I wish that I be the one who catches all your tears / LIBRE

Un soleil brillant, une mer aussi bleue que le ciel ? Que demander de mieux ? En congé ce vendredi soir, tu étais déjà en week-end. Et en général, un week end, en Australie, à ton âge, et célibataire en plus, tu ne restais pas seule un vendredi soir. Mais tu n'avais jamais été comme les autres. Tu étais plutôt du genre solitaire, surtout depuis un an. Alors c'était tes sandales dans une main, et un bouquin dans l'autre que tu étais allée t'asseoir sur le sable face à la mer, seule. C'était une des rares choses qui t'appaisait en ces temps ci. Le bruit de la mer et un bon livre entre les mains. Un livre triste, en général. Triste, comme ta vie en quelque sorte.

C'était vendredi soir, et tu fermais à peine la boutique. Il était tard, enfin comme toujours tu avais dépassé depuis longtemps l'heure à laquelle tu devais fermer la librairie. Mais c'était comme ça, c'était plus fort que toi, tu ne pouvais pas faire autrement que traîner et laisser les derniers clients dénicher ce qu'ils voulaient même si ça t'obligeait à rester une heure de plus. Pour rentrer ce soir, tu passerais par la plage. Histoire de te poser 5 min, de souffler avant de rentrer chez toi. Ce soir, tu mangerais un pot de crème glacée, devant la télé, avec Jade, si elle n'a pas de projet, et ta vie redeviendra ce qu'elle était. Sur la plage, tu vis cette jeune femme, avec un livre. C'est fou, parce qu'il n'y a pas si longtemps, c'était toi. Toi aussi tu adorais venir lire le soir sur la plage, être seule. Alors tu t'approches d'elle pour voir ce qu'elle lit. Tu es une fanatique de livres, c'est plus fort que toi. Et tu ne fais pas dans la discrétion, de toute façon, ça n'a jamais était un de tes points forts. « Pardonnez mon intrusion.. » lâcha-t-elle un peu honteuse. Mais elle savait maintenant qu'elle lisait un livre triste. Peut-être trop triste pour une aussi jolie jeune femme.

Après une bonne demi-heure où tu n'as pas relevé les yeux de ton bouquin, c'est à dire une bonne demi-heure à te retenir de pleurer, ce n'est pas un bruit mais un mouvement d'air qui te fait sursauter. C'est alors que tu te retournes et te retrouves face à une jeune femme brune, d'à peu près le même âge que toi. Elle a sans doute du remarquer ton malaise car elle s'empresse de se justifier. « Pardonnez mon intrusion.. » Tu refermes ton livre et le fourre dans ton sac, pensant cela sans importance. « Ah.. euh, non y a pas de soucis. » Tu profites de te retourner vers la mer pour essuyer rapidement les larmes qui naissaient au coin de tes yeux. Cela fait le plus discrètement et rapidement possible pour ne pas paraître impolie, tu te présentes et tends la main, en essayant de paraître la plus détendue possible. En essayant.« Cora. »

La jeune femme rangea son livre. Elle semblait un peu perturbée par toi, normal après tout. Alors tu devais lui expliquer. « J'ai un problème, dès que je vois quelqu'un avec un livre, il faut que je vois ce qu'il lit. Déformation professionnelle je suppose, mais j'ai du mal à me contrôler.. » Après coup, tu te dis que ton explication te faisait passer pour une folle encore plus qu'avant. C'était assez bizarre pour toi d'ignorer les gens qui lisaient, parce qu'elle adorait les livres. Mais les gens ne font pas toujours attention au fait qu'elle est libraire et qu'elle veut juste savoir ce qui est lu aujourd'hui, pour faire de son mieux quand elle croise ses personnes dans sa librairie. Quand elle se présenta, tu tendis la main et fit de même à ton tour. « Lily-Anaëlle. » Tu lui fais un petit sourire. « Je peux me joindre à vous ? » Tu demandes pour t'asseoir, décidément tu es assez étrange ce soir. Même pas tu ne réfléchis au fait que ça pouvait la déranger, que si elle était venue seule, c'était peut-être pour être seule.

Malgré ton attitude un peu honteuse, le sourire aussi peu assuré que le tiens de la jeune femme te rassura en quelque sorte. Et puis son explication au sujet de ton livre ne pu t'empêcher de sourire à ton tour. Alors comme ça elle était libraire si tu as bien compris. Tu connais la librairie de Mélody mais pas celle là. Elle se présente à son tour et te demandes si elle peut s'asseoir avec toi. Tu acquiesces rapidement, plutôt heureuse de casser ta solitude. « Y a pas de soucis, asseyez vous ! » Tu joins le geste à la parole en passant de l'autre côté tes affaires pour la laisser s'asseoir. Qui sait, cette soirée serait peut être moins morne. « Alors comme ça vous travaillez dans une librairie ? » Plutôt banal comme approche, mais en même temps, tu n'en savais pas réellement plus sur l'inconnue.

