Quoi ? Tu m'suis ? è_é | PV Louison & Nolan

S'introduire dans la bibliothèque universitaire n'avait pas été un soucis, pour Nolan. On ne lui avait pas demandé de carte d'étudiante et de toute façon, elle avait l'âge d'encore un bon nombre d'élèves de fin de licence ou de master. Bref, elle n'avait eu aucun mal à entrer dans ce lieux. Elle même ne savait pas vraiment ce qu'elle cherchait, en mettant les pieds ici. Des informations, oui, ça, c'était évident. Mais sincèrement, pour trouver tout ce qu'elle cherchait sur la culture geek en Australie, elle s'était sans doute planté d'endroit. La demoiselle en avait certes vaguement conscience et pourtant, ce n'était pas ça qui l'avait arrêté.

Les semelles de ses baskets usées crissèrent un instant sur le lino crasseux qui recouvrait le sol et un bref moment, Nolan songea que décidément, toutes les bibliothèques de fac étaient les mêmes, vieilles et démodées avec un sol cradingue au possible. Charmant. Et puis elle pensa au fait que sa chambre était vaguement dans le même état de propreté tout à fait relative, aussi préféra-t-elle stopper net ses réflexions d'une rare intérêt, vous en conviendrez sans doute. Son regard préféra donc balayer les panonceaux accrochés au dessus des rayonnages, cherchant l'indication « culturel », « culture générale » ou peut être « geek », qui sait ? Oui Nolan, c'est bien ma chérie, l'espoir fait vivre, tu sais ? Et puis elle tomba sur le rayon « Cinéma et Audiovisuel » et un bref sourire éclaira son visage, un sourire infime, certes, mais bien réel. Le cinéma … Ses yeux étincelèrent un instant et elle se hâta vers le rayon en question.

« BANG ! »

Dans son dos, la porte claqua.

« BANG ! » Nolan sursauta, six ans plus tôt. Elle se fit la réflexion, en arrivant dans la bibliothèque proche de la Sorbonne, à Paris, qu'ici, les bibliothèques étaient indéniablement plus classes que celles de Nantes. La gamine de dis sept ans attrapa au hasard un rayon intitulé « Nouvelle vague, le cinéma Français » et s'assied à une table de bois sombre, ignorant royalement une fille plus jeune qu'elle qui était assise non loin de là. « BANG ! » Une porte qui claque les firent sursauter et elles échangèrent un regard – un bref contact, infime, que Nolan rompit aussitôt en détournant la tête. La pièce, grande, vaste et terriblement silencieuse fut plongée dans la pénombre un instant plus tard.

Bref sourire sur les lèvres de Nolan. La jeune femme, fort élégante dans le treillis qui appartenait sans doute à Go away, euh, à London, son coloc et qui était trois fois trop grand pour elle, elle posa ses fesses sur une chaise et s'affala sur une table de plastique gris pâle avec sous ses yeux une ribambelle de bouquins. Cinéma d'animation des années 80, littérature enfantine de la même époque … c'était là une partie de la culture qu'elle chérissait tant – on est geek ou on ne l'est pas. Face à elle, on tira une chaise et machinalement, Nolan lança un regard en biais à la gamine qui s'installait. Elle croisa un regard, fronça les sourcils …

Dans le noir, Nolan n'était pas fière. Quoi ? NOOOOOOOOOON, elle était pas peureuse. Enfin … pas trop … Carrément que si, bon, d'accord. Parfaitement consciente qu'elle avait l'air débile à fixer son livre dans le noir complet, elle releva la tête pour croiser à nouveau le regard de la gamine.

- Bordel … putain sa mère, fait chier quoi …

La … chose potentiellement féminine secoua la tête. Nan, nan. Elle se faisait des films. Qu'est ce que cette gamine qu'elle avait rencontré six ans plus tôt, la nuit, dans une bibliothèque proche de la Sorbonne ferait-elle là, à Bowen, hein ? Elle divaguait.

