You look kinda familiar. (feat. Ian)

« Il s’est passé pas mal de trucs depuis ton… départ. »

Je brûlais de savoir ce qui s’était passé. Qu’était-il arrivé à sa mère ? Et surtout, pourquoi n’avait-elle pas tenté de me contacter ? Je n’avais plus jamais entendu parler d’elle. Elle était simplement disparue. De quoi avait-elle l’air aujourd’hui ? À 40 ans, on ne ressemble plus aux jeunes adultes que nous étions dans la vingtaine. Les rides commençaient à s’attaquer à notre visage et parfois même les cheveux blancs. Je ne perdais pas espoir de la revoir un jour. Si j’avais retrouvé Emily, je pourrais la retrouver. Je ne voulais pas une quelconque relation avec elle, seulement savoir ce qui c’était passé. J’avais perdu 15 ans en prison à ne rien savoir. C’est comme un vide dans ma tête. J’avais manqué tant de morceaux de la vie de mes proches que j’avais l’impression d’avoir été mort pendant toutes ces années.

« Il va falloir que tu te mettes à la page rapidement ou tu vas passer pour un ringard et personne ne t'adressera la parole ! »

Je ne pu m’empêcher de sourire à ces paroles. Elle était jolie lorsqu’elle souriait. C’était de cette image la que je voulais me souvenir. Une image de ma fille heureuse. Je me demandais si elle l’était normalement, heureuse. Était-elle satisfaite de sa vie ? Elle m’avait dit qu’elle n’était pas heureuse dans son mariage et qu’elle n’allait pas à l’école. Son passé n’avait pas été facile mais qu’en était-il du présent ? Pour ma part, je ne savais pas comment décrire mes sentiments. Avais-je été heureux avant d’entrer au pénitencier ? Je l’avais été par moment avec ma copine et lors des courtes périodes que je passais avec Emily lorsqu’elle était petite.

« J’ai jamais vu autant de gadget électronique ! Vous faites quoi avec vos micros téléphones ? Tous les jours je vois les gens pianoter sur l’écran. Je croyais que c’était fait pour téléphoner… »

C’était une autre chose qui m’intriguait au plus haut point. J’en étais venu à me dire que c’était des écrans tactiles. C’était difficile à croire. Comment en était-on rendu à posséder de minuscules téléphones avec écran tactile ? Et pour ce qui était d’être ringard, je l’étais déjà depuis longtemps.

« Et… Où est-ce que tu vis ? »

« Dans un motel crasseux pas bien loin. Juste le temps de me trouver un logement. »

Et un job… J’avais perdu tout mes contacts au fil des années. Certains m’avaient contacté lorsque j’étais en prison pour ravoir de l’argent que j’avais promis sans jamais la leur rendre. C’était ceux-ci que je cherchais à éviter. Je savais qu’un retour dans mes anciennes activités se révélerait plus ardus que ce que je m’étais imaginé. D’ailleurs, l’un deux m’avait déjà retrouvé il y a de cela une semaine. Ça n’avait pas été une rencontre très concluante. Tout ce qu’il me restait à faire présentement était de me trouver un job normal et passer inaperçu un moment pour amasser de l’argent un peu. J’avais dans ma mire quelques garages automobiles où je pourrais me renseigner pour un job.

« J’ai jamais vu autant de gadget électronique ! Vous faites quoi avec vos micros téléphones ? Tous les jours je vois les gens pianoter sur l’écran. Je croyais que c’était fait pour téléphoner… » Les lèvres d’Emily se fendirent en un rictus amusé. On ne se rendait pas compte à quel point la technologie évoluait rapidement. C’était tellement banal, de nos jours, qu’une nouveauté révolutionnaire sorte tous les six mois qu’on en oubliait que ces gadgets n’avaient pas toujours été là pour faciliter notre quotidien. « Si tu savais tout ce qu'on peut faire avec un téléphone ! Prendre des photos, filmer, aller sur internet, télécharger des jeux, de la musique, des applications pour tout et n'importe quoi... C'est complètement dingue ! » Contrairement à la plupart des jeunes des son âge, Emily n’était pas accro aux nouvelles technologies. Elle avait un portable, bien évidemment, mais elle s’en servait simplement pour téléphoner ou envoyer des messages. Peut-être qu’elle tenait ça de son père, après tout ! Sa réplique avait au moins eu le mérite de le faire sourire. « Je te montrerais, si tu veux. » Il fallait bien qu'ils renouent des liens d'une façon ou d'une autre, non ? Lui montrer le fonctionnement d'un téléphone pouvait sembler débile mais pour la jeune fille, c'était surtout un moyen d'essayer de se rapprocher de son père.

