beers as a payment. (thad)

Tu manques de t'étouffer sérieusement au sujet des comédies romantiques. Tu n'y as vu que du feu. Le tableau « Thad, Bridget Jones et glace » est juste magnifique, bien qu'il y perde toute virilité. Rien à voir avec le remake (ou la parodie) de Keanu Reeves. Et surtout pas crédible du tout... Il devrait prévenir quand il s'apprête à sortir une connerie et que tu portes le verre à tes lèvres. Tu aurais pu y rester. Puis tu t'accoudes au comptoir et boit chacune de ses paroles. Après tout, il semble sincère (tu t'es bien tapée l'affiche pour qu'il daigne s'ouvrir un peu) et c'est aussi plus crédible... Le voyage, l'indépendance, la caravane. Ça devait être sympa. Enfin, tu ne fais que supposer, parce que tu n'as jamais fait de camping et que ton confort tu y tiens un peu. Et puis, il a ce regard de passionné lors qu'il parle de surf, de sa première fois sur une planche. Impossible que tu ne passes pas à côté de ça. C'est limite s'il ne parle pas de sa femme, de son âme sœur, de l'amour de sa vie. « Du coup, ceci explique cela. Mais je suis... comblée. Enfin non, satisfaite de ton discours, tu comprends de quoi je parle. » Ta curiosité te titille un peu à vrai dire. Tu aurais pu lui demander si ses parents, sa famille, lui en voulaient de ne pas avoir perpétré la tradition, mais là tu serais allée trop loin. Trop personnel, trop déplacé. Ou lui poser aussi une centaine d'autres questions sur sa vie. Ta maudite curiosité est carrément maladive par moment. Et puis de toute façon, ce n'est pas ton tour. Tu retournes à ta bière, puis reporte une dernière fois ton attention sur ton voisin. « Oh et pour en revenir, je te jure que c'était moi toute à l'heure, pas de jumelle maléfique ou que sais-je. Mais je ne le referai pas de si tôt je pense. » Tu ris en imaginant la scène en tant que spectateur. Tu n'as jamais fait ça devant un miroir et pas question de voir les vidéos de famille. En bonne fille qui se doit, ton image, tu ne la supportes pas des masses. D'ailleurs, tu ne referas jamais quoique ce soit d'autre sur un comptoir, mais ça pas besoin de le préciser. « Entre ce matin et maintenant, j'ai définitivement perdu ma dignité. » Et ce ne sera pas évident de la retrouver. T'as les larmes aux yeux, mal au ventre, mal au niveau des zygomatiques, à force de rire.

La question de la dignité te laisse perplexe. Tu ne vis plus avec tes parents, tu es en âge de vivre pour toi-même, mais ce n'est pas du jour au lendemain que tu changeras. Un peu comme si tu étais formatée à agir ainsi avec quelques déviances comme toute à l'heure. Tu ne répondras pas, te contentant tout juste d'un haussement d'épaules. C'est compliqué, pour résumer. T'es pas coincée, non. C'est compliqué. Point. Tu imites Thad avec ta bière. « Carrément ouais ! Mes cahiers, ceux de mes voisins en cours, les tables aussi et ça finissait au posca à même la peau quand ça ne suffisait plus. » Sourire, ok. Sauf que tu as un léger tic nerveux au coin de la lèvre. Tu soupires intérieurement : il va te griller rapidement. Au lycée, c'était pas du tout ton genre. Tu étais sérieuse, sage. Pire que maintenant quoi. Pour tout vous dire, aujourd'hui tu serais capable de dessiner sur quelqu'un, surtout pour enquiquiner ton entourage comme tes colocataires en plein milieu de la nuit. Tu grimaces avec légèreté, puis fait non de la tête. « Ouais, je suis nulle aussi pour bluffer. Tout le monde ne joue pas au poker, hein. » Sourire en coin. Le poker, tu y a joué une ou deux fois, à tout casser. Mais avec la carte d'aide, vous savez... Celle où il y a toutes les combinaisons gagnantes, parce que tu as été incapable de les retenir. « C'était un passe temps. En dehors de la country et des autres clichés cow boy, y'a pas beaucoup d'activités au Texas. » Tu aurais pu être une Calimity Jane des temps modernes aussi. En réalité, tu avais commencé ton année universitaire en Californie quand l'adorable Perry a lâché la bombe de son déménagement ici. Année compromise. Il fallait que tu fasses quelque chose pour gagner un peu d'argent, même si ce n'est pas quelque chose dont tu manques. « Et de toute façon, je ne suis pas très adroite, ça limite un peu les choix. Tu crois que je pourrais repasser un matin avant que tes clients arrivent ? » Il peut considérer ça comme une invitation à se moquer (encore) de toi, mais toi, tu as vraiment envie de retenter l'expérience de ce matin. Ça te change les idées, dans le sens positif. Et oui, ce n'est pas une question personnelle. Tu sèches, persuadée que le reste relève du privé.