en italique ; flashback

Nolan & Louison

Journée longue et ennuyante. Pas de cours aujourd’hui, simplement la lourde et difficile tâche de ma présence au bar. Servir des hommes qui ne demandent que leur dose d’alcool quotidien pour revenir fin éméchés chez eux et se faire encore plus détester par leur femme ou progéniture. Je ne comprenais pas ce rituel qu’ils avaient tous. Mais leur vie n’était pas la mienne, moi qui n’avais encore jamais bu une seule goutte d’alcool. J’avais déjà l’impression qu’un énorme panneau se déployait au dessus de ma tête dès que je prenais une cigarette en bouche. Des écritures clignotantes bien pour attirer le regard des autres. Alors, boire, devenir complètement incontrôlable et qui sait ce que je serais capable de faire, j’en étais malade rien que d’y penser. En milieu d’après-midi, je quittais enfin le bar pour une pause bien méritée jusqu’au soir où là, il y aurait des jeunes en mal de sensation, de gros lourd qui pensent que me dire que je suis belle leur donne un accès à ma chambre. Ils rêvent tous. Mon sac en bandoulière, je me dirigeais jusqu’à l’université pour aller me perdre dans un roman. Il n’y avait rien de mieux qu’un bon ouvrage pour évacuer toutes les tensions d’une journée longue, se laisser aller dans un monde imaginaire et désiré. Mon doigt fin caresse les livres, cherchant un titre accrocheur jusqu’à ce que je le tire de son rayonnage, un sourire sur mes lèvres. J’emporte ma charge jusqu’à une table, tirant une chaise face à une jeune fille. Sans réellement faire attention, je pose mon roman sur la table et lève le regard vers elle sans but. Nos regards se croisent et mes sourcils se froncent. Je l’avais déjà vu. Oui, je n’oubliais pas un visage surtout dans un moment comme celui qu’on avait vécu. Mes lèvres finissent par s’étirer dans un sourire et je me penche légèrement en avant. « Nolan ? Oh mon dieu… Je ne pensais pas… » Quel exploit de m’exprimer avec autant de facilité face à l’inconnu. Mais Nolan était tout sauf une inconnue. Nous avions vécu une nuit assez difficile toutes les deux et la parole m’était plus aisée avec elle. « Je croyais que je ne te reverrais jamais ! Tu te souviens de moi ? Louison à Paris ? Dans la bibliothèque… » Peut-être m’avait-elle oubliée ? Elle était particulière comme fille.

Flashback
« Tu rentres à la fermeture, d’accord mon ange ? » « Oui maman ! » Je fis un signe de main à ma mère avant de sortir de la maison, traversant le quartier et prenant un RER pour me rendre jusqu’à Paris centre. La bibliothèque de la Sorbonne ne devrait pas m’être abordable puisque je n’ai que treize ans, mais étudier au conservatoire de Paris à ses avantages. Surtout que leur bibliothèque était bien fournie en livre et j’avais envie de passer quelques heures loin de notre immeuble miteux qui prenait l’humidité. Les heures défilèrent, j’étais dans un livre qui m’accaparait toute mon attention à tel point que je ne voyais rien autour de moi. Pas même les gens désertés la bibliothèque bien que l’endroit où je m’étais mise n’était pas souvent fréquenté. J’entendis un bruit de porte qui se ferme brutalement et je sursautais, redressant mon visage et mon regard vert. Je n’étais pas seule, il y avait une jeune étudiante qui avait redressé la tête au claquement de porte. Puis, les lumières s’éteignirent et là, mon cœur se mit à battre brutalement dans ma poitrine. Un regard vers ma montre, il était plus de vingt heures. Oh bon sang, mes mères allaient être morte de panique et d’inquiétude de ne pas voir leur petit bouchon rentrer. Je me levais rapidement avant de me rendre compte qu’il faisait vraiment sombre et que dans la panique, je n’arrivais pas à me souvenir de la disposition des chaises et tables. Mon souffle devint presque erratique alors que je murmurais d’une voix qui ne laissait qu’entrevoir l’état de panique dans lequel j’étais. « Quelqu’un ? Il y… il y a quelqu’un ? » J’espérais que la jeune fille me répondrait et viendrait jusqu’à moi, qu’on aille près des portes où la lumière de sortie était toujours allumée. Les larmes franchirent la barrière de mes paupières, j’étais complètement terrorisée. « Sil vous plait, vous êtes où? ... J’ai peur ! » Oui, treize ans certes, mais être dans un endroit qu’on ne connait que de journée, c’est effrayant.

