablement à un tableau. friedrich peut-être.

@Mercedes Hendrix

Il se redresse et j'en fais de même, je ne comprends pas bien la particularité de cette âme, il parle qu'il ne peut pas danser pour lui, et j'hoche la tête, perdue moi même dans mes définitions propres de lui.

Je sais que je ne peux pas rester longtemps, que mon postérieur va finir par avoir froid dans le sable humide, et qu'il faut que je prenne mes médicaments. Mais je reste là, les mains dans les poches de mon gros sweat, en regardant l'océan devant nous.

- All the day
Make it through, fall into the line
All the way
To a carnival that closes in July
Because we can't become
Victim of a sum
Cradle our desire
To keep from drowning
For all we know
And all we've shown
Crazy our survival
To keep from drowning

Je me mis à chanter, une chanson de @Dylan Lewis que j'adorais, et que je chantais pour combler le silence entre nous. Je ne sais pas si l'inconnu connait cette chanson, mais je la trouve très à propos ici.

Je laissais la houle couvrir ma voix, dans cette version moins passionnée que l'originale, et puis je me levais, retirant le sable de mes fesses et cuisses.

- Un jour tu danseras pour lui...

Je posais mes mains sur son épaule, et déposais un baiser sur le dessus de son crâne.

- Bonne route à toi.

Et je quittais ce moment volé, qui avait de ça, beaucoup de légèreté malgré ma vie trop compliquée. Je rentrais chez moi, cachée sous une capuche, chantonnant City Grown Willow doucement, et jusqu'à ma voiture.