Tu écarquilles des yeux tout en ayant terminant ta bière. Il va pas te lâcher avec ton double maléfique ou quoi. « Non, je te jure. Mon double maléfique t’aurait faire une lap dance, ou elle t’aurait au moins fait du pied toute la soirée, ou autre chose plus de ce style, tu vois. Bref, je pense qu’elle aurait flirté avec toi sans trop chercher à te connaître. » Tu prends sur toi en caricaturant ce qui pourrait être ce double, que tu ne connais toujours pas d’ailleurs. Tu te mets à murmurer et te rapprocher de Thad comme si tu t’apprêtais à vraiment flirter avec. Tu t’en sors pas trop mal, sans trop tomber dans le pur cliché ou ne pas être prise d’un énième fou rire – oui tu as des abdominaux d’enfer avec tout ça. Et enfin, tu te redresses comme si de rien n’était. « Même si je ne suis pas une fan de tricot, ma vie n’est pas très palpitante, whatever. » Petite phrase accompagnée d’un haussement d’épaule alors que tu fais signe au barman pour qu’il vous resserve une dernière fois. Après quoi ta vessie risque certainement de te lâcher et dans le pire des cas, tu ne seras pas capable de rentrer chez toi. Il ne manquerait plus que tu dormes dans un coin ou carrément sur la plage, tiens. Idée rapidement balayée par ton imagination : toi dans l’eau, en maillot, sur la planche soir ta nouvelle meilleure amie. Tu préfères contourner un peu la question. « Tsss rigole pas trop ou mon fameux double maléfique pourrait venir avec rien du tout sur le dos. » Dixit la fille qui se sentirait plus à l’aise dans une combinaison – voire un scaphandre – qu’autre chose.

Si tes ancêtres ont pu écouter cette conversation, ils ont du se retourner maintes fois dans leur tombe et mourir encore. Toi, tu soupires. « Je n’ai jamais fait cette confession, mais j’avoue qu’il semble assez cool ce double maléfique. » Tu hausses les épaules. Enfin, il faudrait déjà que tu fasses toi-même connaissance avec cette Poppy avant que ton voisin puisse avoir ce « privilège ». Oui, il serait peut-être temps que tu vives un peu pour toi, comme il te l’a fait souligner plus tôt, quitte à ce que ce soit une sorte de jardin d’Eden. La Poppy raisonnable qui gère Perry et tout le reste. Puis, d’un autre côté, la Poppy qui cessera par moment de penser au regard des autres ainsi que leur jugement. La Poppy que vous avez entrevu en train de danser sur ce comptoir. C’est la légèreté de votre conversation, fraîchement rencontré depuis ce matin, qui te met devant le fait accompli. Tu fronces les sourcils, mais aucun rapport avec le sourire qui a accompagné les paroles de Thad. Mon dieu ma pauvre fille, si seulement tu savais ce qu'il venait d'avoir en tête à l'instant même. À moins que ce soit plus simplement l’Australie qui ouvre les yeux à ses nouveaux résidents. Allez savoir. Une gorgée par ci, une gorgée par là, puis tu grimaces. « Attends, deux petites secondes. » C’est bien beau de boire, mais tu n’as pas une vessie extensible non plus.

Tu reviens, tignasse qui retombe sur tes épaules et saute sur ton tabouret, sans trop t’emmêler les pinceaux. Quoique, il y aurait à redire. « Donc nous disions ? » Après l’effort de… whatever, le reconfort. Tu lèves ton verre. « Cette fois, on trinque à mon double maléfique. Prions pour qu’il sorte tôt ou tard de sa cachette. »

Jouer le jeu de la copine ? Tu fronces les sourcils et fixe ton voisin un peu inquiète et perdue. Coïncidence ou pas, tu as terminé ta gorgée de bière quand il se confie. Sinon, tu aurais tout recraché sur le premier se trouvant en face de toi, Thad compris. En attendant, tu manques juste de t’étouffer, au point d’avoir le teint pivoine. « Qu’est-ce… ? » Tu reprends tes esprits, ou presque. Toi, tu as raté un épisode avec les blaireaux, comme il dit si bien, sinon ce n’est pas possible autrement. Tu regardes autour de vous et tu remarques un petit groupe qui vous fixe. Ça doit être eux. Ils semblent avoir un sacré coup dans le nez à côté de toi. Ou alors il s’agit d’une technique de drague quelque peu étrange, typique du pays ou plus simplement de Bowen (quand on voit l’état du pauvre Maire, on est en position de se poser ce genre de questions). Et soudain un éclair de génie traverse ton esprit, qui commence sérieusement à s’embrumer entre nous. Ni une, ni deux, tu embrasses furtivement Thad. Non ce n’est pas ton double maléfique qui vient de faire son apparition. C’est « drunk Poppy » qui lâche soudainement « autant jouer le jeu jusqu’au bout, non ? » Avec un air innocent, tu hausses les épaules. Oh tu ne vas te plaindre. Pour le moment, il n’est pas catégorisé chez les « méchants » et il est plutôt attirant, soyons honnêtes. Ce n’est pas une expérience désagréable. « Qu’est-ce que je te disais toute à l’heure, t’as un peu un côté super héros quand tu veux. » T’as un sourire de reconnaissance. « Tu les connaissais ? Enfin merci quand même, je suppose que tu m’évites de perdre du temps. » Les types lourds, ivres et compagnie, très peu pour toi. Tu n'est pas si désespérée que ça. Tu préfères même la compagnie des chats et du tricot pour la peine.

