(#17) we are all dust. (poppy)

Elle se frotte les yeux. En relevant la tête, instinctivement, elle regarde sa montre... 18:17. Ah, ça v... DIX-HUIT HEURES ?! Merde, bordel, panique ! Pandore se lève d'un seul coup, si brusquement que son coude se tape contre sa chaise, lui donnant une désagréable impression de fourmis dans tout le bras. Elle jure, et soupire. Sur la table devant elle, des pages et des pages d'un article interminable. Comment a-t-elle pu s'endormir sur son boulot ? Chose qui ne lui ai jamais clairement arrivé en trois ans de métier. Bon, d'accord. Il faut dire que quand on ne dort pas la nuit, visiblement, le sommeil se rattrape de lui-même en s'incrustant comme il le veut. Elle passe une main dans ses cheveux, persuadée d'avoir la marque de son bureau imprimée sur la joue. Finalement, elle décale sa chaise qui grince, avant de sortir de sa chambre avec une vraie tête d'ensommeillée, pour se rendre dans le salon. Elle tombe justement sur Poppy, et écrase un bâillement. « Tiens, salut Poppy, comment va ? Tu veux un café ? » Oui à cette heure-là, Panda se fait un café, sinon elle va se rendormir. Elle ne compte pas continuer à bosser, de toute façon, elle n'est pas franchement productive aujourd'hui. Alors qu'elle met en route la cafetière, elle se tourne vers sa colocataire pour l'observer. Vaguement, elle se demande si elles ne devraient pas parler un peu. Juste histoire qu'elle soit au courant par elle et pas par les concernés – ce que Pandore trouverait déplacé – eh bien.. qu'elle est sortie avec son copain et qu'elle est enceinte de son frère, quoi.

En débarquant dans le salon, Pandore remarque très vite que Poppy n'est pas au meilleur de sa forme. Elle non plus. À croire qu'en ce moment, c'est la débâcle des déprimes. N'osant pas la pousser dans des sujets houleux ou qui lui feraient de la peine, elle lui propose juste un café. Elle explose de rire. Et fond en larmes. C'est le café qui la met dans cet état-là ? Inquiète, Pandore se précipite un peu vers elle, s'agenouillant à son côté, ne sachant pas trop comment être douce sans être brusque. Réconforter les gens, ça n'a jamais été son fort, c'est vrai. Gardant alors un silence de pierre tombale, elle l'aide à se relever, muette. « Excuse moi… Tu crois que tu pourrais me faire chauffer de l’eau, s’il te plait ? » Un peu déstabilisée de voir la petite – enfin, plus vieille qu'elle, mais bon – Poppy dans cet état-là, elle hoche la tête brièvement, avant de mettre de l'eau sur le feu pour la faire chauffer, comme prévu. Pandore braque ensuite son regard bleu mais apaisé sur la petite brunette, s'avançant vers elle pour effleurer sa joue. « Ça va ? » T'as pas mieux dans le genre questions stupides ? Elle serre un peu les dents, faisant marcher son cerveau. « Tu veux me dire ce qui ne va pas ? » demande-t-elle alors ensuite, répondant toute seule à sa précédente question, vu que visiblement, non, ça ne va pas ! Peut-être s'inquiète-t-elle pour Perry, un peu comme elle aussi d'ailleurs. En ce moment de toute façon, Pandore reste abonnée aux absences de nouvelles. Pas de nouvelles de Perry. Pas de nouvelles d'Emrys. Elle chasse tout ça de ses pensées, entendant l'eau bouillir et tournant un regard curieux vers sa colocataire et amie, ne sachant pas vraiment pourquoi est-ce qu'elle voulait de cette eau brûlante. Un café ? Un thé ? Autre chose ? Affectueuse, elle pose une main sur son épaule avec un regard encourageant. Faut bien se serrer les coudes dans cet appartement, non ? Eh bien oui, c'est sûr, avant de se faire taper dessus quand tout sortira au grand jour.