Elle allait devenir folle, c'était évident. L'espace d'un instant, Nolan ferma les yeux – rien de tel pour ne plus voir le noir alentours. Il lui suffisait de se mettre dans la peau de son personnage préféré. Un aventurier, un type tellement badass que lui avait soufflé Aragorn et à qui elle donnait vie tous les samedi soir leur de ses parties endiablées de jeu de rôle. Edwin, qu'il s'apellait. Edwin aurait su rester calme, lui. Nolan tenta de maitriser ses émotions contradictoire – la peur, violente, et l'agacement de réagir comme une gamine – pour se mettre à la place d'Edwin. Une tour branlante, des escaliers en ruines, plongés dans les ténèbres profondes, une épée à la main, posant un pied devant l'autre, lentement, lentement … Elle frissona. Edwin tourna rapidement la tête en entendant le sifflement d'une flèche, non loin de là. Il para d'un coup d'épée.

- Magicienne, lumière !

Une boule de feu qui éclaire le donjon. La flèche repose aux pieds de l'aventurier, coupée en deux. Net et prorpre, le coup d'épée à permis à Edwin d'avoir la vie sauve : + 30 points d'expérience. Edwin passe au niveau neuf – un dragon passe devant lui à toute …

« Sil vous plait, vous êtes où? ... J’ai peur ! »

BORDEL ! La gamine aurait pas pu la fermer ? Sérieux ! Nolan grogna, fort mécontente d'être coupée en plein milieu d'une partie de jeu de rôle plus cérébrale *tousse tousse * qu'autre chose alors qu'un combat avec un dragon se préparait. Sérieux ! Edwin aurait pu passer niveaux dix, quoi. Au moins.

- Ca va … chiale pas ! grogna la jeune fille, si sympathique, à la gamine qui semblait à deux doigts de fondre en larmes.

On passera outre le fait que la voix de Nolan tremblait un petit peu trop, hein …

Non, elle ne rêvait pas. C'était bien Louison qui se tenait face à elle – cette gamine parisienne, le bébé de Paris, comme elle avait fini par la surnommer. Celle qui avait empêcher Edwin de passer niveau dix. Une grimace pas vraiment contente barra le visage de Nolan – qui devait bien s'avouer qu'elle était carrément ravie de tomber sur une Française et que les farfadets des bois étaient en train de danser la java dans sa tête tellement elle était contente de revoir cette Louison. De là à le dire haute voix …

- Ouais, j'me souviens. Le bébé de Paris. T'as failli chialer, dans cette librairie.

On avait dit être gentille, Nolan ! Vraiment ! « M'en fiche, jpoueuse, j'fais ce que je veux ! D'abord ! » … Nolan soupira. Il y avait un monde entre être contente de revoir une personne et avoir envie de lui parler – et la demoiselle fort distinguée (tu parles) n'avait franchement pas le courage de se taper la discut. Fallait réfléchir à ce qu'on allait dire, écouter son interlocuteur … ce genre de trucs, c'était intéressant quand le Maitre du Jeu donnait les règles de la partie, mettait au clair les malus et les bonus, mais sinon, écouter les autres … Nolan bailla ostensiblement, sans prendre la peine de mettre la main devant sa bouche. Politesse ? Connait pas o/

- Y'avait pas de quoi, pourtant.

No comment. C'était vrai que tu étais très fière, dans cette bibliothèque, Nolan …

- Qu'est-ce que tu fous là ? Tu m'suis ou quoi ?

Parano, elle ? Trop pas !!

Nolan & Louison

Flashback
« Ca va … chiale pas ! » Je cherchais d’où provenait cette voix pour m’y diriger dans le noir. Difficile de ne pas laisser la peur nous envahir et je la trouvais méchante de me dire ça. Elle était plus grande que moi, c’était donc normal qu’elle ne soit pas effrayée comme moi je l’étais. D’accord, j’étais peut-être peureuse, à crier dès qu’une abeille se pose non loin de là ou que quelqu’un fait du bruit dans mon dos sans que je ne m’y attende. Mes mères me demandaient souvent si je n’avais pas quelque chose sur la consciente pour sursauter au moindre bruit. Non, j’étais simplement une trouillarde. En plus, je n’avais pas de portable pour m’éclairer et à l’époque, les portables n’étaient pas bien développés. Un Nokia tout carré ne faisait pas beaucoup de lumière. Je laissais mes mains me guider, touchant le marbre lisse et froid du sol jusqu’à me cogner contre une table. « Aïe ! » Je reniflais bruyamment, me relevant avant de chercher quelque chose, ou quelqu’un. Mes mains rencontrèrent ce qui ressemblait à une épaule. « Ah, vous êtes là ! » Et je restais près d’elle, rassurée d’être auprès de quelqu’un, et cela, même si elle ne semblait pas sympathique après sa remarque désobligeante.
Fin