« Dans un motel crasseux pas bien loin. Juste le temps de me trouver un logement. » Un motel crasseux ? Elle voyait d’ici le tableau. C’était probablement le genre d’endroit totalement insalubre qui regorgeait de gens peu fréquentables qu’on voyait parfois dans les road-movies. Le simple fait d’imaginer son père dormir dans un endroit pareil la rendait malade. C’était peut-être mieux que la prison, mais il méritait autre chose. Prenant une profonde inspiration, elle croisa son regard. « Peut-être que… » Elle s’arrêta et se pinça les lèvres. Allait-elle vraiment dire ça ? « Peut-être que tu pourrais t’installer chez moi quelques temps ? Ça te ferait économiser un peu d’argent, tu n’aurais plus à payer le motel… C’est loin d’être un château mais je suis sûre que c’est mieux que l’endroit où tu vis en ce moment. » Était-elle réellement en train de proposer à son père de l’héberger ? Comme ça, sans en parler avec son mari pour savoir son avis ? Casey ne pourrait sans doute pas comprendre. Il était issu d’une famille unie et ses parents avaient toujours été là pour lui. Il ne savait pas ce que « grandir sans père » signifiait. Oui, elle jouait les fières et prétendait que l’absence de ses parents ne l’atteignait pas. Mais c’était loin d’être le cas. Et maintenant que son père était sorti de prison, elle ne pouvait pas le laisser seul. Au fil de la conversation, Ian avait réussi à faire tomber toutes les barrières qu’elle avait dressées entre eux. La méfiance s’était estompée et à présent, elle souhaitait réellement rattraper le temps perdu. Et oublier toute cette histoire de braquage et de prison pour repartir sur de bonnes bases. « Enfin… Si tu veux », ajouta-t-elle timidement, un petit sourire aux lèvres. Peut-être qu’il n’en avait pas envie. Peut-être qu’il voulait garder son indépendance et que vivre temporairement dans ce motel lui allait très bien. Elle ne s'offusquerait pas s'il refusait de proposition. Elle voulait l'aider, mais elle comprendrait très bien qu'il préfère rester seul.

« Si tu savais tout ce qu'on peut faire avec un téléphone ! Prendre des photos, filmer, aller sur internet, télécharger des jeux, de la musique, des applications pour tout et n'importe quoi... C'est complètement dingue ! »

Je la regardais d’un air sceptique. Prendre des photos, filmer, aller sur internet ? Prendre des photos ? J’avais l’impression d’avoir voyager dans le temps. Un saut dans le futur ! Et voila qu’on pouvait faire des films avec de minuscules téléphones. Je me souviens encore de ses énormes téléphones portables que les plus fortunés trainaient avec eux. J’en avais rit lorsque je les avait vu pour la première fois. Se balader avec d’aussi gros appareil, c’était risible quand on retrouvait des téléphones publics à chaque coin de rue. J’avais eu tord de m’en être moquer à ce que je pouvais voir.

« Je te montrerais, si tu veux. »

« Oh bien sûr que je veux ! Si je veux m’adapter il va bien falloir que j’apprenne. J’y connais rien à rien, je ne suis même jamais aller sur internet… »

Avant la prison, je n’avais pas assez d’argent pour penser me procurer un ordinateur. Je n’étais pas un accro de la technologie, j’avais toujours laissé les gadgets aux autres. Mais aujourd’hui, tout tournait autour de ces bidules. Je ne m’attendais pas à comprendre grand-chose, c’était l’un des plus grands mystères de l’univers pour moi. Lorsque je lui eu dit où je logeais pour le moment, je la sentis hésitante.

« Peut-être que… »

J’haussais un sourcil, me demandant ce qu’elle avait en tête.