Toi, tu vois le bon côté de cette connaissance : pas besoin de supporter ces boulets alcooliques. Il t’épargne ça, c’est trop gentil. Évidemment, il doit y en avoir d’autres en ville, mais c’est toujours ça de moins. Et puis voilà qu’il s’y met. Il te surprend avec son baiser. Pas un « drunk one », certes, mais c’est pas celui d’un gosse de cinq ans non plus qui cherche à se débarrasser d’une tâche compliquée ou honteuse. Tu pourrais presque y croire si vous n’aviez pas des rôles à jouer. À moins que tu aies un don d’actrice, un truc du style dans le sang. Mais ton visage se décompose quand Thad parle de fiançailles. Non, non, tu n’es pas du tout tombée dans le panneau, c’est que la conversation a rapidement changé tout d’un coup. « Faudra qu’on trouve mieux comme excuse. » Tu lèves les yeux au ciel. Un rictus. « J’aime pas mentir. C’est vraiment un truc qui me dépasse. Alors à défaut… » Vérité. Un sourire se redessine sur tes lèvres. « D’avoir tâté la marchandise, il nous faudra une autre excuse. Parce que jusque là, tu t’en sors bien. » Tu fais mine de siffler pour te donner une once d’innocence. Ça doit être tout sauf crédible. Merci la légèreté de votre conversation, tu n’aurais jamais rien sorti de tel en temps normal. « Ou sinon, on dira que tu as rencontré l’aventurière parfaite. » Une fille qui surf, qui a pas peur de dormir ailleurs que dans un lit douillet. Une fille plus comme lui et carrément moins comme toi. « Enfin en attendant, pas de ‘ô mon amour’, c’est compris ? » Tu soulignes chaque des termes de cette phrase en tapotant l’arrête du nez de Thad avec ton index, comme si cela allait lui faire rentrer dans le crâne plus facilement. Les gestes affectifs ça va, les trucs niais c’est moins t’as tasse de thé. En attendant, tu ne vas pas faire long feu ce soir. D’autant plus que tu vas devoir rentrer seule avec tes pauvres petites jambes. Alors votre couverture, ça va être terminé.

Tu ne te sens pas spécialement à l’aise quand il te propose de « tâter la marchandise ». Même si tu soupçonnes une pointe d’humour – « mon amour » – tu tombes dans le piège, tête la première, et prends la proposition au premier degré. Bon public de ses blagues. Alors, non, pas de regard pseudo-emmouraché d’actrice. Tu glisses quelques billets sur le comptoir pour régler vos consommations. Bien que la galanterie d’un couple – aussi faux soit-il – veut que ce soit la gente masculine qui règle, tu lui avais promis ce, enfin ces verres en guise de gratification pour les services rendus ce matin. Après quoi, tu te laisses doucement glisser de ton tabouret, sans prendre de risque. « Au mois, c’est un fidèle destrier. » Non, parce que les voitures, on ne peut jamais leur faire confiance ; elles tombent toujours en panne quand il ne faut pas.

Prise au jeu, tu glisses ta main dans la poche arrière du jeans de Thad. Un dernier coup d’œil du côté des ivrognes et tu sors ton sourire de satisfaction. Une fois que vous avez franchi la porte du bar, tu ne le lâches pas. « T’étais sérieux pour la proposition de me ramener ? Parce que je serai capable de m’endormir ici même, alors sauf si t’es prêt à me traîner… » Oui oui, pas besoin de grand confort ce soir, à même le sol, à même la plage. Peu importe dans l’immédiat. Trop de bière et de sport pour la novice que tu es. Mais, à moins qu’il tienne te faire tenir sur le guidon de son vélo, ou porte bagage s’il en a, tu ne vois pas comment vous pourriez vous y prendre. Tu arques un sourcil interrogateur. Après tout, c’est SuperThad hein.