« Perry… Il donne pas de nouvelle et dans son dernier message, il disait qu’il a quitté l’appartement, comme ça ? » Donc ça tourne bien autour de Perry, elle avait visé juste. Néanmoins, Pandore fronce les sourcils. Perry n'a donc rien dit à sa soeur ? Pas même son adresse à l'hôtel ? « Je comprends pas… Et tu connais Perry. On peut pas savoir quelle connerie il pourrait faire. » La blonde secoue la tête, et s'approche prudemment de Poppy. « Euh.. non, ne t'en fais pas, il est à l'hôtel, il s'est engueulé avec Dasha, un de ces soirs-là.. » Elle évite de préciser pourquoi, elle évite de préciser que c'est à cause d'elle, parce qu'elle se sent affreusement mal à l'aise d'avoir été la cause de son départ, en quelques sortes. « Je te filerai le numéro de sa chambre, si tu veux. » fait-elle en baissant les yeux, honteuse d'avouer qu'il lui avait donné, à elle, et pas à sa soeur. Ce que d'ailleurs, Pandore ne comprend pas bien. « Il avait peut-être juste... honte. » Honte de l'avoir engrossée ? Possible. Après-tout, il s'est peut-être rendu compte du carnage que ça implique. « Et Penny, qui s’en occupe ? Ils sont partis ensembles ? » Pandore l'observe tranquillement, les bras croisés, appuyée contre le plan de travail de la cuisine. « Oui, il l'a emmenée avec lui. » Elle laisse son regard dériver, observant par la fenêtre le jour qui se couche. Elle pousse un léger soupir. « Au fait, tu comptais boire quelque chose ? » Croisant le regard  de Poppy, la parisienne hoche la tête avec un léger sourire. « Oui, je vais me faire un café, t'en fais pas. » Joignant le geste à la parole, elle actionne la machine à café qu'elle avait déjà commencé à préparer un peu plus tôt. Observant le filet sombre tomber dans la tasse, elle se tourne de nouveau vers sa colocataire. « Au fait... ça se passe bien, toi, avec Thad ? » demande-t-elle d'un air des plus naturels, lui offrant un petit sourire, espérant lui changer les idées.

« Engueulé avec Dasha ? J’ai raté quoi encore ? » Oh, si tu savais... Pandore détourne le regard un certain moment, pas franchement certaine qu'il faille lui répondre sincèrement. Pourtant, la simple idée de pouvoir mentir à Poppy la répugne et elle soupire, le regard légèrement fuyant. « Je sais pas si c'est vraiment une bonne idée que je te le dise. » Qui sait, ça la fera peut-être se rétracter, non ? Comment éviter de répondre à des questions ? Détourner la discussion sur elle, sur sa vie à elle. La meilleure technique de Pandore. Malheureusement, il se trouve que cette bifurcation risque de la faire passer par une route qu'elle ne veut pas emprunter non plus. « Ça se passe bien… Je suppose ? Je me demande parfois ce que l’on fait ensemble tellement on est… différents, mais tant que ça fonctionne, que je suis heureuse et tout, il n’y a pas de mal ? D’ailleurs, vous vous connaissiez déjà ? » La voilà, cette route. Elle a l'impression d'être coincée, comme un rat de laboratoire dans un labyrinthe. Et ça lui déplait, énormément. Nouveau soupir. Le cliquètement des ongles de Poppy ne fait qu'accentuer son agacement. Finalement, elle prend son temps, attrapant son café chaud, se détendant par la même occasion. Poppy n'y est pour rien si elle est la meilleure pour se fourrer dans les pires histoires à chaque fois. Alors, elle se retourne enfin vers son amie en haussant les épaules. « Oui, on est sortis plus ou moins ensemble, y a longtemps. » lâche-t-elle, naturellement.

Pandore lui avoue alors pour elle et Thad. Curieusement, elle a presque plus d'appréhension à lui avouer pour Perry. Après-tout, Thad et elle c'est de l'histoire ancienne... Son copain a le droit d'avoir eu des ex, non ? Manque de bol, c'est tombé sur Pandore, mais pouvait-elle prévoir que quelques années plus tard, il sortirait avec sa colocataire ? Non, hein ? Poppy se met à rire, et curieusement, ça laisse la française assez muette. « C’est plutôt bizarre à entendre comme nouvelle. » Pandore hausse les épaules, sans rien répondre, de toute façon elle n'aurait rien à lui dire. Si elle lui chuchote un « ne t'en fais pas, on se sautera pas dessus », ça risque pas de le faire, hein. Elle va surtout se poser des questions. S'asseyant sur le canapé, elle prend une longue gorgée de son café, soupirant doucement en fermant les yeux, épuisée. « Vas y, continue avec les mauvaises nouvelles… Même si tu juges que ce n’est pas une bonne idée, je veux toute la vérité. » Pandore ouvre et relève ses yeux bleus vers Poppy, l'observant singulièrement. D'un ton presque suppliant, elle demande : « T-Tu veux pas oublier ça ? Le temps que Perry revienne par exemple, je sais pas... » Sachant très bien que sa proposition ne se verra pas acceptée, elle prend une autre gorgée avant de poser sa tasse sur la table, se levant pour s'approcher de Poppy, et après une seconde d'hésitation, pour la prendre dans ses bras. Bien qu'elle soit plus âgée qu'elle-même, elle n'aime pas la voir dans cet état, surtout si c'est "à cause" d'elle. « Et, dis, je veux pas que tu m'en veuilles, ou que mon histoire passée avec Thad te gêne, c'est de l'histoire ancienne. » lui assure-t-elle doucement en caressant son dos, se montrant affectueuse comme elle l'est rarement.

