should I stay or should I go ? ~ maybelle

Maybelle le suivit à l'intérieur sans broncher, pas vraiment rassurée par l'orage. Elle n'avait pas franchement peur mais le bruit du tonnerre la faisait sursauter à chaque fois. C'était toujours impressionnant. Une fois à l'intérieur, elle ne se résigna pas à lâcher la main de Diego. C'était comme si elle avait absolument besoin d'être en contact physique avec lui, d'une quelconque manière que ce soit. Elle passa une main dans ses cheveux blonds plus que trempés puis elle se surprit à sourire devant l'ironie de la situation. Elle était venue ici pour faire sécher ses vêtements et voilà qu'elle se retrouvait de nouveau trempée jusqu'aux os. Elle baissa les yeux vers la chemise qu'elle portait puis elle adressa un regard amusé à Diego. « T'en aurais pas une autre ? » Elle déboutonna la chemise d'un geste habile puis elle l'enleva sans attendre, se retrouvant en sous-vêtements devant Diego. Elle ne faisait absolument pas cela pour l'aguicher - elle était incapable d'aguicher qui que ce soit, jouer les femmes fatales n'était pas pour elle ! - mais simplement parce qu'elle était gelée. Elle allait finir par attraper la mort si elle restait dans cette tenue. Elle leva les yeux vers Diego et se surprit à ne pas rougir. Une grande première. Elle était à moitié-nue devant un garçon qu'elle connaissait à peine et elle ne se sentait pas vraiment mal à l'aise. Décidément, Diego avait un drôle de pouvoir sur elle.

Innocente et naïve qu'elle était, la petite Maybelle n'avait rien vu venir. Elle ne s'attendait pas à ce que Diego face demi-tour aussi rapidement, ni à ce que ses lèvres se baladent sur son épaule de cette façon. À vrai dire, elle avait une si mauvaise estime d'elle-même qu'elle n'avait pas vraiment remarquée qu'elle lui plaisait... Certes, ils s'étaient embrassés plusieurs fois. Mais cela ne voulait pas dire grand chose au final. Ce n'était pas parce qu'il avait posé ses lèvres sur les siennes qu'il la trouvait désirable ou qu'il avait envie d'elle. Là, le message était plus que clair. Maybelle ferma les yeux et se mit à sourire malgré elle. Oui, contre toute attente, celui lui faisait du bien. Savoir qu'on plaisait à quelqu'un était toujours gratifiant, surtout qu'elle se sentait terriblement seule ces derniers temps. Mais elle ne pouvait pas le laisser faire, elle ne pouvait pas répondre à ses avances. Elle se devait de laisser cette barrière qu'elle avait construit entre eux. Il y avait des limites à ne pas dépasser, sans quoi ils arrivaient à un point de non-retour. La respiration un peu plus forte que d'habitude, elle prit la parole dans l'espoir de l'arrêter. « Diego... » Mais sa voix manquait cruellement de conviction. Elle lui faisait comprendre qu'elle voulait qu'il arrête mais au lieu de le repousser pour l'en convaincre, elle levait légèrement la tête pour qu'il ait plus facilement accès  son cou, où il déposait des baisers de plus en plus fiévreux. Les yeux fermés, Maybelle profitait de chaque secondes en essayant d'ignorer le sentiment de culpabilité qui s'emparait d'elle. Mais c'était impossible. Elle ne pouvait pas faire ça. Elle avait déjà dépassé les limites en embrassant Diego (en se laissant embrasser mais au final, le résultat était le même), elle était sûre qu'elle ne pourrait se regarder dans un miroir s'ils allaient plus loin. « Diego, arrête », répéta-t-elle avec un peu plus de vigueur, même si sa voix restait étonnamment douce. Elle soupira doucement et le repoussa gentiment, espérant qu'il comprendrait. Elle ne pouvait pas faire ça. Il y avait une marge énorme entre le fait de l'embrasser et celui de coucher avec lui. Et si elle l'arrêtait, ce n'était pas seulement à cause de Nicholas. C'était aussi parce qu'elle avait peur. Elle manquait cruellement d'expérience à ce niveau-là et elle n'avait pas envie de passer pour la coincée de service. Diego devait avoir connu des tas de filles et elle serait pitoyable à côté d'elles, c'était certain. Elle n'avait eu que deux malheureuses relations sexuelles au cours de sa vie - et elle n'en gardait pas un très bon souvenir. Elle s'était retrouvée enceinte après la première et même si la deuxième s'était plutôt bien passée, elle n'était pas prête de laisser ses appréhensions de côté. Le sexe lui faisait peur. Vraiment, vraiment peur. Et elle s'était persuadée qu'elle pouvait très bien vivre sans. Même si lutter contre le désir était parfois difficile, surtout quand on se retrouvait face à un garçon comme Diego, ses peurs la rattrapaient bien vite et au final, elle se retrouvait toujours tétanisée à l'idée de devoir "franchir le pas". Se détachant complètement du jeune homme, elle soupira une nouvelle fois et leva les yeux vers lui. « Je peux pas. » Elle n'avait pas envie d'entrer dans les détails, de toute façon, ça ne servirait à rien. Il penserait sûrement que c'était seulement par rapport à son copain et c'était très bien comme ça. Elle était sincèrement désolée. Quoi qu'au final, elle n'avait pas cherché à le séduire ni quoi que ce soit. Ce n'était pas une allumeuse qui joue les femmes fatales pour se rétracter ensuite. C'était juste... Maybelle. Une jeune fille pudique, timide et réservée qui était bourrée de principes, de complexes et de peurs. On ne pouvait pas s'attendre à ce qu'elle devienne sûre d'elle en un clin d’œil.