Une grimace sur son visage me rappela qu’elle n’avait pas tellement changé et semblait heureuse de me revoir, avec ironie bien sûr. Il faut dire que j’avais été si effrayée cette nuit-là dans la bibliothèque que je l’avais collée au basque jusqu’à ce que la police n’intervienne. Mes lèvres s’étirèrent dans un sourire lorsqu’elle prononça le surnom qu’elle m’avait donné. Le bébé de Paris. Je roulais des yeux. Si elle avait réussi à faire preuve de courage, moi je n’avais que treize ans à l’époque. « Je n’ai pas failli, j’ai pleuré et je n’ai pas honte de le dire. C’était tout noir et y’avaient tellement de pièces que c’était effrayant. Avoue que toi aussi, tu as eu peur ! » Mais la jeune fille me répondit qu’il n’y avait pas de quoi pourtant. Agacée, je ne montrais rien et me contentait d’hausser des épaules en répondant d’une voix douce. « Si tu le dis. N’empêche que moi, j’ai eu peur… » C’était étonnant de me voir parler avec autant d’aisance et de facilité avec Nolan. Mais les autres étaient des inconnus et même si elle ne semblait pas m’apprécier, elle ne m’était pas inconnue. De plus, parler français faisait du bien. Les autres devaient se demander ce qu’on pouvait bien se dire, et c’était l’avantage de parler une autre langue. Je reculais, surprise par sa question avant de répondre d’une voix lointaine. « Non… J’habite sur Bowen depuis deux ans… Je pourrais te retourner la question… » J’étirais un sourire, malgré toutes ses agressions, je restais toujours douce et gentille avec elle. Peut-être que j’étais trop naïve ? Certainement.

Ouais, ouais, elle était là ! Nolan grogna. La gamine allait pas la lâcher, elle le sentait gros comme une maison. Comme la bibliothèque de la Sorbonne, plutôt ! Grrrr … « Bordel sa mère putain fais chier ! Pourquoi chui venue là ? Raaah, fuck. » Oui, tout un chapelet de grossiertés que la jeune fille se récita à toute vitesse pour oublier sa peur. Et puis Nolan avait fini par décider, le plus naturellement du monde – et surtout sans demander son avis à cette fille dont elle ne savait rien et dont elle ne voulait surtout rien savoir, que mettre un petit peu de musique était encore le meilleur moyen de se rassurer !

Et qui ne pouvait être d'accord avec ça, hein ? Et attention, la demoiselle avait décidé de se montrer généreuse. En temps normal, elle se contentait de jeter un regard noir – que Louison n'aurait de toute façon pas vu dans le noir – et de coller ses écouteurs sur ses oreilles. Là … attention, fait extraordinaire ! Nolan se passa d'écouteurs et se dit que la gamine pouvait bien profiter de la musique aussi.

- Ecoutes et fait pas, chier, OK ? J'veux pas entendre de « J'aime paaaaas ! » Bordel …

C'était sans compter les gouts culturels … et musicaux de Nolan ! Un demi seconde plus tard, Marilyn Manson grognait à fond les ballons dans les locaux de la Bibliothèque de la Sorbonne. La joueuse à très très honte. Bof, Nolan voyait pas le problème. Elle se rassurait – et rassurait aussi la gamine parisienne qui se trouvait là. Et puis vint le moment ou les « This is the new shiiiiit ! » de Manson ne suffièrent plus et ou Nolan décida de prendre la parole.

- C'quoi, ton nom ? enfin j'm'en tape, de toute …

Sourire de circonstance. Plutôt crever que d'avouer qu'elle était contente de revoir cette fille ! Oui, Nolan était parfois – souvent, donc – un peu … direct : tout ou rien, son honneur ou la mort, parfaitement !! Elle se contenta donc de sourire derrière ses cheveux qui camouflaient en partie son visage, levant au passage les yeux au ciel. Enfin, au plafond !

- Ouais, ouais … c'est vrai que la voix de Manson prend des accents … inquiétants, la nuit ! Bon, ok, j'étais pas rassurée non plus. Contente ? Mais bon, t'étais un croc pané, attend, treize ans ? Et ton père te laissait sortir à cette heure là ?