Tu lui accordes un petit sourire et tu te poses à côté d'elle. « Merci » Tu ne sais pas encore pourquoi tu la remercie, peut-être parce que tu la déranges. Tu regardes les vagues, un petit souvenir en tête. Tu te rappelles ces soirées d'étés où tu y venais avec ta mère. Tu avais quoi, 10 ans tout au plus, et tu pouvais prendre ton maillot et profiter une dernière fois de l'eau de la journée. Tu adorais ces moments. Malheureusement, tu n'avais plus 10 ans. Et la jeune femme que tu venais de déranger, venais de t'adresser la parole. Par chance, tu avais entendue les mots clés. « Oui. Vous voyez la bibliothèque en ville ? Et bien il y a une libraire collée, et c'est la mienne ! » Tu lui dis ça avec un grand sourire, comme si c'était une fierté pour toi. « Et vous ? » Tu te rendais compte que la vouvoyer alors qu'elle devait à peine être plus âgé que toi, c'était ridicule. Mais tu n'avais pas toujours l'habitude de parler aux inconnus et à la librairie, tu les vouvoyais pour le respect.

Suivant son regard, tu te fixes sur les vagues, l'esprit un peu perdu tout en écoutant Lily-Anaëlle parler. Elle te décrit l'endroit où elle travaille. Tu ne vois pas réellement, mais poliment tu acquiesces. Son sourire avait l'air si fier que tu ne voulais pas la décevoir.« Ah oui effectivement, je n'y suis jamais rentrée ! » Tu pries donc pour qu'elle change de sujet, ce qu'elle fit d'ailleurs rapidement en te retournant la question. « Et bien moi je suis journaliste. J'ai pas de point d'attache on va dire ! » Et heureusement, sinon tu ne tiendrais jamais en place. Etre assise devant un bureau c'était hors de question. En même temps, étant issue d'une famille de forains, rester sur place n'était pas du tout une prédestination pour toi.

Avec tes doigts, tu faisais rapidement un plan de la bibliothèque et de ta libraire. Tu ne savais même pas si elle était là depuis assez de temps pour connaître le centre ville. Tu ne savais rien d'elle en même temps. « C'est vrai que la façade attire pas l’œil, alors que l'intérieur est moderne, je dois m'attaque à une remise en beauté de cette façade ! » Fini de parler de toi, concentres-toi sur elle. Journaliste, hein ? Tu aurais aimais être journaliste, tu l'étais pour le journal de l'école mais c'était genre, couvrir le marathon sportif et le bal de fin d'année, pas de quoi s'exciter. Puis tu avais fais ton choix, tu aimais les livres plus qu'autre chose.  « J'aurais aimé être journaliste, mais parfois il faut voyager, et quitter sa famille, ça ne plairait pas au final. » Tu le dis avec un petit sourire, tu ne voudrais pas vexer ta voisine. C'était un beau métier, mais qui imposait parfois beaucoup de contraintes. « Si c'est pas trop demander, que viens faire une journaliste à Bowen ? On a un surplus de pétrole ou un événement mondial à couvrir ? » dis-tu avec bon cœur.

Tu suis des doigts le plan qu'elle te fait sur le sable même si tu as un peu la tête ailleurs. « Je suis sûre que votre intérieur est très bien, si je vais faire un tour dans le quartier un de ces jours, je passerais par votre boutique alors ! » Pourtant, polie, tu hoches la tête tout en la laissant embrayer sur une autre conversation. Celle de ton métier. Finalement, ce n'était pas plus joyeux. Tu tentes de malgré tout garder le sourire, après tout elle est gentiment venue te parler. « Je n'ai plus réellement de famille et puis voyager j'ai fais ça toute la jeunesse, donc pour moi je n'avais aucun problème là dessus. » Tu fronces les sourcils après avoir sorti cette phrase. Tu sous-entendais que son choix n'était pas réaliste. Tu t'empressas de te reprendre, le plus naturellement possible. « Enfin je comprends que ça peut être un choix dûr quand on a des personnes à qui l'on tient. » Parce que oui, toi tu en avais. Oui avais, du passé. Et désormais, les contraintes tu n'en avais que faire. Tu tournes la tête un moment, pour retenir les larmes qui percent au coin de ton œil. Heureusement que la blonde savait détendre l'atmosphère. Tu te retournes vers elle, tentant de sourire. « Et bien non, la Terre continue de tourner sur Bowen, pas d'atterrissage d'extraterrestre non plus, c'est juste que j'avais besoin d'un retour aux sources... »

Bon fini de parler de toi. Tu es bien gentille, mais tout le monde ne portes autant d’intérêt que toi à ta librairie, ce qui est bien normal d'ailleurs parce que sinon tu devrais t'en inquiéter. « Je suis désolée. » Désolée pour quoi au juste ? Qu'elle n'ai plus de famille, toi non plus. Dans ce sens tu la comprenais et même si par le sang, tu n'avais rien de plus qu'une cousine, tu avais tes amis sur qui tu pouvais compter. Alors qu'elle, ne semblait pas en avoir, enfin pas ici en tout cas. Tout son discours sur le voyage te donnais envie, tu avais envie de lui demander si elle avait visité telle ou telle ville, et lui poser des questions sur toutes ces destinations, mais peut-être qu'elle n'avait pas envie d'en parler, peut-être que ça allait l'importuner. Au pire tu n'as qu'à commencer gentiment, pour voir ce que cela donne. « Par curiosité, vous avez visité combien de pays, de villes différentes ?. » Tu esquisses un petit sourire, tu t'attendais à une liste, à ce qu'elle te dise le nom de chacun des endroits où elle est allée, te faisant rêver par des noms exotiques. « Oh, vous êtes d'ici ? » dis-tu un peu surprise. C'est vrai que si on connait autre chose, pourquoi vouloir revenir à Bowen ?