Malheureusement pour elle, le jeune homme ne semblait pas vouloir lâcher l'affaire de si tôt. Alors qu'elle reculait lentement dans l'espoir de dissuader, il avançait encore et encore jusqu'à ce qu'elle se retrouve prise au piège, bloquée par la baie vitrée. Voilà, c'en était fini d'elle. Elle regardait Diego à la manière d'un petit agneau faible et innocent qui s'apprête à se faire dévorer par un loup affamé. Elle avait l'impression d'être une proie - et il la regardait comme s'il n'allait fait qu'une seule bouchée d'elle. Déglutissant difficilement, elle respirait avec peine alors qu'il approchait son visage du sien. Elle avait envie de pleurer. C'était bien trop éprouvant pour elle. Il lui affirma alors qu'elle n'avait pas à s'inquiéter mais Maybelle savait que c'était faux. Bien sûr que si, elle devait s'inquiéter. Paniquer, même ! Cette situation était plus que déstabilisante et elle avait toutes les raisons du monde de s'en faire. Les mains du jeune homme recommencèrent alors à se balader dans son dos et Maybelle tenta tant bien que mal de se défaire de son emprise. « Je veux pas, Diego. Lâche-moi. » Sa voix était étonnamment faible, comme si elle disait cela en sachant pertinemment que ça ne servait à rien. Comme si elle capitulait. Elle planta son regard effrayé dans le sien, suppliant une nouvelle fois. « Lâche-moi. » La respiration rapide et forte, elle le fixait avec appréhension. Elle redoutait sa réaction. Elle se demandait s'il allait se décider à la laisser tranquille ou s'il se montrerait persévérant, encore et encore. Ils savaient tous les deux qu'elle mentait lorsqu'elle disait qu'elle ne voulait pas. Oui, elle avait envie de lui. Le désir était ancré dans ses yeux. Mais elle avait bien trop peur pour franchir le pas - et ça aussi, c'était inscrit dans ses yeux. Elle redoutait bien trop les conséquences de ses actes, elle ne faisait que penser à Nicholas et à cette foutue peur qui l'envahissait maintenant que les choses devenaient sérieuses avec Diego. Pourquoi ne pouvait-elle pas être comme toutes ces filles qui se fichent éperdument de donner leur corps à un étranger ? Dans une dernière tentative de le faire fuir, elle baissa les yeux et murmura doucement : « J'ai un copain. Je peux pas faire ça. » Mais ce n'était pas la seule raison qui la poussait à rejeter Diego de cette façon. Elle remarqua soudainement qu'elle tremblait comme une feuille, sûrement à cause de toutes les émotions qu'elle venait de vivre. Le désir, la peur, la culpabilité... Tout cela faisait trop à gérer pour un corps aussi frêle que le sien.