« Peut-être que tu pourrais t’installer chez moi quelques temps ? Ça te ferait économiser un peu d’argent, tu n’aurais plus à payer le motel… C’est loin d’être un château mais je suis sûre que c’est mieux que l’endroit où tu vis en ce moment. »

J’étais incroyablement confus. J’étais loin de m’attendre à une proposition de ce genre. Je ne savais même pas si j’avais envie ou pas. Elle ne vivait pas seule à ce que je savais, il y avait un garçon dans le décor. Et avec mes anciennes connaissances qui étaient peut être à ma recherche… Quelqu’un d’autre m’aurait fait la même proposition et j’aurais accepté immédiatement sans aucun remord. Mais savoir ma fille tout près en cas de danger… Je serais fou de rage si quelque chose lui arrivait, alors que j’aurais pu l’empêcher en restant loin. D’un autre côté, j’avais toujours en tête cette phrase qu’elle avait dite ; ça ne va pas du tout avec mon mari. Était-il violente ? Lui avait-il dit des choses méchantes ? Aurais-je ma place chez eux ? Les deux choix qui s’offraient à moi avaient tout les deux leurs conséquences. J’avais envie de dire oui. J’avais envie de rester près d’elle pour l’aider. Mais comment aider quelqu’un quand c’est nous même qui avons le plus besoin d’aide ?

« Et ton copain il en penserait quoi ? »

Je lui souris tristement et croisais les bras.

« J’accepte ta proposition seulement si tu me dis que tu es sûre de toi. Je sais ce que c’est qu’une décision prise sur un coup de tête. Et je refuse que tu m’héberges gratuitement, je paierais. »

« Oh bien sûr que je veux ! Si je veux m’adapter il va bien falloir que j’apprenne. J’y connais rien à rien, je ne suis même jamais aller sur internet… » Emily lui adressa un sourire. Il avait l’air tellement perdu face à l’avancée de la technologie que c’en était touchant. Et puis, cela leur faisait un bon point commun ! Elle non plus n’était pas vraiment fan d’informatique et compagnie. « Je ferai mon possible pour être un bon professeur, alors ! », dit-elle joyeusement. Elle avait hâte de lui apprendre comment fonctionnait un téléphone portable ou comment aller sur Internet. Ce serait l'occasion de passer du temps ensemble et de se rapprocher davantage, elle en était certaine. Elle lui proposa finalement d’emménager chez elle pour quelques temps et l’espace d’un instant, sa respiration s’arrêta. Elle était persuadée qu’il allait refuser. Et même si elle pouvait comprendre, elle serait un peu blessée de se faire rembarrer alors qu’elle faisait un pas vers lui. « Et ton copain il en penserait quoi ? » Emily haussa les épaules. Honnêtement, elle n’en savait rien. « Ne t’inquiètes pas pour ça. » Casey n’allait probablement pas sauter de joie mais elle espérait trouver les bons arguments pour qu’il tolère la présence de son père sous leur toit. Enfin, s’il acceptait sa proposition, évidemment. « J’accepte ta proposition seulement si tu me dis que tu es sûre de toi. Je sais ce que c’est qu’une décision prise sur un coup de tête. Et je refuse que tu m’héberges gratuitement, je paierais. » Soulagée, elle se détendit un peu et se remit à sourire. « Je suis sûre de moi. Tu es mon père, après tout. C’est normal que je te donne un coup de main, non ? Et puis je serai plus rassurée de te savoir chez moi. » Au moins, elle pourrait garder un œil sur lui et n’aurait pas à passer son temps à s’inquiéter de le savoir dans une mauvaise passe. « Par contre, c'est hors de question que tu paies quoi que ce soit », continua-t-elle d’un ton catégorique. « Si tu tiens vraiment à faire quelque chose en échange, on partagera les tâches ménagères ! », ajouta-t-elle en souriant. Elle capta le regard furieux de son chef, posté près du comptoir. Elle était tellement perturbée par ces retrouvailles inattendues qu'elle avait complètement laissé tomber son travail pour rattraper son père... Et elle allait probablement se faire sermonner par son patron, qui lui rappellerait qu'elle était là pour travailler, pas pour se faire des amis. Elle soupira doucement et sortit de sa poche le petit calepin sur lequel elle avait l'habitude de noter les commandes. « Je dois retourner travailler... » Elle n’en avait pas envie mais elle ne pouvait malheureusement pas passer le reste de l’après-midi à discuter avec son père. Elle nota quelque chose sur la première page du carnet avant de l’arracher et de la tendre à Ian. « Tiens, j’ai noté mon adresse. Ce n’est pas très loin d’ici. Tu peux venir dès ce soir, si tu veux. Je termine mon service à 19h, ça te laissera le temps de récupérer tes affaires au motel. » Elle lui adressa un dernier sourire avant de retourner auprès de son supérieur pour s'excuser de cette petite pause imprévue et de reprendre ses activités... Même si elle savait pertinemment qu'elle n'arrivait pas à se concentrer sur ce qu'elle faisait, bien trop impatiente et anxieuse à l'idée que son père vienne vivre avec eux.