Et qui c'est qui met les pieds en plein dans le plat ? Nolan, comme toujours ! Bravo ma puce o/ Bof, c'était pas ça qui comptait, de toute manière, de faire des bourdes, si ? … Si l'on oubliait le fait qu'elle serait surement très gênée en apprenant la vérité. Mais bon … c'était pas comme si elle le montrerait ! Miss carapuce, euh, carapace, tu connais ? J'te présente Nolan !

- Ah ouais ? Nan, nan … j'te suis pas. Mes parents ont déménagé peu de temps après que je sois allé à Paris, justement. Direction la capitale. Puis un connard m'a largué et j'ai atterrit ici.

Oui, c'est vrai que le pourquoi du comment était très clair. Habituellement, Nolan, on dit plutôt qu'on a pas trouvé de travail ailleurs, tu sais ? Mais bon … c'était un détail, un de plus ! Nouveau sourire.

- Bon … ça fait presque plaisir de te … de voir une Française dans ce bled.

Silence de mort.

- Enfin non, pas plaisir. Enfin, c'cool quoi. Enfin, vite fait.

Et elle retourna plonger sa tête dans son bouquin.

Flashback
J’avais peur. Enfermée dans une pièce avec une jeune fille qui semblait détester se retrouver avec quelqu’un. Je n’y pouvais rien si j’étais là également, j’aurais préféré entendre l’heure de la fermeture ou que le personnel fasse correctement son travail et vérifie toutes les allées. A la place de là, nous étions dans le noir avec des montagnes de livres qu’on ne pouvait même pas lire pour passer le temps à cause du manque de luminosité. Au moins, le fait d’être près d’elle ne semblait pas la déranger plus que ça. Une petite lumière apparut et je compris qu’elle émanait de la jeune fille. Écoutez et ne pas l’embêter ? Mais de quoi parlait-elle exactement ? J’eus ma réponse dès qu’une musique retentit à toute balzingue dans la pièce. Le genre de musique que je n’écoutais pas, j’étais dans le classique et ce personnage à la voix criarde, inconnu au bataillon. Cependant, j’avais bien compris que je ne pouvais donner mon opinion et je me contentais de ce fond sonore assez bruyant. Fermant les yeux pour empêcher l’angoisse de grandir trop fortement en mon sein, la voix de la jeune fille surplomba la musique pour me demander mon prénom. Je tournais mon visage vers la forme sombre qu’elle représentait et même si elle ne pouvait le voir, je souriais. « Je m’appelle Louison ! Et toi ? Qui est-ce qui chante ? Je ne connais pas du tout… » Faire la conversation, c’était toujours mieux que d’écouter une musique qui me donnait plutôt envie de fuir à toute jambe cet endroit encore plus sinistre.
Fin

Mon sourire baissa légèrement à sa question. Mon père ? Je n’en avais pas mais elle ne pouvait pas le savoir. Passant une main dans mes cheveux, je me penchais un peu plus en avant comme si j’allais lui confier un secret. « Je n’ai pas de père et pour information, j’étais dans la bibliothèque bien avant qu’elle ne ferme, je n’ai pas entendu la fermeture, c’est tout. » Se justifier, je n’y étais pas obligée et pourtant je le faisais. Mais qu’importe, j’avais malgré tout passé une bonne nuit avec Nolan dans cette bibliothèque. Finalement, elle s’était révélée être une compagnie plutôt agréable et rassurante pour la gamine que j’étais. Le franc parlé de Nolan me fit sourire, une telle facilité à parler d’elle avec une sorte de détachement comme si rien ne l’atteignait. C’était à la fois amusant et assez triste à voir. Mais comme toujours, je ne jugeais pas et j’hochais de la tête sans rien ajouter. Presque maladroitement, avec toujours ce retrait et ces non-dits, Nolan m’avoua qu’elle était presque -tout était dans ce mot- contente de me voir. J’étais un sourire en la voyant replonger le nez dans son livre. « C’est vrai que ça fait plaisir de parler un peu français avec quelqu’un d’autre que ma famille ici. Je ne pensais pas te revoir un jour et ça fait plaisir, complètement de mon côté. » Haussant des épaules, je baissais le regard sur le roman que j’avais pris pour lire. Mais finalement, avoir quelqu’un que je connaissais un peu non loin de moi, c’était bien plus intéressant qu’un livre. « Qu’est-ce que tu es devenu ? Enfin… J’aimerais avoir un peu de tes nouvelles, si tu veux bien en donner. Ça fait quoi… Cinq ou six ans presque maintenant depuis la Sorbonne alors… Y’a du y avoir de tas de choses dans ta vie, mise a part ce passage avec… ce garçon. » Référence au mec qui l’avait lâché et l’avait fait atterrir ici.