Et voilà. Avec ses airs de Sainte-Nitouche, elle avait réussi à l'énerver. Bien joué, Maybelle. Elle baissa les yeux lorsqu'il commença à  hausser le ton, lui parlant comme si elle était la dernière des idiotes. Il la méprisait, cela s'entendait dans sa voix. Quand il ajouta qu'elle était la "meuf la plus incompréhensible" qu'il avait jamais vue, elle sentit son cœur se compresser. Elle savait qu'elle ne devrait pas attacher autant d'importance à cette petite remarque sans intérêt mais lorsqu'on manquait cruellement de confiance en soi comme elle, l'opinion des autres comptaient beaucoup. Et savoir que Diego la trouvait misérable (c'était bien ce qu'il avait voulu dire en la qualifiant de "pauvre petite May") lui faisait mal. Elle avait tout gâché, encore une fois. Fuyant son regard, elle restait là, immobile, contre la baie vitrée. Elle était incapable de lui répondre. Elle était bien trop concentrée à lutter contre les larmes qui envahissaient ses yeux. Mais elle ne voulait pas pleurer. Cela la rendrait encore plus ridicule et elle n'avait pas besoin de ça. Sans réfléchir, elle ouvrit la baie vitrée et se dirigea vers la balcon pour récupérer ses vêtements. Il pleuvait toujours aussi fort et ses fringues étaient bien évidemment trempées mais elle s'en fichait pas mal. Elle voulait quitter l'appartement et il ne pouvait clairement pas sortir en sous-vêtements. La situation était grotesque mais elle ne pouvait s'en prendre qu'à elle-même, c'était elle qui avait insisté pour venir ici, c'était elle qui s'était déshabillée devant lui. Sans aucune arrière pensée, évidemment, mais que croyait-elle ? Elle était tellement naïve qu'elle était incapable de se rendre compte que son comportement pouvait prêter à confusion. Diego avait toutes les raisons du monde de lui en vouloir. Essuyant rapidement ses yeux, elle enfila son short et son t-shirt en vitesse, frissonnant au contact du tissu mouillé sur sa peau. Elle allait attraper une pneumonie mais elle n'en avait rien à faire. Une fois rhabillée, elle resta sur le balcon. Le temps de trouver le courage de retourner à l'intérieur pour affronter Diego et lui annoncer que finalement, elle préférait partir que de dormir ici. Elle avait une sainte horreur des conflits et elle n'avait pas envie de l'énerver davantage.

À la seconde où Diego la rejoignit et prit la parole, Maybelle regretta d'avoir voulu partir. Fuir n'était jamais la bonne solution, c'était contourné le problème sans le résoudre et ça n'arrangerait pas les choses. Diego avait l'air aussi malheureux qu'elle. Et à l'entendre, il avait l'air, lui aussi, d'être habitué à ce qu'on l'abandonne. Était-ce pour cela qu'elle se sentait si proche de lui ? Possible, oui. Ou peut-être pas. Mais ce n'était pas la question de toute façon. S'approchant doucement de lui, elle posa une main sur son bras. « Diego, reste pas là. C'est dangereux. » Elle avait été obligée de parler plus fort que d'habitude à cause du vent et de la pluie qui claquait contre le sol. Puis, comme pour lui montrer qu'elle n'avait pas l'intention de partir et qu'elle allait rester, elle ajouta : « Viens, on rentre. » Oui, elle allait rester. Elle ne pouvait clairement pas le laisser alors qu'il avait l'air si mal. Maybelle était probablement la personne la plus altruiste de Bowen, elle s'oubliait toujours au profit des autres et il était impensable pour elle d'abandonner Diego maintenant. Même s'il avait été dire avec elle, même s'il lui avait fait de la peine. Elle savait qu'on disait toujours des choses qu'on ne pensait pas quand on était en colère de toute façon, alors ça ne comptait pas vraiment.