« Je t’en veux pas pour ça. À la limite, je t’en veux pour ne rien me dire. Je sais pas à quoi tu joues là, mais même si c’est pour me… protéger, il va falloir que tu me dises la vérité. Qui sait quand Perry reviendra ou même s’il reviendra tout court. » Visiblement, le silence de Pandore l'a vexé. Mais comment lui dire, hein ? « salut, j'suis enceinte de ton frère, tu veux être la marraine ? » La française baisse les yeux, cherchant ses mots. « Bon ok ok, je vais tout te dire, mais assieds-toi alors, s'il te plait. » fait-elle en soupirant, observant Poppy avec attention. Elle passe une main dans ses cheveux puis ferme les yeux quelques instants, se demandant si rien ne changera après cette conversation. « C’est juste étrange… de se dire qu’on sort avec l’ex de sa colocataire. Colocataire que j’apprécie et ex que j’aime bien, en plus. » Pandore se met soudainement à sourire, et lui adresse un semblant de regard entendu et complice. Sur le même ton, tout bas, Pandore répond : « Tu sais, Poppy, il t'aime bien aussi. Même... vraiment bien. » fait-elle avec un fin sourire sincère, se remémorant les inquiétudes que Thad lui a fait part, ne croyant pas être à la hauteur d'une fille comme Poppy. Finalement, la blonde se laisse tomber dans le canapé et relève ses yeux clairs vers son amie et colocataire. « Je suis enceinte de ton frère. » lâche-t-elle de but en blanc. Au moins, c'est dit, non ? Elle voulait savoir, alors soit.

Elle cherche des yeux chacun des réactions de sa colocataire. Peut-être que ça ne l'a pas laissée indifférente de savoir que Thad l'apprécie vraiment. Ou peut-être que Pandore invente. Et puis elle lui lâche la bombe, parce qu'il faut qu'elle le sache, et que de toute façon sinon, elle ne la laissera pas en paix. « Je… » Coupable, Pandore baisse les yeux. Ce n'est pas que coupable, qu'elle est, c'est surtout honteuse; se ramener en pleurant le jour de sa rupture, se vider la moitié d'une bouteille et quoi, céder aux avances de Perry ? Comment pourrait-elle oser qu'il a été le seul à le vouloir ? C'est faux. Elle l'a voulu aussi, mais ce qu'elle a moins désiré, c'est ce truc qui pousse dans son ventre. « C’est fou… » Pandore ne répond même pas, elle se contente de secouer la tête en soupirant lourdement, sentant sa gorge se nouer. Maman Pandore, mais oui ! Bordel. En plus, la grossesse, c'est quelque chose qui l'effraie à la base. Enfin, quand même, elle n'est pas faite pour être mère avec la si basse estime qu'elle a d'elle, des autres et du monde entier. Et puis, ça lui rappelle de bien mauvais souvenirs également. Faudra que j'en parle à Dasha aussi, tiens. Ben, oui, des mauvais souvenirs. Dexter. Elle se laisse tomber sur le canapé aussi, le regard absent. « Comment tu vas, toi ? » Comme revenue brutalement à la réalité, Pandore relève ses yeux bleus d'un seul coup pour regarder Poppy. Elle a tant de facilités d'habitude à faire semblant, c'est son truc, normalement. Mais là, elle ne peut pas. Elle n'y arrive plus. « Ben je vais.. Enfin... » Elle se mord la lèvre et baisse de nouveau les yeux. « Mal. » lâche-t-elle alors, avant de soupirer de nouveau puis de s'enfoncer un peu plus dans le canapé. Elle a de nouveau détourné le regard. « Je ne sais même pas ce que je vais faire. Je déteste l'idée de l'avortement, mais je n'suis pas franchement prête à élever un enfant. Et puis, Perry ne m'aide en rien dans la décision, donc je suis seule. Et puis quand.. quand Emrys le saura, j-je.. » Sa voix se brise et elle serre les dents, avant de balayer ses mots d'un geste de la main. « Enfin, de toute façon, il le saura peut-être jamais, vu que j'pense pas qu'on se recroise un jour. »