Nolan soupira. Elle savait bien que la gamine connaissait pas ce chanteur. Elle était … trop jeune. Ouais, ouais, Nolan jugeait sur les apparences. Quoi, ça pose un problème ? Elle me souffle que c'est tant pis, c'est le même tarif – oui, cette enfant est tellement sympathique. Bref ! Elle fit quand même l'effort de répondre au bébé relou qui la collait.

- Marilyn Manson. C'pas pour les bébés, ni pour les tafioles. T'es surement un peu des deux, donc bon … Normal que tu connaisse pas. Quoiaaa ? Allé, chiale pas …

Tu radote, Nolan. Dix sept ans, le début de la décrépitude, toussa toussa !

- Louison. Ok. Ecoutes un peu. J'm'en tape, de ton prénom, OK ?

Fallait pas le lui demander, alors, Nolan ! Non mais quelle relou, celle-là ! Je rêve !

- Moi c'est Nolan.

Et elle s'était enfermé dans son silence … jusqu'à ce qu'elle ai soudainement l'idée du siècle.

- J'vais appeler les flics. On va pas rester là à poireauter plus longtemps, merci bien.

Sourire nostalgique. Elle n'avouerait jamais qu'en vérité, revoir Louison lui faisait vachement plaisir. Jamais ! Elle avait sa fierté. Mais rapidement, le sourire de sa … camarade ? Connaissance, plutôt. Du moins, pour le moment – car au fond d'elle, Nolan comptait bien nouer réellement connaissance avec Louison. Sa connaissance, donc, baissa rapidement la tête, perdant son sourire. Gloups … Nolan aurait-elle gaffé ? Elle haussa les épaules, cultivant avec un soin tout particulier son image de « je m'en tape, de toute manière, j'ai pas de cœur j'me fou des autres » sans pour autant ignorer l'étrange sensation qui lui tordait le ventre … La désagréable impression qu'elle en avait trop dit – pour une fois qu'elle parlait – et qu'elle avait fait la boulette de trop. Celle qu'elle n'aurait vraiment pas du faire. Et effectivement, quelques instants plus tard, elle pâlit légèrement. Comment ça, pas de père ? Nolan n'entendit pas vraiment la justification de Louison. Pas de père … et voilà, elle avait gagné. Franchement mal à l'aise, affreusement gênée, la demoiselle baissa la tête.

- Désolée …

Ouais, ouais, elle murmure, question de fierté ! Quand même ! Mais Louison ne sembla pas lui en tenir tellement rigueur étant donné qu'elle mit peu de temps à lui avouer que cela lui faisait complètement plaisir de la revoir. Gnu ? Nolan rougit légèrement. Elle n'avait pour ainsi dire pas l'habitude qu'on lui dise cela – sérieux ? Ça alors, Nolan, c'est étrange dis donc – et ce genre de déclaration la laissait souvent perplexe. Euuuuh … Ouais ? Et … elle était censé dire quoi ? Hého, elle était une geek, elle, pas une surdouée de la communication ! Mais déjà, Louison reprenait la conversation, lui demandant de ses nouvelles … et Nolan n'avait franchement rien de bien particulier à dire, aussi commença-t-elle sa réponse d'une manière plus qu'éloquente.

- Euuuuuuuuuuuuuuuh …

Génial, ma puce. Et ensuite ?

- Bin … rien de bien intéressant, en fait. Mon père a été muté, on a du les suivre, avec mon frangin. Louann. Il est à Sydney. Enfin bref, on s'en fou … pourquoi j'te raconte ça, moi ? Donc ouais, on les a suivit, j'ai passé mon bac en Australie, dans la capitale, mes parents bossent là bas. Chui allé en fac de Cinéma, j'ai pas été prise en master et maintenant je bosse à Bowen, comme journaliste. C'est naze, mais bon.

Nolan, en mode j'aime pas ma vie bonswaaaar ! Elle tenta un vague sourire avant de rapidement, lâcher l'affaire. Elle savait pas faire ça, sourire. C'était pas dans ses cordes.

- Et toi ?