Elle n'était pas surprise de sa réaction, c'était on ne peut plus normal. Il avait toutes les raisons du monde qu'elle restait parce qu'elle avait pitié de lui mais ce n'était pas le cas. C'était bien plus que ça. Aider les gens était une seconde nature chez elle, oui. Mais avec Diego, c'était particulier. Elle l'appréciait vraiment beaucoup. Assez pour l'embrasser, assez pour vouloir dormir chez lui... Assez pour avoir envie de lui. Elle soupira doucement lorsqu'il rentra à l'intérieur et le suivit, cherchant à capter son regard pour qu'il se rende compte qu'elle était sincère. « Sauf que j'ai pas envie de trouver un autre mec à sauver parce que les autres mecs, ils seront pas toi. Je m'en fous des autres. » Elle parlait toujours ouvertement de ce qu'elle ressentait, ce n'était pas un sujet tabou pour elle. Et oui, elle voulait qu'il comprenne qu'il comptait pour elle et qu'elle était là pour lui, et pas parce qu'elle avait pitié. D'ailleurs, de quoi pourrait-elle avoir pitié ? Il était beaucoup plus fort qu'elle. Au contraire, elle admirait son tempérament plutôt qu'autre chose. Elle aurait préféré être comme lui, cela lui aurait évité bien des désillusions. « Si tu veux vraiment que je parte, je vais partir. Mais je n'en ai pas envie. » Voilà qui était clair, net et précis. Elle ne voulait pas partir. Elle avait fuir la situation parce qu'elle était mal à l'aise et qu'elle s'était trouvée idiote mais au fond d'elle, elle voulait rester avec Diego parce qu'il n'y avait que près de lui qu'elle se sentait assez bien pour ne plus penser à tout ce qui la hantait.

Effectivement, c'était un problème. Ils semblaient tous les deux bien attachés l'un à l'autre alors qu'ils ne se connaissaient pas du tout. Maybelle savait que ce n'était pas normal. Elle avait pour habitude de s'attacher très très vite à de parfaits inconnus, oui. Mais pas de cette façon là. D'habitude, ce n'était qu'une profonde amitié, un sentiment de bienveillance qui naissait en elle et qui la poussait à prendre soin des autres. Mais là... Là c'était différent. Elle n'embrassait pas n'importe qui. Et elle ne dormait pas avec n'importe qui non plus. Elle ignorait ce qu'elle ressentait exactement pour Diego mais c'était incompréhensible et très, très déstabilisant. Elle fit semblant de pas percevoir le mépris avec lequel il évoqua son "copain" et ne répondit rien. Que pouvait-elle répondre de toute façon ? Oui, il était condamné à l'avoir près de lui sans rien faire d'autre que la regarder parce qu'elle n'était absolument pas prête à aller plus loin. Il lui ramena finalement des vêtements secs et elle lui demanda timidement de lui indiquer la salle de bains pour ne pas avoir à se changer devant lui une fois de plus. La situation était bien assez tendue comme cela, pas la peine d'en rajouter. Une fois dans la salle de bains, elle se changea en vitesse et sécha ses cheveux avant de les attacher à la va-vite. Elle se regarda dans le miroir une seconde, se demandant ce que Diego pouvait bien lui trouver. Elle n'était franchement pas jolie et encore moins intéressante, alors... Elle attendit quelques secondes avant de sortir de là puis elle regagna finaleement la cuisine, où Diego se cachait depuis l'épisode du balcon. « Je dois te faire nettement moins envie dans cette tenue, non ? » fit-elle en désignant le jogging et le t-shirt trop larges qu'elle portait à présent. Elle cherchait à plaisanter pour détendre l'atmosphère - et pour voir sourire Diego. Le voir joyeux lui manquait un peu. Elle adorait son sourire. Ce n'était pas le plus grand sourire au monde mais il illuminait nettement son visage. Elle le regarda avec attention pendant quelques secondes puis elle s'approcha davantage de lui. Elle n'en pouvait plus de la distance qui les séparait. Elle n'avait peut-être pas envie qu'ils franchissent les limites, mais elle ne pouvait pas non plus rester loin de lui. C'était assez bizarre, mais c'était comme si elle avait besoin d'un contact physique pour se sentir bien. Elle n'avait jamais ressenti cela auparavant. Elle avança sa main vers celle de Diego d'un geste très lent puis elle la serra doucement dans la sienne, espérant qu'il ne la repousserait pas. « Je sais que tu vas dire que je suis chiante mais tu devrais aller te sécher et te changer, toi aussi. T'es trempé, tu vas tomber malade. » Chassez le naturel, il revient au galop. Maybelle ne pouvait pas s'empêcher de jouer les mères poules, de materner tout le monde. Elle savait que cette facette de sa personnalité agaçait plus qu'elle plaisait mais elle n'y pouvait rien, c'était plus fort qu'elle ; il fallait qu'elle protège les gens auxquels elle tenait.