your fears are hidden well beneath your wind -r.

Parfois, nous avons l’impression que tout nous échappe. Plus nous essayons de tout maîtriser, plus nous voyons que tout s’effondre. L’avenir est incertain, alors il faut faire de chaque journée son dernier jour, sans se soucier du reste, car plus nous nous interrogeons sur les futures possibilités de sa vie, plus tout s’entremêle et tout se brise. Ne plus rêver, ne plus se projeter, ou risquer de tout perdre. Profiter de chaque minute avant d’être brisée par les soucis de la vie. Parce que le jour où on se permet de croire à son bonheur, Elle vient vous rappeler qu’il ne vous est pas autorisé. Et pourtant, vous vous battez. Vous essayez d’avancer chaque jour pour ne pas reculer. Mais Elle vous met une claque pour vous faire tomber. N’espérez jamais que demain sera meilleur qu’hier, car c’est à ce moment-là que le pire va vous détruire et vous enlacer jusqu’à votre dernier souffle. Vous perdrez toujours face à Elle. Ambre avait déjà perdu. Et au fond d’elle, elle le savait. Mais elle était têtue, alors chaque jour, elle continuait à affronter la Vie en pleine face, pour tenter d’être vainqueur au moins une fois face à Elle. Mais c’était perdu d’avance. La question était de savoir jusqu’à quel point allait-elle se détruire pour s’en rendre compte et pour enfin abandonner ? La mort allait-elle arriver à force de se battre ou par abandon ? Mais sachant que la mort allait arriver de toute manière, pourquoi se fatiguer, pourquoi continuer à se faire du mal avec de faux espoirs et des rêves illusoires ? Sourire, avancer, croire en soi, croire en la bonté des autres, croire en son avenir, trop de choses qui pompaient l’énergie de la jeune fille au quotidien. Elle se couchait épuisée, tout en fuyant le sommeil pour ne plus faire ses sombres cauchemars, alors tous les jours, elle s’épuisait un peu plus, luttant en vain contre la fatigue, la déprime, contre la Vie en fait.

Le cœur détruit par le trop d’amour qu’elle avait osé ressentir envers les autres, envers la vie, envers les gens qu’elle croyait fidèles, la jeune femme ne pourrait à nouveau faire confiance. De toute manière, tous les amis partent un jour, c’est bien connu. Ambre se remémora tous les reproches qu’on avait pu lui faire pour excuser les nombreux départs : elle faisait tout le temps la gueule, elle ne profitait pas assez de la vie, elle mettait la mauvaise ambiance même quand elle n’était pas là, elle mentait, elle psycho dramatisait et se victimisait, elle ne cherchait que de l’attention de toute manière… Mais aucune de ses connaissances n’avait cru à ne serait-ce qu’un dixième de la réelle noirceur de son cœur. Elle était trop jeune, trop jolie, trop innocente. Qui aurait pu croire que derrière ce joli visage de poupée se cachait un cœur de démon, noir comme le néant ? En la voyant sourire comme elle essayait de le faire si souvent, on ne pouvait pas se douter de ce qu’elle cachait au plus profond d’elle-même. En même temps, la blonde faisait un travail de maître lorsqu’il s’agissait d’enfouir ses sentiments, ses brûlures, ses pensées sombres, ses pires tourments. Lennox pardonna à Ambre, et cela lui fit plaisir. Il avait raison lorsqu’il disait que les mots dépassent les pensées, et la jeune femme n’avait pas envie de détruire ce lien unique qu’ils venaient de créer tous les deux à l’ombre d’un bus.  Rencontre due au hasard, et qui sera peut-être un tournant pour chacune de leur vie. La blonde ne s’arrêtait pas de pleurer, encore et encore, des larmes salées, des larmes amères, faisant jaillir de son coeur ses prisons intérieures.

Lennox tenta de la rassurer en lui disant qu’elle n’était responsable de rien, à part d’être sensible face au monde qui l’entoure, et principalement à la colère et à la tristesse. Le brun lui dit aussi qu’il avait l’impression que leur bonheur était inatteignable. Que dire de plus de toute manière ? Ils savaient l’un comme l’autre que rien n’apaiserait leur cœur brulant de souffrances, de haines, de larmes, de souvenirs sombres mêlés à de noirs désirs. Les sillons creusés sur leurs joues parlaient pour eux. Cela faisait des années qu’ils cherchaient à aller mieux. Et aucun des deux n’avaient de remèdes miracles. Que ce soit Lennox qui avait abandonné, ou Ambre qui continuait chaque jour à sourire en faisant croire que tout allait bien, en vain. Les deux se retrouvaient aussi au même endroit, dans la même situation, avec les mêmes peurs, les mêmes cauchemars, le même vide dans les pupilles, le cœur trop lourd de peines. Rien ne semblait raviver la flamme, le désir, l’espoir. C’était peine perdue. Surtout dans un monde où ils étaient si seuls face à tant de gens qui se complaisent dans leur propre bonheur. Est-ce que ce rapprochement allait leur être bénéfique ou les enfoncer encore plus dans les méandres de la noirceur ? Dieu seul le sait.

« J’aimerais trouver les mots magiques pour nous relever tous les deux mais… je ne les connais pas encore. » Dit Lennox, en baissant les yeux. La jeune femme aurait juré qu’il ressentait un peu de déception dans ces quelques mots, de l’impuissance… Ambre continuait à regarder le paysage. Le vent s’était calmé, alors elle retira les quelques mèches qui lui collaient aux joues à cause de larmes. D’un geste discret mais que Lennox remarquerait forcément de toute manière, elle essuya ses joues humides, et respira un grand coup. Elle s’en voulait de s’être confiée comme ça, à cet homme qui devait sûrement déjà assez avoir à porter avec ses propres souffrances. La blonde regardait le paysage, les yeux encore rouges et brillants. C’était beau quand même, tout ça… Et ces rochers là-bas aussi d’ailleurs… Au moins elle ne pourrait pas se louper… Ambre secoua la tête pour chasser ses sombres pensées, pour ne pas que Lennox puisse lire en elle comme il semblait si bien le faire. Sans oser lever les yeux vers lui, elle lui répondit : « Je ne pense pas qu’il y ait des mots magiques pour nous relever tous les deux tu sais. Je pense aussi que nous sommes condamnés à vivre enfermés dans nos tourments. Alors après tout, pourquoi continuer à se battre puisque nous avons perdu ? » La jeune femme pris une pause de quelques secondes pour essayer de trouver comment dire ce qu’elle ressentait, comment exprimer sa profonde souffrance, mais aussi, l’ardeur qui l’animait à ne pas vouloir laisser tomber, ou plutôt, à ne pas voir cet homme qu’elle connaissait si peu mais à qui s’était déjà attachée couler. « Mais pourtant, j’aimerais pouvoir y croire encore, pour moi, et aussi pour toi, j’aimerais que tu saches qui tu es, et pourquoi tu es là, j’aimerais pouvoir donner ce bonheur qu’ils n’ont pas aux gens. Ils le méritent, tu le mérites. Mais j’ne sais pas comment faire, vu que je ne sais même pas m’occuper de moi… J’me sens si nulle bordel ! » s’écria presque la jeune femme.

Quelques personnes s'étaient retournées après ce ton un peu fort, mais fort heureusement, ils étaient en général plus occupés à grogner contre le bus tardait à arriver. Au plus grand soulagement de la jeune femme car  elle ne se sentait pas de remonter s’assoir dans un endroit confiné. Quelle idée de monter dans un bus plein pour quitter Bowen quand on est claustrophobe. Rien qu’à l’idée d’être au milieu de tous ces gens, sans aucune intimité, alors qu’elle avait le cœur si lourd et prêt à exploser, Ambre se sentait mal. Elle aurait presque pu rester ici pour respirer et pour reprendre ses esprits. Et attendre un autre bus, vide celui-ci. Mais bon, toute seule, personne ne savait ce qu’elle aurait pu faire, alors elle remerciait intérieurement Lennox de lui avoir permis de s’épancher un peu, au lieu de s’acharner sur son avant-bras qui ne lui avait rien demandé. Elle pouvait rester là encore des heures, à admirer le paysage, et à se sentir moins seule, assise, toujours à une distance raisonnable, de quelqu’un qui la comprenait. La jeune femme cueillit une fleur qui avait eu le malheur de pousser un peu trop près de la route. Elle était jolie et elle sentait bon. Petite lueur dans le fond de ses ténèbres. Lueur illusoire, mais lueur quand même...